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jeudi 21 novembre 2024

Enseigner, c'est plus facile quand...

 Je reviens sur des questions d'enseignement parce que, cette année, tout a été beaucoup plus simple que les années précédentes : les groupes d'étudiants pour qui j'organisais des modules d'enseignement étaient plus homogènes, et il n'y avait pas d'étudiant plus faible que les autres. De ce fait, il n'y avait pas à pallier des insuffisances particulières et complètement déplacées : nous avons pu nous consacrer aux matières qui était au programme, à partir d'un document de cadrage parfaitement rigoureux et explicite. 

Je ne dis pas que j'ai bien fait, mais je dis que j'ai mieux fait que par les années précédentes et notamment parce qu'il y avait un auditoire commun. 

Je vois que j'aurais pu encore mieux faire :  l'analyse nous avons esquissé avec les étudiants a bien montré les défauts qu'il fallait corriger. Par exemple le regroupement des documents d'études en un site unique. 

Mais,  au-delà de ce ces aménagements qui seront faits  l'an prochain, je n'ai besoin de personne pour m'apercevoir que, de temps en temps, je suis un peu implicite, notamment sur des calculs que je fais trop vite pour les autres. Il y a lieu de mieux apprendre à me faire comprendre de ce point de vue. 

Cela me rappelle, quand un de mes fils était au lycée, que, dans les devoirs sur table, il balançait des équations sans explication : je lui ai expliqué que cela ne se faisait pas et qu'il fallait dire le raisonnement, lequel était en réalité aussi important que le résultat lui-même. 

Je retrouve ce défaut dans un cours que je suis en train d'écrire et que des collègues co-signataires me signalent implicitement en me demandant une figure, indication du fait qu'ils n'ont pas compris comment j'obtiens le résultat. 

D'ailleurs, faire un calcul trop vite, c'est aussi s'exposer à le faire faux. 

Décidément, pour les autres comme pour soi-même, il y a lieu de calculer très lentement et très sûrement. Très explicitement aussi puisque c'est là la clé du succès

lundi 18 novembre 2024

Pour une rénovation des études supérieures

 Après environ deux ans de billets dispersés à propos de ce que je refuse désormais de nommer "enseignement", au profit d'"études", je crois qu'il est bon de faire une synthèse, car ces nombreux billets ont été parfois hésitants, voire contradictoires : quand je les ai produits, je n'avais pas encore analysé complètement la question et je n'étais pas arrivé à la proposition parfaitement claire à laquelle je suis arrivé. 

Tout part du constat que personne ne peut apprendre à la place d'un étudiant. 

Chaque étudiant ne peut apprendre qu'en étudiant, et puisque nos systèmes d'études supérieures (les autres aussi) visent à faire que les étudiants apprennent, il faut donc mettre les étudiants au coeur du dispositif, et déduire les caractéristiques de celui-ci de l'objectif très clair que je viens d'énoncer : les étudiants doivent apprendre. Il y a donc l'étudiant qui doit étudier, et le système universitaire (j'y mets les grandes écoles d'ingénieur, indispensables dans le paysage français, parce qu'il y est admis de sélectionner les compétences) qui doit créer les conditions d'études efficaces. 

Ces connaissances peuvent être "pures" (comprendre pour comprendre mieux le monde où l'on vit), car il y a de la vertu à apprendre pour apprendre (je passe sur de longues discussions à ce propos), mais j'observe (sans prendre parti, sans juger) que les systèmes universitaires se modifient depuis quelques décennies en vue de former à des activités professionnelles, en vue de l'exercice de métiers, de sorte que l'université semble aujourd'hui avoir à organiser l'attribution de diplômes qui reconnaissent aux étudiants un niveau de connaissances et de compétences, de savoir-faire, de savoir-être clairement définis, qui garantissent donc à des sociétés qu'elles pourront embaucher des personnels qualifiés. 

A ce stade, nous voyons donc deux facettes : - d'abord, l'organisation de l'apprentissage (le substantif correspondant au verbe "apprendre"), - et, ensuite, l'organisation de l'évaluation, la « diplomation ». 

Évidemment il y a une relation entre les deux, car c'est l'apprentissage des savoirs et des compétences décidés pour chaque niveau d'études que l'université doit organiser et reconnaître. Autrement dit, dans la logique universitaire actuelle, il y a donc lieu de commencer par établir des référentiels d'évaluation, qui se fondent sur les métiers vers lesquels les étudiants se dirigeront. 

Cela signifie dresser une liste des savoirs, des compétences, des savoir-faire et des savoir-être qui seront évalués en vue de l'attribution des diplômes. Tous les savoirs et les savoir faire énoncés dans le référentiel associé à un diplôme particulier (licence, maîtrise) doivent être obtenus par les élèves qui prétendent à ce diplôme, et je suis très mécontent quand on impose les circonstances particulières d'apprentissage -des obligations de moyens- pour reconnaître l’obtention de ces savoir et compétences, ce qui correspond à une obligation de résultat. Je réclame l'entière liberté des moyens, et un stricte application de l'obligation de résultats (sans quoi nous dévalorisons les diplômes). 

D'autre part, je ne vois pas de raison de limiter dans le temps l'apprentissage des éléments des référentiels : pourquoi les étudiants ne pourraient-ils pas obtenir leur diplôme le jour - et seulement ce jour là- où ils ont validé tous les savoirs, compétences, savoir-faire et savoir-être qui sont requis ? Pourquoi n'iraient-ils pas à leur rythme ? En revanche, ce "droit", cette liberté associée à la suppression de l'obligation de moyens, me semble devoir aller avec une obligation de résultats : un étudiant doit pouvoir valider un savoir ou un savoir faire à tout moment, mais c'est seulement le jour où l’ensemble des savoirs et compétences du référentiel est obtenu que le diplôme est délivré. 

Soient donc des objectifs d'étude fixés, venons en aux études elles-mêmes. Les nombreux billets que j'ai précédemment consacrés à ces dernières convergent vers une proposition qui tient essentiellement dans ce que je ne crois pas bon que les encadrants de nos étudiants soient des « enseignants » ; on verra, en revanche, que je ne crois pas mauvais que nos systèmes d'études incluent des "professeurs". En effet, il est bien inutile d'enseigner quelque chose à quelqu'un qui ne l'apprend pas, et ma proposition se focalise sur l'apprenant, l’étudiant, qui doit donc étudier. Que doit-il étudier ? Les éléments du référentiel. Comment ? Comme il veut, car il a une obligation de résultats, et non une obligation de moyens. 

En revanche, on imagine bien que le personnel universitaire puisse avoir pour mission de faciliter l'accès à ces savoirs et compétences. Il doit donc être présent aux côtés des étudiants pour les guider, leur signaler des ensembles de données mieux faits que d'autres, diviser le chemin en petites étapes. 

Je vois que cette métaphore du chemin est vraiment bonne, et, clairement, il y a lieu de dessiner de tels chemins, c'est-à-dire d'identifier les étapes nécessaires pour arriver à un point particulier, mais je me répète : il n'y a qu'une obligation de résultats, et si des étudiants particuliers sont en retard sur le référentiel, s'ils n'ont pas des notions particulières qui se révèlent indispensables pour comprendre un savoir ou un savoir-faire conformément au chemin déterminé, alors on comprend que la mission universitaire soit d'indiquer à ces étudiants des études particulières qu'ils doivent faire. Mieux encore, puisque les études supérieures doivent conduire à des professionnels autonomes à la fin de la seconde année de mastère, on comprend aussi que le personnel universitaire ne doit pas bercer les étudiants dans leur lit, mais les entraîner à apprendre, à apprendre par eux-mêmes, voire à tracer leur propre chemin. Je crois que c'est un mauvais conseil que de pallier cette incapacité… d'autant que la chose est très simple. Je vois bien le professeur comme un tuteur qui indique aux étudiants des cours de bonne qualité, qui peut en faire lui-même (des cours parfaitement facultatifs, puisque l'étudiant n'a qu'une obligation de résultats), qui débloque un étudiant à qui il manque une notion indispensable, qui orchestre la transformation des savoirs en compétences, discutant la résolution des exercices, des problèmes… 

En conclusion de cette première partie, on voit que c'est bien l’identification des savoirs et compétences requis qui doit faire l'objet du travail du personnel universitaire (expression un peu longue mais qui ne préjuge pas de la suite, où je discute la différence entre professeurs et enseignants). 

Vient donc maintenant la raison pour laquelle je récuse la notion d'enseignant, et, de ce fait, pourquoi je propose celle de professeur. Classiquement, dans une vision périmée et mauvaise des études, les cours oraux sont des discours qui occupent la totalité du temps des étudiants. 

Ces cours sont inutiles pour de nombreuses raisons, la première étant que tous les étudiants ne comprennent pas au même rythme, de sorte que ce rythme est nécessairement soit trop rapide, soit trop lent ; s'il est trop rapide, les étudiants décrochent, mais s'il est trop lent, ils décrochent aussi, par ennui. Bref, l'étudiant est mieux avisé d'étudier dans des supports écrits, ou dans des supports vidéo pré enregistrés. Aujourd'hui, le numérique a périmé l'idée classique de l'enseignement. 

Cela étant, les cours classiques des bons professeurs ont des caractéristiques qu'il est bon de bien analyser. Notamment on peut observer qu'ils contiennent -explicitement ou non- des informations, des notions et des concepts, des méthodes, des anecdotes, des valeurs. 

Les informations ? On peut le trouver n'importe où, de sorte que professer, ce n'est certainement pas emplir des cruches avec des informations. 

Les notions et concepts ? Ils ne s'imposent, dans un cours, que si ce cours est l'endroit unique où l'on peut les trouver facilement : c'est ainsi qu'Emile Borel faisait sa recherche pendant ses cours, confiant à des étudiants le soin de consigner les avancées du travail, en vue de faire des livres qu'il consignait avec ses étudiants. Aujourd'hui, les étudiants feront mieux de trouver en ligne ces données chez des professeurs qui sont peut-être à l'autre bout du monde. Et là, j'insiste un peu : pourquoi se limiter aux professeurs -pas tous excellents- que nous avons physiquement sous la main, alors qu'il s'en trouve de meilleurs ailleurs, rendus accessibles par le numérique ?

 Idem pour les méthodes, qui sont, à mon avis, le coeur des études. 

Enfin, les valeurs : là, c'est bien la marque d'un bon professeur que de donner cet enthousiasme qui conduit les étudiants à apprendre. Et comme la moralité ne passe pas, on peut donner à ces dernières un peu de chair, les enchâsser dans des anecdotes. De même pour les méthodes, dont la transmission explicite est bien rare, et qui méritent d'être incarnées. 

Cette grille d’analyse montre bien la proposition que je fais pour l’orchestration des études. Pour la France, on aura raison d'observer que nous sommes retardataires par rapport à certains pays scandinaves dont l'efficacité est meilleure que la nôtre. Ici, nous bourrons les emploi du temps au lieu de donner du temps pour étudier par soi-même, nous couvons au lieu de promouvoir l'autonomie...

jeudi 14 novembre 2024

Comment faire un bon texte d'enseignement

 
Comment faire de bons documents qui expliquent aux étudiants des points scientifiques ? Je me demande s’il n'y a pas lieu de commencer par réfléchir, et, notamment, analyser de mauvais documents, en vue d'identifier les caractéristiques que nous devrons absolument éviter. 

Bien sûr, il y a d'innombrables mauvais cours, de sorte que le travail est immense, mais je me propose, dans les mois qui viennent, de prendre des exemples successifs, afin de constituer progressivement un corpus qui pourra servir ultérieurement de guide avant la rédaction, puis de check list après qu'elle aura été faite. 

Ainsi j'ai sous les yeux un cours de statistiques que j'avais lu trop rapidement par le passé, et que j'avais mis de côté parce que je le trouvais « trop difficile ». Là, ayant pris le temps de le lire lentement, j'ai compris qu'il n'était pas difficile, mais mauvais ! Dans les 20 premières pages, je trouve toute une série de définitions : je comprends qu'il faut les connaître, et, en me mettant dans la position de l'étudiant, je consens évidemment à bien les comprendre, puis à bien les apprendre. Mais vient bientôt, sans que le livre ne signale de changement de régime, une série de formules qui sont en réalité des résultats qui ne sont pas présentés comme tels, mais simplement énoncés, négligemment, sans aucune mention du fait qu'il faut les démontrer. C'est comme s'ils étaient parfaitement évidents, au même niveau que des définition. Pourtant, je viens de m'assurer, en y passant du temps, que la démonstration de plusieurs d'entre eux nécessite plusieurs pages de calcul pour chacun ! 

Autrement dit, la compréhension de ce texte nécessite des pages de lecture supplémentaire, éventuellement à l'aide de documents que j'ai dû chercher moi-même, sans aucune indication de l'auteur du livre ! Le livre est donc ainsi fait de phrases, suivies de formules, il n'y a aucune explication. Or c'est un livre universitaire proposé à un niveau « élémentaire », de sorte que je sais bien que les étudiants qui l’auront en main ne pourront absolument pas -sauf exception bien sûr- comprendre ce qui est écrit ! Que pourront-ils faire alors ? Simplement répéter tels des perroquets ce qu'ils auront appris par cœur, sans savoir d'où cela vient… ni si c'est juste ! A moins bien sur qu'ils ne fassent comme moi, à savoir qu'ils passent beaucoup de temps à chercher ailleurs les démonstrations qui ne sont pas données. 

Je trouve qu'il y a malhonnêteté de la part de l'auteur à livrer ainsi un simple squelette dont il n'est pas signalé qu'il s'agit d'un squelette. Il n'y a pas de mode d’emploi donnée en introduction, ni même des phrases qui signaleraient que les résultats sont démontrés par ailleurs. L'auteur a vraisemblablement recopié les résultat d’un autre cours. Il n'y a ni traitement nouveau de la matière, ni explication. Ce livre est un mauvais livre d’enseignement. 

Un collègue qui faisait de tels cours m'a expliqué un jour qu'il attendait que les étudiants fassent le travail d'aller chercher eux-mêmes les démonstrations qu'il ne donnait pas. Pourquoi pas, si tel est le jeu, et si ce jeu reste raisonnable en terme de temps passé. Mais quand même, n'y a -t-il pas une certaine paresse à faire ainsi ? Pourquoi ne pas donner directement les détails ? Pourquoi se contenter de donner des listes de résultats démontrés, au lieu de donner les résultats et leur démonstration ? 

Plus positivement, je vois que cette analyse nous conduit à non seulement donner la suite des résultats, correctement enchaînés, mais à choisir des options. Soit on peut indiquer aux étudiants où ils trouveront les démonstrations. Soit on peut donner celles-ci dans des sections ou dans des annexes, si l'on souhaite conserver une lisibilité du chemin que l'on fait parcourir eaux étudiants. Mais en tout état de cause, je crois que l'enseignant a l'obligation d'être parfaitement clair, sans quoi il ne mérite pas sa position. 

Sourions un peu avec cette anecdote du professeur qui écrit au tableau une suite de résultats. Un étudiant interrompt : « Monsieur, comment passez-vous de la litre 3 à la ligne 4 ? » Le professeur répond : « C'est évident, voyons, c'est évident. » L'étudiant insiste : « Pardonnez moi, mais je comprends pas. » Le professeur s'arrête cette fois, contemple longuement le tableau noir et dit : « Mais si, c'est évident. Oui, c'est évident… Oui, bon, enfin, donnez-moi une seconde ». Il quitte la salle et ne revient qu'après une demi heure, se campe devant le tableau, et commente : « Et bien oui, c'est évident… » 

Je n'arrive pas à croire que cette stratégie soit bonne, et j'attends de mes collègues de bons arguments avant que j'imagine son utilisation. 

Personnellement, quand j'étais étudiant, j'ai toujours été extrêmement reconnaissant aux enseignants qui prenaient le temps et la peine de mettre toute leur intelligence au service des explications les plus limpides, les plus claires. Cela nécessitait du temps d'étude de ma part, mais au moins, je n’étais pas une vieille chaussette dont on se débarrasse dans un panier de linge sale. 

J'ai le plus grand mépris pour les enseignants paresseux, ou prétentieux, ou négligents, et je vois donc ainsi une règle absolue pour la préparation des textes d’enseignements des sciences de la nature, résumée dans cette formule de François Arago : « La clarté est la politesse de ceux qui s'expriment en public ».

vendredi 20 septembre 2024

Comment ne pas s'ennuyer quand on enseigne la même chose pendant des années, voire des décennies.

Hier, avec des étudiants d'un Master International en sciences et technologie de l'aliment, j'ai refait ce que je faisais naguère, à savoir faire un cours expérimental. Par cours expérimental, j'entends que nous avons fait des expériences qui ont servi de support du cours, avec des explications théoriques autour, et le succès a été grand : nos amis étaient plein de gratitude à la fin du cours. 

Il est vrai que cette méthode a de nombreux atouts et, notamment, elle fixe les idées en même temps qu'elle invite à faire de la pratique ; elle  soutient efficacement un discours théorique, lequel est mieux perçu, mieux compris, mieux appréhendé.
Par exemple, quand on évoque le gluten,  on le prépare à partir de farine et d'eau. Quand on parle de l'effet sucre, alors on enchaîne une expérience qui montre cet effet au lieu de le dire simplement. Et ainsi de suite. 

Bref nous avons passé l'après-midi à expérimenter. De petites expériences, en concept théorique, en petites expériences, en concept théorique, et ainsi de suite,  l'après-midi a passé si vite que nous sommes restés debout sans même prendre une pause ! 

Je vois donc qu'il y a une vertu particulière dans cette méthode pédagogique et je m'interroge maintenant sur le fait que cette extraction du gluten, cet effet sucre, ces autres expériences que nous avons faites, je les connais parfaitement. 
Mais moi qui m'ennuie de la répétition, j'aurais pu être lassé d'avoir à reproduire avec mes amis ces manipulations. En réalité, je m'aperçois que j'ai fait quelque chose de très nouveau pour moi, puisque il s'agit que je ne m'ennuie pas non plus, à savoir que tout le travail scientifique que j'avais fait depuis le dernier cours a permis de présenter les expérimentations et les théories qui les accompagnaient de façon complètement renouvelée.
Par exemple un étudiant a parlé d' "hydratation de la farine", et il se trouve que je m'étais préoccupé ces jours derniers de savoir ce que  cela signifiait exactement : oui bien sûr hydrater de la farine c'est lui ajouter de l'eau,  mais cela est idiot et la question est plutôt de savoir comme comment cette eau s'introduit dans la farine : simplement par capillarité ? Ou en se liant aux protéines ? Où on s'introduisant dans les granules d'amidon qui constituent la farine ? 

En réalité, ces questions sont celles que les étudiants avaient  également, et le fait que j'ai fait une belle recherche bibliographique à ce propos m'a permis de mieux répondre que je ne l'aurais fait dans le temps. 

Et ainsi de suite, tout était à l'avenant : le cours a été en réalité la présentation de tout ce que j'avais découvert récemment. Je ne me suis pas ennuyé donc une seule seconde, et je vois maintenant pourquoi l'enseignement peut-être passionnant : il peut l'être à condition de faire briller les yeux de nos amis en même temps que nous voyons le résultat de nos efforts personnels et que nous nous posons des questions renouvelées. 

 

Quel bonheur que d'enseigner dans ses circonstances !

mercredi 18 septembre 2024

Je finis un cours important qui doit pallier les insuffisances de nos enseignements de l'an passé

Je finis un cours important qui doit pallier les insuffisances de nos enseignements de l'an passé :  en effet, lors de soutenances, j'ai vu des étudiants de Master qui restaient à des équations qu'ils maîtrisaient à peine au lieu de chercher à comprendre les mécanismes des phénomènes. 

Ainsi, ils effectuaient des travaux techniques et non scientifiques. On m'opposera peut-être que ces étudiants étaient destinés à travailler dans l'industrie,  mais je ferai observer que l'industrie a besoin de personnel compétent, capable d'évoluer, de faire mieux que des gestes d'exécutants. 

Et pour faire mieux, il faut comprendre, creuser un peu, et voilà pourquoi mon nouveau cours est centré sur une méthode d'analyse des phénomènes qui est descendante, du macroscopique aux moléculaire en passant par la microscopie. 

Oui, j'insiste sur les mécanismes des phénomènes, et mieux encore, sur l'état d'esprit qui consiste à chercher  ces mécanismes. Il est bon, dans des cas particuliers, de chercher des mécanismes,  mais il est mieux encore d'avoir cette idée générale de les chercher, ce souci constant de comprendre. 

Si je réussis cette année à faire passer ce message aux étudiants, alors nous aurons fait mieux que l'année dernière.

lundi 2 septembre 2024

Etudes, ordre, méthode : apprendre à apprendre

 
Alors qu'arrivent les étudiants de Master à qui je vais donner des cours de gastronomie moléculaire, je suis donc dans l'idée d'aider mes jeunes amis à apprendre, et, plus particulièrement,  d'apprendre à mettre en œuvre la méthode descendante que j'ai décrite dans un document soumis pour publication et qui consiste à chercher les mécanismes des phénomènes en analysant ces derniers du niveau macroscopique au niveau moléculaire, en passant par les niveaux microscopiques et supramoléculaire. 

Au bout de l'analyse, il y a la chimie, de sorte que l'on comprend  que l'analyse proposée impose une connaissance de cette dernière. La chimie : ce sont des objets et des réactions. Certes, les objets de la chimie sont-ils innombrables : ce sont les composés, et, notamment, les composés des tissus végétaux et animaux. Mais les réactions, elles, mettent en œuvre très logiquement des transferts d'électrons entre les atomes des molécules de ces composés, et cela est en quelque sorte plus simple. 

Pour les composés, oui ils sont nombreux, mais on s'y retrouve si l'on met en oeuvre la méthode qui consiste à considérer le gros avant le détail,  par ordres de grandeur successifs.
C'est ainsi que l'on a d'abord à  considérer l'eau, puis les saccharides, les lipides et les protéines. La viande, par exemple, c'est 70 % d'eau, 20 % de protéines et 10 % de lipides. La salade, c'est 99 % d'eau et un reste fait essentiellement de polysaccharides. Parmi ces derniers, les principaux sont les celluloses, les pectines, les hémicelluloses. 

Et il faut aussi considérer les trois principaux oligosaccharides que sont  le D-glucose, le D-fructose et le saccharose. Ils sont formés dans les feuilles des plantes, quand la sève y monte essentiellement par capillarité résultant d'évapo-transpiration, et qu'ils sont synthétisés à partir du dioxyde de carbone de l'air, d'eau et de l'énergie lumineuse. Une fois produits, ils redescendent dans l'ensemble des parties des plantes et c'est quand ils arrivent sur les lieux de stockage qu'ils sont assemblés en polysaccharides. 

Bien sûr, le monde vivant est si foisonnant, après des centaines d'années d'évolution biologique, qu'il ne se réduit pas à cela, mais faisons les choses par ordre pour y arriver. 

Et puis, tout d'abord, pour quel but ? 

jeudi 29 août 2024

Les relations "théoriques"

Il y a quelques jours, je proposais une réflexion sur les stages et leurs relations avec l'enseignement des matières théoriques à l'université. 
Ce matin, je trouve un article intéressant de ce point de vue :  les auteurs ne se sont pas limités à des mesures un peu "locales" en vue de répondre à une question scientifique qu'ils se posaient, mais ils ont profité de l'occasion pour explorer de nouvelles méthodes d'études. 

C'est évidemment plus intéressant -pour leurs lecteurs et pour eux-  que s'ils étaient restés cloués au sol. Filons la métaphore : ils ont pris de la hauteur, sont sortis grandis de l'exercice. 

Au fond, n'est-ce pas ce que nous devrions tous faire toujours, à savoir prendre de la hauteur, du recul, et résoudre les questions ponctuelles que nous nous posons en agrandissant le champ de la connaissance ?
Ne devons nous devrions-nous pas profiter de chaque question que nous nous posons pour faire ainsi ? 

 

Dans mon billet précédent, j'évoquais la question de l'état d'esprit que les étudiants gagnaient à avoir pendant leur stage, mais pourquoi les ingénieurs confirmés ne seraient-ils pas dans ce mouvement ? Pourquoi l'université serait-elle toujours mise en position de nourrir l'industrie alors que l'industrie pourrait-elle même s'adresser à l'université, lui poser des questions, l'inviter a des théorisations utiles ? 

C'est au développement de nouvelles relations industrie université que j'appelle.

mardi 11 juin 2024

De bons professeurs pour les débutants ?



Je connais au moins deux très bons musiciens qui ont écrit qu'il faut surtout d'excellents professeurs pour les débutants. Dit ainsi, cela paraît logique, car ce sont les bons professeurs qui donneront des conseils avisés que les élèves pourront suivre...

Mais... Est-ce une idée juste ? On se souvient que j'ai souvent discuté la question des professeurs : je maintiens qu'il faut du travail, plus que des professeurs. A quo les professeurs servent-ils ? Peuvent-ils vraiment nous aider ? Ou bien devons-nous toujours faire des erreurs et les surmonter pour grandir ?

Plus généralement, quel est le rôle d'un professeur ? La question n'a pas été posée par les deux musiciens qui ont usé de leur autorité pour nous dire ce "Il faut", que je récuse. Il ne faut rien, sauf ce que je décide.

D'ailleurs, pour ce qui concerne la musique, je connais au moins un grand flûtiste qui  a appris par lui-même, sans professeur. En alsacien, on dit "D'Uewung macht d'Maischter", l'exercice fait le maître. Et en français : quelqu'un qui sait, c'est quelqu'un qui a appris.
Alors ?

Surtout, la notion de "bon professeur", au singulier, doit interroger : le bon professeur pour une personne ne particulier est-il bon professeur pour une autre personne ? Je ne le crois pas, d'expérience.

Et, pour terminer, le voeu de nos deux musiciens initiaux est peut-être "pieux"... car quel Rostropovitch, quel Tortelier, quel Maurice André acceptera-t-il de détourner son temps pour aller "border des enfants dans leur lit", les tenir par la main, longuement, patiemment ? Et mieux, seraient-ils de "bons professeurs" ?

Bref, je suis loin d'être convaincu à la déclaration de nos deux musiciens et je propose plutôt que nous rassemblions des conseils utiles, que nous mettrions à la portée de tous, sur un internet dont nous disposons maintenant.
Certes, certains ont besoin d'enthousiasme, et c'est aussi cela que donnent des professeurs. Le goût d'étudier, et un chemin proposé pour les travaux, les études que seul l'étudiant peut faire.

Pour les sciences, qui m'intéressent plus que la musique, il y a eu ce cas merveilleux de Richard Feynman, physicien lauréat du prix Nobel, qui a pris sur son temps pour aller faire une série de conférences dans les universités américaines, ce qui a donné lieu un très beau livre de physique. Il reconnaissait, a posteriori, que ces conférences étaient peut-être inutiles : elles passaient au-dessus de la tête des moins bons des étudiants, et elles étaient inutiles pour les meilleurs, qui étudiaient par eux-mêmes.

Mais, j'y reviens : à l'heure d'Internet, il est peut-être plus intéressant de disposer de films de très grands professeurs dont nous ferons notre miel.
D'ailleurs, Michel Debost, flûtiste, a  l'honnêteté de dire que quelle que soit la façon de faire, si elle nous convient, alors c'est la bonne. En musique, on se souviendra également du pianiste Glenn Gould,  qui jouait  ou mépris de toutes les règles, sur une sorte de petit tabouret qui faisait hurler tous les pédagogues. Il est souvent répété pour la flûte que l'embouchure devait être parfaitement centrée, mais on a vu nombre de grands flûtistes mettre l'embouchure en biais, sur le côté, parce que la forme de leurs lèvres se prêtait mieux à cette position. De même pour le violoncelle,  il faudrait une tenue particulière... qui n'est certainement pas celle d'un d'un artiste tel que Yoyo Ma, qui joue couché en arrière.

Reste-t-il des conseils certains ? Récemment, j'ai vu en ligne les carnets de Richard Feynman, et j'ai vu qu'il écrivait en majuscules... ce qui ralentit. Et, d'autre part, j'ai vue les cahiers de Pierre-Gilles de Gennes, parfaitement calligraphiés : encore une façon de se ralentir, de se laisser penser avant d'écrire ce qui est peut-être faux. On se dit que, ainsi, on évite des confusions de signes, on se laisse le temps de penser... Il faudrait maintenant croiser cela avec les cahiers d'autres grandes scientifiques du passé avant d'en tirer des conclusions... que nous pourrions alors "enseigner".

jeudi 23 mai 2024

Il faut rénover les enseignements

 On l'ignore mais il y a encore de nombreuses universités de sciences et technologie des aliments où les étudiants de cuisinent pas. 

Comment devenir ingénieur dans l'industrie alimentaire si l'on ne sait pas faire cuire un œuf, préparer une mayonnaise, faire une tarte ????????

 Certes, les établissements dispensent des cours à propos du transfert thermique, de la rhéologie, de la biochimie des aliments... Mais quand même, nous ne devons pas oublier que finalement ces ingénieurs seront en charge de la production d'aliments, de véritables aliments et pas d'OVNI que ni eux ni leurs clients ne comprennent. 

Ces dernières décennies, sous l'impulsion de la gastronomie moléculaire, plusieurs universités ont décidé de remédier à la chose en s'associant à des écoles de cuisine, ce qui a le double intérêt de faire venir des théoriciens dans des institutions pratiques et de donner à ces jeunes théoriciens des bases solides sur lesquelles ils peuvent exercer leur talents. 

Bien sûr, il est hors de question d'exposer ces jeunes à des idées fausses comme il y en a trop souvent dans le monde culinaire, mais après tout, pourquoi de pas proposer aux jeunes théoriciens précisément d'être en position d'analyse quant au savoir pratique qu'on leur soumet ? Pourquoi ne pas les faire réfléchir sur des recettes qu'ils mettent en œuvre ses recettes dussent-ils les modifier après coup ? 

Bien sûr, il y a la question des professeurs, comme toujours, qui, eux-même, ne savent pas toujours cuisiner, qu'il s'agisse de professeurs théoriques voire de professeurs pratiques, formés parfois à une époque où il n'y avait pas de technologie dans l'enseignement culinaire. 

Sans compter que la rénovation de l'enseignement culinaire est loin d'être terminée : je rappelle qu'en 24 ans de séminaire mensuel expérimentaux, nous avons constaté que 87% des idées testées étaient fausses. Je rappelle aussi que les terminologies sont bien souvent fautives, l'enseignement culinaire pratique s'étant trop souvent fondé sur le guide culinaire, ouvrage écrit sans aucune référence et sans recherche historique suffisante. 

Bref il il y a un immense chantier devant nous et il est urgent de nous y lancer


samedi 6 avril 2024

Professer ou enseigner ?

J'ai longtemps hésité à propos d'enseignement et de professorat, notamment parce que j'avais cette phrase de Confucius qui se mettait au beau milieu de mes réflexions : enseigner ce n'est pas emplir  des cruches, mais allumer des brasiers. 

Encombré par cet argument d'autorité (toujours résister !), j'ai tourné autour du...  pot j'ai commencé à penser que l'enseignement était une chose bien impossible, qu' il n'y avait que l'apprentissage qui était à la portée des étudiants. 

D'ailleurs je n'aime guère le mot enseignant, qui est très connoté en plus d'être inélégant du point de vue de la langue française. 

Mais il me semblait que dans cette enseignement, il y avait une volonté d'emplir des cruches, quoi qu'il arrive, et c'est la raison pour laquelle j'ai préféré le mot professeur, qui a une étymologie qui me convient bien : parler devant. Le professeur  parle devant des étudiants et ces derniers peuvent ou non faire leur miel de ce que l'on dit afin d'étudier à leur guise.
 

Puis j'ai mieux compris que l'étymologie d'enseigner était  de montrer une direction. De sorte que l'enseignement que je croyais impossible l'est en réalité : il est possible de faire des signes, d'indiquer des directions. 

Mais j'observe quand même qu'il y a une sorte d'impérativité à ce signe, une sorte d'impérétivité à pousser les étudiants dans la direction qu'on montre, alors qu'il y a plus de convivialité, d'égalité, moins de lutte des classes, à simplement professer.
Bien sûr, je ne méconnais pas l'efficacité de la rhétorique mais quand même, il ne peut s'agir que de conviction d'êtres intelligents qui jugent ce qu'on leur dit   et qui en prennent ce qu'ils veulent.
 

Régulièrement, des collègues à qui je présente,ces discussions, ces soliloques, me répondent en substance que les étudiants sont bien jeunes pour prendre des décisions par eux-mêmes et qu'il y a lieu de les diriger un peu, sans quoi il feraient n'importe quoi.
Je m'insurge absolument contre cette idée et je crois toujours préférable de faire confiance. 

Au fond, ceux des étudiants qui veulent ne rien faire ne feront jamais rien, quelles que soient les organisations, les coercitions éventuelles, et c'est aux autres que je pense, ceux qui ont envie d'apprendre. 

Pour cette bonne pâte,  ils apprendront dans les deux cas, que l'on indique des directions ou que l'on professe. Mais alors, puisqu'on peut leur faire confiance, faisons leur vraiment confiance et professons. Dans nos déclarations face aux étudiants, bien sûr nous pourrons en quelque sorte indiquer les directions, mais il n'y aura pas d'impérativité et plutôt un choix. 

D'ailleurs, il y aura lieu également de répondre à des questions :  il me semble que c'est là toujours le mieux puisque cela signifie que les étudiants ont fait le travail qui les conduit à questionner. 

Évidemment, à nous de répondre par le meilleur pour les aider au mieux.

samedi 17 février 2024

Les bases : quelles bases ?

La cuisine n'est pas épargnée par les débats sur sa pratique, son évolution, son enseignement. 

Evidemment, il y a un lien important entre les trois champs. L'enseignement, notamment, doit former des jeunes cuisiniers qui ne soient pas "à la traîne" des établissements où ils vont travailler. Et l'ensemble doit évoluer, parce que la "nouveauté" est toujours un avantage concurrentiel. 

Autrement dit, l'enseignement doit être constamment réformé, parce que la technique évolue. Et comme l'éventail des possibilités est immenses, on ne peut pas tout enseigner, et il faut choisir. Que choisir ? 

Souvent, on me parle des « bases » de la cuisine, et l'on me dit qu'il faut que les jeunes aient des « bases ». Pourquoi pas, mais quelles sont ces bases ? Le rôtissage, sur le feu (ou, plus exactement, à côté) est-il une base ? Le fait que ce mode de cuisson ait quasiment disparu des cuisines a conduit à en supprimer l'enseignement, pour le remplacer, judicieusement je crois, par un enseignement de la "cuisson", en général. On est passé à la technologie, plutôt qu'à la technique. 

Cela dit, j'observe que certains cuisiniers rôtissent. La proportion de ces cuisiniers est minime, de sorte que nous sommes conduits à conclure que le "référentiel" (ce qui est exigible à l'examen) se fonde sur la fréquence des opérations. Et c'est notamment ce type de raisonnement qui a conduit à supprimer l'enseignement des opérations non pas périmées (le fait qu'elles existent montre que l’obsolescence n'est qu'en termes de fréquence, pas en terme de technique proprement dite). 

Autrement dit, c'est en termes de fréquences, d'une part, mais aussi de volonté de conserver un patrimoine, d'autre part, que nous devons réformer l'enseignement de la cuisine. De sorte que, selon cette ligne de raisonnement, nous devrions panacher un enseignement des techniques modernes et des techniques anciennes. 

La confection de quenelles est ancienne et patrimoniale : gardons-en l'enseignement... surtout qu'elles peuvent être faites par un robot. L'utilisation des siphons est moderne (et fréquente) : introduisons-la. Certains professionnels font observer que le siphon est une fioriture, et qu'un bon fouet à l'ancienne permet de s'en tirer, en toutes circonstances. Oui, mais on pourrait également dire que quatre fourchettes permettent de remplacer un fouet. Ou encore, on me dit que l'emploi de l'alginate de sodium est secondaire, et que la confection de gels de gélatine à partir du pied de veau permet de s'en tirer... à quoi je réponds qu'il est plus facile de trouver dans les commerce de la gélatine et de l'alginate de sodium que du pied de veau. Et que l'alginate se trouve, avec l'agar-agar, dans toutes les cuisines. On me dit que les appareils pour cuire à basse température ne sont pas partout... à quoi je réponds qu'il suffit d'une cocotte et d'un four bien réglable pour cuire à basse température. De toute façon, ce type d'argument ne tient pas : oui, de même, on pourrait dire que l'ordinateur ne s'impose pas à l'école, puisque, en cas de panne d'électricité, un crayon fait l'affaire. Certes, mais l'expérience prouve que nous avons tous des ordinateurs. 

Enfin, pensons à la cuisine en terme de ces fameuses "bases". Si l'on met de côté la cuisine note à note, qui reste très novatrice, il est exact que nous mangeons surtout des tissus animaux et végétaux traités thermiquement. C'est une base. D'autre part, il y a des sauces (salées ou sucrées : le sucre est l'élément différenciant essentiel), qui sont toutes fondées sur les mousses, les émulsions, les gels, les suspensions... Ce sont donc des bases. Plus exactement, les diverses sauces ne sont pas des bases, et ce sont les systèmes physico-chimiques que sont mousses, émulsions, gels, suspensions... qui sont des bases. Ne devrions-nous pas les enseigner en priorité ?

mercredi 14 février 2024

Pour enseigner, pensons stratégie didactique

Hier, j'ai été invité à rapporter un manuscrit soumis à une revue scientifique, et plus exactement un texte didactique, présentant une méthode générale statistique. 

Au-delà de toutes les imperfections du manuscrit, qui étaient d'ailleurs nombreuses puisque j'en ai relevé presque une par ligne du texte, il y avait une faute didactique essentielle à savoir que l'auteur donnait d'abord une idée générale incompréhensible, puisqu'elle était à la fois générale, abstraite, et que l'on ignorait tout de son application particulière, et ensuite seulement, il prenait un exemple seulement à moitié pratique, à moitié concret, de sorte que l'on n'avait pas vraiment idée de ce dont il s'agissait.


Mais supposons que les exemples donnés aient été  mieux explicités, je crois de toute façon que les auteurs faisaient une erreur en les donnant après la loi générale,  parce que l'idée générale incompréhensible mettait les lecteurs dans la désagrable position de ne pas comprendre. Bien sûr, si l'exemple avait été bon, les lecteurs auraient pu ensuite éventuellement se raccrocher aux branches mais pourquoi au fond les mettre dans un état de déséquilibre et d'incompréhension ?
 

À l'inverse, si l'auteur avait commencé par un exemple pratique, simple et concret, alors les lecteurs auraient bien compris ce dont il s'agissait. Et s'il avait ensuite donné l'idée générale, les lecteurs ayant bien compris auraient interprété correctement l'idée générale donnée,  de sorte que je conclus que la seconde méthode est certainement meilleure que la méthode utilisée par les auteurs. 

 

Je m'étonne que des enseignants en soient encore à devoir découvrir ce genre de phénomènes, et je plains leurs élèves de tout mon cœur.

jeudi 8 février 2024

Soyons clairs, expliquons

Un médecin se plain à moi qu'un patient qu'il ne connaissait pas, mais qui avait pris rendez-vous plusieurs semaines plus tôt, lui demande une ordonnance pour un examen complémentaire, et je lui explique que la personne n'est peut-être pas en tort, et qu'il y a lieu de lui expliquer pourquoi cela n'est pas possible.
La raison en est que la prescription d'un examen complémentaire imposerait un décryptage des résultats lors d'une consultation qui devrait être peut-être très proche et qui n'a pas été programmée. 

Le même médecin m'explique qu'un autre patient a abusivement demandé une ordonnance pour un médicament  : abusivement puisqu'il n'a pas vu la personne en consultation depuis 2 ans.
Je lui demande de m'expliquer la difficulté et je reçois l'explication suivante, parfaitement juste :   prescrire un médicament nécessite de connaître l'état présent de la personne.
Le médecin a donc parfaitement raison de refuser cette ordonnance ou, plus exactement, de la conditionner à une consultation 

Mais dans les deux cas, le médecin a tort s'il n'explique pas les raisons de son refus. Car il ne s'agit pas de  refus arbitraires,  mais d'impossibilités médicales. En revanche,  du côté des patients, il n'y a pas de raison que cela soit connu, que cela soit su, et la réponse du médecin nécessite donc une explication. 

 

Je prends cet exemple médecin parce qu'il en va de même pour les enseignements de physico-chimie et plus généralement de méthodologie universitaire. Quand nous demandons aux étudiants de faire des synthèses bibliographiques, nous avons l'obligation de leur expliquer comment faire de telles synthèses, et une obligation de l'expliquer de façon pratique, concrète, détaillée. De même, quand nous demandons aux étudiants de rédiger un rapport, nous avons l'obligation de leur expliquer comment rédiger un rapport. Nous ne pouvons pas faire l'impasse sur ces explications détaillées... ce qui évidemment nous conduit nous-même à disposer d'une méthodologie bien claire, explicite, et maîtrisée.


J'ajoute en souriant que nombre de mes collègues ne sont pas parfaitement aguerris à la rédaction et j'en prends pour preuve des décennies de rédaction en chef ancienne de la revue Pour la science, où les textes que nous recevions de scientifiques pourtant parmi les meilleurs étaient étaient souvent bien insuffisants. 

 

Bref, il y a lieu d'expliquer comment rédiger, il faut s'expliquer cela en détail, souligner les fautes les plus courantes, et c'est seulement à condition que nous ayons bien expliqué tout cela que nous pourrons faire remarquer à nos amis qui n'ont pas appliqué les règles qui leur ont été données. 

En revanche, une fois les règles données, avec une méthode facile à appliquer, celui ou celle qui écrit est tenu d'appliquer ces règles sous peine d'une évaluation défavorable. 

Il en va de même, au fond, pour les matières scientifiques. Par exemple, nous ne pouvons pas sanctionner un étudiant de ne pas savoir calculer un pH si le calcul de pH ne lui a pas été expliqué précédemment. Mais si cela a été fait, alors nous devons, dans le cas où il ne sait pas calculer le pH, le renvoyer à des études qu'il a déjà faites et ne pas perdre de temps à pallier les insuffisances de l'étudiant. 

 

Ce dernier cas m'amène à discuter le fait que nombre d'étudiants ont oublié ce qu'ils ont appris dans les années précédentes. Cela n'est pas extrêmement grave, mais dénote quand même un apprentissage insuffisant à l'époque.
Et pour pallier l'insuffisance actuelle, il y a lieu de les renvoyer vers l'étude qu'ils ont faite, les documents dont ils ont disposés, et nous ne devons pas à nouveau palier des insuffisances, perdre du temps à cela. 

En revanche, il n'y a pas de raison d'être particulièrement remonté contre ces étudiants et il suffit de leur dire qu'il y a lieu de se replonger dans des études anciennes. 


Tout cela, c'est ce que l'on nommerait de la pédagogie si nos interlocuteurs étaient des enfants et que l'on doit simplement nommer de la didactique quand ce sont des adultes.

lundi 18 décembre 2023

La question de l'évaluation rejoint celle du travail ! Et nous devons construire rationnellement nos enseignements, et, plus généralement, nos actions pédagogiques.


 Ici, nous partons d'une question d'évaluation, et notre cheminement nous conduit à une rénovation d'idées pédagogiques. Cela peut sembler étrange... mais seulement a priori : puisque l'évaluation de travaux d'étudiants ne peut porter que sur les apprentissages de ces étudiants, le mouvement est a posteriori évident, et c'est le fait que nous ayons pu être étonné qui étonne : comment est-ce possible que nous nous lancions dans des entreprises (évaluation), alors que l'objectif (apprentissage de compétences) n'est pas posé en premier ? 

Au début de notre analyse, il y la question de l'évaluation des étudiants, et, plus précisément, de l'évaluation des étudiants venus en stage dans notre groupe de recherche. 

Dans des billets précédents, j'ai déjà discuté la question, et j'ai expliqué pourquoi nous demandons aux étudiants de notre groupe de s'évaluer eux-mêmes, pour proposer ensuite au groupe leur auto-évaluation, laquelle était discutée, avant d'être éventuellement amendée, puis transmise à l'université qui la demande. 

Oui, notre groupe de recherche est très idéaliste (nous cherchons à faire une réunion d'amis soudés par le but commun : apprendre), mais cela ne nous empêche pas d'essayer d'être rationnels et justes. Observons que, avant de discuter les modalités de l'évaluation des étudiants en stage, nous devons discuter la légitimité de ces évaluations. Devons-nous les faire ? Devons-nous refuser de "collaborer" (et j'utilise le mot avec toutes ses connotations, sans préjuger de l'état d'esprit de nos interlocuteurs universitaires), en considérant que les universités ne doivent pas se défausser de leur travail pédagogique sur nous, qui dépensons énergie, temps et argent pour accueillir des gens que nous avons pour charge de former ? Ou devons-nous les laisser aux institutions universitaires qui sont responsables des étudiants ? 

Reprenons les faits : c'est un fait que, à la fin de chaque stage, les institutions universitaires qui nous envoient les étudiants -par convention signée avant le stage- nous demandent de les évaluer. Et, en pratique, ils nous transmettent une "feuille d'évaluation", avec, souvent, des critères tels que "autonomie", "ponctualité", etc. 

Pourquoi confier au tuteur le soin d'évaluer un stage ? Parce que les enseignants universitaires ne sont pas présents sur le lieu des stages, qu'ils ne connaissent pas les sujets spécialisés qui sont abordés par les étudiants dont ils ont la responsabilité, et que, de ce fait, ils nous demandent de les aider en faisant cette partie de l'évaluation, se réservant le soin de juger la présentation orale et la lecture des rapports de stage (raison pour laquelle je n'assiste pas aux soutenances orales, et pourquoi je ne relis pas les rapports, laissant les étudiants prendre la responsabilité de cette tâche, et les enseignants idem). 

Supposons donc, pour finir, que nous acceptions donc de faire cette évaluation. Comment la faire ? Nous pouvons considérer deux points de vue. D'une part, il y a un point de vue absolu, puis il y a un point de vue relatif. L'absolu, cela consiste à savoir si l'étudiant a "bien" travaillé, en l'occurrence s'il a bien appris. Ici "bien" signifie bien par rapport à l'objectif fixé, lequel dépend d'un niveau universitaire et d'un diplôme que l'étudiant pourra ou non obtenir (je fais l'hypothèse que les diplômes ne doivent être donnés qu'à ceux qui ont des compétences suffisantes pour les recevoir, compétences qui doivent être clairement affichées par ailleurs, dans une sorte de "contrat pédagogique" ; de même qu'il y a des pré-requis à chaque cours, l'attribution des diplômes doit être conditionnée par une liste de compétences acquises). 

D'autre part, le critère que j'avais annoncé de "relativité"est intéressant et double, car il y a la question de situer l'étudiant par rapport aux autres de son groupe, de son niveau universitaire, par exemple (et l'on voit que ce serait tordre le cou à l'idée précédente, absolue... mais on doit se souvenir que les diplômes doivent être nationaux, en France), mais aussi d'estimer la progression de l'étudiant (évaluer l'étudiant par rapport à lui-même en quelque sorte). 

Quelque soit le point de vue, absolu ou relatif, puisque les stages sont une période de formation, c'est donc l'acquisition de nouvelles compétences qui semble devoir être évaluée. La question étant difficile, ruminons-la un peu en envisageant par exemple un point de vue différent, à savoir que, très généralement, face à une tâche, on peut se donner une obligation de résultats, ou une obligation de moyens. Nos jeunes amis gagneront à savoir la différence entre les deux, et, notamment, ils devront savoir que les médecins n'ont qu'une obligation de moyens... car nous sommes mortels, et ce serait les mettre dans une position impossible que de leur demander... l'impossible. 

Obligation de moyens : là, il y a la question des règles explicites qui détaillent ces moyens. En l’occurrence, pour notre équipe de recherche, nous avons des documents explicites qui indiquent aux étudiants que leur obligation est d'apprendre beaucoup et d'apprendre à faire état de ce qu'ils ont appris. C'est donc de ce point de vue que nous devons les évaluer : il y a un contrat, et l'on doit légitimement se demander si ce contrat est rempli. Le problème que je discute aujourd'hui est le suivant : certains de nos amis, dans le groupe, ont jugé qu'il n'était pas équitable de noter de la même façon un étudiant très faible et un étudiant "meilleur" (plus de connaissances, plus de compétences), à quantités d'efforts égales. Ce ne serait pas suffisant de bien travailler, de bien apprendre. Ils disent que l'on doit mieux noter les "meilleurs". Et ils ont des arguments, à savoir notamment qu'un étudiant qui passe son stage à se remettre à niveau ne fait pas avancer la recherche scientifique qui lui est confiée, de sorte que, du point de vue d'un stage de recherche, l'étudiant le plus faible ne fait pas ce qu'il aurait dû faire. A quoi certains d'entre nous ont répondu que l'obligation de notre groupe était d'apprendre. A quoi ils ont répondu que oui, apprendre, mais apprendre la recherche scientifique... 

La question étant difficile, et le dialogue inachevé (on ne termine jamais une discussion, avec des amis : n'est-ce pas cela l'essence de l'amitié ?), je n'ai pas dit que nos amis qui faisaient cette remarque avaient raison, ni qu'ils avaient tort, mais je dis qu'il est légitime de considérer cette observation, car, dans la vraie vie, lorsqu'on tire la charrue, le fait est que l'on ne peut pas attribuer la même "valeur" (rappelons qu'il s'agit d'évaluation, de jugement sur la valeur) à un cheval qui tire efficacement, et à un autre qui, même s'il fait des efforts sur le moment, n'a pas fait des antérieurement des efforts pour se muscler, de sorte qu'il tire moins bien. 

Au total, il y a donc la question des efforts que l'on fait, et de ceux que l'on a fait. Certes, l'indulgence, la générosité, l'humanité doit nous conduire à donner à chacun une deuxième chance, mais la question n'est pas là : donner une deuxième chance, cela signifie accepter les étudiants en stage. Cela ne signifie pas considérer que tout se vaut ! Non tout ne se vaut pas... devant la charrue, et quelqu'un qui accomplit une tâche parce qu'il en a la compétence est supérieur à celui qui ne l'accomplit pas, surtout quand il a paressé antérieurement. 

J'entends mes amis lecteurs de textes religieux me dire que le père accueille l'enfant prodigue comme son autre fils, vertueux, mais pour ce qui me concerne, je dois avouer que je manque de la grandeur d'esprit qui me permettrait vraiment d'oublier que le fils prodigue a été prodigue. Je ne confonds pas l'utopie et mes envies généreuses, parce que l'utopie est... utopique... et qu'il y a la charrue à tirer ! Oui, je sais que certains d'entre nous n'ont pas eu la chance que j'ai eue personnellement (milieu aisé, parents admirables, etc.), et que la collectivité doit promouvoir ce qui est à mon avis mal nommé "ascenseur social" (je ne comprends pas pourquoi on placerait plus haut un ministre qu'un ouvrier), mais je sais aussi que c'est en promouvant l'effort, le soin, le travail, la rigueur... que nous obtiendrons un système plus juste. 

Nous pouvons nous efforcer nous-même de donner une deuxième chance, voire une troisième, etc. (je dis "nous efforcer", parce que c'est un vrai effort que d'aider les plus faibles : cela prend sur notre temps, notre intelligence, notre énergie, notre argent... au détriment des autres, qui n'ont pas besoin de notre aide), mais nous devons aussi être capables, parce que nous en avons la responsabilité sociale, de juger que, parfois, des individus n'ont pas certaines capacités. 

Oui, je crois que c'est une question de courage que de dire à un étudiant, parfois, qu'il doit changer d'orientation... ou travailler bien plus qu'il ne le fait. J'insiste en rappelant que je dis souvent que l'on n'est pas "bon en quelque chose", mais que l'on peut le devenir. Je cite ce "labor improbus omnia vincit", où improbus ne signifie pas malhonnête, mais acharné : le travail vient à bout de tout. Ce n'est d'ailleurs pas vrai, mais c'est mon idée politique. Je veux que nous disions à nos jeunes amis que le travail les portera. 

Dans la même veine, je dis que je n'aime pas le mot "capacité" (on a les capacités en proportion de son travail), et certainement pas le mot "don", mais je n'oublie pas non plus que quelqu'un qui sait est quelqu'un qui a appris. A cette fin, le bistrot n'est pas l'endroit adéquat, et ce n'est pas en baillant aux corneilles que s’acquièrent les compétences et les connaissances. C'est par l'exercice, l'entraînement. 

De ce fait, je dois très logiquement déduire de ce qui précède que les professeurs (j'en suis) gagneraient à proposer aux étudiants des séries d’entraînements, d'exercices, et nous devrions juger les étudiants sur le fait qu'ils ont ou non passé du temps à ces exercices. Si l'on suppose que les compétences viennent avec l'entraînement, dans la mesure où l'on a la capacité d'apprendre, laquelle est sanctionnée par le diplôme, alors une évaluation fondée selon ce critère en viendrait à juger des compétences, ce qui est finalement ce que nous recherchions ! De ce fait, il devient urgent de changer les systèmes d'enseignements, afin de proposer aux étudiants des séries ordonnées d'efforts, d'exercices, d'entraînements... 

J'en profite pour signaler, par exemple, l'existence d'un livre d'enseignement exemplaire : le Calcul différentiel et intégral, de N. Piskounov (éditions Mir, Moscou, Russie). C'est un livre qui commence de façon élémentaire, qui est d'une clarté absolue, et qui comporte des exercices que n'importe qui peut faire : les premiers exercices sont très simples, puis, quand l'étudiant les a fait, on a des exercices à peine plus difficiles, et ainsi de suite. Bref, je recommande ce livre à tous, aux étudiants qui doivent savoir que, en sciences, le calcul différentiel et intégral est omniprésent, et aux collègues enseignants parce que nous pourrons discuter des systèmes pédagogiques que nous mettons en œuvre (on se souviens que je suis si iconoclaste que j'en viens même à questionner le "Le professeur est maître dans sa classe"). Jusqu'à présent, je faisais personnellement mes cours en y passant beaucoup de temps, essentiellement en cherchant à détailler les étapes des calculs, pour faciliter la compréhension des étudiants, mais je m'aperçois que cette méthode est sans doute mauvaise, et, conformément à l'analyse précédente, je vais réorganiser mes cours en une série d'exercices, d'entraînements, qui donneront lieu à autant d'évaluations ponctuelles. 

Finalement, les étudiants seront jugés sur le fait d'avoir ou non effectué tous les exercices proposés, tous ces entraînements. Idem pour les stages : je vais chercher à introduire de nouvelles manières d'encadrer les étudiants, où l'initiation à la pratique scientifique sera conçue comme une série orchestrée d'entraînements, d'exercices. Cela correspond plus ou moins à ce que je faisais déjà, mais il faudra que ce soit bien plus systématique, plus explicite. 

Comme toujours je compte sur mes amis pour me dire si l'analyse ci-dessus est erronée, car on se rappelle que je suis prêt à beaucoup... d'efforts, beaucoup d’entraînements, beaucoup d'exercices, beaucoup de travail, pour améliorer les méthodes que je mets en œuvre très explicitement, en vue d'aider mes jeunes amis (et moi-même) à grandir en science et en technologie.

vendredi 15 décembre 2023

Comment reconnaître un bon article et un mauvais article scientifique?

 La question est lancinante, car la "Loi du petit Wolfgang" s'applique sans cesse : admettons que, malgré l'examen par des rapporteurs, 90% des articles scientifiques sont médiocres. 

Bien sûr, une telle hypothèse est politiquement incorrecte, et nous sommes sans doute nous-mêmes (moi, en tout cas) médiocres à 90 pour cent, mais le fait est que l'on trouve des articles scientifiques que nous devons apprendre à ne pas citer, à ne pas utiliser, et que l'analyse des médiocrités des autres est une façon d'apprendre la notre. 

D'autre part, le nombre 90 est vraiment une façon de parler ; malgré ma volonté de tout quantifier, c'est une estimation qui n'a de valeur que provocatrice. Donc restons sur cette hypothèse. 

 

Soit donc un article scientifique. Nous voudrions savoir ce qu'il vaut.

 

Commençons par lire par le début. Il y a l'introduction... et déjà, elle peut nous dire beaucoup. Par exemple, la présence d'adjectifs et d'adverbes doit nous alerter : en science, il est de bonne pratique de répondre à la question "combien", et de résister à l'argument d'autorité. 

Par exemple, quand on lit que la question est "importante", il y a lieu de s'interroger (a fortiori quand on lit "très importante", ou "primordiale" ;-)). 

D'autre part, nos auteurs doivent citer leurs sources : normalement, chaque phrase devrait être assortie d'une référence.

 Puis vient la section des "Matériels et méthodes". Là, il s'agit de voir si tout est bien justifié. Quels matériels ont-ils été utilisés et pourquoi ? Les produits utilisés sont-ils appropriés aux méthodes retenues ? Et ces méthodes sont-elles suffisamment rigoureuses, notamment ? 

Vient la présentation des résultats : sont-ils correctement décrits ? Les auteurs ne confondent-ils pas les résultats et les interprétations ? 

A ce propos, je suis très opposé aux revues qui veulent réunir résultats et discussions. Je crois que cette façon d'économie du papier, bonne pour le siècle dernier, devrait vraiment être abandonnée ! 

Du coup, il y a toutes les fautes élémentaires des étudiants qui n'ont pas encore appris. Par exemple, des points expérimentaux sans incertitudes, des points expérimentaux reliés par une courbe qui ne correspond à aucun modèle théorique... 

Mais je m'aperçois, ici, que c'est un cours de rédaction des publications scientifiques qui s'imposerait : reconnaître un bonne publication, ou en produire une, n'est-ce pas très parallèle ? Il est temps que notre collectivité s'y mettre, indépendamment de ces services payants que des éditeurs scientifiques proposent, à force publicité. A nous de faire, j'attends vos propositions, en vue de proposer, dans un futur pas trop éloigné, un guide bien fait pour nos jeunes amis... et pour nous-mêmes !


jeudi 14 décembre 2023

Enseigner (suite)


Comment enseigner bien ? Je ne vais certainement pas répondre à une question si difficile, car ce serait d'une prétention inouïe. En revanche, je continue mes soliloques et je m'interroge afin de partager mes interrogations avec des collègues qui, certainement plus intelligents que moi, sauront me remettre sur le bon chemin si je divague. 

Dans un billet précédent je suis arrivé à la conclusion que, au moins au niveau de la fin de mastère, en fin d'université donc, les étudiants devaient être capables de lire les articles de recherche récents. Dans cette hypothèse essayons d'affiner un peu. 

La première question est la suivante : des articles de recherche récents, mais lesquels ? Dans la masse des publications il y en a de bonnes et il y en a de mauvaises. Malgré tous les dispositifs d'évaluation avant publication, il y a tant de revue que les articles, même mauvais, finissent par être publiés. On n'y peut rien, et ce serait une naïveté de croire qu'on arrivera à résoudre ce problème. 

L'enseignant aurait-il alors pour mission de proposer aux étudiants de se consacrer aux bons articles? Pourquoi pas, aussi, de devenir capables de dépister les mauvais, puisque de toute façon, ils seront un jour en position de devoir sélectionner eux-mêmes les bonnes publications ? Des articles -bon ou mauvais, donc- étant sélectionnés, il faudra ensuite que les étudiants les lisent, mais évidemment l'enseignant a pour mission de les aider dans cette tâche qu'ils doivent apprendre. Il y a donc la première question qui est de sélectionner des articles, selon des critères qui doivent être explicites, puis il faudra guider les étudiants pour lire. 

Lire un article scientifique est une tache qui s'apprend. Il ne s'agit pas seulement de lire, au sens de parcourir nonchalamment les mots du regard. Il faut certainement comprendre ce qui est écrit, et il faut aussi savoir mettre en perspective, savoir retenir ce qui est important, par exemple... Il y a donc là une procédure qui s'apprend et, donc, qui s'enseigne. 

Une fois cette tâche effectuée, que fera-t-on de cette information ? Il faut sans doute la structurer parce qu'une information non structurée ne se retient pas, et que, à la limite l'information est dans l'article. Mais une idée dans un tiroir n'est pas une idée, et nous avons la nécessité de sortir les idées du tiroir pour les mettre en oeuvre. Là encore, cette tâche particulière qui s'apprend et, donc, s'enseigne. Je m'arrête là en concluant que le bon enseignant a beaucoup de travail même s'il se limite à vouloir que les étudiants deviennent capables de lire des articles scientifiques.

mercredi 13 décembre 2023

Les questions étincelles

Pourquoi l'estomac ne se digère-t-il pas lui-même ? Voilà le prototype de ce que je nomme des "questions étincelles", ces cadeaux que l'on fait à nos amis, et qui ont pour but que nos amis aient des pensées pour nous, que se crée une communauté immatérielle de la pensée, du soin d'autrui... 

Evidemment, cette idée a des rapports avec le concept des "belles personnes", que j'avais développé naguère : ces personnes qui poussent l'amitié qu'elles vous portent en vous surprenant, chaque rencontre, par de nouvelles idées qu'elles vous soumettent. Elle a sa part de naïveté qui lui fait échapper à la rouerie de trop de personnes que l'on prétend intelligentes, mais qui, tels les rhéteurs dénoncés par Platon, sont des esprits faux, méchants, malhonnêtes, en un mot. 

Mais on se souvient que je propose de garder en tête que "le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture". Revenons aux questions étincelles. Je les oppose aux questions étouffoirs, ces questions dont la réponse est factuelle, à ras de terre, cette victoire des géants contre les dieux de la mythologie alémanique, cette poussière du monde de Shitao. 

J'insiste : les questions étouffoirs sont des transmissions d'information sans plus de valeur que les bits qui les codent. Quelle heure est-il ? Comment ça va ? Vous avez vu ce film ? Vous avez lu ce livre ? Des conventions, qui révèlent, en creux, que nos interlocuteurs n'ont pas d'égard pour nous, en un mot qu'ils ne nous aiment pas. 

Sortons de la fange, redressons-nous, et repartons dans le clair azur de notre monde de questions étincelles. Ce sont les questions qui nous font penser, les questions qui nous poussent à entreprendre, à explorer, à travailler... 

C'est ainsi que je vois, idéalement, une thèse de sciences de la nature : le directeur de thèse pose une question, des questions, et le doctorant fait son chemin, en quête de réponses... ou pas. Disons seulement "en quête", et cela suffira. 

Les questions étincelles : des cadeaux que l'on nous a fait, des échos de ce "Enseigner, ce n'est pas emplir des cruches, mais allumer un brasier". Elles sont, je crois, la base d'un bon enseignement : celui qui n'occupe pas inutilement les emplois du temps, celui qui fait confiance aux étudiants, qui iront sur un chemin balisé, mais qui marcheront d'eux-mêmes, sans qu'on les tire vers l'abattoir. On le voit, je ne mégote pas avec les métaphores, pour discuter cette question des questions étincelles, mais c'est que je veux y mettre de la vie, du... feu !

jeudi 5 octobre 2023

Le combat pour la Raison : à ne jamais cesser, à amplifier


Pendant l'été, j'ai interrogé des personnes autour de moi à propos de leur "modèle intellectuel relatif à la constitution de la matière" : je mets cela entre guillemets parce que cela fait une bien difficile expression, bien abstraite.

Mais si vous vous  reportez au billet que j'avais écrit alors (https://hervethis.blogspot.com/2023/08/quel-modele-avons-nous-de-la-matiere.html), vous verrez que mes questions étaient extraordinairement pratiques et simples, compréhensibles : je voulais seulement savoir, concrètement, pratiquement, simplement, clairement,  comment des personnes de mon entourage se représentaient un cristal de sel ou de sucre, par exemple, ou la dissolution d'un tel cristal dans de l'eau.

J'avais été stupéfait de voir que même des personnes qui avaient fait des études supérieures n'avait en réalité aucune idée juste (ou fausse) de l'organisation de la matière.

De ce fait, je m'interroge sur leur place dans le monde : comment la voient-ils ? Comment perçoivent-ils les phénomènes ?

Jadis, on imaginait le monde peuplé de divinités, grandes ou petites, dieux, déesses, nymphes, gnomes, lutins, dryades, etc., qui auraient réglé l'apparence du monde : la pluie, la foudre, la surrection d'une montagne, le jaillissement d'une source, les crues d'une rivière...

D'ailleurs, il faut observer que la magie était constante et non seulement dans l'hypothèse de ces prétendus divinités mais aussi dans les relations qu'elles auraient entretenu avec les phénomènes visibles : par quelle "magie" les auraient-elles commandées ?

Des connaissances de chimie, de physique et de biologie donnent des clés pour comprendre tout cela...  à condition :
1. que l'on ait ces clés
2. que l'on sache les mettre en œuvre à bon escient.

Le second point est essentiel : savoir qu'un acide peut neutraliser une base, c'est bien, mais neutraliser effectivement un acide qui menace avec une base,  c'est mieux.

En quelque sorte, ces deux points structuraient l'Encyclopédie de Diderot, d'Alembert et leurs amis  : lutter contre les "tyrannies", par la connaissance technique, technologique et scientifique.  

La connaissance scientifique tout d'abord, ce sont bien les mécanismes des phénomènes.

Mais, comme dit, il faut les faire advenir en pratique, et c'est pour cette raison que les techniques et la technologie avaient leur place dans l'Encyclopédie.

Tout cela venait combattre donc les tyrannies, à l'époque, une royauté dévoyée, mais aussi une religion exagérément puissante : on n'oublie pas que Voltaire avait discuté largement de l'Inquisition, qui était encore présente.
Et l'on n'oublie pas non plus qu'à l'époque les charlatans étaient omniprésents :  rebouteux, prétendus guérisseurs par les herbes ou l'imposition des mains, sorciers de tous poils... 

Peu avant  l'Encyclopédie, Cyrano de Bergerac, le vrai, celui qui servit de modèle au roman d'Edmond Rostand, combattait déjà les sorciers  : " "On ne m'a quasi jamais relaté aucune histoire de Sorciers, que je n'aye pris garde qu'estoit ordinairement arrivée, à trois ou quatre cent liëues delà".

 

Aujourd'hui, avec des théories insensées, délirantes, hurluberlues, comme les croyances en un monde mu par des forces spirituelles (d'où la biodynamie, le spiritisme, la prétendue influence de la lune sur la croissance des plantes, les  prétendues énergies cosmiques, les prétendues vibrations énergétiques variées, les prétendus pouvoir de la Nature, les tables qui tourneraient, les fantômes, les feux follets, les feux de Saint Elme, les ectoplasmes, les extra-terrestres, les soucoupes volantes, les médecines les plus abracadabrantes, etc.) par exemple, on constate que le combat ne doit pas s'arrêter.
 

Trop de nos concitoyens croient naïvement à un fonctionnement spirituel du monde, alors que les sciences ne cessent d'en démontrer, au contraire, le fonctionnement "mécanique" (i.e. chimique, physique, biologique), et trop de charlatans vivent financièrement de ces lubies, profitant de la faiblesse intellectuelle d'autrui.

Et je fais maintenant le lien avec l'absence, chez de trop nombreux citoyens, de théories rationnelles de la matière  :  pour toutes celles et tous ceux qui n'ont pas les élémentaires connaissances chimiques, physiques ou biologiques, tout se vaut !
Pour ces personnes, il est tout aussi légitime de croire à des ondes cosmiques faisant pousser les haricots ou fermenter le vin dans les bouteilles qu'à n'importe quoi d'autres.
Ils sont ballottés au gré des idées les plus idiotes, les plus malhonnêtes, les plus folles, les plus insensées, les plus fausses... puisqu'ils n'ont pas les moyens de penser rationnellement, de faire le tri.  

Pour eux, pour tous ceux qui oublient que les sciences sont d'abord quantitatives et réfutables*, tout se vaut, et c'est la raison pour laquelle un grand combat pour la Raison doit être mené sans relâche.
C'est l'ignorance qui fait le lit de la charlatanerie et, a contrario, c'est l'enseignement qui doit équiper les citoyens, les débarrasser de la pensée magique qui afflige enfants et ignorants, qui doit en faire des citoyens capables d'éviter les lubies les plus variés, capables de ne pas confondre les faits et les idéologies : la négation des variations climatiques, les dangers exagérés de la vaccination, les influences des "ondes", les complots de tous ordres, et cetera.

C'est à l'école que tout se construit et c'est à l'école que les cours de sciences doivent commencer à être donnés avant de se poursuivre au collège, au lycée, à l'université et au-delà  !


* Je rappelle que la science n'est pas là pour "prouver", ou "démontrer", mais pour donner des théories quantitatives et réfutables, que les scientifiques s'évertuent à réfuter. Le mouvement essentiel est de se dire : "Si cette théorie était juste [on sait a priori qu'elle est insuffisante], alors cette expérience devrait aboutir à ce résultat particulier"

vendredi 29 septembre 2023

Les calculs de pH ? Aussi périmés que l'extraction de racines carrées à la main

Les calculs de pH aujourd'hui sont l'équivalent des extractions de racines carrées à la main, quand sont apparues les calculatrices.

 Quand j'étais collégien, en classe de sixième, nous n'avions pas de calculatrice électronique, et nous devions faire des calculs à la main. A ce stade de nos études, nous n'avions pas encore de règle à calcul, ni de table de logarithme. On nous enseignait donc laborieusement à calculer des racines carrées par un algorithme, pas très difficile d'ailleurs, qui rebutait la majorité des élèves, la séparation entre les littéraires et les scientifiques n'étant pas encore faite, à ce stade de nos études. Nous y avons passé des heures, parce que certains avaient le plus grand mal, et, une fois la découverte de l'algorithme faite, il n'y avait rien de grisant à effectuer mécaniquement ces calculs. 

Les calculettes sont arrivées, et, les quatre opérations se sont bientôt accompagnées de l'extraction des racines carrées ; Il est alors apparu inutile de continuer à occuper des dizaines d'heures avec quelque chose d'aussi inutile que le fameux algorithmes, qui est donc tombé aux oubliettes, sauf à titre de curiosité, pour ceux qui aiment les mathématiques (et nous sommes bien peu !). 

 

Le calcul du pH pour des solutions ? L’expérience me montre quasi quotidiennement que les étudiants, cette fois au niveau universitaire, ont la même difficulté que les collégiens avec les raines carrées. Ces calculs sont d'ailleurs ennuyeux, car ils veulent faire calculer ceux qui préféreraient s'intéresser à la chimie (on a compris que j'utilise ici la distinction, faite par moi ailleurs, entre chimie et chimie physique). Leurs faiblesses en calcul les mettent en difficulté, alors même qu'elles détournent l'intérêt de l'objet considéré. 

L'objet considéré, c'est le pH de solutions. Quand on met un acide dans l'eau, que ce soit un acide dit faible comme l'acide acétique ou un acide fort comme l'acide chlorhydrique, ce qui compte, c'est d'abord de penser que cet acide est faible ou fort. S'il est fort, il se dissocie immédiatement quand on le met dans l'eau, libérant des protons qui vont s'hydrater. Si l'acide est faible, alors il y a un équilibre entre la forme dissociée et la forme non dissociée. 

Cet équilibre est caractérisé par une constante de dissociation, mais cette caractérisation doit évidemment venir bien après la connaissance du mécanisme lui-même. 

Aujourd'hui, les étudiants sont face à une double difficulté : (1) analyser le phénomène du point de vue physico-chimique, puis (2) poser les équations du phénomène et (3) les résoudre. Les points 2 et 3 posent tant de problèmes aux étudiants... qu'ils en oublie l'analyse du mécanisme chimique. 

Pourtant, l'analyse chimique des problèmes conduit très simplement aux équations... qu'un logiciel de calcul résoudra aujourd'hui aussi simplement qu'une simple calculette calculait une racine carrée. Faut-il donc passer des heures, voire des journées, à enseigner la résolution des équations établies pour déterminer l'usage d'une solution ? Plus j'y pense, moins j'en suis convaincu. De même que nous nous n'allons pas à cheval poster notre propre courrier, de même que nous n'utilisons plus des plumes d'oiseaux et de l'encre pour tracer des mots sur des peaux raclées, de même, je crois que les enseignants ne doivent pas céder au fétichisme ou à la nostalgie et qu'ils doivent proposer aux étudiants de focaliser leur intelligence sur la partie la plus intéressante de la chimie, à savoir la chimie, et non le calcul. Il semble plus intéressant d'enseigner le maniement des outils modernes de calcul, et d'éviter les contorsions calculatoires que l'on devait faire jadis, quand on calculait à la main. Et puis, reconnaissons quand même que, pour les calculs de pH par exemple, la détermination d'ordres de grandeur s'impose. Que signifie la constante de dissociation ? Voilà la seule vraie question, et donc la seule qui doive être évaluée. En tout cas, notre système est dans l'erreur s'il conduit aux étudiants à ne même plus savoir qu'un acide faible est un acide faible ! D’ailleurs, pour être honnête, les étudiants que je rencontre ont appris à faire des calculs, ils ont passé les examens... et ils ont oublié ce qu'ils avaient appris. A quoi bon, alors ? 

J'ajoute que, si le cas des calculs de pH est particulièrement intéressant, en ce qu'il relève d'un mécanismes j'ai identifié dans l'enseignement, il n'est pas exceptionnel. Ainsi, je m'amuse à demander aux impétrants s'ils connaissent la réaction de Diels-Alder, une des quelques réactions essentielles de la chimie organique. Je pourrais tout aussi bien poser la question pour les réactions de Grignard, de Cannizzaro : il y a ainsi quatre ou cinq réactions essentielles qu'il serait bon de connaître, et, surtout, de ne pas oublier ! 

Des collègues me répliquent que les étudiants qui ont oublié ces réactions en connaissent l'existence, qu'ils sauront les retrouver. Pourquoi pas, mais ce n'est pas ce que montre l'expérience. Oui, quelqu'un qui dispose d'internet peut taper « diels alder »... mais à condition qu'il connaisse l'orthographe du mot, et l'expérience, malheureusement, me montre que l'on ne trouve pas cette réaction si l'on écrit « dilssaldère ». 

A la réflexion, c'est surtout l'accumulation des strates qui noie nos amis les plus faibles en calcul (si l'on peut utiliser une métaphore aussi osée). N'y aurait il donc pas lieu d'identifier les éléments prépondérants des programmes scolaires ou universitaires, afin de nous assurer que ceux-là sont maîtrisés ? 

 

Les questions que je pose ne sont pas simples, mais naïves. D'ailleurs, elles s'assortissent de graves considérations politiques : la première étant de savoir ce que nos jeunes amis feront ultérieurement de ces notions ? Un peu d''analyse de la question indique aussi que la difficulté est l’hétérogénéité des amphithéâtres, des promotions. Bien sûr la culture n'est jamais inutile, mais le temps passé à apprendre certaines notions se fera toujours détriment d'autres. Je ne milite évidemment pas pour une spécialisation à outrance, mais je m'interroge sur les savoirs et les compétences que nous pouvons proposer à des groupes étudiants. 

Si ces étudiants ont des parcours différents, les uns devenant ingénieurs, les autres scientifiques et d'autres enfin banquiers, en vertu de quoi serait-il bon de leur donner le même enseignement à tous ? Les moyens modernes ne permettent-ils pas -vraiment- de construire des parcours un peu plus à la carte ? 

Poursuivons l'analyse : dans le schéma éducatif jusqu'ici considéré, on imaginait que le corps enseignant décide pour les étudiants des notions qu'ils devaient apprendre, retenir, maîtriser... Mais si l'on se décidait à accompagner les étudiants dans un parcours qu'ils se seraient choisi eux-mêmes ? Un étudiant qui apprend par lui-même, des matières qu'il a lui-même choisies, devient responsable de son savoir et de ses compétences, de sorte que nous éviterions cette espèce de lutte des classes idiotes, qui se poursuit depuis des siècles, entre les bons étudiants et les salauds d'enseignants, ou entre les bons enseignants et les paresseux étudiants. Quand on va dans le mur, il semble important de s'en apercevoir à temps : perservare diabolicum !

jeudi 21 septembre 2023

On a enseigné des choses fausses pendant au moins un siècle !

 
Depuis au moins 1901 (j'ai une trace écrite), on enseigne une théorie de la cuisson qui est la suivante : il y aurait une cuisson par « concentration », pour le rôti, par exemple, et une cuisson par « expansion » pour les viandes bouillies, par exemple. Et puis il y aurait une cuisson mixte. 

 

Que penser de tout cela ? 

 

Commençons par examiner la cuisson dite par « concentration ». Les manuels de cuisine, jusqu'à une époque extrêmement récente, comportaient un schéma où l'on voyait des flèches vers l'intérieur, mais que représentaient-elles ? La chaleur ? Si c'était le cas, les schémas de tous les types de cuisson auraient dû tous comporter des flèches vers l'intérieur, pour les rôtis comme pour les bouillons. En réalité, les livres de cuisine disaient que ces flèches représentaient le jus et le goût. Le jus ? Ce n'est pas possible, car la viande est faite de matières solides et de matières liquides, toutes deux incompressibles ; de ce fait, le jus ne peut pas affluer à coeur, car le jus est majoritairement fait d'eau, qui n'est pas compressible. La preuve que l'eau n'est pas compressible ? Elle est dans tous les garages automobiles du monde : on soulèves les voitures sur le pont à l'aide d'un vérin hydraulique ! Et puis, si nous pesons un rôti avant et après cuisson, nous voyons qu'il perd du jus, de sorte que les flèches qui auraient représenté le jus auraient du être vers l'extérieur, et non vers l'intérieur. Le goût ? Si l'on coupe la partie externe de la viande, on voit qu'il n'y a pas de goût cuit à l'intérieur, et que seule la croûte prend du goût lors de la cuissons. Conclusion: puisqu'il n'y a aucune concentration dans cette cuisson fautivement dite « par concentration », il faut abandonner cette dénomination fautive. 

Pour la cuisson anciennement dite par « expansion », il en va de même. Dans ce cas, les flèches qui étaient représentées vers l'extérieur pouvaient effectivement représenter les jus, mais certainement pas la viande, car cette dernière se contracte, comme on s'en aperçoit facilement lorsqu'on fait l'expérience. Autrement dit, il n'y a pas d'expansion dans la cuisson qui était fautivement dite « par expansion ». 

Quant à la cuisson mixte, c'est un affreux salmigondis. 

Je suis heureux de vous dire que cette théorie fausse a été supprimée, mais je suis bien malheureux de dire aussi que quelques professeurs continuent de l'enseigner et quelques professionnels continuent de la réclamer, à l'examen, alors que les indications de l'Education nationale excluent clairement un tel enseignement. Les théories fausses ne meurent pas, mais ceux qui les soutiennent disparaissent. Il suffit d'attendre. Militons quand même !