Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dasn ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.
Les critiques sont toujours merveilleuses, parce qu'elles conduisent -si l'on les utilise, au lieu de les rejeter- à l'amélioration. Et les commentaires critiques faits récemment par des jeunes collègues à leur institution de formation m'ont mieux fait comprendre comment je pouvais (devais) organiser mes "cours".
Ayant bien compris que l'on ne pouvait pas enseigner, et qu'on devait laisser aux jeunes collègues le soin d'étudier, je distingue d'abord
la matière étudiée, et le
cours professé.
J'observe que professer me revient, mais qu'il revient aux jeunes collègues d'étudier : je ne pourrai pas le faire à leur place, et l'on doit espérer que c'est quelque chose qu'ils aiment faire (sans quoi, pourquoi le feraient-ils ? et comment le feraient-ils "bien", c'est-à-dire "efficacement" ?).
J'observe que, pour leurs études, nos jeunes collègues doivent y passer du temps par eux-mêmes : quelqu'un qui a une connaissance ou une compétence, c'est quelqu'un qui a passé du temps à avoir cette connaissance ou cette compétence, par exemple. Et j'observe qu'il y a quelque incohérence à apprendre quelque chose pour l'oublier ensuite. Si l'on étudie, si l'on se dote de connaissances ou de compétences, c'est dans l'hypothèse qu'elles seront utiles, pas de les oublier sitôt un examen terminé.
Et pour ceux qui pensent avoir des problèmes de mémorisation, je suis heureux de signaler que les études de neurophysiologie montrent que pour se souvenir de quelque chose, il faut
répéter l'information à un intervalle de 20% du temps de rétention visé. Dit autrement : pour mémoriser une information, il faut la répéter, et l’intervalle de répétition va définir la durée de la mémoire. Si vous répétez à l’échelle d’un mois vous allez retenir l’information à l’échelle de six mois par exemple. La règle, c’est à peu près 20 % du temps de répétition par rapport au temps de rétention."
D'ailleurs, voici ce qu'en dit Stanislas Dehaene (
Apprendre, éditions Odile Jacob, Paris, 2018) :
Que peut-on faire pour mieux mémoriser ?
- n’attendez pas la dernière minute. Révisez régulièrement.
-entrecoupez de brèves périodes de révision des périodes de sommeil, parce que pendant le sommeil votre cerveau va consolider l’information.
- faites des petits tests, mettez à l ‘épreuve votre connaissance.
- préparez des fiches sur lesquelles sont marquées d’un côté la question, et de l’autre la réponse, parce que ça va vous permettre fde vous auto-tester et de vérifier si vous avez retenu ou pas l’information. Les fiches sur lesquelles vous échouez, vous les remettez au-dessus du paquet, ce qui fait qu’elles reviendront rapidement dans votre auto-test. Ce sont des méthodes extrêmement simples, il y a d’ailleurs des petits logiciels sur Internet ou sur votre téléphone portable qui permettent d’avoir ce processus.
Comment répéter les informations de façon optimale ?
- pour mémoriser sur le long terme, il faut absolument répartir des séances d’apprentissage, en plusieurs fois espacées et espacées de plus en plus longtemps dans le temps. On va commencer par un apprentissage intensif au départ plusieurs fois par jour et réparti sur plusieurs jours, en alternant apprentissage et sommeil, parce que le sommeil consolide les apprentissages. Et ensuite, progressivement, on va passer à des espaces de plus en plus grands.
- la règle, c’est répéter à une échelle d’à peu près 20% de la durée totale que vous souhaitez obtenir. Donc si vous souhaitez retenir une information dans dix ans, il va falloir la répéter à un intervalle d’à peu près deux ans. Donc répétez, répétez, répétez.
- revenir et bien sûr se tester, c’est-à-dire savoir si on fait une erreur ou pas. Lorsque vous vous trompez c’est un moment d’apprentissage. Votre cerveau peut corriger en tenant compte de ll’erreur qui a été faite.
J'ajoute que les études de la mémoire ont montré qu'il faut structurer les items à mémoriser, les grouper en petits ensembles qui sont mémorisés de façon hiérarchique.
Tout cela étant dit, le livre ici le mode d'emploi de la construction de mes cours :
D'abord, j'ai compris que les jeunes collègues devraient étudier, et que j'étais là pour leur communiquer de l'enthousiasme, du cadrage, de l'accompagnement, des encouragements et, enfin, de l'évaluation.
1. Première chose à faire : bien
délimiter le sujet et construire un référentiel, avec des connaissances, des compétences, des savoir faire, des savoir être, des savoir vivre.
2. Une fois cette liste établie, il faut l'organiser,
prévoir un chemin, un "cursus", un cours.
3. Mais ce chemin reste bien abstrait pour tout le monde, et cela vaut la peine de
le situer sur une carte, de "cartographier" la matière à étudier.
Sur cette carte, on porte à la fois les écueils (des gouffres), les lieux importants (de hautes montagnes), des zones arides (des déserts)...
4. Sur la carte, on fait alors apparaître le
chemin proposé.
5. Puis, lors du "cours professé", il s'agit de parcourir rapidement ce chemin en montrant les beautés, en
commentant la carte.
6. Il faut que des
étapes aient été organisées. Et qu'on les montre.
7. Puis il faut donner de l'enthousiasme, "
allumer un brasier", pour que les étudiants se lancent dans l'exploration du pays qui leur a été présenté.
8. Lors de ce trajet, il faut les
accompagner, par exemple en proposant de les rejoindre aux étapes.
9. Régulièrement, il faut les
encourager, notamment en les félicitant d'avoir parcouru certaines étapes difficiles.
10. Enfin, à l'arrivée, il faut s'assurer qu'ils ont profité de leur parcours, ce qui correspond à une
évaluation, (des connaissances, des compétences).
11. Et ne pas oublier d'évaluer le cours, pour l'
améliorer l'année suivante !
Allez, je reprends tous mes cours ainsi, en espérant faire mieux que par le passé !