samedi 26 février 2022

Je discute le monoglutamate de sodium



Le monoglutamate de sodium ? Il y a beaucoup de bêtises dites à son propos, par ses partisans comme par ses détracteurs.

Commençons par les questions qui fâchent.

Et disons qu'il est souvent utilisé en cuisine asiatique, notamment japonaise. Et il a été soupçonné d'être à l'origine du "syndrome du restaurant chinois"... mais ce syndrome est prétendu, car, en réalité, le seul effet concerne ceux qui prennent des médicaments pour le coeur : le monoglutamate de sodium inactive certains de ces composés.

Et disons qu'il figure sur la liste des additifs, ce qui suffit à certains pour croire qu'on les empoisonne... alors que le caramel, aussi, figure sur cette liste.

Disons surtout qu'il a un goût (une saveur) puissant, qui, selon les personnes, est perçu salé, sucré, ou bouillon de poulet.

Et c'est pour cette raison qu'il est utilisé dans nombre de "bouillons cubes". Initialement, il était le principal, avec le sel, mais d'autres composés se sont ajoutés (inositides, par exemple).

Disons surtout que l'acide glutamique, dont le monoglutamate est un sel (de sodium, par exemple) est un acide aminé, un des 20 maillons des protéines. Nous en avons plein l'organisme.

Disons que la société qui en produit et en vend n'a pas un message parfaitement honnête : elle prétend que ce monoglutamate de sodium est le principal composés sapide, elle prétend que c'est "la" cinquième saveur (alors qu'il existe une infinité de saveur), elle le trouve partout, en vante les mérites... alors qu'on a parfaitement le droit de ne pas aimer la saveur de ce composés.

Il va falloir que je change mes billets, ou, plus exactement, que j'indique à qui je m'adresse

 Un ami cuisinier me dit que beaucoup de billets que je fais sont trop difficiles parce que, lors de ses études, il n'a pas eu les bases de chimie et de physique qui lui serait nécessaire pour comprendre ce que j'écris.

De fait, il est vrai que je fais toujours l'hypothèse que mes amis qui me lisent savent ce qu'est un acide, une base, un composé, un atome, et cetera.
Pour bien me faire comprendre de ces amis-là, il faut que j'explique tout cela. 

Inversement, d'autres, qui ont déjà des notions de chimie, peuvent trouver ces informations inutiles, gênantes. 

 

De sorte que je conclus qu'il faut des billets de différentes sortes, selon les amis à qui je m'adresse. 

En conséquence, il faudra aussi annoncer à qui je m'adresse et c'est ce que je viens  de me résoudre à faire :  il y aura une série de billets d'initiation, d'une part, et, d'autre part,  une série pour ceux qui en savent plus. 

Cela sera annoncé en tout début de texte.

vendredi 25 février 2022

Comment nommer ce qui n'est pas un macaron ?

 Le 22 février 2022, nous avons exploré la cuisine note à note, avec une dizaine de chefs étoilés. 


Et, lors de nos travaux, nous avons préparé ce joli produit, mis au point par le cuisinier Julien Binz, d'Ammerschwihr : 



Cela faisait quelque temps que je nommais cela un "maracon"... mais le terme choquait... Et avec raison ! 


Car un macaron contient essentiellement de la poudre d'amandes, du blanc d'oeuf et du sucre. 


Alors que ce produit est fait d'eau, de protéines de blanc d'oeuf, de glucose.


Ce n'est donc pas un macaron, mais qu'est-ce ? 

 

Réponse : c'est manifestement une meringue fourrée. 


jeudi 24 février 2022

La cuisine moléculaire n'a (presque) rien à voir avec la gastronomie moléculaire

 

Ce matin, construction d'une page wikipédia, parce que la recherche de "cuisine moléculaire" arrivait sur "gastronomie moléculaire"... ce qui n'a rien à voir.

 

Voici ce qui a été mis :

 

Cuisine moléculaire

A bien distinguer de la "gastronomie moléculaire" (qui est une discipline scientifique), la cuisine moléculaire est une forme de cuisine qui se définit par l'emploi de matériels venus des laboratoires de chimie, de physique, de biologie.

Elle a été introduite depuis le début des années 1980, notamment quand Nicholas Kurti a proposé l'emploi du vide, ou quand Hervé This a proposé l'emploi de systèmes de foisonnement (pompes, siphons), d'émulsification (sondes à ultrasons), de filtration (ampoules à décanter, frittés de laboratoire), de broyage (broyeurs à billes), de distillation (évaporateurs rotatifs, avec ou sans piège froid), de chauffage (thermocirculateurs). Fut aussi introduit l'emploi de l'azote liquide (Peter Barham, Hervé This, Nicholas Kurti) et, surtout l'ajout de divers gélifiants (alginates, carraguénanes, gommes de guar, caroube, xanthane, etc.).

Philippe Conticini (La Table d'Anvers, Paris), Raymond Blanc (Le manoir des quatre saisons, Oxford) ou Ferran Adria (El Bulli, Espagne) furent parmi les premiers cuisiniers à utiliser ces techniques qui se sont rapidement popularisées.

Le nom de "cuisine moléculaire" a été donné en 1999 par Hervé This, pour éviter la confusion avec la gastronomie moléculaire.

lundi 21 février 2022

Le beurre et l'oeuf


Un enfant m'interroge : pourquoi l'œuf durcit au feu alors que le beurre fond ?
La question est posée, donc, par un enfant, mais elle a de quoi intriguer n'importe quel adulte ! Puisse cet enfant rester assez émerveillé, pour devenir un adulte qui posera des questions analogues.

Pour le beurre, c'est essentiellement de la matière grasse, mais avec un peu d'eau dispersée dedans... comme on le voit en chauffant doucement du beurre : de l'eau trouble se dépose en bas du récipient, et la graisse pure surnage ; cette dernière est ce que l'on nomme le beurre clarifié.
Mais restons à la graisse pure : elle fige à froid, mais fond à chaud. Pourquoi ? Parce que la matière grasse est fait de tout petits objets, que l'on nomme des molécules de triglycérides, et qui sont comme des peignes à trois dent souples. Ces objets sont faits d'atomes (pensons à des boules, pour simplifier) de trois sortes : des atomes de carbone, des atomes d'oxygène et des atomes d'hydrogènes. Et, aux températures assez douces où l'on chauffe du beurre pour le fondre (moins de 60 degrés), les molécules ne sont pas modifiées, et l'énergie que l'on donne sert seulement à faire bouger assez les molécules pour que, au lieu de rester empilées, elles puissent se déplacer, et faire un liquide. Car un liquide, c'est de la matière où les molécules peuvent bouger, au lieu que, dans un solide, les molécules sont immobiles, même si elles peuvent encore vibrer autour de leur position fixe.

Pour l'oeuf, considérons le blanc, qui est plus simple que le jaune (mais le principe est le même) : ce blanc d'oeuf est fait majoritairement (90 pour cent) d'eau, et de 10 pour cent de "protéines", dont les molécules sont comme des colliers de perles repliés sur eux-mêmes (pour ces protéines là). Quand on chauffe du blanc d'oeuf, les molécules d'eau et les molécules de protéines s'agitent plus rapidement, et les colliers de perle sont déroulés (on dit "dénaturés"). Mais il se trouve que des atomes particuliers qui se trouvaient dans les molécules des protéines de l'oeuf, et plus précisément des atomes de soufre, peuvent s'attacher. Les protéines déroulées s'attachent donc, formant un réseau à trois dimensions (imaginons une toiles d'araignée dans toutes les directions), où les molécules d'eau sont piégées. Cette "coagulation" forme ce que l'on nomme un gel, un solide mou, qui ne coule plus.

dimanche 20 février 2022

Mes recettes pour Quatre à table

 Mes recettes, pour "Quatre à table"

Si tout se déroule comme on me l'a indiqué, une émission de TF1 intitulée Quatre à table me montre en train de composer un repas pour quatre personnes, avec 30 euros. Et c'est diffusé le samedi 19 février 2022.

En réalité, je n'ai dépensé que 22 euros, pour un repas très conséquent. Je vous en donne les recettes :


1. Bisque de crevettes crémée

Décortiquer des crevettes, et mettre les carapaces avec de l’huile dans une casserole.
Chauffer à feu soutenu jusqu’à ce que les carapaces brunissent.
Ajouter une carotte pelée et détaillée.
Cuire à couvert pendant 20 minutes.
Puis broyer, et passer.
Servir avec une quenelle de crème fouettée.


2. Oeuf 65,  crème de parmesan,

Mettre des œufs dans un four à 65 degrés et cuire ainsi pendant 2 heures.
Pendant ce temps, dans une casserole, suer un oignon divisé en dés, dans de l’huile d’olive.
Après cinq minutes, ajouter deux cuillerées à soupe de farine, et pousser le feu pour faire blondir.
Ajouter de l’eau, du sel, une pincée d’acide tartrique.
Cuire à couvert pendant 20 minutes.
Puis ajouter le parmesan, et cuire encore 5 minutes.
Passer au chinois.
Dans un bol, mettre les oignons retenus dans le chinois, en fond de bol.
Puis déposer dessus un œuf à 65 °C, que l’on a cassé en deux pour le déposer dans le bol.
Napper de la crème de parmesan.


3. Crevettes et crème de riz

Cuire à couvert, pendant 20 minutes,  du riz avec moitié eau, moitié lait, et une dizaine de gousses d’ail pelées.
Puis mixer finement.
Mettre cette purée d’ail en fond d’assiette.
Chauffer vivement les chairs de crevettes, et les déposer au centre de la crème de riz à l’ail.
Puis ajouter de l’échalotes divisée finement, crue, du piment d’Espelette, un peu de parmesan.


4. Würtz :

Presser trois oranges.
Dans le jus, faire tremper cinq feuilles de gélatine pendant 5 minutes.
Ajouter deux cuillerées à soupe de sucre.
Chauffer rapidement, porter à ébullition, et ne pas prolonger la cuisson.
Aussitôt, mettre la casserole sur des glaçons, et fouetter longuement, jusqu’à éclaircissement de la couleur.
Mettre dans des verres, au frais.


5. Gibbs vanille :

Dans une terrine, mettre deux blancs d’oeuf et ajouter de l’huile en fouettant, comme pour une mayonnaise.
Quand on a obtenu une belle émulsion blanche, ajouter :
- sucre
- acide tartrique
- aromatisant vanille
- quelques pistils de safran.
Répartir cette préparation dans de petites tasses, que l’on emplit aux deux tiers.
Mettre au four à micro-ondes jusqu’à ce que les gibbs gonflent.
Servir chaud.


6. Kugelhopf :

Dans une terrine, mettre :
-250 grammes de farine
-100 grammes de beurre
-50 grammes de sucre
-1/4 de cuillerée à café de sel fin
-1 œuf
-25 cL de lait
-1 sachet de levure lyophilisée, ou de la levure fraîche
Travailler beaucoup la préparation, jusqu’à ce qu’elle soit bien lisse.
Puis la couvrir et laisser fermenter (gonfler).
Quand la pâte a bien gonflé, la travailler quelques instants pour la faire redescendre (on « rabat »).
Puis refaire fermenter, puis rabattre, et ainsi de suite plusieurs fois (5).
Mettre des raisins secs dans une petite casserole, avec de l’eau à niveau et porter à ébullition.
Laisser  gonfler pendant la cinquième fermentation.
Puis, quand celle ci est faite, beurrer et sucre un moule à Kugelhopf.
Mélanger les raisins à la pâte, puis déposer dans le moule, et laisser fermenter une dernière fois.
Préchauffer le four, et enfourner à 180 °C ; cuire pendant 50 minutes.
En fin de cuisson, sortir du four et laisser refroidir avant de démouler.


Courses :
6 oeuf, 20 crevettes, 3 oranges, parmesan, 1 carotte, 1 oignon, 1 tête d’ail, riz, crème

Coût total : 22 euros

jeudi 17 février 2022

À propos de quenelles : ne vivons pas au Moyen Âge !

 

Il n'y a pas lieu de cuisiner comme au Moyen-Âge : de même que nous ne roulons plus en charette, nous n'avons pas de raison de cuisiner avec des procédés qui étaient déjà présents au Moyen-Âge ou à la Renaissance, n'est-ce pas ?

Pour réaliser des quenelles, il y a à la fois le geste technique de les mouler entre deux cuillères, ce qui s'apprend avec la pratique, mais il y a surtout la question de la juste consistance de la préparation, pour que les quenelles se tiennent quand elles tombent dans l'eau bouillante où elles sont pochées.

Commençons par le mot "poché, qui dit  bien qu'il s'agit de faire une poche où le reste de la préparation est retenu : il doit y avoir une coagulation de la surface, qui maintient l'intérieur de la quenelle.

S'il y a un pochage, c'est manifestement qu'il y a des protéines dans l'appareil, d'une part, et que ces protéines sont en quantité suffisante pour "coaguler"  la couche de surface.

Coaguler ?  Ces protéines sont initialement en solution dans un liquide, fût-il pâteux, et il faut que leur concentration soit supérieure à 5 % environ pour que la coagulation, c'est-à-dire la gélification, puisse se faire.

Et c'est ainsi que les cuisiniers ajustent progressivement leur préparation, afin qu'elle ne soit ni trop dur ni trop tendre, à l'aide d'un œuf.

Mais les oeufs -blanc ou jaune-  apportent simultanément de l'eau et des protéines, alors que, quand l'appareil ne se tient pas, ce sont seulement des protéines dont on a besoin.

Pourquoi ne pas ajouter tout simplement des protéines à l'état pur ? Cela se trouve chez les pâtissiers  : soit de la poudre de blanc d'oeuf, soit de la poudre de jaune. Quelques cuillerées règlent la question.

Décidément, je suis heureux de ne pas vivre au Moyen-Âge.

Questions about bread

I got very interesting questions : 

In your ‘Molecular Gastronomy 2006’ I found two (in fact three) very interesting articles about bread.
I am taking my chance here, since you invited your readers to ‘not hesitate’ with their questions.
Here are my questions :-)

1. (a short one)
In articel 68 'Bread and crackers' you are pointing out that bread between -20 and 0°C still undergoes alteration. Am I correct when I suggest that (sourdough) bread can be stored in the refrigerator at 6-10°C as well? Most bakers advise to put bread in the freezer. I like it better in the refrigerator, because defrosting can be ommited! Also, from my experience, it seems to me that restoring the bread in the oven for a few minutes at 180°C gives better result from being at a starting temperature of 10°C than of -18°C. I cannot explain why. Can you confirm? And if so, explain?

2. (a very long one, sorry :-)
In article 35 The secrets of bread, the first sentence ends with ‘(…) proteins, which form a glutenous network as dough is kneaded’. Theories that explain how gluten makes bread possible always are taking into account the importance of kneading the dough, being the starting point and condition of existence of the gluten network. But recently (and I think even since 1980’s) more and more bakers (like Chad Robertson of Tartine Bakery in the USA and the Respectus Panus movement in France) are exploring traditional methods that includes abandoning the kneading (and the use of commercial yeast), while letting the dough produce de gluten network in a spontaneous way (and ferment with sourdough). Instead of kneading, a slow mix of 2 minutes, just to hydrate the flour would be sufficient. After that only time is involved, no other ingredients. Also I believe that in preparing the sourdough starter there must be some spontaneous production of gluten involved, in the time that the starter develops (ripens), because in this time span the starter is able to double its volume within a few hours, while holding the carbon oxide in the sourdough mixture. But how is this proces going along with the process of fermentation. How can the two processes catch up and how to manage them? Is there a difference for the gluten between fermenting the starter and fermenting the dough, when nor starter nor dough is being mixed? Bioscience does not give any answers here, true? In my opinion scientist are biased through the common practice of the baking industry and they might focus on the wrong assumptions about bread making. Does the practice of this new generation of traditional bakers have consequences for scientific understanding bread making? In a way bioscience of breadmaking is still focussing on the shortcomings of common bakery industry related to intensive mixing practice, don't you think? Shouldn't they shift their focus to different aspects of bread making? Personally I would like to know more about the relation between the proces of gluten development and the parallel proces of fermentation through the microflora (microbiota). It seems to me that this is the main issue that I am trying to master as a professional sourdough baker, in my own bakery just through the empirical research of trial and error. How can bioscience be helpfull here? Do you know of any research about this issue in present days?

 

And here are my answers : 

 

Dear xxxxx
Thanks for your kind message. Let's begin by saying that indeed the interaction between proteins making a network are unknown. In the past, I assumed that they were disulfide bridges, but then came a work by Tilley and others, about dityrosine bonds being responsible of the netword... but finally, it seems to me that the "sugar effect" shows that only weak forces are involved.
Indeed, for this experiment, you make a dough, and when it's strong, you simply add icy sugar... and the structure is destroyed, probably because water molecules are more attracted by sucrose molecules (a lot of hydroxy groups) than by proteins.
In this assumption, the new hydration method can be explained... but as a scientist, I would say that any theory is insufficient, and we have to look more closely to the phenomena.
And I am not a specialist of bread. Indeed, I tried always to avoid the questions of bread, cheese, wine, because they are too difficult, and this is why I have to apologize not being able to answer better.
About the first question, I have to be more precise: at temperatures more than -20 °C, there are changes with time. And the hotter the temperature, the faster the changes.
Explaining your observation? It would take months or years...
And one final reflection: "gluten" is a very annoying term, because it makes people think that this is a specific material, but depending on the particular proteins involved (year of cultivation, etc.) you will have different glutenS ! Indeed the word gluten was introduced centuries ago, and I am always annoyed to use it myself, and this is why I prefer speaking of "protein network"... But wait: who ever demonstrated that there are only proteins participating to this network ???
You see after my answer you have more questions than before. I am sorry about that.

Kind regards

 

mercredi 16 février 2022

Une hypothèse : cela signifie que j'évoque une possibilité seulement

 

Il a bien longtemps, un chef m'avait signalé qu'il faisait de très bonnes frites en faisant jusqu'à 10 bain d'huile successifs.

À l'époque, je n'avais pas compris l'intérêt de la chose, et quand j'avais mesuré la pression et la température dans les frites, je n'avais pas vu d'effet particulier de ce procédé.

Mais je viens de me demander si l'intérêt du procédé n'était pas tout autre !

En effet, on se souvient de ces expériences lors desquelles j'ai mesuré la quantité d'huile dans les frites :  j'avais observé que quand on éponge les frites immédiatement à la sortie du bain, alors on évite l'absorption d'une quantité d'huile considérable : jusqu'à un demi gramme d'huile par frite !

Cette expérience condamne en quelque sortes le double bain, qui risque de faire venir dans les frites deux fois plus l'huile qu'un seul bain.

Mais si chaque bain s'accompagne de l'absorption de l'huile en surface, au sortir du bain, alors on peut imaginer que de très nombreux bains feront venir une quantité d'huile considérable, dans les frites.

Dans un séminaire de gastronomie moléculaire, nous avions montré que non seulement des dégustateurs reconnaissaient à l'aveugle des frites qui avait été épongées ou non, mais, surtout, qu'ils préféraient les frites avec de l'huile dedans.

D'où mon hypothèse : et des frites buvaient plus d'huile, avec de nombreux bains, les mangeurs ne les apprécieraient-ils pas, précisément, pour cette huile ?

Je rappelle en passant que l'huile chauffée n'est guère saine... maic mon hypothèse n'est qu'une hypothèse : qui la testera ?

mardi 15 février 2022

Séparer les cuissons, construire le goût



Oui le goût n'est pas donné simplement par les ingrédients,  mais il se construit comme on va le voir maintenant avec l'exemple de l'osso bucco.

L'osso bucco, c'est du veau, de l'oignon, de l'ail, de la tomate et du citron.
La recette classique recommande de singer les morceaux de viande, c'est-à-dire de les fariner et de  faire revenir les morceaux dans de la matière grasse, pour ensuite ajouter le liquide, l'oignon l'ail, la tomate.
Pourtant, je préconise de cuire d'abord les oignons, jusqu'à ce qu'ils soient fondantes.
Puis de réserver les oignons, et de faire revenir la viande à feu très soutenu pour obtenir un brunissement superficiel, sans cuisson de l'intérieur (qui durcirait la viande).
Puis de faire un roux, séparément de la viande.
De la sorte, les trois ingrédients seront parfaitement à point : pas besoin de se contorsionner pour arriver à faire tout ensemble.

C'est seulement ensuite qu'on réunira ces trois éléments et que  l'on ajoutera du vin blanc et des tomates, plus du citron, qui peut d'ailleurs être du citron confit au sel.

Ensuite  on cuira à basse température, afin de ne pas faire durcir les viandes, et, au terme d'une longue cuisson à basse température, on aura la viande à point.

Restera à ajuster la sauce : si elle est trop épaisse, on la détendra ; si elle est trop liquide, on la mettra dans une casserole à part pour la réduire.

Reste la question du goût :  je n'ai pas mentionné le sel, le poivre, et cetera. Pour le sel, c'est le plus facile : on sale comme il faut, en goûtant. Mais pour le poivre, on n'oubliera pas que ce dernier doit être mis moins de 8 minutes avant la fin de la cuisson, sans quoi sa fraîcheur piquante disparaît et une âcreté désagrable se manifeste.

Evidemment, on peut penser à d'autres épices : le clou de girofle, le laurier, etc., mais là c'est une volonté personnelle.

lundi 14 février 2022

À propos de potée, lorraine ou auvergnate

 

 Dans les potées,  il y a des légumes et de la charcuterie ou de la viande.

Les légumes, c'est notamment du chou et des carottes, mais aussi des oignons par exemple. Et l'on sent d'emblée, à l'évocation des potées traditionnelles, la présence de clou de girofle que l'on aura piqué précisément dans les oignons.

Pour les légumes, il faut savoir qu'ils ne s'attendrissent qu'aux températures supérieures à 82 degrés, mais que, dans l'eau bouillante, alors il y a un "entraînement à la vapeur d'eau" : cela signifie que les molécules odorantes, qui contribuent au goût, sont évacuées par la vapeur qui se dégage. En conséquence, on aurait peut-être intérêt à cuire les légumes non pas à l'ébullition franche, tumultueuse, mais au frémissement : cela suffit pour attendrir et cela concerve les composés qui donnent du goût.

Pour la viande, l'ébullition est également terrible, parce qu'elle fait des viandes à la fois molles et sèches, au lieu d'être tendres et juteuses. Là, s'impose une cuisson longue à basse température, par exemple 70 degrés.  

Ce qui signifie que l'on aurait intérêt à cuire en deux temps : d'abord la viande, pour une longue cuisson qui l'attendrit. Puis, en retirant la viande du bouillon, les légumes, dans le bouillon frémissant, avant d'ajouter la viande pour terminer.

Il y a enfin la question de la graisse qui vient flotter à la surface du bouillon et qui n'est pas excessivement digeste.
Là, il faut savoir qu'il y a, dans les laboratoire de chimie, un ustensile absolument merveilleux qui s'appelle ampoule à décanter. C'est un récipient en verre où l'on met le liquide, et dont la base comporte un robinet : quand on ouvre le robinet, le liquide inférieur s'écoule ; et il suffit de le fermer quand le niveau de la matière grasse arrive à la hauteur du robinet.
De la sorte, on effectue un dégraissage parfait.

Et c'est ainsi que l'on pourra servir un bouillon clair, des légumes bien tendres, et une une viande bien cuite mais pas sèche.

Évidemment, la qualité des légumes et des viandes est de toute première importance, notamment celles des saucisses qui ne manqueront pas d'être présente dans une bonne vieille tradition lorraine ou auvergnate. D'ailleurs le lard, aussi, ne sera pas oublié :  son goût fumé viendra parfaitement s'allier celui de clou de girofle.

vendredi 11 février 2022

je n'aime pas les pâtes al dente

Que mes amis italiens me pardonnent ce titre : j'espère qu'ils seront d'accord avec moi, quand ils auront fini la lecture de ce billet, si ce sont de vrais amateurs de pâtes.

Le point de départ, c'est un oukase que l'on répète en France : il faudrait que les pâtes soient cuites al dente.

Mais on me connaît  : je n'aime guère les oukases, ces ordres qui viennent d'on ne sait où et qu'il faudrait suivre sans réfléchir.

D'ailleurs, cela fait bien longtemps que je me demande pourquoi il faudrait cuire les pâtes al dente.

Et l'on verra qu'il est très fautif de considérer que les pâtes al dente sont "meilleures".

Bien sûr, mes amis italiens sont  des amateurs de pâtes, parfois des connaisseurs de pâtes... mais moi aussi  ! Et je vois bien mal comment on pourrait mesurer l'expertise, et, surtout, pourquoi la connaissance des pâtes devrait dicter mon goût.

Car parfois, j'aime les pâtes bien cuites, parfois je les veux al denté, parfois je les veux si cuites qu'elles se défont... Oui, mon goût est changeant, d'heure en heure, de jour en jour, de saison en saison, selon les convives, le temps qu'il fait... Et seul mon goût compte, pour ce que je mange. Si je veux des pâtes bien cuites, je me fiche de savoir que d'autres les veulent al dente, et vice versa.

Pis encore, la répétition les mêmes plats est lassante, et l'être humain, sans doute pour des raisons  de biologie de l'évolution, veut des changements, sans doute parce que ces derniers garantissentqu'il mangera de façon diversifiée et qu'il évitera d'accumuler des composés toxiques qui proviendraient d'un aliment particulier. Manger varié, c'est limiter la concentration de certains composés... ce qui est essentiel, car  tous les composés de nos aliments sont toxiques à haute dose.

Finalement, j'invite mes amis à ne jamais céder au terrorisme intellectuel du "meilleur" : le meilleur, c'est ce que nous préférons hic et nunc, rien de plus.

De surcroît, le conseil de cuire les pâtes al dente est est idiot parce que les pâtes ne se mangent pas seul, mais en accompagnement :  a minima d'une sauce,  mais aussi d'autres ingrédients, d'une viande ou d'un poisson etc., et chaque association impose une consistance particulière des pâtes.
Si l'on a une consistance de la garniture qui est celle d'une pâte al dente, alors on aurait deux fois la même consistance en appropriant la garniture de pâtes al dente. Est-ce vraiment intéressant ? Certainement pas si l'on considère que notre appareil sensoriel est biologiquement fait pour reconnaître précisément les contrastes, et les contrastes de consistance en particulier.

Mais on se souvient que le bon, c'est le "beau à manger". Et en art culinaire, comme dans les autres arts, il n'y a pas de loi.

Je reviens à mes pâtes, à mes pauvres pâtes, et j'avais bien raison de me méfier de cette loi tombée du ciel, ou plutôt de l'Italie,  qui voudrait m'imposer ses goûts, nous imposer ses goûts. Nous valons mieux : cuisons les pâtes comme nous avons décidé de les cuire, agrémentons-les comme nous avons décidé de les agrémenter. Comme en musique, c'est seulement l'aléatoire, l'à peu près, qui empêchent d'atteindre le beau.

Oui, pour nos pâtes, sachons les cuire de la consistance que nous voulons, et dans le liquide que nous voulons, pour leur donner la consistance et le goût que nous aurons décidé.

Du brillant

On m'interroge sur la façon de faire un glaçage brillant qui tiendrait à la congélation... mais, au fond, ne suffit-il pas de faire une couche de gelée de gélatine ?  

Car après tout, à la décongélation, on récupère la couche de gel gélifiée. 


Voir aussi ma proposition que j'avais faite à Pierre Gagnaire : 


https://pierregagnaire.com/pierre_gagnaire/travaux_detail/50



jeudi 10 février 2022

La question du poulet rôti

 Ayant identifié qu'il était plus facile de séparer l'analyse technique, l'analyse artistique et l'analyse sociale des préparations culinaires, j'ai précédemment testé l'idée de transmettre une recette avec les trois aspects successivement, au lieu de les voir mêlés, comme on le fait classiquement. Aujourd'hui, je teste l'idée à propos de poulet rôti : comment produire un bon poulet rôti ?

Observons d'abord que certains plats sont considérés comme à la fois faciles et difficiles à faire : le poulet rôti en est un surtout quand on n'a pas analysé sa cuisson en termes physico-chimiques. L'écueil est connu : c'est d'avoir des cuisses insuffisamment cuites, alors que le blanc l'est bien, ou, inversement, d'avoir les cuisses bien cuites et le blanc trop sec.

Examinons d'abord l'objectif : je fais l'hypothèse que l'on souhaite un poulet bien doré, avec une belle odeur, un jus un peu court, d'un goût soutenu, des cuisses bien cuite,  les suprêmes moelleux et tendres.

Certes, il y a là des choix artistiques, mais ils sont en réalité plus traditionnels que choisis artistiquement (on rappelle que l'art n'est pas la répétition, contrairement à l'artisanat).

Cela dit, la première chose à obtenir, pour une cuisson classique à environ 200 degrés, c'est que la chaleur ait atteint à l'intérieur des chairs, blancs comme cuisses.

Or le temps pour qu'une pièce soit chauffée à une certaine température dépend de l'épaisseur que la chaleur va parcourir. Et c'est ainsi que deux  saucisses qui auraient 3 cm de diamètre cuiraient le même temps, même si l'une est de  5 cm de long, et l'autre de 10 km. C'est une question d'épaisseur  à parcourir.

Or la distance à parcourir est plus grande pour les cuisses que pour le blanc : on n'y peut rien.

D'autre part,  souvent le poulet est posé sur le dos, le blanc très apparent à la source de chaleur, de sorte qu'il cuit en premier, et plus vite. On néglige cet aspect,  mais il est essentiel car l'énergie rayonnée par une source chaude diminue en raison du carré de la distance entre la source et l'objet chauffé : s'il y a une certaine quantité d'énergie  reçue à 10 cm, alors ce ne sera pas deux fois moins d'énergie qui arrivera à 20 cm mais 4 fois moins.

D'où cette première idée qui consiste à poser le poulet d'abord sur une cuisse pour l'exposer à la chaleur, et ensuite sur l'autre cuisse, avant de terminer éventuellement sur le dos.

Cela dit, dans un four, il n'y a pas seulement de la chaleur rayonnée par la voute,  mais il y a aussi la chaleur de l'air environnant, et cela s'ajoute au premier phénomène surtout, dans l'analyse précédente, on a fait l'hypothèse d'une cuisson classique à 180-220 degrés.

Mais, au fait, si la cuisson fait sécher, en évaporant l'eau, pourquoi la fait-elle durcir ? Ici, c'est comme pour les oeufs  durs, qui sont encore tendres quand on les cuit pendant 10 minutes, mais qui deviennent catoutchouteux quand on les cuit plus de 20 minutes : il n'y a pas de différence d' "évaporation", dans ce cas, mais seulement le fait que de plus en plus de protéines coagulent.

Et c'est pour cette raison que la cuisson à basse température est merveilleuse : elle tue les micro-organismes, elle fait coaguler les chairs, mais elle évite le durcissement.

Alors pourquoi ne pas cuire nos poulets à basse température ?

Certes, on n'aura pas alors le brunissement que l'on attendait mais qu'est-ce qui nous empêche de l'obtenir finalement, par le grill ? Oui, on pourrait très bien on peut très bien commencer à cuire à basse température pendant longtemps à basse température, sans se préoccuper du temps de cuisson, du moment qu'il suffit pour cuire toutes les chairs et, au dernier moment, on rapprocherait le poulet du grill, à une très forte chaleur jusqu'à ce que l'on obtienne le brunissement.

Car obtenir toutes les qualités à la fois est bien difficile ; le découplage est une solution bin plus simple.

Reste la question du jus, dont il faut savoir qu'ils sont expulsés par les chairs quand elles sont chauffées, car elles se contractent.

Il est certain que la cuisson à basse température, qui ne contractera pas autant les chairs, ne produira pas cette expulsion, ou disons la procurera moins... mais il faut savoir ce que l'on veut : une chair tendre, ou du jus ?

D'autant que rien ne nous empêche, avec la carcasse d'un poulet précédent, d'avoir  préparé un jus qui serait ajouté au nouveau poulet  que l'on cuit. Ainsi,   surtout avec une cuisson longue à basse température, le jus serait réduit au point souhaité.


Voilà pour la partie technique. Pour la partie artistique, on peut s'en donner à cœur joie entre le citron, la température exacte de cuisson à basse température, le degré de brunissement, le temps de brunissement, l'emploi de thym, de romarin, le sel ou le poivre, etc.

Il n'y a pas deux poulets rôtis identiques, et le choix artistique s'impose.

Pour la question sociale, il est certain qu'un poulet rôti entier, bien doré suscite l'admiration des convives, mais il également certain qu'il est plus facile de découper sur une planche, en cuisine, ce qui permet ensuite, en disposant bien les morceaux découpés, de les présenter dans un plat plus beau que celui qui va généralement au four.

Bref le poulet rôti ne se fait pas en 5 minutes mais, avec la basse température, la longue durée ne pèse pas puisque nous partons nous promener pendant ce temps-là et que le travail se réduit quasiment au brunissement final.

mercredi 9 février 2022

Le pouvoir des mots

Le pouvoir des mots est connu depuis longtemps,  et certains dialogues de Platon, déjà, montrent bien comment des malhonnêtes enflamment les foules. Pas de nouveautés sur le soleil : on continue de voir, dans les émissions de radio de télévision, des personnages qui s'intitulent hommes ou femmexs politiques, qui se font élire en abusant le peuple et qui mentent comme ils respirent. Ces gens sont une nuisance, et il faut sans relâche dénoncer leur incompétence et leurs mensonges.

Mais ce n'est pas une lamentation de plus à ce propos que je veux faire. Je veux surtout observer que jadis, fut mise au point technique d'analyse de la matière nommé "résonance magnétique nucléaire". Je passe pour l'instant sur la description de cette technique et j'arrive à son évolution, une dizaine d'années après sa découverte, quand fut introduite l'imagerie par résonance magnétique nucléaire  : cette fois, on pouvait analyser un tissu vivant, notamment parce que la technique montre l'eau plus ou moins liée, dans un échantillon. Initialement la technique d'imagerie était limitée à des objets de quelques centimètres de côté, mais, bientôt, on put l'utiliser comme outil de diagnostic dans les hôpitaux.
Hélas,  le public rechignait à se faire examiner les appareils : vous pensez bien, il y avait du "nucléaire" ! On  donc aussitôt rebaptisé  la technique "imagerie par résonance magnétique", et, mieux, on en a pris l'abragé IRM pour éviter de  faire apparaître la résonance et le magnétique.

C'est à ce stade qu'il convient d'expliquer la technique. Dans cette dernière, il n'est pas question de radioactivité,  et le mot "nucléaire" et simplement l'adjectif correspondant au mot "noyau".
Car  la technique étudie le comportement des noyaux des atomes. Hâtons-nous de le dire pour ceux qui l'ont oublié  : des atomes qui sont naturellement présents dans tous les échantillons de matière ! Ces noyaux se comportent comme de petits aimants, et un champ magnétique, c'est-à-dire l'influence d'un autre aimant, permet de les faire basculer, changer de direction.

Cela, c'est la base de la technique de résonance magnétique nucléaire. E il y a simplement résonance, parce que, comme pour une balançoire que l'on doit pousser au bon moment pour la faire bouger, il faut agir (avec un aimant) au bon moment pour obtenir un signal que l'on puisse détecter.

Bref, rien de radioactif, dans cette affaire, mais une fois de plus, l'ignorance a sévit.

Ma conclusion ? De l'Ecole, de l'Ecole, de l'Ecole !

mardi 8 février 2022

Les Mémoires d'un Compagnon

Relu hier les Mémoires d'un Compagnon : je m'en promettais une lecture rafraîchissante, agréable, mais j'en suis sorti effaré : le Tour de France, que je m'imaginais comme une succession de merveilleux apprentissages, n'était qu'une suite de luttes imbéciles, entre les individus des divers groupes : les charpentiers, les maçons, les cuisiniers... Les confréries s'affrontaient, jusqu'à la mort de certains individus, et la police devait sans cesse intervenir. 

Et je ne parle pas du "secret" qui entourait les métiers, et dont on sait hélas à quoi il servait en cuisine : des auteurs comme Joseph Favre, à la fin du 19e siècle, ont été critiqué par leurs collègues parce qu'ils auraient donnés aux "maîtres" des moyens de mieux contrôler le travail, d'éviter de faire valser l'anse du panier ! Je déteste cet esprit de secret, et je veux au contraire de l'ouverture, de la transmission, cette transmission que les Compagnons d'aujourd'hui revendiquent comme l'une de leur marque constitutive.

Pour le "secret", en cuisine, il faut bien dire que la gastronomie moléculaire lui a mis un bon coup dans l'aile : pour plusieurs observations expérimentales que nous avons faites, notamment dans les séminaires de gastronomie moléculaire, des  individus m'ont dit "on le savait". Ah, ils le savaient et ils ne l'on pas dit ? Et puis, qu'est-ce qui nous prouve qu'ils le savaient vraiement ? Inversement, il y a des indications que des professionnels de ces sociétés m'avaient données... et qui ont été réfutées. Décidément, rien ne vaut la méthode expérimentale, pour ces affaires techniques. Avec des tests rigoureux, bien faits... qui font progresser la profession !

lundi 7 février 2022

Il y en a qui n'ont pas honte

 Sur le site d'un restaurant de second ordre, je lis : 


"soyez la bienvenue" : ah, ils n'acceptent que les femmes ? 

"le restaurant offre une multitude de services" : ah bon, lesquels ? j'y suis allé, et j'ai seulement vu un restaurant ; pas mal, sans plus

"le meilleur endroit à Paris" : oh, allons, un peu de pudeur !

des plats "d'une diversité à couper le souffle" : bof, une toute petite carte

Après avoir évoqué Pic, Darroze, Arabian : "Toutes ces femmes sont brillantes, mais elles n’ont pas forcément la notoriété de Madame xxx" : allons, sans rigoler


Décidément, certain(e)s n'ont pas honte !



Les enjeux de la vulgarisation de la chimie

Oui, la vulgarisation scientifique, notamment pour la chimie, a la mission de donner un enseignement qui n'a pas été donné à des personnes qui ont arrêté tôt leurs études, ou de rattraper, de pallier un enseignement qui n'a pas été reçu comme il aurait dû l'être.

Précisons :  nombre de nos concitoyens n'ont pas poursuivi beaucoup leurs études et n'ont donc pas disposé de beaucoup de cours de sciences, et notamment de chimie. Ce n'est pas un reproche, mais une observation qui doit être analysée : observons surtout que ces citoyens n'ont pas reçu de l'Etat d'informations justes sur le monde où ils vivent, et où la question "moléculaire" s'impose chaque jour, pour prendre des décisions essentielles, individuelles ou collectives.

Pour le second cas, on voit qu'il peut y avoir des causes à la fois dans l'émission des messages, et dans leur réceptions. Certes, les acteurs de l'enseignement (professeurs, élèves, et les autres qu'on se gardera d'oublier) sont tous merveilleux, mais quand même : c'est un fait que les cours de chimie (et de physique, etc.) passent à côté de nombreux élèves, et cela doit s'analyser aussi, car, finalement, ils n'ont pas les  informations qui leur permettraient de comprendre le monde où ils vivent, de vivre en citoyens responsables.

Et c'est donc une mission de la vulgarisation que de pallier les insuffisances.

Que l'on me comprenne bien :  je ne critique ici personne... car c'est complètement inutile, mais je cherche plutôt des moyens d'analyser la question pour arriver à faire quelque chose d'efficace.

La question est donc que chaque citoyen en arrive finalement à connaître, à comprendre "suffisamment" de chimie.


Il faut s'interroger aussi sur l'objectif de cette vulgarisation et, notamment, le choix des sujets que l'on veut traiter.

On sait bien sûr que l'actualité est un moteur de curiosité important dont tout media peut jouer, et on peut le faire honnêtement, afin de contribuer à donner à nos concitoyens des informations importantes pour notre vie en société. Sans grands cris effarouchés comme le font certains media catastrophistes, sans contorsions intellectuelles comme le font les idéologues.

Les actualités ? Pour l'aliment, ce sont les additifs, le glyphosate, les OGM, les engrais...

Car que sait-on de ces deux de ces objets quand on n'est pas chimiste ?
Et quelles décisions individuelles ou collectives peut-on prendre ?

On le voit, la vulgarisation de la chimie est politiquement essentielle !


dimanche 6 février 2022

Pourquoi il est difficile de vulgariser la chimie et quelques réflexions à ce propos.

Récemment, dans un article de vulgarisation scientifique, il était question d'aldéhydes. Si l'on descend dans la rue, et que l'on interroge le premier passant venu sur ce qu'il sait de cela, la réponse sera "rien".
Car l' a-chimisme est quasi complet : nos concitoyens ne savent en réalité déjà pas ce qu'est une molécule, un atome, un ion, la différence entre une molécule et une espèce chimique.

Et cela, c'est un fait que je vous invite à vérifier vous-même expérimentalement, en n'allant pas dans le quartier latin, mais dans n'importe quelle ville de France. Et ce n'est pas un  reproche (qui serait d'ailleurs inutile).

En conséquence,  il y a un premier palier de vulgarisation, qui est d'expliquer que le monde est fait d'atomes groupés en molécules ou autres entités analogues, dans les diverses matières qui nous environnent, des gaz aux solides.

Passée cette étape, nous arrivons donc à une difficulté particulière à savoir que la diversité moléculaire du monde est considérable.

Bien sûr, le nombre d'éléments "chimiques" est d'environ 200... mais il faut déjà les présenter, et faire comprendre qu'il y a une différence entre un élément et un corps pur, dont tous les atomes seraient de la même espèce.
C'est ainsi que, pour le cuivre, par exemple, il y a une confusion possible entre l'élément cuivre, et le métal, le morceau de cuivre. Ce cas se règle sans trop de difficultés à condition de bien choisir ses mots... mais c'est un fait que le vocabulaire de la chimie est déjà problématique.

Si ce ne sont pas les éléments qui sont à présenter mais un résultat récent, comment s'y prendre sans parler des objets qui ont fait l'objet du travail ? C'est bien impossible !

Et c'est pour cette raison que l'on peut être conduit à parler d' "aldéhydes", par exemple.
Imaginons une synthèse organique très novatrice, que l'on a choisi de présenter, et où des aldéhydes interviennent. Bien sûr, on pourra   indiquer que la molécule d'un aldéhyde est caractérisée par un atome de carbone qui porte un atome d'hydrogène et un atome d'oxygène lié par une double liaison... Mais quoi ? A quoi bon savoir cela ?
Et puis, dans l'exemple que voudra considérer, il ne s'agit pas d'expliquer les aldéhydes, mais des aldéhydes particuliers, qui ont une réactivité particulière.

En matière de travaux sur les aliments, par exemple, dire qu'il y a "des aldéhydes" parmi les composés odorants revient à donner une information tout à fait inutile... car il y a sans doute des aldéhydes odorants dans tous les ingrédients alimentaires ! Ainsi l'hexanal, qui est un petit aldéhyde à l'odeur de pomme, n'a rien d'olfactivement commun avec le cuminaldéhyde du cumin. Et voici pourquoi il est bien naïf de dire que "des aldéhydes contribue à l'odeur d'aliments particulier".

Là, j'ai pris un cas extraordinairement simple, mais si l'on revient au résultat de synthèse chimique,  par exemple, il faudrait de surcroît indiquer les enjeux: autre chose que de dire que ça peut faire les cosmétiques ou des médicaments, car cela est bien insuffisant.

On voit ici que l'une des difficultés de la vulgarisation de la chimie est celle de l'immensité du monde considéré : certes il y a des catégories moléculaires, mais les objets valent surtout dans leur singularité et quelqu'un qui resterait aux catégories n'aurait pas contribué au véritable travail de vulgarisation.

Sans compter que la science chimique, comme les autres sciences, repose sur deux pieds qui sont l'expérience et le calcul. De sorte que le véritable travail scientifique se caractérise d'abord par ce dernier. Bien sûr, on aura pu expliquer des réarrangement d'électrons, des réorganisation d'atomes entre les réactifs d'une réaction, mais si l'on veut donner les moyens de la preuve, il y aura fallu quand même expliquer de façon quantitative ce qui a été dit en mots.
Cela vaut pour la physique comme pour la chimie, et ce serait faire une vulgarisation bien légère, bien futile, que de s'arrêter à l'expérience, car la science précisément n'est pas réduite à cela. 





samedi 5 février 2022

Apprendre la confection du Kugelhopf, en séparant technique, art et amour

 

Mettons en oeuvre notre idée sur la séparation des trois composantes de la cuisine pour son enseignement, sa transmission.

Nous partirons aujourd'hui de l'exemple d'un Kugelopf, car les questions techniques, artistiques et sociales sont très imbriquées.
Et ce sera l'occasion de montrer pourquoi il faut les séparer.

Pour un Kugelopf, comme pour une brioche, il y a la question technique de la fermentation, mais aussi celle de la consistance : il faut arriver à faire une pâte de consistance approprié,  et il faut qu'elle lève.

Il faut donc examiner ces deux objectifs  -deux objectifs techniques d'ailleurs- , et je propose d'examiner  la recette, mais d'abord sans les quantités, qui sont accessoires et que nous discuterons ensuite.

Nous partons donc d'un peu de lait et de levure, puis nous ajoutons de la farine, puis  du beurre, puis  de l' œuf entier, puis du sucre, et  un peu de sel.
Dit ainsi, c'est tout simple, n'est-ce pas ?  

Ayant réglé la question "au premier ordre", nous pouvons maintenant aller plus dans les  détails.

Ainsi, il est bon de commencer par le lait et la levure pour bien voir que cette dernière est active :  il faut que l'ensemble ne soit ni trop froid,  sans quoi les levure ne se multiplient pas, ni trop chaud,  sans quoi elles sont tuées.
Et l'on pourra passer à la suite dès que l'on observera la formation de bulles, qui marquent le début de la fermentation.

Ayant vérifié l'action des levure, nous ajoutons la farine, qui fait l'essentiel de la pâte. Puis nous ajoutons du sucre, du sel, les oeufs, et nous devons introduire le beurre.
Sachant qu'il faudra bien travailler la pâte, pour des raisons qu'on pourra expliquer ensuite, il n'est pas interdit de mettre le beurre d'un coup et de travailler ensuite pour le disperser correctement. Ou bien de le tiédir préalablement.

C'est alors qu'il faut bien travailler la pâte pour avoir une consistance très lisse, et, éventuellement, ajouter un peu de lait si l'on voit que la pâte est trop dure : il faut que la pâte se tienne mais soit un tout petit peu filante, à savoir qu'elle doit pouvoir elle devra pouvoir couler de la terrine de préparation vers le moule du Kugelopf.

Le travail de la pâte a l'intérêt de former un réseau de gluten, avec les protéines de la farine, et c'est pour cette raison que l'ajout de beurre peut se faire d'un coup :  il est important de bien travailler la pâte et c'est une cause d'échec de ne pas la travailler assez.

Ayant une pâte bien lisse, il s'agit maintenant de faire fermenter, de sorte que les bulles de gaz formées puisse alvéoler la pâte.
On observera ici, mais c'est tout à fait secondaire,  que les bulles d'un baba, d'un Kugelopf, d'un quatre-quart, d'un soufflé, etc.,  sont bien différentes de celles que l'on obtiendrait avec de la poudre levante.

Oui, ici, c'est bien de la levure qu'il faut employer. Des micro-organismes vivants, qui, en se multipliant, forment des bulles de gaz (du dioxyde de carbone)... et des composés qui contribuent au goût.

Et là, j'ai proposé un innovation : au lieu de faire comme dans les recettes classiques, avec une fermentation, un rabat, la mise en moule et la deuxième fermentation avant la cuisson, je propose de considérer que la fermentation engendre notamment un composé qui est nommé sotolon et qui donne ce merveilleux goût de brioche.
De sorte que j'ai proposé non pas une fermentation mais trois, quatre, cinq, six...

Rabattre,  cela signifie dire simplement que quand la pâte a gonflé, on la travaille un peu pour la faire redescendre.

Et les fermentations doivent se faire avec la terrine couverte d'un linge pour éviter un croûtage, et à une température un peu tiède car les levure sont comme nous : elles ne se développement bien  ni dans le froid ni dans le trop chaud.

Ah, les quantités maintenant disons que, pour 250 g de farine, on aura un bon résultat avec un oeuf, 100 g de beurre, 100 g de sucre et du sel, un quart de litre de lait. Pour ce dernier, on l'ajoute pour avoir une pâte comme décrite précédemment : qui doit se tenir mais qui peut un peu couler.

La pâte ayant bien fermenté, la dernière fermentation se fait dans le moule. Un moule qui aura été beurré et sucré afin que la pâte n'y attachs pas à la cuisson.

Et c'est évidemment avant la dernière fermentation qu'on aura mis des raisins secs gonflés dans la pâte, avant de mettre cette dernière dans le moule de cuisson.

La cuisson, elle, se fera 180 degrés pendant 50 minutes : c'est le temps nécessaire que la chaleur atteingne le cœur d'une préparation dans le diamètre est important et qui doit un peu crouter : le contraste de cette croûte avec la tendreté de la mie est une composante essentielle du Kugelopf... mais cela relève des qualités artistique.


Tout cela étant dit, on a déjà un Kugelopf, mais il y a lieu de faire mieux, et de considérer la question esthétique, artistique.

Bien sûr, la quantité de sucre est importante. Bien sûr il faut du sel en quantité  suffisante c'est-à-dire environ un quart de cuillerée à café pour la préparation que nous avons décrite. La fermentation engendre différent composés, mais il y a de l'éthanol, l'alcool des eaux-de-vie et des vins, et bien d'autres composés, tel ce sotolon que j'ai évoqué précédemment.
Or je sais que certains amis ne veulent pas le côté un peu acide  des fermentations longues et c'est donc un choix esthétique que de faire deux, trois, quatre, cinq, six fermentations.

Tout comme l'ajout des raisins éventuellement. Ces raisins, qui auront été pris secs, auront été gonflés : on les met dans un peu d'eau que l'on porte à ébullition avant de laisser reposer un bon moment.

Il y en a qui veulent des amandes, et d'autres qui n'en veulent pas  : tout est possible et c'est votre choix, votre choix artistique, le même que celui d'un peintre qui décide de faire un bleu plus clair ou plus sombre sur une partie de sa toile.

J'ai dit que la cuisson était longue et j'insiste un peu en signalant qu'elle produit donc une croûte, qui fait contraste de consistance avec la mie : cela me donne l'occasion de rappeler que notre système sensoriel detecte les contrastes et donc les apprécie. Ces contrastes peuvent être de couleur, de saveurs, de consistance, d'odeur...

Personnellement, je conserve l'eau des raisins, je la sucre, j'ajoute du kirsch et je porte à ébullition. Puis quand le Kugelopf est refroidi dans son moule, je le démoule et je l'arrose avec ce liquide.

Bien sûr, avec tout ce qui précède, on n'a pas épuisé le sujet : on n'a pas discuté la matière du moule, ni le choix de la farine, du beurre, et ainsi de suite : de sorte que je conclus que, même pour une simple préparation, même si l'on facilite l'apprentissage en séparant le technique de l'artistique, vita brevis, ars longa (l'art est long, la vie est brève).



jeudi 3 février 2022

The difference between a technician and a technologist

 

Today, a friend of mine is asking if cooks are technologists. And my answer is very clear: no, a cook is not a technologist, but (generally) a technician. Let's avoid confusions ! 
 
Here, I explain the difference as clearly as possible :

1. When you do something, you are doing technique, from the Greek word "techne", which means "to do". A cook is producing dishes, a shoe maker is producing shoes, an electrician repairs electricy devices. And even a physician is a technician.

For cooking, the issue is that there are two kind of cooks
- some are just producing food for the body : when you are doing food that you eat for lunch, when you don't have much time, for exemple ; by the way, you can compare this with a painter who paints walls
- some cooks are artist, and the issue is now very different, because it is the same as for Picasso, or Rembrandt : the issue is not to speak to the body, but to the spirit.
Of  courses, even the painter for buildings and walls tries to do something "well done", but this is not the same purpose as Rembrandt. And even the cook in the street tries to do something "good", but it is not what some artists as Pierre Gagnaire are doing.

 
 
2. Now, for technology : the word comes from "techne" and "logos" : a technologist studies cooking in order to improve it, not in order to make it.
For sure, some cooks can try to improve their practice... but this is very new, and it was introduced by molecular gastronomy and molecular cooking !

 
3. And finally, sciences of nature have nothing to do with all this, because it means more or less solving equations.


Apprendre à cuisiner

 
Je viens de comprendre qu'il y a lieu de mieux apprendre la cuisine que comme on le faisait par le passé,  et cela tient dans cette phrase : la cuisine, c'est la de technique, de l'art, de l'amour.

Je sais bien que le titre du livre que j'ai publié précédemment, c'est l'inverse : la cuisine c'est de l'amour, de l'art, de la technique. Mais quand même, on ne pourra rien exprimer artistiquement si l'on n'a pas la technique nécessaire pour le faire.

J'ai l'habitude de comparer la cuisine à la peinture, à la musique ou à la littérature : un peintre qui ne saurait pas éviter à la peinture de couler ne pourrait pas réaliser une toile ; un musicien qui ne saurait pas poser correctement les doigts sur le piano ne pourrait pas jouer une musique ; un écrivain qui ignorerait l'orthographe, la grammaire, la rhétorique ne pourrait pas produire une œuvre littéraire.
En cuisine, il en va de même et je crois que nous devrions séparer les différentes composantes quand nous découvrons une recette.

Par exemple, imaginons que vous nous voulions faire des pâtes aux couteaux.
Bien sûr, il peut y avoir un protocole que l'on suivrait machinalement, mais c'est quand même mieux de bien comprendre que les couteaux restent tendres quand ils sont cuits 5 minutes seulement dans un four, auquel cas ils s'ouvrent spontanément. Pour les pâtes, il y a lieu de comprendre qu'il suffit d'une dizaine de minutes de cuisson dans une grande quantité d'eau salée pour qu'elles restent al dente.

Là, on a un bon début. Mais on n'a pas réglé la question du goût,  et cette question du goût nous imposera peut-être d'utiliser des oignons et de l'ail. Pour avoir un bon goût avec ces produits, on pourra par exemple considérer des questions techniques, à savoir que les oignons prennent une odeur envoûtante quand on les cuit, ou que le sel peut contribuer à changer leur couleur. Du point de vue technique, il faut de la matière grasse soit doucement chauffée. Si on veut un goût plus puissant, alors on pousse le feu et l'on obtient une couleur plus soutenu. Pour l'ail, il y a lieu de savoir que l'ail cru donne un goût bien différent de l'ail grillé, que l'on peut obtenir des pétales grillés en chauffant des lamelles d'air dans de l'huile jusqu'à ce qu'elles brunissent.

Mais le choix de la pratique est "artistique" : il faut avoir son idée du "bon".
Choisir de l'ail cru ou de l'ail grillé ? Un choix artistique. Apporter de la douceur ? Un choix artistique. L'apporter par l'oignon plutôt que par la tomate, ou bien l'inverse ? Un choix artistique.

Et là, il faudra de l'inventivité, car des pâtes à l'eau, c'est triste  : le goût se construit, et il est naïf de croire qu'il est donné par un ou deux ingrédients. Pensons à des pistaches, des raisins secs gonflés, des anchois, etc.

L'accumulation des ingrédients, toutefois, ne doit pas faire perdre la ligne artistique... qui doit donc être créée antérieurement. S'impose une volonté qui guide l'ensemble de nos choix.
Pour la musique, au lieu de mettre des notes au hasard, il faut donner une organisation musicale. Pour la cuisine  il en va de même : au lieu de mettre des goûts au hasard, il faut faire plus que se contenter de penser en termes de contraste, et il faut une raison pour employer un ingrédient plutôt qu'un autre.

On n'oubliera pas, enfin, que j'ai parlé d'amour, de lien social  : tout ce que nous préparons devrait être composé en vue du bonheur de nos amis.
Par exemple, faut-il mélanger tous les ingrédients ou, au contraire, les répartir de façon visible, afin qu'il constatent que nous avons fait quelque chose pour eux ? Ma réponse est surtout de ne pas choisir entre les deux options mais, au contraire, de les employer toutes les deux.
Par exemple, si l'on choisit de disperser les oignons brunis dans les pâtes, alors pourquoi ne pas aussi en faire un petit tas visible par-dessus, ou sur les bords ?
Par exemple, il n'est pas certain qu'il faille disperser les couteaux pour faire une masse indistincte, mais on pourra peut-être soit les aligner avec des spaghettis, soit les placer au-dessus des pâtes pour qu'ils soient bien visibles, et ainsi de suite.

L'organisation du plat est essentielle parce qu'elle dit beaucoup. Mon ami Pierre Gagnaire, par exemple, met souvent un chapeau par-dessus ses plats, quelque chose qui cache ce qu'il y a dessous, qui prépare une surprise. C'est plus délicat, évidemment,  que de montrer directement ce dont qu'il s'agit... mais je suis bien sûr que même Pierre ne proposerait pas de systématiser cette solution car précisément la variété s'impose aussi.
L'art ne se réduit pas à les principes mécaniques.

Mais pour en revenir et conclure sur l'enseignement, j'observe que c'est bon de bien séparer les composantes de la cuisine, quand on apprend à la faire !

La crêpe ? C'est très simple... et très compliqué

 La crêpe ? C'est très simple... et très compliqué

Je m'aperçois que je n'ai peut-être pas bien décrit la formation des crêpes.

Le mécanisme essentiel est le gonflement des grains d'amidons chauffés dans de l'eau, l'interprénétration de grains voisins, puis un peu d'évaporation d'eau.

Oui, à la base,  il y a donc des grains d'amidon, qui viennent de la farine ou de la fécule.
Et cette farine peut être de blé, de sarrasin, de riz... On peut utiliser une farine ou une fécule (de maïs, de pomme de terre)...

Ces grains d'amidon, chauffés dans l'eau, gonflent considérablement au point de s'interpénétrer.

Ce qui produit  une couche continue, gonflée,  qui,  en séchant un peu, formera la crêpe.

Mais je n'ai pas expliqué le mécanisme de ce gonflement qui a pour nom "empesage de l'amidon".

A cette fin, il est bon de savoir que les grains d'amidon sont organisés en couches concentriques, comme les cernes d'un tronc d'arbre.

Ces cernes, ces couches concentriques, sont composés de deux sortes de molécules :
- des molécules d'amylopectine : ramifiées, comme des arbres
- des molécules d'amylose : linéaires, comme des fils.

Dans les deux cas, ces molécules sont faites de maillons enchaînés qui sont essentiellement ce que l'on nomme des "résidus de glucose", c'est-à-dire des molécule de glucose qui ont perdu quelques atomes en réagissant, lorsqu'elles se sont enchaînées.

Ces arbres et ces fils sont imbriqués dans les couches concentriques des grains amidon, mais quand on chauffe les grains d'amidon dans l'eau, alors les "fils"  peuvent migrer vers la solution, tandis que les arbres restent en place et que les molécules d'eau s'introduisent dans les grains, entre les "arbres".

De la sorte, comme de l'eau rentre et que la structure des grains est défaite par la perte des "fils", les grains d'amidon gonflent.

Évidemment, ce n'est pas du tout ou rien : il y a des molécules d'amylose qui restent dans la structure concentrique, il y a des arbres qui en partent, mais ce que j'ai décrit est un  mouvement général.

Quand des grains voisins gonflent jusqu'à se rencontrer, alors les arbres s'interpénètrent,  s'enchevêtrent, et cela forme une couche qui devient continue avec essentiellement les arbres et de l'eau.

Puis,  quand l'eau s'évapore, alors il reste une couche continue avec moins d'eau, plus forte, plus solide,  et c'est cela, une crêpe.

mercredi 2 février 2022

No, cooking is not science !

 I had to answer to a confuse message that I got by email : 



No, cooking is not science !
Or more precisely, one can speak of the "science of the cook", but this means only a knowledge, and this knowledge can include advanced techniques. But in the meaning of sciences of nature, it would be a nonsense to say that cooking is science, as explained well in the introduction of the Handbook of Molecular Gastronomy.

Cooking means "producing food", and this is technique + art

Sciences of nature mean "exploring the mechanisms of phenomena using the scientific method", ie.
- identification of phenomena
- quantitative characterization of phenomena (measurement)
- grouping the data in equations (said "laws" in the past)
-making theories, by the introduction of new concepts quantitatively compatible with the equations
- looking for theoretical consequences of the theory
- experimental tests of the theoretical predictions
- and so on forever, improving and improving the knowledge.
You see : no common activity... but if you study the mechanisms of phenomena occurring during cooking, then this science is called molecular and physical gastronomy, or molecular gastronomy for short.

I add that there is a difference between technique, technology and science.

And of course, I don't make a hierarchy between cooks, technologists and scientists : a good scientist is better than a poor cook, and a good cook is better than a poor scientist.

One question to finish: why do some people want to say what they are not? In big letters, in my office, it is written "you are what you make".
I.e.
if you cook you are a cook, and this is a wonderful (if do it well, if you like it)
If you do technology, you are a technologist, and this is wonderful (if you do it well, if you like it)
If you do scientific research, you are a scientist, and this is wonderful (if you do it well, if you like it)
If you teach, you are a teacher, and this is wonderful (if you do it well, if you like it)

But let's always be clear with our activities: they are better done when the goal is clear and when the method is well suited to reacing the goal, isn't it ?

Mon avis sur la crêpe ?



La Chandeleur approchant, les journaux publient à propos de crêpes... et je reçois cette question : 


@Herve_This ,votre avis sur la crêpe sans œuf et sans lait ?

Elle  fait suite à :

 
"Chandeleur: nos astuces pour des crêpes sans oeufs, sans lait et sans gluten"
J'ai essayé. Y a pas à dire c'est meilleur Visage avec main sur la bouche  twitter.com/lesoir/status/…


Commençons par le commencement :  "Meilleur" : NON ! Car le "meilleur", c'est ce que JE (pas moi H.This, mais vous, chacun) préfère, hic et nunc.
Donc une telle déclaration est au mieux idiosyncratique.
Et moi, je trouve enfantin de "préférer" : je veux surtout de la variété, à savoir certaines crêpes avec oeuf, d'autres sans oeuf, avec du lait, sans lait, avec de la bière, sans bière, et ainsi de suite... en tenant compte de la garniture, des circonstances de la consommation, etc.

Bref, soyons inventifs... en conservant bien dans l'idée que la cuisine, notamment la cuisine des crêtes, c'est de l'amour, de l'art, de la technique. 


1. Pour qui fais-je des crêpes ? Comment vais-je les servir ? Quel "goût" mes amis, ma famille aiment-ils ?  C'est la question du "lien social", disons de l'amour. Essentielle, donc !

2. De l'art : là, il faut se souvenir que le bon, c'est le beau à manger. Et il y a mille crêpes différentes, parce qu'il y a mille farines différentes, de froment, de sarrasin, de riz, et ainsi de suite. Il y a mille épaisseurs, mille cuissons, mille garnitures... Certes, il y a de la crêpe artisanale, qui parle au ventre, mais il y a aussi de la crêpe artistique, qui parle à l'esprit !

3. De la technique : en gros, tout marche, même s'il y a des subtilités. Mais le lait, c'est principalement de l'eau, des protéines et de la matière grasse. L'oeuf, c'est de l'eau et des protéines. Et les grains d'amidon s'empèsent et se soudent quand ils sont chauffés dans l'eau. D'ailleurs, on dit que la crêpe serait une bouillie qui aurait séché. Après, on brode.