mardi 31 mars 2020

Publicité trompeuse

Et voici une information que je viens de recevoir :


"
En parallèle en Espagne, l’organisme AUTOCONTROL (organisme indépendant d’autorégulation de la publicité espagnole) a donné raison à la Federacion Española de Industrias de Alimentación y Bebidas (FIAB) et a confirmé le caractère trompeur de la publicité de YUKA. La FIAB a en effet déposé une plainte auprès d'AUTOCONTROL en janvier dernier contre une publicité diffusée sur le site www.yuka.io faisant la promotion de l’application. La FIAB avait soulevé plusieurs points :
− La publicité est trompeuse car l’application Yuka est présentée comme un outil qui améliore la santé de ses utilisateurs en prétendant influencer leurs options d'achat
− Les qualifications attribuées aux aliments « mauvais », « médiocre », « bon » et « excellente », sont basées sur des critères définis unilatéralement et avec un manque de rigueur scientifique
− Les informations pertinentes pour la prise de décision de l'utilisateur de l'application sont cachées


AUTOCONTROL a donné raison à la FIAB et précise également dans son avis :
−Qu’il ne peut être considéré comme juste d'attribuer une évaluation négative à un aliment pour ses effets nocifs potentiels sur la santé en raison de la simple présence d'additifs autorisés
−L’argument d'amélioration de la santé sur la base du critère de production biologique ne peut pas être considéré comme juste et la pondération 60% 30% 10% n’a aucune base scientifique
−Le manque de véracité est renforcé par les caractéristiques de la base de données qui peuvent présenter des erreurs comme le reconnaît l'application elle-même dans ses conditions générales"

Une question ? Une réponse

La question du jour :

Je m’appelle xxxxx, j ‘ai 17 ans et je suis en dernière année de secondaire dans une école en Belgique. 
Dans le cadre de cette dernière année, il  m’est demandé de réaliser un travail de fin d'étude (TFE) sur le sujet de mon choix. J’ai choisi le sujet :  “La chimie dans la cuisine Moléculaire. Cette dernière peut-elle devenir source d’alimentation exclusive.”
Je voulais donc savoir s’il serait possible que vous répondiez à 2-3 questions sur le sujet mais surtout sur la question de son avenir au sein de la société ?
  • Selon vous, la cuisine moléculaire peut-elle devenir source d'alimentation exclusive?
  • Y a-t-il des risques pour la santé ?
  • Les avantages et inconvénients de ce type de cuisine.
  • Votre définition de la gastronomie moléculaire.

Ma réponse :  

Merci de votre message. Rassurez vous, il n'y a pas de chimie dans la cuisine moléculaire, et il n'y en aura jamais, car la chimie est une science qui produit des connaissance. En revanche, la cuisine moléculaire EST une application de la chimie.
De toute façon, je crois que vous voulez plutôt parler de cuisine note à note que de cuisine moléculaire, car :
- la cuisine moléculaire, c'est l'utilisation de nouveaux outils, venus des laboratoire de chimie
- la cuisine note à note, c'est l'utilisation d'ingrédients nouveaux que sont les composés purs.
Cela étant
- la cuisine moléculaire peut-elle devenir souce d'alimentation exclusive : oui, on peut parfaitement moderniser tous les appareils !
- y a-t-il des risques pour la santé : il y a des risques à TOUT, traverser la rue, respirer, marcher... Et la question n'est pas là : c'est re réduire les risques. Un couteau ? On peut tuer. Donc il faut l'utiliser sans tuer.
- "ma définition de  la gastronomie moléculaire"  ? Ce n'est pas "ma définition", mais "la" définition : le terme a été introduit officiellement dans ma thèse, mais elle avait été donnée quand nous avons introduit la discipline en 1988, avec Nicholas Kurti : l'exploration des mécanismes des phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaires. Là encore, vous aurez beaucoup de choses sur mon site.

lundi 30 mars 2020

La poussée d'Archimède


Hier, j'ai évoqué un petit problème mathématique dont le résultat ne cesse de m'étonner, mais je veux partager aujourd'hui l'émerveillement que me procure toujours un calcul... que l'on n'a pas besoin de faire !

Cela concerne la "poussée d'Archimède", cette force qui pousse vers le haut un corps plongé dans un liquide, qu'il soit plus dense ou moins dense que l'eau.
Je ne vais pas revenir sur l'histoire d'Archimède dans sa baignoire, mais je veux aider mes amis plus jeunes à retrouver l'expression de cette force, quand ils l'ont oubliée (ce qui est fréquent)... ou jamais  apprise (un cours où l'on avait fermé les écoutilles, sans doute).

Soit donc un corps plongé dans un liquide : imaginons une bille de bois dans l'eau. Cette bille a une masse, et donc un poids (le poids est proportionnel à la masse, laquelle indique la quantité de matière). Mais on sait que, malgré ce poids, la bille de bois va se mettre à flotter, si on l'introduit dans le liquide. C'est bien l'indication que le liquide excerce une force sur la bille, et, mieux, une force opposée au poids.
Cette force n'est guère mystérieuse : c'est la résultante de toutes les forces de "pression" que le fluide exerce sur la bille. Oui, souvenons-nous quand nous avons plongé sous l'eau un peu profondément : nous avons senti une pression sur les oreilles.

Quelle est l'intensité de cette force ? Sur un corps de forme compliquée, la somme des forces de pression n'est pas facilement calculable, et même sur une sphère, il faut ce que l'on appelle des intégrales doubles... à moins de recourir à l'expérience de pensée suivante :

1. mettons la bille sous l'eau (nous sentons qu'elle a tendance à remonter, mais nous ne la lâchons pas)

2. sur cette bille s'exercent deux forces, à savoir le poids  (que l'on peut connaître en pesant la bille... mais nous n'en aurons pas besoin) et la poussée d'Archimède (que nous ignorons, mais que nous voudrions calculer)

3. imaginons que nous mettions autour de la bille une sorte de feuille de plastique magique, qui colle à la bille mais n'a aucune masse

4. et imaginons que cette feuille de plastique soit à la fois sans aucune masse et rigide (pour résister à la pression exercée par le liquide) ; à ce stade, il y a toujours le poids de la bille, et la poussée d'Archimède

5. à l'aide d'une seringue magique, aspirons la matière de la bille (du bois si c'est du bois)

6. là, le poids devient nul, mais la poussée d'Archimède ne change pas ; c'est la même qu'avant

7. puis, avec cette seringue magique, injectons de l'eau ; là, il y a maintenant le poids de l'eau, et la même poussée d'Archimède qu'avant

8. enfin, enlevons la feuille de plastique : comme il y a de l'eau dans l'eau, elle est en équilibre, ce qui signifie que la poussée d'Archimède est égale au poids de l'eau  qui a été ajoutée.

D'où la conclusion : la poussée d'Archimède est égale au poids du volume d'eau déplacé par le corps qu'on a immergé !
Merveilleux  : on a remplacé des équations compliquées par une expérience de pensée toute simple. Je me répète : je suis émerveillé !

dimanche 29 mars 2020

Un étonnement d'enfant

C'est un ami plus âgé qui m'a donné ce joyau quand j'avais 11 ans : un petit calcul mathématique qui conduit à un résultat qui continue de m'étonner.
Le problème ?
1. On met un fil autour de l'équateur de la Terre, supposée bien sphérique.
2. Puis on coupe le fil à un endroit, et on allonge le fil de 20 centimètres.
3. On referme le fil, et on le soulève partout de la même hauteur, de sorte qu'il fasse un cercle de même centre que l'équateur.
La question est : de combien le fil se soulève-t-il ? Un centimètre ? Un millimètre ? Un micromètre  ?


Mathématiquement, j'ai tout de suite su résoudre le problème, mais c'est la solution qui continue de m'émerveiller... et de me faire penser que je n'ai pas bien compris  la notion de rayon en relation avec celle de périmètre d'un cercle. Derrière tout cela, il y a le fascinant nombre pi.

Mais je vous laisse y penser : je ne veux pas gâcher votre plaisir.

mardi 24 mars 2020

Que ferons-nous de la dictée numérique ?


C'est un fait d'observation, après avoir accueilli des centaines de jeunes amis au laboratoire, en stage, après avoir lié des liens solides d'amitié avec eux, que j'ai recueilli leurs confidences. Et cela a été l'occasion de voir que très peu d'entre eux tapent avec dix doigts sans regarder le clavier : la préparation de documents propres sur un ordinateur est pour beaucoup un gros effort, même en 2020 !
Quant à écrire avec un stylo, ils le font avec une lisibilité qui est à l'origine de trop d'erreurs pour que nous le supportions au laboratoire : trop de 9 confondus avec des g, trop de 4 ou de 7, trop de texte illisible. Et je ne parle pas des fautes d'orthographes, qui, pour l'instant, n'ont pas provoqué de catastrophes dans notre pratique de la science.
Et cela a pour conséquence qu'ils écrivent peu, parce qu'ils écrivent en réalité "mal", de divers points de vue.

Ce billet n'a pas pour intention d'être pessimiste, bien au contraire : les faits que je viens d'exposer sont surtout une manière de montrer comment le numérique permettra de progresser, individuellement et collectivement. Car c'est un fait que, même si beaucoup de nos amis ne le savent pas, ils ont sur leur téléphone portable une fonction particulière de dictée numérique : on parle dans le téléphone, et le texte est écrit sur l'écran pratiquement sans faute (sauf si l'on va trop vite, mais l'apprentissage est quasi immédiat).
Finies les hésitations à écrire ! Finis les rapports mal faits en raison d'une incapacité partielle d'écrire. Finis les comptes rendus d'expérience si sommaire que le même opérateur ne parvient pas à refaire ce qu'il avait fait quelques mois plus tard. La capacité d'écrire est remplacée par la capacité de parler, ce qui va quand même (un peu mieux).

Du point de vue de la recherche scientifique, on voit bien l'avantage, mais on le voit aussi du point de vue des études : nous pouvons maintenant inventer des exercices (des apprentissages et des tests des connaissances) ou des problèmes (pour des compétences, cette fois) bien plus intéressant que par le passé.

Sans naïveté, je dirais plus exactement que l'on peut en faire le meilleur comme le pire : à nous d'en profiter pour améliorer les choses, en sachant que les paresseux, les méchants, les autoritaires, les pervers, les malhonnêtes, les pisse vinaigre... le resteront... mais que nous pouvons nous consacrer, en progressant, sur tous les autres. Quand je me remémore mon travail avant le numérique, je mesure le progrès (un mot que j'utilise ici à bon escient) !
Car il est question de cela : nous allons devoir réfléchir avant de parler !

lundi 23 mars 2020

La vraie question, c'est l'étude.


Oui, je suis de ceux qui étudient seuls, et qui ne peuvent pas étudier en groupe. Bien sûr, je peux étudier dans un café, mais il y a du bruit, du mouvement, de l'agitation, et j'étudie mieux seul, au calme.
Pour autant, je propose ici de ne pas considérer que ma méthode soit la meilleure, et je peux considérer la possibilité -je dis bien  "considérer" et "possibilité"- qu'il puisse y avoir, pour d'autres que moi, une efficacité supérieure à étudier en groupe. Car je n'oublie pas que l'être humain est social, que la socialité est une caractéristique biologique qui a été sélectionnée biologiquement pour promouvoir le succès de l'espèce.
Bref ce n'est pas parce que j'étudie personnellement seul qu'il n'est pas possible que d'autres puissent étudier en groupe.
Mais j'observe qu'il y a bien des façons d'étudier en groupe, d'une part, et, d'autre part, la question est surtout de trouver de "meilleures" méthodes. Pas des méthodes idiosyncratiques, que nous appliquons faute d'avoir le courage d'en essayer de nouvelles ; pas des méthodes que nous appliquons parce que nous n'avons pas l'idée d'en avoir d'autres ; pas des méthodes que nous gardons par paresse. Non, la quète, c'est celle de méthodes meilleures que celles que nous avons, ou, disons plus modestement, de trouver des améliorations de nos méthodes.

Je me vois très démunis vis-à-vis de l'analyse de cette question, au-delà de l'avoir posée. Or je crois qu'il faut répondre toujours non pas en fonction de nos goûts propres, de nos a priori, mais en fonction de données quantitatives. J'observe aussi qu'il n'est pas établi que la même méthode d'étude s'applique à tous... mais l'inverse n'est pas établi non plus. Et, dans l'ignorance des réponses à ces questions, pourquoi supportons-nous que nos systèmes fassent comme ils font ? Pour des raisons économiques ? Certainement. Politiques ? Certainement aussi. Mais tout cela se fait au détriment des études elles-mêmes.
D'ailleurs, en supposant que certains étudient mieux seuls, et d'autres en groupe, on fait une erreur en organisant un même système pour tous. Et, par là-même, on met les professeurs dans une situation intenable. C'est donc une erreur. Mettons-y fin !

Et surtout, mettons-y fin en nous focalisant sur le plus important : donner le goût d'étudier, d'apprendre. Montrons que cela est essentiel et merveilleux, commençons  par trouver les moyens de faire comprendre que cela vaut mieux que ce panem et circenses que les gouvernements instaurent pour ne pas sauter !

vendredi 20 mars 2020

Il nous faut des publications scientifiques éclairées !

Il nous faut des publications scientifiques éclairées !

Je viens de publier aux Notes académiques de l'Académie d'agriculture de France un article qui dit en substance que nous aurions raison de faire des revues scientifiques libres et gratuites,  avec une analyse critique (plutôt qu'une "évaluation") en  double anonymat, afin que   nous évitions les rejets d'articles, car cette pratique des refus est un gâchis pour l'ensemble de notre collectivité : les auteurs se désespèrent de voir leurs textes rejetés alors que ces derniers contiennent des données utiles à l'ensemble de la communauté.

C'est un fait, toutefois, qu'il y a de bons et de mauvais scientifiques. C'est un fait que les revues sont encombrées d'articles sans  nouveauté, ou bien dont les résultats sont mal établis, dont les expériences sont mal conçues ou mal conduites... Mais, au lieu de rejeter les articles, ne ferions-nous pas mieux de bien analyser les manuscrits, en vue d'aider les auteurs à progresser, soit dans leur pratique scientifique, soit dans leur rédaction d'articles scientifiques ?
Ma proposition est la suivante : ne rejetons pas les manuscrits, mais expliquons aux auteurs (et aux "rapporteurs") que les textes seront publiés dès que la qualité nécessaire sera atteinte, grâce aux échanges (anonymes, toujours anonymes) entre auteurs et rapporteurs,  alors le texte sera publié.
Bien sûr, la question de la nouveauté demeure, mais il est important que des collègues qui produisent un résultat déjà obtenu s'en aperçoivent, et qu'ils puissent corriger les pratiques erronées qui les ont conduit à cette reproduction sans doute involontaire. Bref, des collègues qui ont reproduit par mégarde un résultat déjà publié ne doivent pas voir leur manuscrit rejeté, mais doivent le retirer eux-mêmes, afin que cesse cette réputation de revues qui rejettent les textes.

J'insiste un peu sur la question de la formation des scientifiques : tous les collègues n'ont pas eu la chance d'être formés dans de bons laboratoires, ou d'avoir su se former eux-mêmes, et les publications scientifiques (terminologie à préférer à "revue", pour des raisons expliquées dans mon article)  ont donc un rôle de formation  essentiel :  les rapporteur doivent pouvoir donner des conseils aux auteurs, afin que finalement, si ces conseils sont suivis bien évidemment, les manuscrits soumis soient acceptés.

J'insiste aussi, dans mon article, pour observer que ni les auteurs ni les lecteurs ne doivent payer, dans toute cette affaire.
Les lecteurs, d'une part,  sont des contribuables, dont les contributions ont permis les travaux et les publications.
Pour les auteurs, d'autre part, il y aurait un conflit d'intérêt à payer pour être publier, et c'est la brèche dans laquelle des "revues prédatrices" se sont engagées. 
Bref, c'est aujourd'hui le rôle des académies, des institutions de recherche, des universités, de prendre en charge les publications scientifiques, au lieu de les confier à des éditeurs privé, comme cela se faisait par le passé.
Jadis et naguère, il y avait certainement le papier à payer, l'impression, la mise en page...  Mais aujourd'hui, avec le numérique, tout a changé  : plus de papier, plus d'impression ,une mise en page qui se fait quasi automatiquement, notamment quand les auteurs mettent en forme conformément à des modèles, des relecture qui sont faites par les rapporteurs, lesquels sont des collègues déjà rémunérés par ailleurs... Nous sommes donc dans un nouveau paradigme, et il est temps que l'on fasse disparaisse l'expression de "évaluation par des pairs" au profit de "analyse critique et conseils donnés aux auteurs". 

Vous lirez tout cela, et bien davantage dans :
Hervé This, L'analyse critique des manuscrits et les conseils donnés aux auteurs. A propos des publications : Klebel et al., 2020, Stern and O'Shea, 2019; Sarabipour et al., 2019; Inrae, 2016. Notes Académiques de l'Académie d'agriculture, 2020, 2, 1-14.

Et cela se trouve ici : https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/lanalyse-critique-des-manuscrits-et-les-conseils-damelioration-donnes

jeudi 19 mars 2020

Expliquer ou interpréter ?


Un ami me dit qu'il cherche à "expliquer" un phénomène, alors que vient aussi, dans la conversation, le terme "interpréter".

Quel objectif, pour une recherche scientifique  : interpréter  ? expliquer ?

Admettons que l'objectif de la science soit de produire des théories réfutables qui rendent compte des phénomènes, par un mouvement que j'ai trop décrit dans ce blog pour que j'y revienne aujourd'hui. Que fait-on alors : on explique, ou on interprète ?

On se souvient quand même que les sciences de la nature cherchent des équation qui décrivent les phénomènes, en rassemblant les données de mesure. Là, il n'y a ni explication ni interprétation.
Puis on induit des théories en introduisant des notions compatibles quantitativement avec les équations trouvées : ces notions n'expliquent rien, mais ce sont des objets qui sont compatibles avec le jeux d'équation établies, des objets qui permettent de rendre compte des phénomènes. Explication ? Pourquoi pas. Interprétation ? Certainement.
Mais on n'oublie pas que ces théories sont insuffisantes, de sorte que si explication il y a, elle est fautive. L'interprétation, elle, ne l'est pas.


Tout cela est bien général, et il nous faut des exemples.

Considérons celui de la structure "hexagonale" de la molécule de benzène. Ce composé fut d'abord  découvert lors de l'analyse du gaz de houille par le merveilleux physico-chimiste britannique Michael Faraday.
Puis les "analyses élémentaires" montrèrent qu'il y avait autant de carbone que d'hydrogène, , mais la tétravalence du carbone (chaque atome de carbone a quatre liaisons avec des voisins) posaient un problème, et  August Kékulé qui proposa une alternance de simples et de doubles liaisons sur une molécule cyclique, hexagonale.






Ce timbre de la Poste allemande célèbre la découverte de Kékulé

Nous avons là un "modèle" de la molécule de benzène, mais cette image n'est pas juste : c'est une explication fausse, et une assez bonne interprétation des propriétés du benzène. On voit, à nouveau, que la terminologie "interprétation" est plus prudente que celle d'explication.



Certes, la question "comment ça marche ?"  demeure, mais c'est la réponse qui est plus complexe que certains ne l'espèrent. Oui, la réponse déçoit ceux qui veulent du simple, mais elle ravit ceux qui sont prêts à s'émerveiller des mécanismes du monde.

mercredi 18 mars 2020

Les bonnes pratiques de la citation, dans les articles scientifiques

Préparant un guide de la rédaction d'articles scientifiques, je fais (évidemment) ma bibliographie, et je trouve ce conseil  : "Citer des publications du journal où vous publiez".

Ne le suivons surtout ce conseil scandaleux de malhonnêteté. C'est de la basse stratégie de communication, qui déroge aux bonnes pratiques de la citation. On ne doit pas citer des auteurs au hasard, mais bien plutôt parce qu'ils sont à l'origine des travaux ! Ceux qui ont donné ce pernicieux conseil ignorent-ils donc tout des règles de la profession de scientifique ? Ignorent-ils tout des consensus tels qu'énoncés par l'Association européenne pour les sciences chimiques et moléculaires (The European Association for Chemical and Molecular Sciences), qui a émis un  “Ethical Guidelines for Publication in Journals and Reviews” (voir http://www.euchems.eu/publications.html), ou encore des règles (identiques) données par l'American Chemical Society, avec ses   Ethical Guidelines to Publication of Chemical Research (http://pubs.acs.org/page/policy/ethics/index.html).
Mais c'est de “On Being a Scientist: Responsible Conduct in Research”* que je tire ce conseil plus juste :
"Researchers have a responsibility to search the literature thoroughly and to cite prior work accurately. Implied in this responsibility is that authors should strive to cite (and read) the original paper rather than (or in addition to) a more recent paper or review article that relies on the earlier article.“

*Committee on Science Engineering, and Public Policy; Institute of Medicine; Policy and Global Affairs; National Academy of Sciences; National Academy of Engineering. “On Being a Scientist: A Guide to Responsible Conduct in Research”: 3rd ed., Washington, DC, 2009.

vendredi 13 mars 2020

A propos des omelettes (suites)

Suite à mon billet d'avant hier, je reçois le message suivant : 

je viens de lire votre très intéressant billet sur la cuisson des omelettes. Si je
comprends bien ce que nous avez expliqué par ailleurs (à propos de la gélatine  ou des confitures)  une omelette c'est donc un gel. Mais contrairement à la gelée la transformation est irréversible.

Je suis content que vous fassiez un billet la-dessus parce que ça fait longtemps que je me demande ce qui se passe lorsqu'on cuit un bifteck. Ce ne sont pas les m^emes protéines (actine et myosine si je me souviens bien d'un billet précédent) mais j'imagine que là encore les protéines s'attachent les unes aux autres pourdonner un steack cuit).


Et ma réponse, qui n'a pas tardée : 

 
Merci de votre message. Oui, un oeuf qui cuit est un gel, et un gel (assez) irréversible (en tout cas, quand on se limite aux moyens culinaires (en laboratoire, j'ai décuit des oeufs, comme je l'explique dans un article publié en 1997). 
Oui, à l'intérieur des fibres musculaires (actines, myosines) d'une viande, la "cuisson", c'est notamment la coagulation de ces protéines, et le même type de "gélification", d'où un durcissement (du steak bleu au steak bien cuit).
bonne journée

Une molécule est une molécule



Ce matin, plusieurs questions, mais en voici une en particulier, qui mérite un commentaire public :


J'ai une question par rapport aux molécules synthétiques vs naturelles. Je sais que les propriétés physiques ainsi que l'odeur et le goût des molécules synthétiques vs naturelles sont identiques ex linalool synth vs naturel. Qu'en est-il de leurs activités biologiques et de leur propriétés toxicologiques ? Pouvez-vous me diriger vers des articles et références qui étudient cette question ?

Ici, je sais d'expérience qu'il y a la question des mots, qui est source de confusions. Une molécule, c'est donc un tout petit objet, fait d'atomes de divers éléments, liés par des forces interatomiques (une sorte de pléonasme que cet adjectif). Les éléments considérés, ici, sont principalement le carbone, l'hydrogène et l'oxygène. Et pour ces trois éléments, les atomes sont faits d'un "noyau", assemblage de protons et de neutrons, avec autour des électrons, comme la terre autour du soleil.
Les effets biologiques des molécules ? Une molécule a un effet si elle a un "récepteur", à savoir si l'organisme comporte une molécule agissant comme une serrure vis à vis de la molécule bioactive, qui est comme une clé. Et la disposition des atomes est donc très essentielle. Donc tout est simple, au premier ordre. Et une molécule est entièrement déterminée par ses atomes, leur disposition. 
Maintenant, il peut y avoir des effets qui sont au niveau du détail des détails. Par exemple, certains atomes d'hydrogène peuvent avoir dans leur noyau, en plus du proton, un neutron, et c'est ce que l'on désigne par "deutérium". Les propriétés chimiques sont quasi identiques, mais des outils de mesure très sensibles voient des différences... et c'est ainsi qu'une entreprise française d'analyse a fait son succès commercial en devenant capable de détecter du sucre ajouté dans les vins, pour des chaptalisations ou pour des fraudes. Mais, je le répète, c'est un détail au regard de la question posée.

Maintenant, synthétique et naturel ? Une molécule naturelle, c'est une molécule qui se trouve dans la nature, fabriquée par les plantes ou par les animaux, voire par les éléments (la chaleur, la foudre, etc.). En revanche, une molécule synthétisée, c'est une molécule qui a été... synthétisée, à savoir qu'on a rassemblé des atomes d'une certaines façon pour faire la molécule. Et, évidemment, si l'on même les mêmes atomes organisés de la même façon, on obtient la même molécule, qui ira ouvrir les mêmes serrures !

Cela dit, on peut répondre plus subtilement que cela à la question de notre interlocuteur, parce que l'on peut synthétiser avec des niveaux de précision variés, parce que la question des "impuretés" est essentielle : les composés extraits de produits naturels ne sont pas accompagnés des mêmes "impuretés" que les produits de synthèse (parfois plus purs que les produits naturels).
Par exemple, notre correspondant parle de linalol, qui est un composé odorant présent dans de nombreux végétaux. Parler du linalol au singulier, c'est une erreur, parce qu'il y a divers linalols, et que le (S)-(+)-linalol n'a pas la même odeur -donc pas les mêmes effets biologiques que le (R)-(-)-linalol. Mais une molécule d'un de ces deux linalols est une molécule de ce linalol-là, quoi qu'il arrive. Et la question "isotopique" précédente (l'hydrogène vs le deutérium) ne se pose pas, du point de vue de l'odeur.
En revanche, quand on a un de ces deux linalols dans une matière végétale, elle n'est pas seule, et aucune  plante n'a donc l'odeur de ce linalol particulier. Puis, si l'on extrait ce composé, il n'est plus "naturel", mais d'origine naturelle... et son extraction ne permet généralement pas de l'avoir pur ! De sorte qu'il y a des "impuretés"... et que ces impuretés peuvent être essentielle. C'est ainsi que le mélange des deux limonènes R et S n'a pas d'odeur quand il est fraîchement obtenu par distillation... et que cette odeur de Citrus n'apparaît qu'ensuite, sans doute  due aux impuretés, plutôt qu'aux limonènes.
Pour les composés de synthèse, il y a également des impuretés, qui résultent du procédé de préparation, et il n'est d'ailleurs pas dit que ces impuretés soient plus abondantes ou plus dangereuses, bien au contraire : les opérations de synthèse étant mieux contrôlées que les extractions (qui partent de mélanges complexes), il est possible qu'il y ait bien moins d'impuretés.

Enfin, mon interlocuteur me parle d' "activités biologiques et propriétés toxicologiques" : amusant, car les effets toxicologiques sont des activités biologiques, non ? Car je fais l'hypothèse, vu les composés qu'il discute, que ce sont de toutes petites quantités de composés qui sont considérées ici, de sorte que l'on est bien dans le cadre des clés et des serrures, des composés bioactifs et de  récepteurs. Là, les impuretés sont essentielles, car elles peuvent avoir des récepteurs, que les composés soient d'origine naturelle ou synthétisés, et quelqu'un qui fait bien son travail, d'extraction ou de synthèse, se préoccupe de cela.
Mais finalement, une molécule est une molécule, n'est-ce pas ?

jeudi 12 mars 2020

Même pour une simple omelette


Même pour une simple omelette je m'aperçois qu'il y a lieu de  donner des explications.
Oui, depuis quelques semaines, je me suis mis à expliquer les transformations qui surviennent lors de la préparation des certains plats compliqués : cassoulet, soufflé, etc. Mais c'est souvent bien compliqué, et des amis me demandent des explications pour des choses bien plus simples, en quelque sorte : les omelettes.
D'ailleurs, je m'aperçois que je suis tombé dans un travers d'analyse insuffisante : j'ai privilégié des recettes "intéressantes" à des recettes utiles (à mes amis).

Pour une omelette, donc,  il s'agit de battre de l'oeuf, et de chauffer l'oeuf battu. Là,  les informations de base sont les suivantes : le blanc d'oeuf est fait de 90 pour cent d'eau et de 10 pour cent de protéines, tandis que le jaune est fait de 50 pour cent d'eau, de 15 pour cent de protéines et 35 pour cent de lipides (disons de "graisse"). Au total, il y a donc beaucoup d'eau avec des protéines, et un peu de graisse.
La graisse  n'étant pas soluble dans l'eau, elle est nécessairement dispersée sous la forme de gouttelettes. Et elle n'intervient pas notablement lors  de la cuisson.
On peut donc ne considérer que le chauffage de l'eau et des protéines, comme si la graisse n'était pas présente  : elle ne changera que la consistance plus ou moins crémeuse, en fin de cuisson.

De l'eau et les protéines  ?  Il faut imaginer un ensemble de billes pour représenter les molécules d'eau au milieu desquelles flottent des pelote de laine, pour représenter les protéines.


Quand on chauffe tout cela, les molécules s'agitent de plus en plus vite, et les pelotes se déroulent. Mais la différence entre des pelotes de laine et des protéines, c'est que les protéines déroulées s'attachent et  forment une espèce de toile d'araignée dans toutes les directions, emprisonnant les molécules d'eau. C'est cela qu'il faut apprendre à voir, quand on regarde une omelette  : un filet souple qui emprisonne les molécules d'eau.










Évidemment, si l'on agite l'omelette (avec une fourchette, on peut casser  localement le filet, ce que l'on nomme un réseau : on forme alors des morceaux d'omelette. Et si l'on agite bien plus vigoureusement, on peut aller jusqu'à l'oeuf brouillés.
Mais en tout cas, voilà la description générale du phénomène.

mercredi 11 mars 2020

De l'importance du geste


Aujourd'hui, je rapproche la question du chlore de celle de la crème chantilly. Oui le chlore ne se mange pas, contrairement à la crème chantilly, mais ces deux produits suscitent le même type d'observations, comme nous le verrons.

Commençons par la crème chantilly dont la confection n'a jamais été traditionnelle dans ma famille. Ce fut une de ces petites victoires personnelles que d'arriver à faire ma première crème chantilly. Pourtant, rien de plus simple : on prend la crème, on la fouette, et elle monte en chantilly ; disons en crème fouettée, qui devient de la crème chantilly quand on ajoute du sucre. Bien sûr, quand il fait chaud, il vaut mieux avoir refroidi la crème et le récipient, avoir éventuellement ajouté des glaçons. Mais en règle générale, c'est tout simple. D'ailleurs, si je me répète, je ne parviens pas à ajouter grand chose à ce que j'ai déjà dit. Voyons : on prend une jatte (s'il fait chaud, on refroidit cette dernière) ; on y met de la crème, si possible fleurette;  on fouette, et après un temps compris entre 22 secondes et plusieurs minutes, on voit que les bulles ont une taille  qui diminue et, surtout, que la consistance change. C'est tout : quand on fouette de la crème, on a de la crème fouettée, et si l'on sucre, on obtient de la crème chantilly.
Qu'ajouter ? Que si l'on a pas de crème fleurette, mais seulement la crème épaisse, alors on ajoute un peu de lait à la crème épaisse, mais pas trop sans quoi la préparation reste liquide même si l'on fouette longtemps.
Bref, malgré mes contorsions intellectuelles, je ne parviens pas à rendre les choses compliquées :  rien de plus simple que de fouetter  de la crème pour faire de la crème fouettée, qui devient de la crème chantilly si on l'a sucré, ce qui contribue d'ailleurs un peu plus de fermeté.

J'ajoute maintenant un point supplémentaire : je me souviens qu'il y a quelques années, le directeur commercial d'une grosse société alimentaire m'avait téléphoné pour me dire que mon livre Révélations gastronomiques, qui contenait les prescriptions pour obtenir une crème fouettée, n'était pas complètement suffisant, puisque, malgré la lecture attentive du livre, il n'avait pas réussi à faire une crème fouettée. Il était amical et nous décidâmes que j'irai chez lui pour dîner et lui montrer comment faire cette crème chantilly. Ensemble, nous avons donc pris une jatte, déposé de la crème dedans et je lui ai proposé de fouetter devant moi. Au bout d'un moment,  alors qu'il avait obtenu une crème bien fouettée, il continuait à fouetter, de sorte que je lui ai fait observer qu'il fallait s’arrêter, puis qu'il avait le résultat qu'il escomptait. Et c'est alors qu'il m'a demandé  : "Parce que c'est ça,  la crème chantilly ?"  Oui, il croyait qu'il devait obtenir la consistance des crèmes chantilly en bombe, qui sont bien différentes des véritables crèmes chantilly. En réalité,  il ne savait pas voir  qu'il avait obtenu le résultat visé, mais il savait faire la crème chantilly.





J'en viens maintenant à la question du chlore : c'est un gaz vert, toxique, qui fut étudié par les chimistes du 18e siècle, et liquéfié pour là pour la première fois par Michael Faraday. Je parle du chlore parce que je viens de retrouver dans une biographie de Faraday tout une discussion sur l'instruction, et notamment le fait que tous les livres du monde, avec toutes les descriptions qu'il faut, ne sauraient remplacer le fait de voir un jour du chlore véritablement.
C'est donc la même question que pour la crème fouettée  : on sait la chose, mais, tant qu'on ne l'a pas vue, il nous manque quelque chose. Cela nous rapproche d'une discussion préalable à propos des travaux pratiques, dans les études scientifiques, et le fait que ces séances pratiques sont en réalité indispensables, même pour des personnes qui comprennent parfaitement. Tant qu'on a pas appris à garder le capuchon d'une bouteille entre la paume de la main et les derniers doigts, tandis que les  autres doigts  servent à  verser, tant qu'on n'a pas pris l'habitude de ne jamais rien poser sur le premier carreau d'une paillasse, tant qu'on n'a pas appris à ne pas se toucher le visage avec les gants, tant que...  Et bien, on ne sait pas le faire ! D'ailleurs, il en va de même pour la bicyclette, nager, monter à cheval, jouer de la musique : il faut de la pratique, et aucune théorie n'est suffisante.
Bref, je suis dans les traces de Faraday : il ne suffit pas de savoir tous les beaux principes, et il faut expérimenter !

dimanche 8 mars 2020

Sait-on mieux quand on sait que l'on sait ? Je crois que oui.


Aujourd'hui, je veux discuter la question de ce que je nomme le "portfolio" : il s'agit d'une liste où l'on inscrit tout ce que l'on sait ("connaissances") et tout ce que l'on sait faire ("compétences").

Par exemple, si, un jour, lors des études supérieures, on apprend ce qu'est le pH, alors on marque dans le portfolio, dans la partie "connaissances"  : notion de pH. Puis, si l'on apprend à calculer le  pH d'une solution d'acide acétique dilué, on marque, cette fois dans la partie "compétences" : calcul d'une solution d'acide acétique dilué. On peut aussi faire mieux, et observer que si l'on sait calculer le pH d'une solution d'acide acétique dilué, on doit sans doute savoir aussi bien calculer le pH d'une solution d'un autre acide faible, de sorte que, après la vérification que l'on sait bien faire cela, on marque dans la partie "compétences" : calcul du pH d'une solution d'un acide faible.

Prenons un nouvel exemple qui nous conduit plus loin : supposons que l'on ait appris à utiliser un spectromètre UV visible, à préparer une solution qu'on a mis dans une cuve, et pour laquelle on a réussi à enregistrer un spectre, après avoir appuyé sur les boutons spécifiques qui conduisent à la production de ce spectre. Alors on écrit  (dans les "compétences") : utilisation d'un spectromètre UV visible. Mais on voit que l'on peut être plus précis, et que cela vaut la peine de distinguer une utilisation de routine, débutante,  et une utilisation confirmée, puis, plus tard, une utilisation expert.
Cela nous conduit à ajouter une colonne supplémentaire, à droite de la liste initiale, de sorte qu'elle devient un tableau : la deuxième colonne contiendra l'état des connaissances et des compétences que l'on a. Par exemple si l'on commence à connaître le la définition du potentiel chimique, par exemple en rapportant l'enthalpie libre au nombre de moles, on est débutant, on a une connaissance faible, mais le jour où l'on passe à des petites variations, alors on devient plus confirmé.

Soit donc finalement un tableau ; ou plus exactement deux tableaux, puisque nous avons distingué connaissances et compétences.
Immédiatement, il est de notre devoir, si nous ne sommes pas paresseux,  d'ajouter  une colonne supplémentaire et une ligne supplémentaire à chacun des deux tableaux, selon le bon principe que toute case vide est à remplir : ayant une case vide, nous avons le bonheur d'être invité à  exercer notre intelligence pour nous demander comment la remplir.
Et puis,  selon le même principe : puisque nous avions deux tableaux, pourquoi n'en aurions-nous pas trois ? Par exemple avec des savoir vivre, des savoir être... ou toute autre chose à votre goût.

Évidemment, les connaissances et les compétences que nous avons sont définies dans les programmes et les référentiels des cursus que nous avons suivis. On pourrait donc, paresseusement, se reposer sur ces programmes et référentiels, en pensant que si nous avons des  diplômes, c'est donc que nous maîtrisons les connaissances et les compétences correspondant à ces diplômes...
Mais on sait bien que cela n'est pas vrai, et je fais une différence entre les prétentions que nous avons vis à vis du monde extérieur (les employeurs, par exemple), et celles que nous pouvons avoir vis à vis de nous-même, où nous n'avons pas intérêt à nous mentir. D'autant que les discussions avec mes amis plus jeunes prouvent que les notions, connaissances, compétences... sont parfois bien volatiles : on n'oublie pas qu'il faut avoir oublié plusieurs fois pour se souvenir. De sorte que, je le répète, il est bien paresseux de se reposer sur les programmes et référentiels.
Et surtout, je maintiens que l'on sait  mieux quand on sait ce que l'on sait,  et que l'on sait mieux faire quand on sait ce que l'on sait faire.

Je propose d'avoir, dès l'école primaire, un tel portfolio que, fièrement, nous augmentons ligne après ligne. Bien sûr, cette liste grossira considérablement et il faudra la structurer... ce qui est un avantage, puisque nous pourrons sans cesse réviser nos savoirs et nos compétences. Et nous serons amenés à changer les statut de savoir et de compétences (deuxième colonne), passant de débutant, à  confirmé, puis expert.
Et là , je vois apparaître le fait que ce portfolio, cette liste de connaissances et de compétences,  va de pair avec une évaluation que nous faisons nous-même de nos connaissance de nos compétences :  au lieu de laisser filer, nous reprenons la main sur ce que nous apprenons, nous maîtrisons, nous contrôlons, nous commandons ; nous évitons de la mauvaise foi, car si cette liste destiné à nous-même.

Évidemment, une telle liste peut-être utile pour chercher du travail : si nous arrivons devant un employeur avec la liste de tout ce que nous savons  et de tout ce que nous maîtrisons, alors non seulement ce dernier peut juger de l'adéquation de notre proposition avec ses besoins, mais, de surcroît, il voit qu'il a en face de lui quelqu'un de structuré, qui cherche à faire bien.

Et il n'est jamais trop tard pour se lancer : j'ai entendu quelques amis déjà bien avancés dans leurs études, par exemple en fin  de licence,  me dire qu'il était trop tard. Non, il n'est jamais trop tard, et l'on voit bien que l'on puisse commencer ce portfolio à tout moment, même rétrospectivement, parce que cela conduit à des révisions qui affermissent nos savoirs et non compétences. Tout bon, donc !

dimanche 1 mars 2020

La vérité ?


La vérité ? Démontrer scientifiquement ? Des théories justes ? Des sciences exactes ?
Il faudrait que nous constituions progressivement un catalogue des idées populaires ou simplement communes qui  sont parfaitement fausses.

Par exemple, les sciences de la nature ne démontrent rien, mais se limitent à décrire de mieux en mieux les phénomènes, leurs mécanismes. Ce sont seulement les mathématiques, qui démontrent.
Les théories ? Elles sont toujours insuffisantes, imparfaites, et c'est la raison pour laquelle les sciences de la nature n'auront jamais de fin : il faut améliorer, et améliorer encore, en sachant qu'un modèle réduit de la réalité n'est pas la réalité, et que ce serait une erreur terrible que de confondre, que de croire qu'une description tout à fait locale puisse être globale.
Des sciences exactes ? Moi, je connais les sciences de la nature, qui, parce que nos outils de mesure sont nécessairement imprécis, rien qu'en raison du "bruit du monde" (je rappelle que, au minimum, l'énergie est kT).

Et la vérité, dans tout cela ? 

C'est amusant de voir comment la science est devenu bien plus prudente que par le passé, du point de vue épistémologique : personne aujourd'hui ne pourrait plus prétendre -sauf à avoir beaucoup de naïveté-  que nous cherchons la "vérité".  Nous cherchons seulement des descriptions de plus en plus précises des phénomènes, des objets du monde, et ces descriptions condamnées à être toujours imprécises (la question, c'est "combien ?") ne sont pas inutiles puisqu'elles permettent l'introduction notions et concepts, qui sont des outils qui nous aident à penser mieux.

Pas de place pour la "vérité", dans tout cela, sauf à considérer que notre discours est factuel, pas mensonger.