samedi 30 septembre 2023

La beauté est dans l'oeil qui regarde le sol

Il a plu, et les trottoirs luisent. Pourquoi ? 

Un microscope ou une loupe binoculaire s'imposent pour explorer cette question. Quand on regarde du bitume sec, on voit que la surface est très irrégulière, granuleuse, de sorte que la lumière qui arrive d'une direction, telle celle d'une lampe, est réfléchie dans toutes les directions par les diverses facettes du solide. Nous désignons cet effet par la « matteté ». 

En revanche, quand il pleut, l'eau vient combler les trous et former une couche dont la surface supérieure est très lisse, de sorte que seule la lumière venant dans la direction de la lampe est réfléchie, comme dans un miroir, toujours selon cette direction. Si nous regardons de côté, nous ne voyons rien, mais si nous regardons le sol dans la direction d'une lumière, nous voyons le reflet dans la direction de cette dernière. C'est cela, « luire », briller. 

 

En cuisine ? Les praticiens ont bien compris qu'une surface luisante est plus engageante qu'une surface matte, et c'est pour cette raison que nombre de pièces de banquets sont « glacées ». Pensons aussi aux œufs en gelée, pensons au nappage des gâteaux, où l'on dépose une couche qui gélifie (presque de l'eau, donc) sur la surface rugueuse produite par cuisson de la farine. Pensons à la dorure des croissants... 

Inversement, c'est l'évaporation de l'eau de surface des aliments cuits qui fait perdre l'aspect brillant, engageant, des mets, après quelques instants. Mon ami Pierre Gagnaire dit que ses plats ont une durée de vie de trois minutes, mais pourquoi ne pourrions-nous pas allonger cette durée (au moins pour l'aspect visuel) en brumisant un liquide, lequel pourrait être une « sauce » ?

Modèles, explications : les outils pour progresser

 
Dans des cours de Master, je fais valoir que les procédés et leurs effets peuvent s'apprécier de façon macroscopique. Plus exactement, si l'on veut comprendre les possibilités d'amélioration, donc de changement du procédé, et si l'on ne veut pas errer empiriquement dans l'infinité des possibilités, il y a lieu de "comprendre" ce qui se passe dans on effectue les opérations stipulées par le protocole, ou, plus généralement, mises en oeuvre.

Or la première "explication" des transformations macroscopique doit être microscopique.  
Par exemple, quand on coupe une carotte, la racine initiale est divisé en tronçon, par exemple, et cette division est un effet physique. Pour "comprendre" cette division, il y a lieu d'observer que la lame de certais couteaux est en forme de toit de maison renversé, et, pour d'autres, en forme ce V : dans le premier cas, il y a une compression, mais, dans le second, la coupe est plus franche. Et, finalement, dans les deux cas, le tissu végétal est séparé, la lame passant à travers une épaisseur plus ou moins grande de tissu, i.e. à travers un nombre de couches de cellules plus ou moins grand. Et cela s'accompagne d'une quantité plus ou moins grande de contenu cellulaire libéré : le tissu végétal est plus ou moins humide, et il brunit plus ou moins.

Cela étant, cette première explication mérite une explication... moléculaire : comment la lame du couteau divise-t-elle les cellules, et pourquoi la surface brunit-elle ? Là, la physique doit se fonder sur la chimie, sur la considération des molécules qui constituent les parois végétales, les membranes, les cellules.
Par exemple, le brunissement résulte du fait que des composés phénoliques sont libérés au côté d'enzymes catécholases, qui forment des composés mélanoidiques bruns. Bref, il faut de la chimie, pour comprendre les transformations du monde !

vendredi 29 septembre 2023

Les calculs de pH ? Aussi périmés que l'extraction de racines carrées à la main

Les calculs de pH aujourd'hui sont l'équivalent des extractions de racines carrées à la main, quand sont apparues les calculatrices.

 Quand j'étais collégien, en classe de sixième, nous n'avions pas de calculatrice électronique, et nous devions faire des calculs à la main. A ce stade de nos études, nous n'avions pas encore de règle à calcul, ni de table de logarithme. On nous enseignait donc laborieusement à calculer des racines carrées par un algorithme, pas très difficile d'ailleurs, qui rebutait la majorité des élèves, la séparation entre les littéraires et les scientifiques n'étant pas encore faite, à ce stade de nos études. Nous y avons passé des heures, parce que certains avaient le plus grand mal, et, une fois la découverte de l'algorithme faite, il n'y avait rien de grisant à effectuer mécaniquement ces calculs. 

Les calculettes sont arrivées, et, les quatre opérations se sont bientôt accompagnées de l'extraction des racines carrées ; Il est alors apparu inutile de continuer à occuper des dizaines d'heures avec quelque chose d'aussi inutile que le fameux algorithmes, qui est donc tombé aux oubliettes, sauf à titre de curiosité, pour ceux qui aiment les mathématiques (et nous sommes bien peu !). 

 

Le calcul du pH pour des solutions ? L’expérience me montre quasi quotidiennement que les étudiants, cette fois au niveau universitaire, ont la même difficulté que les collégiens avec les raines carrées. Ces calculs sont d'ailleurs ennuyeux, car ils veulent faire calculer ceux qui préféreraient s'intéresser à la chimie (on a compris que j'utilise ici la distinction, faite par moi ailleurs, entre chimie et chimie physique). Leurs faiblesses en calcul les mettent en difficulté, alors même qu'elles détournent l'intérêt de l'objet considéré. 

L'objet considéré, c'est le pH de solutions. Quand on met un acide dans l'eau, que ce soit un acide dit faible comme l'acide acétique ou un acide fort comme l'acide chlorhydrique, ce qui compte, c'est d'abord de penser que cet acide est faible ou fort. S'il est fort, il se dissocie immédiatement quand on le met dans l'eau, libérant des protons qui vont s'hydrater. Si l'acide est faible, alors il y a un équilibre entre la forme dissociée et la forme non dissociée. 

Cet équilibre est caractérisé par une constante de dissociation, mais cette caractérisation doit évidemment venir bien après la connaissance du mécanisme lui-même. 

Aujourd'hui, les étudiants sont face à une double difficulté : (1) analyser le phénomène du point de vue physico-chimique, puis (2) poser les équations du phénomène et (3) les résoudre. Les points 2 et 3 posent tant de problèmes aux étudiants... qu'ils en oublie l'analyse du mécanisme chimique. 

Pourtant, l'analyse chimique des problèmes conduit très simplement aux équations... qu'un logiciel de calcul résoudra aujourd'hui aussi simplement qu'une simple calculette calculait une racine carrée. Faut-il donc passer des heures, voire des journées, à enseigner la résolution des équations établies pour déterminer l'usage d'une solution ? Plus j'y pense, moins j'en suis convaincu. De même que nous nous n'allons pas à cheval poster notre propre courrier, de même que nous n'utilisons plus des plumes d'oiseaux et de l'encre pour tracer des mots sur des peaux raclées, de même, je crois que les enseignants ne doivent pas céder au fétichisme ou à la nostalgie et qu'ils doivent proposer aux étudiants de focaliser leur intelligence sur la partie la plus intéressante de la chimie, à savoir la chimie, et non le calcul. Il semble plus intéressant d'enseigner le maniement des outils modernes de calcul, et d'éviter les contorsions calculatoires que l'on devait faire jadis, quand on calculait à la main. Et puis, reconnaissons quand même que, pour les calculs de pH par exemple, la détermination d'ordres de grandeur s'impose. Que signifie la constante de dissociation ? Voilà la seule vraie question, et donc la seule qui doive être évaluée. En tout cas, notre système est dans l'erreur s'il conduit aux étudiants à ne même plus savoir qu'un acide faible est un acide faible ! D’ailleurs, pour être honnête, les étudiants que je rencontre ont appris à faire des calculs, ils ont passé les examens... et ils ont oublié ce qu'ils avaient appris. A quoi bon, alors ? 

J'ajoute que, si le cas des calculs de pH est particulièrement intéressant, en ce qu'il relève d'un mécanismes j'ai identifié dans l'enseignement, il n'est pas exceptionnel. Ainsi, je m'amuse à demander aux impétrants s'ils connaissent la réaction de Diels-Alder, une des quelques réactions essentielles de la chimie organique. Je pourrais tout aussi bien poser la question pour les réactions de Grignard, de Cannizzaro : il y a ainsi quatre ou cinq réactions essentielles qu'il serait bon de connaître, et, surtout, de ne pas oublier ! 

Des collègues me répliquent que les étudiants qui ont oublié ces réactions en connaissent l'existence, qu'ils sauront les retrouver. Pourquoi pas, mais ce n'est pas ce que montre l'expérience. Oui, quelqu'un qui dispose d'internet peut taper « diels alder »... mais à condition qu'il connaisse l'orthographe du mot, et l'expérience, malheureusement, me montre que l'on ne trouve pas cette réaction si l'on écrit « dilssaldère ». 

A la réflexion, c'est surtout l'accumulation des strates qui noie nos amis les plus faibles en calcul (si l'on peut utiliser une métaphore aussi osée). N'y aurait il donc pas lieu d'identifier les éléments prépondérants des programmes scolaires ou universitaires, afin de nous assurer que ceux-là sont maîtrisés ? 

 

Les questions que je pose ne sont pas simples, mais naïves. D'ailleurs, elles s'assortissent de graves considérations politiques : la première étant de savoir ce que nos jeunes amis feront ultérieurement de ces notions ? Un peu d''analyse de la question indique aussi que la difficulté est l’hétérogénéité des amphithéâtres, des promotions. Bien sûr la culture n'est jamais inutile, mais le temps passé à apprendre certaines notions se fera toujours détriment d'autres. Je ne milite évidemment pas pour une spécialisation à outrance, mais je m'interroge sur les savoirs et les compétences que nous pouvons proposer à des groupes étudiants. 

Si ces étudiants ont des parcours différents, les uns devenant ingénieurs, les autres scientifiques et d'autres enfin banquiers, en vertu de quoi serait-il bon de leur donner le même enseignement à tous ? Les moyens modernes ne permettent-ils pas -vraiment- de construire des parcours un peu plus à la carte ? 

Poursuivons l'analyse : dans le schéma éducatif jusqu'ici considéré, on imaginait que le corps enseignant décide pour les étudiants des notions qu'ils devaient apprendre, retenir, maîtriser... Mais si l'on se décidait à accompagner les étudiants dans un parcours qu'ils se seraient choisi eux-mêmes ? Un étudiant qui apprend par lui-même, des matières qu'il a lui-même choisies, devient responsable de son savoir et de ses compétences, de sorte que nous éviterions cette espèce de lutte des classes idiotes, qui se poursuit depuis des siècles, entre les bons étudiants et les salauds d'enseignants, ou entre les bons enseignants et les paresseux étudiants. Quand on va dans le mur, il semble important de s'en apercevoir à temps : perservare diabolicum !

jeudi 28 septembre 2023

La quiche

Par une sorte de réflexe idiot, j'ai failli écrire « la quiche lorraine », mais je serais tombé dans la périssologie, une faute, donc, car la quiche est lorraine ! 

Dans ce billet, je propose d'examiner la raison pour laquelle il est bien peu utile d'avoir des recettes pour cuisinier, quand on a ce qu'il faut entre les deux oreilles. 

Analysons : une quiche, c'est de la pâte qui enferme une « migaine » coagulée. A ce stade, je ne peux m'empêcher de sourire, car, alors que je veux simplifier pour mes amis, j'utilise des mots comme « migaine », qui sont du patois lorrain. Rassurons-nous, il s'agit seulement d'un mélange d'oeufs, de crème, de lait, avec quelques lardons dedans. Nous y reviendrons. 

Je repars donc du début : une quiche, c'est une pâte avec une préparation coagulée par dessus (on dit « un appareil », en cuisine). Il faudra donc considérer deux parties : la pâte, d'une part, et la migaine d'autre part. 

Pour la pâte, nous savons tous qu'il y en a de sablées, brisées, feuilletées. Souvent, quand nous achetons une quiche, la pâte est feuilletée, parce que cela est le signe d'un travail plus élaboré, plus professionnel. Va pour la pâte feuilletée. 

La pâte feuilletée ? C'est tout simple. On commence par faire un pâte en mélangeant la farine et de l'eau. Combien ? Ne vous en faites pas : partez de farine, et ajoutez de l'eau en mélangeant, cuillerée par cuillerée. Vous obtiendrez une pâte qui ne colle plus aux doigts. 

Ce que l'on ne sait guère, c'est qu'il vaut mieux mettre cette pâte au frais sans quoi elle se rétracte. C'est ce que nous ferons, en mettant la pâte dans une une feuille de plastique transparent, afin qu'elle ne sèche pas, ne croûte pas. Puis nous la sortirons après environ une heure, et nous l'étalerons en une galette un peu épaisse. Dessus nous déposerons du beurre malaxé pour qu'il soit mou : une masse comprise entre la moitié de la masse de pâte et la masse de pâte complète. Nous posons une sorte de disque de beurre sur le disque de pâte, et nous replions la pâte par-dessus le beurre pour l'envelopper comme une lettre dans une enveloppe. Puis, l'aide d'un rouleau à pâtisserie, nous étendons l'ensemble de sorte qu'il soit environ trois fois plus long que large, et nous le replions en trois. Nous le tournons d'un quart de tour, et nous recommençons l'opération d'allongement et de repliement. Puis nous remettons la pâte dans le film, et nous remettons au frais, sans quoi, surtout en été, le beurre risque de fondre exagérément et de fuir tous les côtés. Après une demi-heure à une heure de repos de la pâte au frais, nous reprenons l'ensemble, nous l'étendons trois fois plus long que large, nous plions en trois, nous tournons d'un quart de tour, nous étendons trois fois plus long que large, nous replions... et nous filmons, nous remettons au frais. Là, nous avons fait quatre tours. Il ne reste que deux tours à faire, juste avant la cuisson. Je n'explique donc pas comment on fera ces deux derniers tours, puisque j'ai déjà expliqué cela deux fois, mais je me limite à préciser que, finalement, nous étendrons la pâte à la taille du moule, un peu épaisse si nous voulons la voir gonfler considérablement, et très mince si nous voulons éviter le gonflement, ce qui est le cas pour une quiche. 

Pourquoi le gonflement aurait-il lieu ? Parce que la pâte contient de l'eau, et que l'eau qui s'évapore prend plus de volume que l'eau liquide ; comme la vapeur est entre des feuillets de beurre, les feuillets de pâte se séparent avant de sécher. D’ailleurs, pour éviter un gonflement excessif, on a coutume de piquer la pâte avec une fourchette, ce qui soude les couches, mais conserve une consistance feuilletée. 

La cuisson ? Un four à 180° pendant 30 à 50 minutes fait l'affaire. Faites donc des essais : vous identifierez les paramètres qui vous conviennent, et votre entourage sera ravi de participer à des expérimentations qui se concluent toujours par la dégustation. 

 

Reste l'appareil, la migaine, la préparation qui coagule. 

Nous avons vu qu'il s'agit de lait et de crème, c'est-à-dire d'eau et de matière grasse, mélange auquel on ajoute de l'oeuf, c'est-à-dire de l'eau et des protéines. À la cuisson, les protéines coaguleront, fixant l'ensemble dans une sorte de grand filet, de sorte que l'eau restera dans le réseau, tout comme les morceaux de lard qui, eux, contrairement aux molécules d'eau, sont bien visibles à l'oeil nu. Le lard ? C'est de la poitrine fumée, que vous aurez ou non fait rissoler par avance ; c'est une question de goût. 

A ce stade, il faut évoquer différentes écoles. Il y a ceux qui mettent la migaine dans la pâte, directement, et ceux qui cuisent d'abord la pâte "à blanc", sans garniture, afin qu'elle soit bien cuite, et qui, dix minutes avant la fin de la cuisson, ajoutent la préparation afin qu'elle reste tendre. 

Les bons cuisiniers lorrains ont l'habitude de dire que la quiche est prête quand elle se met à gonfler. C'est en effet le signe que la coagulation a eu lieu, et que la vapeur qui voudrait s'échapper est bloquée par la migaine juste coagulée. 

Ah, j'ai oublié nombre de détails : muscade, sel, poivre... mais rappelez-vous que je ne suis pas cuisinier. Si j'ai de bons maîtres, je propose surtout ici d'analyser la composante technique de la cuisine. Pour la partie artistique, je vous renvoie aux artistes... Mais attention : aux artistes, et non pas aux techniciens. 

Et, pour terminer, rappelons que la cuisine, c'est d'abord du lien social, avant d'être de l'art ou de la technique. La vraie question est de savoir comment donner du bonheur à nos amis. Faire une quiche, c'est bien, mais nos amis percevront-ils tout le mal que nous nous sommes données pour eux ? Cela peut apparaître si l'on a bien déposé la pâte, si l'on évité que le fond charbonne, si l'on a une surface légèrement brunie, si la quiche paraît gourmande, avec assez de lardons, coupés de la bonne taille, soigneusement désossés... Et puis, il y a tout le reste : le plat où la quiche est placée, la nappe sur laquelle le plat est posé, les couverts soigneusement disposés, le couteau avec sa lame vers le convive, et la fourchette à la française, avec les dents vers la nappe, au lieu de montrer des pointes agressives à nos vis à vis. Il y a la lumière, la couleur, l'environnement sonore, le moelleux des coussins ou la bonne assise des chaise. 

Bref, une quiche, c'est bien plus qu'une quiche, et c'est seulement si l'on a bien dit je t’aime que nos amis le percevront clairement, et qu'ils auront toutes les bonnes raisons de nous aimer en retour. La quiche ? Une occasion de ne pas manquer d'établir de merveilleuses relations entre les individus. J'aurais pu dire cela de n'importe quel plat, et nous aurons donc l'occasion d'y revenir.

mercredi 27 septembre 2023

L'auto-organisation


En 1987, le prix Nobel de chimie à été attribué au chimiste français Jean Marie Lehn et à deux de ses collègues pour leurs travaux sur la chimie supramoléculaire. 

De quoi s'agit-t-il ? Normalement, en chimie, on forme des molécules nouvelles en coupant et en établissant des liaisons dites « covalentes », qui résultent de la mise en commun d'une paire d'électrons, entre deux atomes. Toutefois, dans les années 1980, les chimistes ont étudié la possibilité de former des assemblages de plusieurs molécules à l'aide de liaisons plus faibles que les liaisons covalentes : des ponts disulfures, des liaisons hydrogène … 

Ces assemblages ont été nommé supermolécules, et la chimie qui les forme et les étudie a été nommée chimie supramoléculaire. Il est tout à fait remarquable d'observer que, avant cette chimie supramoléculaire, les bibliothèques étaient pleines de livre sur les « complexes » de diverses sortes. Tout cela a été balayé par la chimie supramoléculaire, qui donné un cadre général à la description de ces divers objets. 

 

Ce qui est le plus merveilleux, c'est que cette chimie permet d'envisager la création d'objets nouveaux, et, notamment, d'objets capables de s'assembler spontanément, de se dissocier et de se réassembler selon les circonstances chimiques. Notamment, Jean-Marie Lehn et ses collègues ont conçu et réalisé des molécules en formes de parts de tartes, avec des bords « collants ». Si l'on met de telles molécules dans une solution, elles diffusent, puis s'assemblent par les bords. Si l'angle au centre de ces molécules n'est pas un sous-multiple de 360°, alors les parts de tarte forment une structure hélicoïdale, identique à la capside de certains virus ! 

Voilà pourquoi la chimie supramoléculaire me semble si importante, et voilà pourquoi l'étude de chimie mérite que l'on réserve un chapitre particulier à cette chimie des forces faibles, qui conduit à l'étude de l'auto-organisation, un chapitre de la chimie qui se développera considérablement au XXIe. Militons pour que Jean-Marie Lehn reçoive un deuxième prix Nobel !

A propos de crème pâtissière

 
On m'interroge  à propos de crème pâtissière... en me donnant une recette qui comporte de la maïzena : c'est manifestement une recette moderne, mais, pour ce qui me concerne, je cherche toujours à avoir une idée fondée des recettes, et je consulte les livres anciens pour trouver la plus ancienne, car selon la règle internationale, c'est celle-là qui doit s'imposer. Et quand une recette s'en écarte, il faut le dire.
Bref, c'est dans le traité de pâtisserie de Pierre Lacam (1878), que j'ai trouvé ma plus ancienne recette de crème pâtissière, ainsi libellée : "500 gr. de farine et 8 œufs dans une casserole, puis les détremper avec 1 litre et 1/2 de lait, sel. La cuire 20 minutes sur le feu. "
Là,  l'ordre est très clair : farine, oeufs, lait. Pas de fioriture.

Puis, avec Joseph Favre, une indication importante est donnée : "Crèmes pâtissière : terme générique embrassant toutes les crèmes liées sur le feu et usitées pour les entremets et les pâtisseries. " Nous devons conclure que Favre n'est pas légitime.

Mais viennent Darenne et Duval, en 1911, qui indiquent : Darenne et Duval, 1911 :
"Crème pâtissière. — 5oo gr. sucre en poudre travaillé dans une terrine avec 12 jaunes d’œufs, ajouter ensuite 100 gr. farine, vanille. un grain de sel, un litre de lait bouillant ; faire donner un bouillon sur le feu en remuant à l’aide d’une spatule pour éviter d’attacher.  Débarrasser pour l’usage et beurrer la surface pour empêcher la formation d’une croûte."
Cette fois, et seulement cette fois, le sucre est présent. D'ailleurs, cette fois aussi vient la précision culinaire de fouetter les jaunes avec les sucres, afin de faire un ruban, une préparation qui blanchit parce qu'elle est "foisonnée" (plein de bulles d'air dispersées dans le liquide où le sucre se dissout), ce qui donnera à la sauce plus de moelleux.

Ainsi, quand mon interlocuteur se demande s'il faut mettre la maïzena ou la farine avant ou après le ruban, je commence par observer que la question est la même, pour la farine et pour la maïzena, car ces deux matières sont principalement faites d'amidon, même si la farine contient aussi des protéines.
Et, n'ayant pas fait d'expérience pour l'établir expérimentalement, j'ajouterais personnellement ces ingrédients après le ruban, car je ne vois pas comment ils l'amélioreraient.
Mais rien ne vaut une expérience... Enfin, une série de plusieurs expériences, car un seul test ne vaut pas grand chose. Il faudra diviser les ingrédients en deux moitiés égales, pesées, et comparer :
- un mélange de jaune et sucre qu'on aura battu (pendant un temps déterminé, avec une machine régulière), avant d'ajouter la farine ou la maïzena
- un mélange de farine/maïzena et jaune, auquel on ajoutera le sucre avant de battre à l'identique.
D'ailleurs, il faut sans doute dédoubler ces expériences, en les faisant d'une part pour la farine, et d'autre part pour la maïzena.
Et, comme je l'ai indiqué plus haut, il faudra répéter ces comparaisons plusieurs fois, avant de pouvoir commencer à tirer des conclusions.

mardi 26 septembre 2023

La merveilleuse histoire du sotolon.

Sotolon, qu'est que cet animal étrange ? 

Ce n'est pas un animal mais un composé, une lactone, c'est-à-dire un composé dont les molécules comprennent des atomes groupés en cycle pentagonal, avec quatre atomes de carbone et un atome d'oxygène ; sur ce cycle, s'attachent des groupes moléculaires variés. 

Le sotolon a une odeur puissante, qui dépend de sa concentration. Selon les cas, on sent (dans le désordre) la noix, la levure, le curry, le vin jaune, le porto, la brioche, le champagne, le fenugrec... 

De fait, il est présent dans tous ces produits, notamment, et il fut découvert il y a quelque années qu'il est également présent dans le vin jaune : ce composé semble produit par l'autolyse des levures, la dégradation de ces dernières qui survient quand elles meurent. 

Pas étonnant, alors, qu'on le trouve dans le pain, la brioche, le champagne, etc., puisque des levures meurent dans tous ces aliments et boissons. 

Cette observation est une clé pour le praticien : plus il mettra en œuvre de levures qui mourront, plus il favorisera la production de ce goût merveilleux qui est celui du sotolon. Une brioche ? Faisons la fermenter, puis, quand la fermentation s'arrête, rabattons la pâte, c'est-à-dire travaillons la afin que les levures restantes se retrouvent au contact de nutriments frais, et que le gonflement se produise une deuxième fois. J'ai dit deuxième et non seconde, parce que l'on aura compris qu'il n'est pas inutile de battre à nouveau afin de favoriser une troisième fermentation, une quatrième, etc. Et c'est ainsi que les pâtes fermentées prendront un goût merveilleux, pas réductible au sotolon, mais où celui-ci jouera une partie essentielle.

Les fibrés

De quoi s'agit-il ? Ce "fibré" est une matérialisation artificielle de la formule des viandes, avec des fibres jointives contenant un gel (le cytosol, pour les cellules vivantes). On peut matérialiser la même formule D1(W)/D3(S) de bien des façons. Par exemple, vous pourriez faire un fagot de haricots verts alignés, chacun fourré d'une purée de foie gras. Ou bien découper des tubes dans un morceau de gruyère et y fourrer de l'oeuf battu, avant de cuire



 

lundi 25 septembre 2023

Plus sur la vulgarisation scientifique

Aucun de mes billets n'a suscité autant de discussions que celui qui concernait la vulgarisation scientifique, une indication qu'il y avait là une préoccupation commune. Il faut donc y revenir. 

Ayant largement propagé l'idée selon laquelle la cuisine est d'abord du lien social, puis de l'art, puis de la technique, et ayant généralisé cet idée à l' enseignement, notamment l'enseignement des sciences, je ne peux évidemment pas proposer une méthode unique pour la vulgarisation, puisqu'il s'agit de littérature, d'art, donc. 

Or l'art, par définition, échappe aux règles. Tout est d'exécution, et il n'y a pas un une méthode meilleure de vulgarisation. Autrement dit, toute analyse qui conclurait avec des recommandations serait fautive par principe. 

Il faut donc le répéter, le répéter encore : l'art de la vulgarisation est un art, en cela qu'il doit vraiment produire de l'émotion. Ou, plus exactement, on peut sans doute faire de la vulgarisation artisanale, pour laquelle des canons techniques devront être respectés, et de la vulgarisation artistique, pour laquelle la technique est importante bien sûr, mais pas primordiale. 

Je m'explique : si Rembrandt n'avait pas évité les coulures de la peinture sur ses toile, il n'aurait jamais fait oeuvre d'art, de sorte que l'artiste devait être un bon technicien. En revanche, éviter les coulures n'était pas son principal objectif, mais seulement une technique à l'appui d'une idée. Idem pour Proust, Mozart, Rabelais... 

Tout cela étant dit, je me laisse maintenant aller à une analyse : je propose de bien repérer les moments de la science quantitative, en vue de chercher des méthodes de vulgarisation (de la technique, donc). 

Je crois avoir bien identifié que les temps essentiels de la recherche scientifique sont :
l'observation du phénomène,
sa caractérisation quantitative,
la réunion des données en équations synthétiques,
la recherche de mécanismes, par induction, à partir de ces équations, qui cadrent les divagations,
la recherche de déductions à partir de la théorie en vue d'identifier un aspect que l'on pourrait tester,
et le test expérimental de cette conclusion ;
puis, on repart à l'infini, en focalisant de plus en plus. 

Si l'on admet la description précédente, donc -et je n'ai entendu de contradicteurs-, alors on voit le grain que la vulgarisation doit moudre tient dans les temps identifiés : observation des phénomènes, caractérisations quantitatives, réunion des données en lois, etc. 

De ce fait, on est conduit à penser que, s'il y a vulgarisation, il y a présentation d'un travail scientifique, de sorte que chaque aspect peut être montré... ce qui conduit à identifier des vulgarisations concernant les divers temps de la science quantitative. Evidemment on peut mêler des explications de plusieurs d'entre eux ! 

Faut-il que le discours vulgarisateur soit divisé en autant de parties qu'il ya de temps dans la science ? La réponse a été donnée plus haut : s'il y a art, chacun fait comme il veut... mais l'ouvrier sera finalement jugé à son ouvrage. 

En tout cas, je ne fais pas preuve d'originalité en maintenant que ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, de sorte que je ne crois pas inutile d'avoir tenu le raisonnement précédent. Certes, un grand artiste, un grand orfèvre n'a pas besoin de conseils élémentaires, mais je connais bien peu de telles personnes, de sorte que je ne saurais trop, au moins pour moi-même, utiliser le précédent raisonnement. 

 

Post scriptum : quand aux analyses a posteriori, par les nombreux exégètes de la science, qui passent leur vie à analyser les productions des autres au lieu de produire eux-mêmes, je me souviens avec hilarité de ce très long article où l'une de ces personnes avait analysé... un de mes articles de vulgarisation. C'était dans une vie antérieure, mais je me souviens très bien comment j'avais fait l'article, levé un matin du pied droit plutôt que du pied gauche, et comment rien de ce qui était décrit ne correspondait à la réalité ! De là à généraliser au autres œuvres : littéraires, musicales...

dimanche 24 septembre 2023

Réactions de glycation : pour certains brunissements

Je suis un peu fautif, car, il y a quelques décennies, j'avais voulu dire au monde combien Louis Camille Maillard était remarquable. 

Louis Camille Maillard était un chimiste de Nancy, comme l'était mon grand-père maternel, et, ayant appris que Maillard avait découvert ce que l'on nomme fautivement aujourd'hui les réactions de Maillard, j'avais été étonné de voir que l'homme était quasi inconnu, dans sa ville comme dans son pays. 

J'ai donc écrit des lignes vibrantes d'indignation, pour dire combien Maillard était, tel un Parmentier ou un Appert, un bienfaiteur de l'humanité. 

Mon militantisme a fait le reste, et le monde de la cuisine ne parle plus que des réactions fautivement de Maillard, au point que certains cuisiniers voudraient presque m'enseigner ce que sont les réactions fautivement dites de Maillard et que l'on devrait nommer réactions de glycation ou réactions amino-carbonyle. 

 

Et c'est la que cela coince, parce que les cuisiniers disent, hélas très souvent, que les réactions de Maillard ne se font qu'à haute température. 

Je viens d'apprendre que cela est même enseigné dans un cursus un peu étrange de Harvard, un bizarre mélange de science et de cuisine dont on ne sait pas très bien s'il s'agit de sciences ou s'il s'agit de cuisine, et dont on ne sait pas très bien non plus si les enseignants de science sont des cuisiniers et les enseignants cuisine sont des scientifiques. 

Bref, il est dit que les réactions de Maillard (traduisons : de glycation) ne se feraient qu'à haute température, et cela est faux, archifaux ! 

Les réactions de glycation se font à température ambiante, comme à haute température. 

 

Bien sûr, pas à la même vitesse dans tous les cas : les réactions de glycation se font plus lentement à basse température qu'à haute température.
En chimie physique, une règle approximative dit que la vitesse d'une réaction double quand on augmente la température de 10 °C. 

Faisons donc un calcul d'ordres de grandeur. Supposons que les réactions de glycation se fassent en 10 minutes à 180 °C. Elles se feraient donc en 20 minutes à 170 °C, en 40 minutes à 160 °C, et ainsi de suite. 

Je vous laisse calculer combien de temps il faudra pour que ces réactions se fassent à la température du corps humain (environ 40 °C)... et vous comprendrez pourquoi les personnes souffrant de diabète ont le cristallin qui s'opacifie. 

Oui, vous avez bien deviné : il s'agit des réactions de glycation, dues à la forte concentration en glucose, en présence de protéines. Il y faut une vie, environ, mais les réactions de glycation sont en causes, comme pour le durcissement des viandes, chez les animaux âgés. 

A ce stade de l'explication, mes interlocuteurs me demandent souvent si les viandes bruniraient à 40 °C. La réponse est non, car les réactions de glycation ne sont que des condensations entre sucres et acides aminés. C'est ensuite, qu'il peut avoir d'autres réactions, réarrangements, dégradations de Strecker, pyrolyses... qui font le brunissement. 

Il y a deux questions séparées, et l'on aurait bien raison de séparer. Oui Maillard fit un travail remarquable, et ce chimiste de Nancy ne méritant pas d’avoir été oublie. Pour autant, il n'est pas nécessaire de prétendre qu'il soit partout en cuisine ! Je suis bien confus, donc, et vous invite plutôt à retenir ce mot : « pyrolyse ».

Remplacer la viande par les protéines végétales ?

 
Remplacer la viande par les protéines végétales ? La chose paraît simple, puisqu'il s'agirait d'extraire des protéines de végétaux, et de les ajouter à des plats classiques ou de les utiliser en remplacement des viandes : on mêlerait les protéines végétales à de l'eau, et l'on cuirait comme l'on cuit une omelette. 

Toutefois il y a des roues dans les roues, comme disait le prophète Ezéchiel, et il faut savoir qu'une bonne partie de la France est en sub-carence en fer.
Or le fer des végétaux est mal assimilé, contrairement au fer des viandes. Lors d'un remplacement, il y a fort à parier que la sub-carence deviendrait une carence, s'accompagnant de nombreux troubles sanitaires, à l'échelle de la population. 

Pour remplacer la viande par les protéines végétales, il faudra donc tenir compte de cette question de l'assimilation du fer, et rien ne vaudra une bonne analyse de la différence entre le fer des végétaux, et le fer des animaux. 

Une telle analyse est déjà bien entamée, et il apparaît que le fer des viandes est bien assimilé, parce qu'il est présent au sein d'un groupe chimique nommé « hème », mot que l'on retrouve dans « hémoglobine ». 

Une solution consisterait donc, par exemple, à ajouter du fer dans un tel groupe, mais il y a d'autres solutions peut être plus simples, telle l'administration de fer en présence de vitamine C, puis qu'il a été montré que l'assimilation se fait alors bien mieux. Et il y a aussi toutes les solutions que mes jeunes collègues trouveront : un merveilleux chantier...

samedi 23 septembre 2023

L'oeuf à la coque pour les débutants



Dans la série des préparations que l'on peut vouloir apprendre pour commencer à cuisiner, il y a l'oeuf à la coque.

On commencera par sourir un peu en observant qu'il y a des guerres à leur propos, avec notamment les gros bout-istes et les petits bout-istes, respectivement ceux qui mangent leur œuf à la coque en mettant le gros bout dans la partie supérieure du coquetier, ou d'autres en mettant le petit bout.

Mais au-delà de cette bout... ade, il y a aussi la question de la cuisson, et si certains aiment les oeufs à la coque cuits pendant 3 minutes exactement, d'autres préférent des œufs moins cuits, ou plus cuits, et il faut d'abord observer que leur goût  est parfaitement légitime, respectable.

Ne supportons jamais en matière culinaire que d'autres nous imposent leur goût : 3 minutes de cuisson pour l'oeuf à la coque, ou bien 10 minutes pour l'œuf dur, ou bien encore les pâtes al dente, et cetera. C'est notre goût qui doit décider, et lui-même et d'ailleurs ce goût peut changer selon les jours, selon le temps, etc.

En conservant à l'idée qu'il y a quand même des faits, que le canon absolu de l'oeuf mollet est une cuisson de 5 minutes 15, sans quoi ce n'est plus un œuf mollet mais un autre œuf qui ne mérite pas le nom d'œuf mollet. De même, les oeufs parfaits sont ceux qui sont cuits exactement à 65 degrés. Je ne dis pas que des œufs cuit à 64 degrés ou à 66 degrés ne soit pas bons (et d'ailleurs je préfère sans doute les oeufs à 66,6 °C), mais je dis surtout que la définition de l'oeuf parfait est 65 °C. On a le droit de cuire des œufs à une autre température, mais ils ne sont pas des oeufs parfaits.

Revenons à notre œuf à la coque : on comprend que si on part avec l'œuf dans l'eau froide et que l'on chauffe, alors on contrôlera moins bien la température que si l'on a préchauffé l'eau d'abord, qu'elle bout et que c'est seulement à ce moment-là que l'on y met les œufs. Car dans l'eau qui bout, la température sera exactement de 100 degrés et si l'on cuit pendant 3 minutes, ce sera exactement 3 minutes de cuisson à 100 degrés, alors que si on met l'eau froide, on aura commencé la cuisson avant d'atteindre l'ébullition et, comme les systèmes de chauffage ont des puissances très différentes, il sera très difficile d'arriver à déterminer le point exact de cuisson que l'on souhaite.

Supposons que l'on soit comme moi et que l'on aime les oeufs cuits pendant 3 minutes de cuisson à l'eau bouillante, alors la recette consiste à prendre une casserole, à y mettre de l'eau suffisamment pour que les oeufs soient couverts, puis, à chauffer avec un couvercle pour économiser de l'énergie et quand l'eau bout, on y plonge l'oeuf et donc exactement 3 minutes.
On prépare un coquetier afin que tout soit prêt pour la consommation ;  on a juste le temps de tailler les mouillettes et de les beurrer, et quand les 3 minutes sont écoulées, on mange l'oeuf, sans attendre.

Comment éviter l'huile dans les frites ?

 Les frites sont un mets merveilleux, bien sûr, mais elles sont déconseillées quand on fait un régime, parce qu'il est souvent bien difficile d'éviter l'huile qui les accompagne. 

Or dans un régime, la matière grasse est vraiment à éviter : c'est le composé le plus énergétique de notre alimentation, et, pis encore, plus on en mange, mieux on la stocke dans nos tissus adipeux. 

 

Combien y a-t-il d'huile dans les frites ? 

 

Essayons de le savoir par une expérience. 

Taillons un bâtonnet de pomme de terre et plaçons-le dans de l'huile très chaude, par exemple à la température de 180 degrés Celsius. Immédiatement, nous voyons des bulles sortir du bâtonnet, avec un bruit de crépitement qui correspond à l'éclatement des bulles. 

Si nous plaçons un verre froid dans la fumée blanche qui s'élève au-dessus de l'huile, nous voyons la fumée se condenser, former une buée sur le verre, un liquide, et nous pouvons, en goûtant, nous assurer que c'est bien de l'eau. Autrement dit, la chaleur évapore l'eau des pommes de terre, et parce que un gramme d'eau fait environ un litre de vapeur, le volume considérable de la vapeur formée éjecte les bulles en dehors du bâtonnet de pomme de terre, ce qui repousse l'huile. 

Autrement dit, pendant la cuisson, l'huile n'entre pas dans les frites. On peut corroborer cette observation avec l'enregistrement de la pression dans une frite : on voit la pression augmenter lentement, et, quand on sort la frite du bain, la pression cesse d'augmenter, avant de diminuer, après une minute environ. 

Diminuer ? Cela signifie donc que la vapeur se recondense, de sorte que la frite absorbe alors certainement l'huile qui adhère à la pomme de terre, en surface. 

D'où l'expérience qui consiste à prendre un des bâtonnets de pomme de terre, à les mettre dans l'huile chaude, puis à cuire comme on cuirait des frites.
Quand elles sont cuites, on les sort de l'huile et on les divise en deux lots.
L'un des lots est laissé en l'état, tandis que l'on éponge soigneusement les frites de l'autre lot, afin d'éliminer l'huile en surface.
A la suite de quoi on pèse... et l'on s'aperçoit que la quantité d'huile en plus ou en moins, est de 25 g pour 100 g de pommes de terre ! 

Vous avez bien lu : un quart de la masse des frites est de l'huile ! Décidément, il est judicieux d'éponger les frites au sortir du bain. Et nous savons maintenant que nous avons une minute pour le faire.

vendredi 22 septembre 2023

A propos de sauce matelote

 

La sauce matelote  se fait avec du fumet de poisson, de la crème et du beurre.

Dans cette sauce, on fait cuire le poisson, ou plus exactement on fait cuire les poissons les uns à la suite des autres, puisque la vraie belle matelote se fait avec plusieurs poissons tels que brochet, cendre, perche, truite, anguille.

Ces différents poissons cuisant pendant des temps différents, un vrai cuisinier spécialiste de matelote les fera cuire séparément, les uns à la suite des autres, et il les réunira ensuite à la sauce qui se sera embellie des jus de cuisson.

La question est donc de préparer un bon fumet de poisson avant de le réduire. Et les meilleures sauces matelote sont ainsi limitées à fumet de poisson, de la crème et  du beurre.

Mais certains utilisent un roux, c'est-à-dire de la farine cuite dans un peu de beurre, afin d'épaissir leur sauce.
Ce n'est plus alors une sauce matelote mais une sauce matelote bâtarde,  et il faut bien signaler que, même si cette dernière est faite avec délicatesse, elle ne vaut pas la véritable sauce matelote, où c'est la réduction de la crème et du fumet qui donne la consistance, au lieu que ce soit de l'amidon empesé de la farine.

Je propose que la réglementation impose de bien distinguer la sauce matelote bâtarde de la sauce matelote.

Je rappelle en effet  que, de tout temps, on a nommé sauces bâtardes ces sauces  qui sont liées à la farine :  il peut ainsi y avoir une sauce béarnaise bâtarde, une sauce civet bâtarde, etc.
Ce n'est pas mauvais, mais c'est différent et cette consistance particulière doit être reconnue par utilisation du mot bâtarde. C'est une question de loyauté.

La cuisson des épinards.

 Passons rapidement sur les questions d'enfants, les « je n'aime pas les épinards », et consacrons-nous plutôt à cette recette d'épinards effleurée par Jean Antelme Brillat-Savarin, à propos d'un certain « chanoine Chevrier ». 

 

Brillat-Savarin, qui était juriste et gastronome, et non scientifique, a recueilli des anecdotes, et il les a propagées quand elles étaient suffisamment gourmandes, sans se préoccuper de la véracité des faits. 

Dans celle qui est relative au chanoine Chevrier, il est dit que ce dernier ne mangeait les épinards que lorsqu'ils avaient été cuits plusieurs jours de suite dans du beurre, et Brillat-Savarin laisse entendre que les épinards se sont gonflés de beurre. 

 

C'est séduisant, mais est-ce juste ? 

 

Les épinards sont des tissus végétaux, faits de cellules solidarisées par une paroi végétale, une sorte de ciment. Les cellules sont comme de petits sacs principalement constitués d'eau. 

Quand on cuit les épinards, le tissu végétal est amolli, parce que les molécules de pectines (le ciment) sont dégradées. On voit un peu d'eau sortir des feuilles, et, évidemment, il n'a pas de variation totale de masse, car rien ne se perd, rien ne se crée. Si l'on cuit les épinards dans du beurre, on voit ce dernier perdre environ un cinquième de sa masse, car le beurre est composé environ de 80 % de matière grasse et de 20 % d'eau (la proportion maximale d'eau est précisément définie par la loi, afin que l'on évite de vendre du beurre alourdi avec de l'eau). 

Cuire les épinards dans du beurre, c'est à la fois fondre le beurre, amollir les feuilles, évaporer de l'eau apportée par le beurre et par les feuilles. 

Finalement, la matière grasse liquide se placera entre les feuilles par capillarité, et le fait que les feuilles soient très minces conduit à une bonne possibilité de migration de la matière grasse : on obtient une sorte de mille feuilles épinard/beurre/épinard/beurre... Toutefois, après une certaine quantité de beurre, on en vient à produire une dispersion des épinards dans du beurre, ce qui n'est guère appétissant : du beurre aux épinards. Certes, la cuisson renouvelée du beurre conduit à améliorer le beurre noisette qui se forme progressivement. Et l'on sait combien le beurre noisette est bon ! Autrement dit, les épinards deviendraient l'excuse pour manger un merveilleux beurre noisette ! 

Ce qui doit m'inciter à vous dire que mon ami Pierre Gagnaire, quand il prépare du beurre noisette, ajoute périodiquement de l'eau (plus justement du jus de citron, d'orange...) afin de ralentir, de commander le brunissement de la matière grasse, qui ne doit jamais charbonner. 

Les procédés de confection du beurre noisette sont très mal connus du point de vue chimique, et il y aurait intérêt public à une exploration scientifique poussée, mais, en attendant, s'il est clair que les épinards recuits dans le beurre prennent un goût différent, il n'est pas moins vrai que cuire sept fois les épinards n'a aucun intérêt, et relève plus du fantasme gourmand que d'un bon principe technique. Cela est une probabilité, et non une certitude, de sorte que j'invite mes amis à cuire les épinards une fois, deux fois, trois fois... et à les comparer. Que se passera-t-il si l'on montre que Brillat-Savarin a simplement fait rêver ? 

D'une part, la connaissance des mécanismes par lesquels la lune brille n'amoindrit pas la poésie du clair de lune. D'autre part, on sera fixé sur les conditions de la cuisson correcte des épinards, ce qui permettra d'en préparer de meilleurs pour nos amis. Enfin, je peux témoigner que, croyant pour l'instant que l’anecdote de Brillat-Savarin est pure invention, mon état d'esprit ne m'empêche ni d'admirer l'oeuvre de Brillat-Savarin ni de rêver à des épinards délicieusement cuits.

jeudi 21 septembre 2023

Il y a andouillette et andouillette

 

Tout le monde ne le sait pas, mais les vraies bonnes andouillettes sont "à la ficelle" et l'on peut reconnaître des andouillettes industrielles au fait qu'il y a un boyau dans lequel sont disposés simplement de petits morceaux de chaudin, de boyau. C'est un travail vite fait et mal fait qui ne donne certainement pas les sensations d'une véritable andouillette artisanale dite à la ficelle.

De quoi s'agit-il  ? Pour les andouillettes à la ficelle, un boyau est tendu et replié sur lui-même, et il est tiré à l'intérieur du boyau extérieur à l'aide d'une ficelle. De la sorte, une andouillette est constituée de couches concentriques qui s'étendent du début à la fin du produit. Cela nécessite de tirer des boyaux à la ficelle.

Pour les andouilles artisanales, le boyau est découpé en petits morceaux et le boyau extérieur est simplement fourré. Je ne dis pas que le goût des andouillette artisanales soit nécessairement inférieur à celui des andouillettes industrielles, mais, à  la consommation, la consistance est vraiment différente.

D'ailleurs il y a lieu de s'étonner que certaines andouillettes puissent être estampillées AAAAA alors qu'elles ne sont pas à la ficelle.

On a enseigné des choses fausses pendant au moins un siècle !

 
Depuis au moins 1901 (j'ai une trace écrite), on enseigne une théorie de la cuisson qui est la suivante : il y aurait une cuisson par « concentration », pour le rôti, par exemple, et une cuisson par « expansion » pour les viandes bouillies, par exemple. Et puis il y aurait une cuisson mixte. 

 

Que penser de tout cela ? 

 

Commençons par examiner la cuisson dite par « concentration ». Les manuels de cuisine, jusqu'à une époque extrêmement récente, comportaient un schéma où l'on voyait des flèches vers l'intérieur, mais que représentaient-elles ? La chaleur ? Si c'était le cas, les schémas de tous les types de cuisson auraient dû tous comporter des flèches vers l'intérieur, pour les rôtis comme pour les bouillons. En réalité, les livres de cuisine disaient que ces flèches représentaient le jus et le goût. Le jus ? Ce n'est pas possible, car la viande est faite de matières solides et de matières liquides, toutes deux incompressibles ; de ce fait, le jus ne peut pas affluer à coeur, car le jus est majoritairement fait d'eau, qui n'est pas compressible. La preuve que l'eau n'est pas compressible ? Elle est dans tous les garages automobiles du monde : on soulèves les voitures sur le pont à l'aide d'un vérin hydraulique ! Et puis, si nous pesons un rôti avant et après cuisson, nous voyons qu'il perd du jus, de sorte que les flèches qui auraient représenté le jus auraient du être vers l'extérieur, et non vers l'intérieur. Le goût ? Si l'on coupe la partie externe de la viande, on voit qu'il n'y a pas de goût cuit à l'intérieur, et que seule la croûte prend du goût lors de la cuissons. Conclusion: puisqu'il n'y a aucune concentration dans cette cuisson fautivement dite « par concentration », il faut abandonner cette dénomination fautive. 

Pour la cuisson anciennement dite par « expansion », il en va de même. Dans ce cas, les flèches qui étaient représentées vers l'extérieur pouvaient effectivement représenter les jus, mais certainement pas la viande, car cette dernière se contracte, comme on s'en aperçoit facilement lorsqu'on fait l'expérience. Autrement dit, il n'y a pas d'expansion dans la cuisson qui était fautivement dite « par expansion ». 

Quant à la cuisson mixte, c'est un affreux salmigondis. 

Je suis heureux de vous dire que cette théorie fausse a été supprimée, mais je suis bien malheureux de dire aussi que quelques professeurs continuent de l'enseigner et quelques professionnels continuent de la réclamer, à l'examen, alors que les indications de l'Education nationale excluent clairement un tel enseignement. Les théories fausses ne meurent pas, mais ceux qui les soutiennent disparaissent. Il suffit d'attendre. Militons quand même !

mercredi 20 septembre 2023

La cuisine pour commencer : les haricots verts


Quelle difficulté pourrait-il y avoir à cuire des haricots verts ? Je continue à discuter les pratiques culinaires pour celles et ceux qui n'en ont aucune idée, qui n'ont jamais cuisiné de leur vie, et je viens de voir une assiette de haricots verts qui m'inspire.

La question donc, c'est de cuire des haricots verts.

La pratique la plus courante consiste à prendre une casserole, à y mettre de l'eau, du sel puis les haricots. On cuit pendant un certain temps et quand les haricots sont considérés comme cuits, on les sort et on les sert.

Cette simple description est en réalité bien insuffisante, car il y a d'abord la question de savoir si l'on doit préparer les haricots. En fin de saison, quand on se casse les extrémités, il y a des fils qui apparaissent et quand on mange les haricots qui n'ont pas été effilées, alors on sent les fils dans les dents et c'est désagréable : il faut donc effiler. D'autre part, une des extrémités des haricots, celle qui est près de la tige, est dure, et elle ne s'amollit pas à la cuisson, de sorte qu'on aura à l'intérêt intérêt à la supprimer : en la pinçant entre le pouce et l'index, on en profite pour tirer un fil éventuel.
On voit donc qu'il y a lieu de préparer les haricots. Mais sur l'autre extrémité, pointue, il y a lieu de s'interroger car si les Français la suppriment, les Canadiens ne l'enlèvent pas.  Que faut-il faire ?

Puis vient la mise des haricots dans la casserole. Faut-il mettre à l'eau froide ou à l'eau bouillante ? La question est important, car les végétaux mis dans l'eau tiède durcissent et parfois durcissent irrémédiablement. On aura donc intérêt à faire bouillir l'eau avant de mettre les haricots.

La quantité de sel  dans l'eau ? Certains cuisiniers ont prétendu qu'on peut en mettre autant qu'on veut et que jamais les haricots ne seraient trop salés.
Toutefois lors d'un séminaire de gastronomie moléculaire, nous avons fait l'expérience, laquelle a montré que les haricots verts étaient bien trop salés quand on avait mis  beaucoup de sel dans l'eau de cuisson.

Un couvercle ou pas sur la casserole  ?
Il a été enseigné que l'ajout d'un couvercle aurait conduit au brunissement des haricots, qui auraient ainsi perdu leur belle couleur verte, mais là encore, des expériences comparatives ont montré que ce n'était pas vrai.
Personnellement je mets donc un couvercle afin de consommer moins d'énergie et je le soulève de temps en temps pour aller sentir et goûter : l'odeur des haricots crus disparaît progressivement pour laisser place à une odeur cuite qui correspond aussi à une différence de consistance.

Un mot aussi sur le choix de l'eau  : certaines eaux très calcaires ne permettent pas aux légumes de cuire rapidement et cela a un inconvénient, qui est que les chlorophylles des haricots se dégradent avec la chaleur et avec le temps.

On aurait donc intérêt à cuire le moins longtemps possible, et c'est pour cette raison qu'une pincée de bicarbonate  peut faire merveille : le calcium qui est précipité par cet ajout n'est plus là pour durcir le tissu végétal en se liant aux molécule de pectine.
Ainsi, avec une cuisson raccourcie, la couleur est mieux préservée, et l'on a une couleur plus printanière.

On évitera aussi les acides, qui font terriblement brunir...  mais il en va des goûts comme des couleurs : on les discute pas et je connais des amis qui aiment les haricots très cuits, d'autres qui les aiment moins cuits, certains qui aiment les haricots très verts, d'autres qui les préfèrent un peu brunis et ainsi de suite. Tous les goûts sont dans la nature et je n'ai pas à juger, mais seulement à donner les informations nécessaires pour la sélection des produits et procédés qui donneront le résultat que l'on vise.

Classique et moderne : marions les

 
Le saucisson brioché, un plat difficile à préparer ? Pas du tout, mais il est vrai qu'il vaut mieux avoir des idées saines sur la fermentation. 

Dans la recette, il y a d'abord la question du saucisson qu'il vaut mieux avoir dégraissé : rien de pire que ces saucissons briochés au gras vulgaire suintant. On aura donc mis le saucisson, quelle que soit son origine (saucisse de Lyon, saucisse de Morteau, saucisse fumée alsacienne, boudin blanc, boudin noir....) dans de l'eau frémissante, et, après avoir piqué la pièce, on l'aura cuite afin que le gras s'élimine partiellement dans la casserole. Pour un saucisson lyonnais, on compte 30 à 50 minutes à l'eau frémissante, par exemple. 

Après cuisson, la peau aura été éliminée délicatement, et le morceau aura refroidi. 

Parallèlement, on aura préparé une pâte fermentée, que l'on aura obtenue en mêlant de la farine, du beurre, des œufs, un peu de lait, du sel, de la levure. La levure, ce sera évidemment de levure, et non pas de la poudre levante : un groupe de petits organismes vivants et non pas un mélange de réactifs qui forment un gaz lors de la cuisson.
Cette levure aura été d'abord placée au contact d'eau tiède (ou du lait), et l'on aura attendu la formation d'une légère écume, preuve que les cellules ont commencé à se réveiller et à former du dioxyde de carbone.
Puis elle aura été ajoutée à l'appareil, et l'on aura attendu quelques heures, que la pâte « pousse ». 

Une fois levée, on la met dans le moule de cuisson, on pose délicatement la saucisse dessus, on couvre, et l'on fait pousser une seconde fois. 

Puis on cuit, pendant 50 minutes à 180 °C. 

 

Difficile ? Certainement pas ! 

Mais, j'y pense : il faut une sauce ! Je vous propose donc une sauce « wöhler », que l'on obtient en chauffant un verre d'eau, trois cuillerées de glucose, un quart de cuillerée de polyphénols de syrah, un peu d'acide tartrique, sel, pipérine, six feuilles de gélatine et un verre d'huile, émulsionnée à gros bouillons. Si vous disposez, de surcroît, d'un peu de 1-octène-3-ol, ce sera le bonheur... du mariage de la cuisine la plus traditionnelle et de la cuisine la plus moderne : la cuisine note à note !

Le fumet de poisson : comment le préparer ?


 

À propos de fumet de poisson, il y a de nombreuses précisions culinaires : est-il utile de dégorger les arêtes de poisson avant de préparer le fumet ? Peut-on utiliser la peau ? Peut-on utiliser les têtes ? Peut-on mixer ?
Il faut bien dire qu'un beau fumet de poisson a un goût très particulier, très pur en quelque sorte, léger, et que la question est de savoir si l'accumulation dans une casserole des arêtes, de la tête, de la peau, le tout mixé et cuit, donne ou non un goût différent du fumet que l'on obtiendrait s'il en avait simplement des arêtes préalablement dégorgées à l'eau froide.
Nous examinerons cela cet après midi, lors du séminaire de gastronomie moléculaire.
 

mardi 19 septembre 2023

Pour celles et ceux qui n'ont jamais cuisiné : un oeuf dur, un steak, des pâtes



J'ai compris hier qu'il y a des personnes qui n'ont jamais fait cuire un œuf, jamais fait cuire des pâtes, jamais fait sauter un steak, de sorte qu'il   y a peut-être lieu d'en parler simplement et d'examiner les conditions de la réussite de tels plats élémentaires.
Considérons  d'abord la cuisson d'un oeuf, et notamment l'œuf dur. Là, je crois pouvoir dire qu'il s'agit de
- prendre une casserole,
- d'y mettre de l'eau en quantité suffisante pour que, quand l'œuf y sera placé, il soit recouvert entièrement,
- de porter l'eau à ébullition
- et, à l'aide d'une cuillère, de descendre alors l'œuf dans la casserole,
- de couvrir
- et de cuire pendant 10 minutes.

Pourquoi toutes ces indications ?

Tout d'abord la quantité d'eau : si elle n'est pas suffisante, l'œuf risque de ne pas être cuit dans sa partie supérieure et son écalage risque d'être difficile.

Pourquoi mettre l'œuf dans l'eau déjà bouillante ? Parce que les œufs trop cuits prennent une odeur un peu désagréable en même temps que le jaune se cerne de verre, les protéines ayant été trop dégradées.
En plaçant l'œuf dans l'eau bouillante, on sait que la température atteinte est de 100 degrés et on sait combien on cuit si l'on minute  les 10 minutes prescrites. Il y a donc une certaine précision de la cuisson qui évitera les deux inconvénients que j'ai énoncés.

Pourquoi couvrir ? Parce que le couvercle retient la chaleur et que l'on économise de l'énergie. La quantité économisée est très notable comme on s'en aperçoit si on fait l'expérience, un jour, de chauffer une casserole d'eau soit avec couvercle, soit sans couvercle, en mesurant le temps de mise à ébullition par exemple.

L'oeuf étant cuit, il y a plus qu'à l'écaler et là, il y a de nombreux conseils qui sont donnés dans les livres de cuisine,  à savoir qu'il faudrait le laisser refroidir à l'air ou le plonger dans l'eau froide, et cetera,  mais les tests que j'ai fait personnellement n'ont pas montré de différence et d'efficacité,  et j'en suis à conclure que la difficulté de l'écalage tient sans doute aux poules particulières qui ont pondu les œufs, ainsi qu'à leurs conditions d'élevage.

Faisons maintenant sauter un steak.

Cette fois, on commence par prendre une poêle, et on y ajoute une goutte d'huile, on chauffe énergiquement, et quand on voit l'huile s'étaler avec plus de fluidité, on peut imaginer que la poêle bien chaude et l'on y dépose la viande. Toujours à feu très soutenu, on cuit quelques instants en vérifiant le brunissement de la face inférieure. Quand l'odeur a changé et que la face inférieure est de la couleur souhaitée, on retourne la viande et l'on poursuit la cuisson assez brièvement toujours à feu soutenu. Puis on débarrasse la viande dans l'assiette et l'on sert immédiatement.

Pourquoi ces indications ? Tout d'abord l'huile : nous aurions pu prendre du beurre, mais celui-ci charbonne, noircit de façon désagréable, parce qu'il contient des protéines. C'est  la raison pour laquelle les cuisiniers professionnels qui font sauter les steaks au beurre le font en réalité au beurre clarifié, ce beurre qu'on a fondu lentement et dont on a séparé le petit lait de la matière grasse : le beurre clarifié est seulement la matière grasse, sans les protéines du petit lait qui sont responsables du charbonnages.

Pourquoi faire sauter à feu vif ? Parce que l'objectif, au moins pour les steaks les plus communément préparés, consiste à avoir à la fois de la tendreté et de la jutosité. Si l'on chauffe trop lentement, beaucoup d'eau s'évapore et la viande perd sa jutosité. Il vaut donc mieux faire une croûte sur l'extérieur, brunir, et cuire suffisamment peu pour que l'intérieur reste juteux.
Contrairement à ce qui est prétendu, cette croûte n'est pas imperméable, comme le démontre largement la fumée qui s'élève pendant la cuisson et les petites bulles qui viennent éclater à la base : il s'agit de jus expulsé par la viande quand, chauffée, elle se contracte nécessairement.
J'ai parlé de tendreté, et il faut signaler que le choix de la viande est essentiel, de ce point de vue : on ne fera pas de steak tendre avec une viande initialement dure, car la cuisson durcit la viande en même temps qu'elle fait perdre la jutosité.
Et c'est la raison pour laquelle certains aiment les steaks saignants, où il y a une croûte sur l'extérieur, avec ce le goût correspondant à la couleur brune qui est apparue, mais l'intérieur de la viande a été très peu modifié, si bien qu'elle reste tendre et juteuse à cet endroit, offrant de surcroît un contraste avec la croûte.
À noter aussi que certains recommandent de tourner la viande plus qu'une fois, mais cela est en réalité inutile et sans doute nuisible, parce que la surface qui se trouve dans la partie supérieure refroidit de sorte qu'elle doit être réchauffé ensuite : on perd du temps, pendant lequel le jus sort.

On observera que je n'ai pas évoqué l'assaisonnement, sel et poivre par exemple. Dans un séminaire de gastronomie moléculaire, nous avions discuté cette question, et les professionnels avaient trois manières : soit saler d'abord, soit saler à mi cuisson, soit saler en fin de cuisson. Ils avaient tous des arguments pour leur pratique, mais les expérimentations que nous avons faites ont montré que leurs pratiques n'avaient pas d'efficacité particulière.   On peut donc faire comme on veut, mais on n'oubliera surtout pas de penser qu'il y a sel et sel s : le sel glace n'est pas la fleur de sel, par exemple.
On peut saler quand on veut, et, de ce fait, autant saler en fin de cuisson avec un sel qui ait un bon croquant, telle une fleur de sel ou un sel de Maldon... ou le sel de poêle  que j'ai décrit dans d'autres billets...
Pour le poivre, il faut savoir que le poivre chauffé perd de sa force et de son bouquet, de sorte que, personnellement, je le mets plus tôt en fin de cuisson, histoire d'avoir le bon goût du poivre frais que j'aime, légèrement mentholé, différent pour chaque poivre.
Bien sûr, pour un steak au poivre, c'est une autre affaire que je raconterai une autre fois.

Enfin il y a les pâtes.

Pour ces dernières,  il y a une école qui dit que les pâtes doit être cuites doivent être cuites al dente, encore un peu fermes. En réalité, on les cuit comme on veut point et là, il suffit de savoir que les pâtes sont faites de farine soit travaillée, soit additionnée d'œuf. Dans le premier cas, le malaxage de la farine avec un peu d'eau a formé un réseau de gluten, qui enserre les grains d'amidon ;  dans le deuxième l'œuf qui coagulera lors de la cuisson fera de même.
Pour autant, ces filets qui retiennent les grains d'amidon les retiennent bien peu et c'est la raison pour laquelle il est conseillé de mettre les pâtes dans l'eau déjà bouillante, afin de réduire le temps de cuisson à celui que l'on veut pour avoir les pâtes bien cuite.
Pendant la cuisson dans l'eau, les grands amidons vont gonfler, s'empeser, c'est-à-dire libérer un peu de leurs molécules d'amylose,  tandis que l'eau s'immiscera entre les molécules d'amylopectine et fera gonfler les grains. Mais les grains empesés finissent par se dégrader et c'est la raison pour laquelle on ne cuira les pâtes que le temps strictement nécessaire pour avoir la consistance que l'on aime, soit l'al dente italien, soit davantage si l'on préfère.

En pratique, on se contentera donc de prendre une casserole avec de l'eau salée, de la porter à ébullition, et d'y placer les pâtes pour une cuisson qui durera entre 6 et 15 minutes selon les préparations.
Évidemment, des pâtes fraîches cuisent moins longtemps que des pâtes sèches.

Certains ont préconisé d'ajouter de l'huile dans la casserole pendant la cuisson, afin d'éviter que les pâtes ne soient collantes,  mais les expériences faites pour savoir si cette pratique est utile pâte n'ont pas montré d'efficacité. C'est le corps gras que l'on ajoutera après, qui permettra d'éviter au pâtes de coller. On pourra prendre garde, quand on dépose les pâtes initialement dans la casserole d'eau bouillante, de les séparer légèrement à la fourchette pour éviter qu'elle ne se collent les unes aux autres point et cela suffira.

En fin de cuisson, on sortira les pâtes, on les égouttera, et on les agrémentera de leur sauce. On commencera par rectifier l'assaisonnement en sel, puis on pourra ajouter le poivre en conservant par exemple l'idée d'Emile Jung : une partie de violence, trois parties de force et neuf parties de douceur.
Pour les assaisonnements, on pourra évidemment mettre un corps gras qui sera soit une bonne huile, soit du beurre, soit du beurre noisette, soit du fromage, et cetera. Puis on pourra ajouter des tas d'agréments : olives, câpres, lardons grillé, champignons, jus de viande, crème, que sais-je. Tout peut y passer à votre goût, les pâtes étant principalement un support pour ce qu'on y ajoute. D'ailleurs, il faut signaler que les Italiens approprient la sauce et les pâtes, choisissant des sauces d'une viscosité qui permet de bien enrober les pâtes, avec leur forme très particulières.

Oeufs de cent ans et œufs d'anti-cent ans

Certaines populations d'Asie préparent des œufs de 100 ans, encore nommés œufs de longévité. 

Ce sont des œufs que l'on obtient en plaçant des œufs frais, entiers, dans leur coquille, dans un emplâtre fait d'argile, de paille, et de chaux ou de cendres. Après plusieurs semaines, la « base » (l'hydroxyde de calcium, pour la chaux, ou l'hydroxyde de potassium pour les cendres de bois) a diffusé dans l'intérieur de la coquille, et les protéines du blanc ont coagulé, formant un gel transparent et coloré. 

 

Pourquoi cette coagulation ? 

 

Pensons tout d'abord que le blanc de l'oeuf est fait de 90 pour cent d'eau et de 10 pour cent de protéines. Les protéines sont comme des colliers de perles repliés sur eux-mêmes, et qui évoluent au milieu des molécules d'eau. Les « perles » ont pour nom « résidu d'acide aminé », et chacun de ces résidus porte un « groupe latéral », qui sont : H, CH3, CH(CH3)2, CH2CH(CH3)2, CH2OH, CH(OH)CH3, CH2SH, CH2CH2SONHCH3, CH2COOH, CH2CH2COOH, CH2CH2CH2CH2NH2, CH2CH2CH2NHC(=NH)NH2, CH2C6H5, CH2C6H4OH, CH2-CONH2, CH2CH2CONH2. 

Dans cette liste, C représente l'atome de carbone, O l'atome d'oxygène, N l'atome d'azote, S l'atome de soufre et H l'atome d'hydrogène. 

Surtout, ce qu'il est important de savoir, c'est que certains de ces groupes latéraux se chargent électriquement, quand le milieu est basique (pH supérieur à 7). De ce fait, les protéines sont plus stables quand elles sont déroulées, de sorte que, quand elles contiennent des résidus de cystéine, des ponts disulfure peuvent s'établir entre des protéines voisines (pour ceux qui veulent mieux voir le phénomène, un podcast : http://www.agroparistech.fr/podcast/Why-do-eggs-coagulate.html. Un réseau se forme : l'oeuf gélifie. 

Inversement, aussi, l'acidification provoque la coagulation : je vous invite à mettre sans tarder un oeuf dans du vinaigre pour obtenir un “oeuf d'anti-cent-ans”.

lundi 18 septembre 2023

Je n'ai sans doute pas assez dit à mes collègues que les Notes académiques de l'Académie d'Agriculture ou bien l'International journal of molecular and physical gastronomy publient des cours. 

Cela est important pour les enseignants , pour lesquels le temps est considérablement occupé par les enseignements, et qui n'ont pas toujours la possibilité de publier assez. 

 Mais il y a la solution d'Émile Borel à l'École normale : il faisait sa recherche au tableau noir devant les élèves, et trois de ces derniers  étaient chargés de prendre des notes, de les synthétiser de les rédiger de telle sorte qu'à la fin de l'année un livre était soumis à un éditeur. 

C'était un livre de 128 pages cosigné par Borel les trois étudiants. Et, ainsi, Émile Borel a fait de la recherche pendant qu'il faisait de l'enseignement. 

 

Ne devrions-nous pas réfléchir à des façons de généraliser cela non pas seulement en mathématiques mais également en physico-chimie ?

A propos du formalisme des systèmes dispersés, DSF

 Discutant avec un collègue, nous considérons les systèmes dispersés faits d'amidon et de protéines, dans l'eau. 

Mon collègue me montre des images, et je lui réponds en termes de formules qui décrivent ces systèmes, par le formalisme DSF. 

Deux écoles : des images, contre des calculs. Laquelle préférer ? 

Je me connais assez pour être capable de répondre qu'il n'y a pas lieu de choisir, et que les deux systèmes conviennent et, peut-être même, augmentent leur intérêt mutuel. Toutefois, force est de reconnaître que des images compliquées, telles celles qu'il me présente, méritent une interprétation, c'est-à-dire une schématisation : de l'image, on produit une représentation simplifiée, qui conserve les caractéristiques essentielles, et évite les détails inutiles au premier ordre. Toutefois, comment communiquer un schéma ? Les formules ont sur les schémas, l'avantage de la portabilité et de la concision. Certes il faut apprendre à les utiliser, mas une fois l'effort fait, l'utilisation est simple. 

Mieux encore, la formule conduit alors à la représentation quasi immédiate dans l'esprit, permet d'engendrer le schéma. Finalement, je conclus qu'il faut les deux systèmes, mais que les formules ont une généralité bien supérieure, une puissance plus grande, d'autant que, même si, comme les formules de chimie introduites par Lavoisier, elles ne ressemblent qu'à une algèbre sans en être vraiment, elles donnent la possibilité de calculer. Les images, c'est bon pour les enfants. Le calcul, l'élaboration, est bien supérieur.

dimanche 17 septembre 2023

Les bouillons : la viande dans l'eau froide ou dans l'eau chaude ?

 
Les livres de cuisine indiquent, depuis des siècles, que les bouillons de viande doivent toujours démarrer à l'eau froide, et jamais à l'eau chaude, sans quoi la viande, qui coagulerait en surface, ne laisserait par sortir autant le jus que si elle est plongé dans l'eau froide. 

Que penser cette prescription ? 

 

La première expérience à faire consiste à placer deux moitiés d'une même viande (pour simplifier, on fait des morceaux de même masse), l'une dans l'eau froide, et dans l'autre dans l'eau bouillante, puis on pèse à intervalles irréguliers. Analysons : s'il était vrai que la viande placée dans l'eau chaude laissait moins sortir les jus que dans l'eau froide, cela signifierait que la viande de chaude devrait avoir une masse supérieure à la viande dans l'eau froide. De fait, les mesures montrent des différences entre les viandes froides et dans l'eau chaude... mais les différences sont exactement l'inverse de celles qu'on attendait ! Dans l'eau chaude, la masse de la viande à l'eau froide est inférieure à la masse de la viande à l'eau chaude ; puis, après environ une heure et demie, les deux morceaux de viande ont la même masse au gramme près ! 

Ce qui compte, c'est la température atteinte au cœur de la viande, et non pas la façon dont on atteint cette température. Certes, nous n'avons pas considéré le goût, mais seulement la masse, et l'on pourrait imaginer que les bouillons soient différents. Toutefois, dans nos essais, nous n'avons pas vu différence de goût entre les deux bouillons, ce qui est ... troublant. 

Troublant : c'est le mot important, car il est vrai que la viande dans l'eau bouillante produit un bouillon bien plus trouble que dans l'eau froide. Or le monde culinaire veut des bouillons clairs. C'est peut-être là l'origine la précision culinaire.

samedi 16 septembre 2023

Pourquoi nous aimons les confitures

Commençons par le commencement. Les confitures se sont introduites dans l'alimentation humaine, parce que l'on voulait conserver les aliments, qui, plein d'eau et de nutriments, attirent les micro-organismes. C'est pour éviter le pourrissement que nos ancêtres ont cuit des fruits avec du sucre, parce qu'ils avaient observé que ce sucre permettait d'obtenir des conserves, sucrées de surcroît : on dit même que le corps d'Alexandre le Grand fut conservé dans du miel. 

Merveille : le liquide obtenu lors de la cuisson de végétaux dans du sucre solidifie au refroidissement, formant un gel, ce que la cuisine nomme une gelée lorsque le liquide a été passé et qu'il n'y a plus de morceaux. 

La confiture est donc un gel, et cela vaut la peine de se demander pourquoi. Dans un billet précédent, nous avons vu que la cuisson des fruits libère dans la confiture des molécules analogues à des fils, à savoir les molécules de pectines. Quand la confiture est encore chaude, elle est liquide, parce que les molécules de pectine flottent au milieu des molécules d'eau, en compagnie de toutes les molécules qui donnent de la saveur, de la couleur, du goût. Notamment les molécules de saccharose. 

Lors du refroidissement, les molécules de pectine peuvent se lier les unes aux autres pour plusieurs raisons, mais notamment parce que les « fils » ont des parties qui ne se dissolvent pas bien dans l'eau. Puisque le fil tout entier est dans l'eau, ces parties se regroupent pour former des zones où l'eau est exclue ; en quelque sorte, ces parties se protègent de l'eau. Le sucre, qui, lui, se dissout très bien dans l'eau, ne se lie pas non plus à ces parties, et quand il est en abondance, comme le prescrivent les recettes de confiture, il favorise ces associations. 

Et c'est ainsi que l'on observe que les confitures peuvent gélifier quand la concentration en sucre est comprise entre 40 et 60 pour cent environ. C'est là une des conditions de la prise des confitures. Comment faire le dosage ? On aura une bonne approximation en considérant que les fruits sont faits d'eau, et que le sucre est du sucre. Autrement dit, il faut moitié d'eau et moitié de sucre, environ.

vendredi 15 septembre 2023

Ah bon?

 

Un correspondant pâtissier m'écrit :
"Il a ete observer qu’avec du repos une pate a bsicuits aurait tendance a s’etaler moins pour obtenir donc une pate plus moelleuse et fondante" [sic]

Ah bon, cela a été observé ? Par qui ? Dans quelles circonstances ? Au cours de quelle expérience ? Répétée combien de fois ? Avec combien de témoin ? Selon quel protocole ?

Personnellement, je ne sais rien de tout cela, et je comprends qu'un séminaire expérimental sera nécessaire, parce que je doute de tous les on dit.

L'ordre des ingrédients ?

Un correspondant m'interroge : 


"Donc apres notres discussion l’ordre est imperatif le beurre la farine et le sucre ensuite ? Mais est ce que le sucre glace avec amidon peut aider?" [sic]



Dans une pâte sucrée, si on la veut friable, on a intérêt à mélanger d'abord le beurre et la farine,  puis l'eau, puis le sucre. De la sorte, on évite la formation d'un réseau de gluten trop fort, qui préviendrait la fiabilité.

Plus exactement, dans l'ordre, avec le beurre et la farine on formerait une d'abord masse sans gluten, ou,  disons, avec très peu  de gluten.

L'ajout d'eau permettrait la cohésion des grains formés lors de ce sablage, , mais contribuerait à la formation de gluten.

Mais, ensuite,  l'ajout de sucre, par l'effet sucre décrit ailleurs, déferait le gluten dans la pâte ainsi constituée.

Faut-il du sucre glace,  du sucre en poudre,  du sucre semoule ?
Ce qui compte, c'est surtout que le sucre puisse se dissoudre dans l'eau présente et défaire le réseau de gluten.
Bien sûr, avec du sucre glace cela sera plus rapide car la même masse répartie en de très nombreux petits cristaux permettra d'atteindre plus facilement toutes les parties de la pâte.

Mais la question posée était de savoir si l'amidon à la surface des cristaux de sucre glace amylacé pourrait favoriser le phénomène. Et là, la réponse est qu'il ne faut pas tout confondre : le gros et le détail.

La farine, le beurre, l'eau, le sucre sont les constituants essentiels, les protagonistes essentiels du phénomène. Ils sont en quantité qui se comptent par grammes, dizaines de grammes ou centaines de grammes.
Mais pour l'amidon utilisé comme agent antimottant du sucre glace, ce sont des quantités infimes, puisque le but est seulement de couvrir  la surface des cristaux de sucre, afin d'éviter qu'ils ne collent entre, ayant absorbé l'humidité l'atmosphère.
Ces quantités d'amidon sont donc d'un ordre de grandeur bien inférieur à celles des principaux constituants de la pâte.

D'ailleurs, quiconque a fait l'expérience que j'ai proposée dans un autre billet et qui consiste de mettre du sucre glace dans l'eau pour voir si l'on voit un très léger trouble ou plutôt un dépôt blanc, sait que la présence de ces anti-mottants est quasi imperceptible.

Le repos des pâtes et la cuisson

 

Un correspondant me dit :
"il se partage souvent que le repos au froid est benefique pour la cuisson"[sic].

Et là je n'en sais vraiment rien. Il va falloir que nous organisions un séminaire en divisant une pâte en deux et en faisant reposer la moitié au froid tandis que l'autre restera à température ambiante. Nous cuirons ensuite les deux pâtes ensemble et nous organiserons un test sensoriel en aveugle pour savoir si les juré perçoivent une différence.

Les fameux émulsifiants



Les oeufs serviraient d'émulsifiants pour suspendre les corps gras ce qui donnerait une texture plus moelleuse aux sablés ou aux pâtes à foncer  ?

Les œufs contiennent des protéines, et ces protéines peuvent enrober des gouttelettes de matière grasse et contribuer à leur dispersion, notamment dans des émulsions. Elles peuvent  également contribuer à disperser des bulles d'air.

Dans les deux cas, il faut une phase aqueuse pour accueillir les structures dispersées,  puisque une émulsion est -au moins dans les cas qui nous concernent- une dispersion de gouttelettes d'huile dans  une solution aqueuse, tandis qu'une mousse est une dispersion de bulles d'air dans une solution aqueuse.

la texture est-elle alors plus moelleuse ? Le mot moelleux est ambigu car on comprend bien que le moelleux d'une mousse, avec des bulles d'air dispersées n'est pas le moelleux d'une émulsion, avec des gouttelettes des matières grasses dispersées.

Le beurre froid dans les pâtes à foncer ?


Travailler le beurre froid avec la farine et le sucre permettrait d'obtenir des biscuits friables et croustillants ?

 Est-il exact que le beurre froid ait vraiment une importance ? Mes sentiments à cet égard ne sont aucune utilité et c'est là typiquement une de ses idées que nous devons tester lors d'un séminaire, dans des conditions rigoureuses.

C'est l'occasion de rappeler que les séminaires de gastronomie moléculaire sont des rencontres ouvertes à tous, gratuites, et qui donnent lieu à des comptes rendus parfaitement rédigés et envoyés à tous ceux qui les demandent.

L'idée, c'est de partir de précisions culinaires :  trucs, astuces, tours de main, on dit, proverbes, dont on se demande s'ils sont justes. Nous les discutons avant de les tester expérimentalement en public.
Une fois les tests fait, la question est résolue le plus souvent, et je me demande bien comment les enseignants peuvent faire quand ils n'ont pas les résultats des tests expérimentaux.

Quant aux praticiens, ils se reposent souvent sur des intuitions sans avoir de certitude, et les  séminaires, qui fonctionnent ainsi chaque mois depuis 23 ans, sont en quelque sorte la seule façon qu'ils aient d'avoir des idées fiables, définitives sur ces questions.

Je ne dis pas que des individus ne puissent pas faire ce genre de tests, mais en pratique ils ne le font pas. Il y a lieu d'être extrêmement rigoureux dans les conditions expérimentales mais aussi dans les appréciations des résultats.

Brunissement et goût

 

On me demande si "le processus de brunissement au four permet d'obtenir une saveur plus prononcée" ?

La réponse est que il ne faut pas confondre la saveur et le goût.

Le goût, c'est la sensation synthétique que nous avons quand nous mettons des aliments en bouche. La saveur, c'est seulement la composante sapide, ce qui est perçu par les papilles.

Et quand on fait cuire une pâte, qui brunit, donne-t-on de la saveur ou du goût ?

Pour le savoir, je vous invite à faire l'expérience de cuire une pâte à tarte, de telle sorte qu'elle soit bien brune, et de la mettre en bouche après vous être pincé le nez :  pendant que le nez est pincé, vous mastiquez, et vous sentirez les saveurs.
Puis, après quelques secondes, vous relâcherez les narines et la sensation qui viendra sera l'odeur. .

Cest la totalité qui fait le goût .

Avec cette expérience vous pourrez répondre vous-même à la question posée.

Congélation et gluten



On me dit que le repos, lors de la congélation d'une pâte,  aiderait à la détente du gluten.


Lorsqu'on travaille une pâte, qui contient notamment de la farine et de l'eau, l'eau vient ponter les protéines nommées gliadines et glutenines, ce qui  forme un réseau viscoélastique de gluten.

Viscoélastique, cela signifie que ce réseau, un peu jaune (par rapport au blanc des grains d'amidon) , est à la fois visqueux, à savoir qu'il s'écoule,  et élastique,  à savoir qu'il revient sur lui-même quand on l'étire.

Ce réseau viscoélastique est à l'origine de la rétraction des pâtes, ce que l'on verra facilement en abaissant une pâte à tarte, puis en la coupant avec un emporte-pièce qu'on laisse sur place : après une vingtaine de minutes, on voit que la pâte s'est rétractée, faisant un espace par rapport à l'emporte-pièce.

Cette rétraction a lieu quand on abaisse la pâte, et, lors d'un séminaire de gastronomie moléculaire, nous avions testé un long repos de la pâte avant de l'abaisser mais nous avions vu que la rétraction avait également lieu puisqu'on avait abaissé la pâte et donc travaillé le réseau de gluten.

Pour la congélation, je ne sais pas ce qu'elle fait, puisque je n'ai pas fait l'expérience mais je prends le pari que ce sera le même type de phénomènes.

Les pâtes avec du sucre roux ou brun

 

Les sucres bruns feraient des pâtes  plus denses, qui développeraient mieux après un ajout de poudre levante ?

Je n'ai jamais vu d'étude rigoureuse à ce propos, de sorte que je n'en sais rien : il faudra un séminaire de gastronomie moléculaire pour le déterminer.

Le beurre monté avec du sucre

 

On me soutient que "le beurre monte avec le sucre apporte plus d’air donne un resultat plus leger est une mache plus moelleuse" [sic] ?

Là, il faut interpréter et notamment la proposition est de battre du sucre avec du beurre. Dans un tel cas, le sucre finira, si l'on bat beaucoup, par se dissoudre dans l'eau présente dans le beurre, de sorte que, au lieu d'obtenir des gouttelettes d'eau dispersés dans la matière grasse, on obtiendra plutôt des gouttes de sirop dispersés dans la matière grasse.

Cela s'accompagne t-il de l'introduction de bulles d'air dans le beurre ?
Tout dépend de la façon dont on a procédé.

Et le beurre ainsi fouetté fait-il des pâtes à foncer ou des sablés plus moelleux ? Je n'en sais rien et cela mériterait un séminaire de gastronomie moléculaire consacré à cette question.

A propos de beurre noisette

 

On me dit que "le beurre noisette fait une pate plus dense goût plus intense avec une perte d’humidite" [sic].

Le beurre noisette ferait des pâtes à sablés ou des pâtes à foncer plus denses que le beurre normal ? Je n'en sais rien.

Ce que je sais, c'est que le beurre noisette est obtenu par chauffage du beurre, ce qui évapore l'eau présente dans ce dernier, soit environ 20 % au maximum.

Evidemment, cette eau a une influence sur la consistance de la pâte mais cette influence dépend du procédé qui a été mis en œuvre, selon que l'on aura fait ou non un réseau de gluten avec les protéines de la farine.

Ce qui est certain, en revanche, c'est que le beurre noisette a un goût soutenu, comme le savent bien ceux qui font des financiers à partir de beurre noisette plutôt que de beurre.

Et, dans une pâte à foncer ou à sablés, avec  de la farine torréfiée, on a un goût puissant.

Le sablage est-il essentiel ?

 
Dans une pâte à foncer, le sablage de la farine avec le beurre est-il « essentiels » ?

Lors d'un séminaire de gastronomie moléculaire, nous avions comparé des pâtes à foncer obtenues par fraisage et par sablage et nous n'avions pas vu de différence.

Je renvoie mes amis intéressés au compte-rendu détaillé qui avait été fait à l'époque, et j'ajoute, pour faire bonne mesure, que les comptes rendus de tous les séminaires depuis 23 ans sont en ligne, publics et gratuits à la disposition de tous.

Les séminaires sont expérimentaux ce qui signifie que nous faisons des expériences pour tester des prévisions culinaires. Les résultats de ces expériences valent dans les conditions précises des expérimentations, mais en général, nous utilisons les conditions les plus fréquemment utilisées par les professionnels des métiers de bouche, sous le contrôle de certains d'entre eux d'ailleurs qui sont présents.

Du beurre noisette dans les pâtes

 


On m'interroge :
"le beurre noisette ferait une pate plus dense goût plus intense avec une perte d’humiditee" [sic] ?

C'est un fait que le beurre noisette donne un excellent résultat dans les sablés, tout comme dans des gâteaux tels que les financiers, par exemple.

J'ai une passion pour le beurre noisette quand il est bien fait, qu'il n'a pas d'âcreté, parce que son goût est envoûtant.

Evidemment, on peut l'utiliser à la place du beurre pour faire une pâte, par exemple une pâte à sablés, et j'ai notamment proposé de l'associer à de la farine torréfiée, de telle sorte qu'en réalité il n'y a plus de cuisson nécessaire.

Cela étant point, la question qui m'est posée est de savoir si le beurre noisette fait des pâtes  plus denses qu'avec du beurre normal. Là, je n'en sait rien, car il faudrait d'abord que je sache que signifie "dense". Car comme je l'ai expliqué ailleurs, le mot est bien discutable dans le contexte de la pâtisserie.

D'autre part, "plus dense avec une perte d'humidité "?  Je ne sais pas très bien ce que cela signifie, mais je sais que quand on produit du beurre noisette, on évapore de l'eau : les 20 % maximum d'eau présente dans le beurre sont supprimés, évaporés, ce qui a d'ailleurs l'avantage que cette eau du beurre ne peut pas s'associer aux protéines du gluten pour faire des sablés trop durs.

Le bicarbonate et les pâtes croquantes

 

On me propose l'idée suivante :

"le bicarbonate de soude fait lever la pate en reaction chimique avec des acides present dans certains ingredients comme le sucre roux on obtient des sables qui craquent sur le dessus" [sic]

Le bicarbonate ferait lever la pâte des pâtisseries quand il réagirait avec des acides présents dans certains ingrédients ? Il est clair que si certains ingrédients contiennent des acides, alors oui le bicarbonate peut faire lever la pâte.... mais on se souvient d'un autre billet où j'expliquais qu'il n'était pas nécessaire qu'une pâte contienne des acides pour que le bicarbonate, dégradé par la chaleur, libère du dioxyde de carbone et fasse gonfler la pâte.

La question que je pose est  :  les ingrédients d'une pâte à biscuit contiennent-ils des acides ? On me cite le sucre roux, et cela est trop vague, car il en existe de nombreux. Or, à l'instant, je viens à l'instant de déposer du bicarbonate sur du sucre roux avec un peu d'eau, et je n'ai pas vu de réaction quand j'ai chauffé un peu (pas au point de provoquer la décomposition du bicarbonate), preuve qu'il n'y a pas d'acide dans ce sucre roux que j'ai utilisé. D'autres sucres roux contiennent-ils acides ? je n'en sais rien car "sucre roux" n'est pas bien défini.

Et si l'on utilise du bicarbonate dans une pâte à sablés dont le sucre est du sucre roux, est-il exact qu'on obtient des sablés dans le dessus et croquant ? Je n'en sais rien et cela mériterait une expérimentation bien faite.

Questions de farines dans des sablés

 

Est-il vrai que, dans un sablé, plus la proportion de  farine est importante, plus la pâte sera "dense ?
Et est-ce "mieux" d'utiliser une farine pauvre en gluten ?

Dans un sablé, il y a de la farine, de l'œuf, du beurre et du sucre. Il y a mille façons de faire une pâte à sablés, mais si l'on disperse la farine dans le beurre, alors on comprend qu'on puisse faire une forte proportion de beurre ou bien une forte proportion de farine.

Et s'il y a plus de farine, c'est qu'il y aura moins de beurre : la friabilité des sablés sera différente.

Mais quand on m'interroge sur la densité, alors je ne sais pas très bien ce que cela veut dire. En réalité, la densité c'est la masse par unité de volume et oui la farine est plus dense que le beurre puisque la matière grasse flotte dans l'eau  ; et la farine  est plus dense que l'eau, puisqu'elle tombe au fond de l'eau.

Mais je me doute bien que la question qui m'est posée sur la densité des biscuits avec beaucoup de farine n'a rien à voir avec cela et je ne sais pas répondre à la question parce que je pense qu'elle n'est pas bien posée.

Maintenant, il y a aussi la question du taux de gluten dans la farine et là c'est une autre question que celle de la densité, notion que j'ai toujours du mal à interpréter.

C'est plutôt une question de friabilité et, évidemment, plus il y a de gluten, plus la pâte "risque" d'être dure. Je dis "risque" parce que selon le procédé, on peut avoir une pâte dure ou non qu'il y ait beaucoup de gluten ou pas.

Bref, je revendique des questions très bien posées, très précise, pour être capable de répondre.

L'ordre naturel des choses ?



Lors de la messe dite pour un ami défunt, le prêtre évoque le fait que le défunt a eu la douleur de perdre un enfant. Je comprends la douleur.

Mais il ajoute que la perte d'un enfant n'est pas dans l' "ordre naturel des choses". L'ordre naturel des choses ? Cela me semble bien discutable, car cet  ordre naturel des choses, factuellement, c'est que les humains meurent, à des moments aléatoires. Certes, on meurt généralement quand on est vieux, mais les statistiques font mourir à la naissance, à  l'adolescence, à tout moment
L'ordre naturel des chose, ce sont les catastrophes naturelles, la pluie, le vent, la bourrasque, la tempête, l'inondation, l'éruption du volcan, la peste, le choléra, et tout ce qui vient mettre un terme à la vie humaine, trop abondant pour qu'on puisse l'énumérer.

La vulgarisation scientifique

 Discutant de vulgarisation avec des amis, nous sommes arrivés face à une alternative :
- d'une part, je proposais que la vulgarisation doive considérer les équations qui fondent les travaux scientifiques, les théories ;
- d'autre part, mes amis proposaient plutôt de ne donner que les théories, les résultats des travaux, donc. 

J'entends bien leur argumentation qui est toute de facilité : certaines métaphores permettent de mieux comprendre, et il est vrai que j'ai usé de cette méthode dans les Ateliers expérimentaux du goût, quand il s'agissait de faire comprendre la notion de molécule à des enfants ; j'ai alors utilisé la « danse des molécules », où les enfants se représentent les molécules en les jouant. 

A l'opposé, cette vulgarisation là déverse des connaissances sans justification, et la métaphore est donnée d'en haut ; elle pourrait très bien être fausse. C'est comme un dogme : il faut croire... de sorte qu'il ne faut pas s'étonner que des esprits religieux acceptent si bien les sciences, alors que celles-ci semblent -je dis bien semblent- s'opposer aux textes que ces mêmes esprits religieux ont adopté. 

L'autre proposition, qui propose d'expliquer les équations, conduit à un travail bien plus long et plus difficile, et je ne m'étonne guère que mes amis vulgarisateurs hésitent à s'y livrer. Toutes les raisons de mauvaise foi sont données : les équations font peur, par exemple. D'accord, elles font peur, mais le rôle de la vulgarisation n'est-il pas précisément d'acclimater ces objets ? Pour les besoins du raisonnement, considérons le formalisme de la chimie, légèrement plus simple que celui des mathématiques. Là aussi, on peut expliquer, on doit d'ailleurs expliquer, et il n'y a pas d’impossibilité de le faire... puisque certains d'entre nous finissent par comprendre. 

L'avantage est évidemment que la science ainsi présentée n'est pas dogmatique, que les théories s'imposent, et que l'on voit ainsi la différence avec d'autres idées théoriques concurrentes... mais rejetées, avec d'autres champs qui sont moins fondés que les sciences de la nature. On observera que j'omets ici d'innombrables discussions, que je ne pose que la question, évitant des mots comme « vérité », qui n'ont pas leur place en science. 

Surtout, je propose de bien considérer l'objectif, d'abord. Que veut-on faire ? Un discours d'autorité lénifiant qui fait semblant de rendre service par des explications qui ne sont que poésie. Il semble clair que les choix stratégiques d'explication ne vaudront qu'après la discussion des objectifs que l'on poursuit.

jeudi 14 septembre 2023

Ne pas confondre bicarbonate et poudres levantes

 Des pâtes plus moelleuses

Un correspondant m'interroge :

"la baking powder apporte plus de legerete avec une mache plus moelleuse dans une pate a biscuit depourvus d’acide" [sic]

Quand mes amis utilisent des mots anglais, j'ai toujours peur des confusions et lorsqu'un de mes correspondants me parle de baking powder alors qu'il m'a parlé précédemment de baking soda, je crains qu'il ne fasse une confusion entre les deux.

Le baking soda, je l'ai expliqué dans un autre billet, c'est du bicarbonate. et le bicarbonate se décompose effectivement dans l'eau chauffée, en libérant du dioxyde de carbone : faites donc l'expérience de mettre un peu de bicarbonate dans de l'eau que vous chauffez au four à micro-ondes, et vous verrez une forte effervescence.

En revanche,  le baking powder est ce que nous appelons en français des poudres levantes, et j'invite mon correspondant à utiliser des mots français pour bien faire la distinction : poudre levante dans un cas, bicarbonate dans l'autre.
Et les poudres levantes sont bien plus efficaces pour faire gonfler les pâtisseries.

Tout cela étant dit, les poudres levantes donnent-elles de la légèreté aux préparation pâtissières ? Evidemment oui : il suffit de comparer la même pâte à biscuit ou à gâteau avec ou sans poudre levante pour s'en apercevoir.

J'ajoute enfin que, pour les poudres levantes, tout est dans la poudre, les acides et les bases qui vont réagir, sans qu'il soit nécessaire que la pâte elle-même contienne des acides.

Molécules, composés, composés chimiques, produits chimiques...

 
Souvent nos concitoyens (et nous mêmes) ne savent pas exactement la différence entre une molécule, un composé, un composé chimique, un produit chimique, un produit de synthèse... J'ai donc expliqué la chose dans un podcast sur le site d'Agroparistech (http://www.dailymotion.com/video/x1r1o5y_qu-est-ce-qu-un-compose_school). 

Cela dit, pour ceux qui n'auraient pas le temps d'aller sur ces sites, une explication, à nouveau. Un objet matériel, tel l'eau dans un verre, est fait de molécules. Pour l'eau du verre, ce sont des objets tous identiques, que l'on nomme des molécules d'eau. Et l'eau est liquide parce que ces molécules d'eau bougent en tous, un peu comme des boules de billard sur un billard qui serait secoué.
Dans un cristal de sucre, il y a des objets tous identiques, empilés régulièrement : ce sont des molécules de « saccharose », et, cette fois, les mouvements se limitent à des vibrations.
Dans de la vodka, maintenant, c'est un peu (à peine) plus compliqué, parce qu'il y a des objets de deux sortes : d'une part, des molécules d'eau, et, d'autre part, des molécules d'une autre sorte : l'éthanol. Les molécules des deux sortes sont dispersées au hasard, comme des boules jaunes et des boules rouges sur un billard agité. Et, mieux, le fait que la vodka soit à 40 pour cent d'éthanol revient à dire qu'il y a environ six molécules d'eau pour quatre molécules d'éthanol. Les molécules sont des molécules... mais les catégories de molécules sont les composés. L'eau est un composé, et l'éthanol est un autre composé ; le saccharose est un troisième composé. 

Et les composés ont ce nom, parce que toutes leurs molécules des objets d'un même type, tous « composées » d'atomes organisés de la même façon. Par exemple, les molécules d'eau sont toutes composées d'un atome d'une sorte (l'oxygène) et de deux atomes d'une autre sorte (l'hydrogène). Pour les molécules de saccharose, il y a 12 atomes de carbone, 12 atomes d'oxygène et 24 atomes d'hydrogène. 

Lorsque a été mis en ligne le podcast qui explique cela en images, sur le site d'AgroParisTech, je n'étais pas bien fier : que penseraient mes collègues ? Etait-ce bien raisonnable de donner des explications si simples sur le site de la plus grande école d'agronomie du monde ? 

La réponse a été donnée par mes « amis » qui ont visité le site et visionné le podcast : il n'y a finalement eu que des remerciements. C'est-à-dire, en définitive, une invitation à poursuivre dans cette direction, et je me dis que cela serait merveilleux si chaque profession faisait de même : sans « supériorité », simplement, avec la seule volonté de permettre à nos amis qui ont d'autres connaissances de mieux connaître notre propre champ. D'ailleurs, le physico-chimiste qui sait la physico-chimie n'est-il pas le plus souvent parfaitement ignorant de la découpe de la viande (par exemple) ou du travail du bois, que nos amis bouchers ou ébénistes savent parfaitement. 

C'est l'explication amicale de nos métiers qui nous réunira amicalement, tout en nous élevant un peu l'esprit, n'est-ce pas ?