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lundi 11 novembre 2024

Les deux formalismes



La physique fait usage de l'algèbre pour exprimer ses régularités de la nature : ce que l'on a nommé des "lois".
Et, initialement, les lois identifiées étaient essentiellement des proportions. Par exemple, le poids est proportionnel à la masse, et la constante de proportionnalité est l'accélération de la pesanteur. Par exemple, la "loi d'Ohm" exprime une proportionnalité entre la différence de potentiel électrique et l'intensité du courant électrique.
Pour certaines "lois", il peut y avoir des proportionalités inverses, et avec des termes exponentiés. Par exemple, pour la "loi de la gravitation universelle", ou loi de Newton, la force d'attraction gravitationnelle entre deux corps massique est proportionnelle aux deux masses, et inversement proportionnelle au carré de la distance qui sépare leur centre de masse.

Au fond, les équations expriment des relations qui pourraient se dire avec des mots, mais de façon plus concise. Ce fut l'apport de l'algèbre.

Pour la chimie, le "formalisme" n'est pas de cette nature, et les équations sont des représentations des objets.
Bien sûr, là encore, on pourrait décrire les objets en mots, mais ces descriptions sont interminables, parce que des mots ne suffisent pas à dire les choses. Par exemple, comment dire un "éléphant" en mots ? Il faudrait commencer par dire que c'est un animal, qu'il est mammifère, quadrupède, qu'il a une certaine taille, couleur, une trompe, et ainsi de suite à l'infini.
Pour une molécule, il en va de même. Pour décrire la molécule d'acide acétique, il faudrait commencer par dire qu'elle est faite deux deux atomes de carbone liés par une liaison, que le premier est également lié à trois atomes d'hydrogène, tandis que le second est lié à un atome d'oxygène par une double liaison et à un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène ; mais il faudrait ajouter qu'il y a une mésomérie, à savoir que le dernier atome d'hydrogène dont nous avons parlé se "répartit" entre les deux atomes d'oxygène, et cela imposerait de parler des électrons, et ainsi de suite à l'infini.
Dans cette description infinie, il faudrait tenir compte du fait qu'il y a rotation entre les deux atomes de carbone, selon l'axe de leur liaison, qu'il y a des angles entre les liaisons, mais avec des possibilités de vibration, de rotation, etc. Et, pour les électrons, il faudrait surtout décrire leur répartition "moyenne".
La forme et la taille de ces objets ? Si l'on utilise des lettres pour représenter la molécule, comme dans la formule H3C-COOH, alors la question ne se pose pas... mais les idées ne sont guère fixées Veut-on donner une idée de la chose ? Il faut surtout considérer l'influence électrique, les "champs" engendrés par les électrons.
Et on pourrait ainsi discuter à l'infini : le formalisme de la chimie, notre CH3COOH, ou la formule développée, sont des abrégés qui recouvent une description dont la "profondeur" maximale ne dépend que de la connaissance de la chimie. Et cette profondeur augmentera avec le développement de la chimie.
La difficulté du maniement de ce formalisme est donc d'un ordre très différent  de la difficulté du maniement du formalisme de la physique, le maniement algébrique.

vendredi 8 novembre 2024

Qu'est-ce que la science (de la nature) ? Il n'y a qu'une seule méthode

Ces temps-ci, je vois nombre d'amis qui confondent rigueur et science.  La rigueur, c'est la rigueur, et Flaubert était rigoureux, ou Mozart, par exemple... mais ils n'étaient pas scientifiques pour autant. De la rigueur, on peut en mettre dans toute activité humaine, et c'est d'ailleurs le propre des gens que j'aime que de ne pas être des tas de viandes avachis, mais au contraire des êtres dressés autour d'une "colonne vertébrale" (quelle est la vôtre ?). Pour la science, j'ai discuté dans mon livre Cours de gastronomie moléculaire N°1 : Science, technologie, technique (culinaires), quelles relations ?, la question du mot "science", que les sciences de la nature ont eu tendance à "confisquer"... mais il y a des sciences de l'humain et de la société, qui ne se confondent pas avec elles. 

Et l'on a le droit de parler de la "science du cuisinier", ce qui ne signifie pas que les cuisiniers soient des scientifiques... au sens des sciences de la nature. Focalisons nous donc à partir de cette phrase sur les sciences de la nature. Quel est leur objet, leur unique objet  ? <h3><b>Chercher les mécanismes des phénomènes, par l'emploi de la "méthode scientifique". </b></h3> Et qu'est-ce que cette méthode ? Elle tient en six points : <b>1. identifier un phénomène</b> 2.<b> le quantifier</b> (tout doit être "nombré", disait déjà Francis Bacon) 3. <b>réunir les données de mesure en équations</b> nommées "lois" 4. <b>produire des "théories" </b>en regroupant les lois et en introduisant des "mécanismes", assotis de nouvelles notions, concepts... ; à noter que, évidemment, tout doit être quantitativement compatible avec ce qui a été mesuré en 2 5. <b>recherche de conséquences logiques, testables,  des théories</b> 6. <b>tests expérimentaux de ces prévisions théoriques</b> 7. <b>et ainsi de suite </b>à l'infini en bouclant, car une théorie n'est qu'un modèle réduit de la réalité, pas précis à l'infini (un exemple : Georg Ohm, à partir de ses mesures imprécises, a identifié la loi d'Ohm, mais quand, un siècle après, on y a regardé de plus près, on a vu que la relation entre la différence de potentiel et l'intensité électrique était plutôt sous la forme de marches d'escalier... et c'est l'effet Hall quantique). Tout cela étant clair, on pourrait me demander : comment êtes-vous sûr que cette méthode est la méthode scientifique ? Ma réponse est que je soumets cette vision à tous les scientifiques du monde entier, dans les pays du monde, à raison d'environ 200 conférences par an, et jamais je n'ai eu de réfutation. Cela est publié... mais, surtout, c'est tiré de l'analyse des travaux des Lavoisier, Faraday, Pasteur, Einstein, etc. Bref, ce n'est pas une invention personnelle. 

D'autre part, on observera que la science (de la nature) ne se confond pas avec la technologie ou ingénierie, ni avec la technique. La technologie a une visée applicative que la science n'a pas. Je rappelle que la science cherche seulement les mécanismes des phénomènes ; elle ne cherche ni à produire des médicaments, ni à faire des ordinateurs, etc. La technique, elle, est la production. Elle est améliorée par la technologie, qui prend les résultats de la science pour les transférer. C'est notamment pour cette raison qu'il faut absolument combattre des terminologies comme "technoscience", qui sont aussi absurde que "carré rond". Et pour terminer, j'ajoute que chaque champ - science, technologie, technique- est merveilleux... quand il est bien fait. Il n'y a pas de hiérarchie, la science qui serait mieux, ou la technique, ou la technologie : on ne compare pas des pommes avec des bananes. Et il faut les trois pour que nous parvenions, dans la plus grande clarté intellectuelle, à faire demain un monde meilleur qu'aujourd'hui. Vive la Connaissance produite, partagée, utilisée pour le bien de l'humanité !

jeudi 7 novembre 2024

Au premier ordre, Condillac

 
Enfin, je comprends que mes hésitations personnelles à propos de la "querelle de Lavoisier contre Poincaré ne concerne qu'une partie réduite de mes amis ! Je me suis trompé de combat, et il faut promouvoir absolument l'usage d'une langue juste, et ne cesser de proposer ces trois liens :
http://atilf.atilf.fr/
http://www.cnrtl.fr/etymologie/aviser
http://www.projet-voltaire.fr/blog/. 

Mais je me vois bien incompréhensible, et j'explique, maintenant. Naguère, émerveillé par les avancées intellectuelles d'Antoine LaurentLavoisier<, j'avais partagé avec mes amis mon admiration pour ses idées exprimées dans un texte sur les oxydes, où il introduit le formalisme actuel de la chimie : c'est bien à lui que l'on doit les équations chimiques telles que 

NaOH+HCl →NaCl + H2O. 

Partant de ce texte, j'avais découvert le Traité élémentaire de chimie, que Lavoisier avait publié pour proposer un cadre cohérent à la chimie moderne qu'il avait fondée, en bannissant l'idée abracadabrante de "phlogistique" (en gros, une matière de masse négative) et en réformant la terminologie chimique, reléguant dans les oubliettes de l'histoire  des terminologies alchimiques qui manquaient de ce  systématisme rationnel qui est la marque des sciences : fini les "sublimés corrosifs" ambigus, les "cristaux de Saturne", les "mercure précipité" ou "mercure sublimé", les écumes de Diane, les cornes de cerf... aussi variables qu'incertains. Mais, surtout, Lavoisier était inspiré par l'abbé de Condillac, qui revendiquait une langue juste pour une pensée juste. Et c'est ainsi que, dans l'introduction de ce traité, il écrit : "C’est en m’occupant de ce travail, que j’ai mieux senti que je ne l’avois, encore fait jusqu’alors, l’évidence des principes qui ont été posés par l’Abbé de Condillac dans sa logique, & dans quelques autres de ses ouvrages. Il y établit que nous ne pensons qu’avec le secours des mots ; que les langues sont de véritables méthodes analytiques ; que l’algèbre la plus simple, la plus exacte & la mieux adaptée à son objet de toutes les manières de s’énoncer, est à-la-fois une langue & une méthode  analytique ; enfin que l’art de raisonner se réduit à une langue bien faite.  [...]  L'impossibilité d'isoler la nomenclature de la science, et la science de la nomenclature, tient à ce que toute science physique est nécessairement fondée sur trois choses : la série des faits qui constituent la science, les idées qui les rappellent, les mots qui les expriment (...) Comme ce sont les mots qui conservent les idées, et qui les transmettent, il en résulte qu'on ne peut perfectionner les langues sans perfectionner la science, ni la science sans le langage". 

Oui, il faut de bons mots pour de bonnes pensées, car les mots sont comme les outils de l'ébéniste : on ne fera pas du bon travail si l'on confond le marteau et le ciseau à bois ! D'ailleurs, c'est surtout sur le langage technique que l'on voit l'importance de la juste terminologie : si le marin confond la drisse avec l'écoute, le bateau chavire ! Et, évidemment, c'est avec cette idée que je ne cesse de consulter les dictionnaires, et notamment les bons dictionnaires sont j'ai donné les liens. 

Avec <http://atilf.atilf.fr/ on comprend ce que signifient les mots ; la partie inférieure des entrée donne l'étymologie et l'histoire des termes, ce qui explique notamment pourquoi il n'y pas d'exacts synonymes en français. Mais pour en savoir plus de ce point de vue, il faut consulter : http://www.cnrtl.fr/etymologie/aviser. Et comme nous devons nous présenter à nos amis sous nos plus beaux atours, il n'est pas inutile de consulter celui-ci, également  : http://www.projet-voltaire.fr/blog/. 

J'étais donc dans un sentiment très condilliacien, pendant longtemps, jusqu'à ce que tombe sur ce texte de Poincaré sur l'invention mathématique. Poincaré ? Henri<, bien sûr ; le mathématicien. Pas Raymond, le président du Conseil. Henri Poincaré fut un mathématicien extraordinaire, et il s'intéressa à l'épistémologie, et, aussi, à la production des connaissances mathématiques. <b>Dans un de ses textes, il écrit que la difficulté, pour lui, n'était pas d'avoir des idées mathématiques nouvelles, mais de mettre des mots dessus pour pouvoir les partager avec sa communauté. 

Oui, à l'opposé d'un Lavoisier, pour qui les idées scientifiques peuvent naître quasi mécaniquement, du maniement des mots, Poincaré voit dans le langage -qu'il veut d'ailleurs tout aussi précis- une fonction plus utilitaire. Un jour, descendant faire mon cours de gastronomie moléculaire, je compris que Lavoisier< était dans l'erreur... pour la production scientifique. Le maniement automatique des mots est mortifère, et il faut de l'induction pour faire de la science neuve. Il faut "faire des sciences en artiste", aurait dit Poincaré (pour les mathématiques). Oui, il y a cette étape inductive, et non déductive, essentielle en production scientifique. 

J'avais donc relégué Lavoisier dans un coin... Mais je me reprends : la fréquentation quotidienne de mes jeunes amis montre que la question essentielle n'est pas d'abord la production scientifique, mais son apprentissage. Et, pour apprendre, il faut les bons mots. Les idées de Poincaré viendront bien plus tard, et elles n'ont pas de place pour commencer. Oui, les idées condillaciennes sont au premier ordre, et les variations de Poincaré n'arrivent qu'ensuite. Il faut le dire avec force : ayons de bons mots pour bien penser  !

mardi 5 novembre 2024

La découverte des molécules et des atomes

 
On dit parfois qu'Albert Einstein a découvert atomes et molécules. Ou le physicien Jean Perrin. Bref, les physiciens créditent les physiciens de cette découverte. Pourtant, c'est oublier des images comme celles de "La chimie dans l'espace", de Jacobus Henricus Van't Hoff, un texte paru en... 1875, soit bien avant qu'Einstein ne fasse ses travaux ou que Jean Perrin n'étudie le mouvement brownien. 

Et vous avez bien lu le titre ! Quatre ans avant, d'ailleurs, Van't Hoff avait publié un article où il représentent les atomes de carbone d'une molécule de glucose, en indiquant même les angles entre les liaisons chimiques, et les distances interatomiques. 

Mais, plus généralement, la France était terriblement en retard, sur le reste du monde chimique, notamment depuis que Marcellin Berthelot s'était opposé à cette idée de molécules composées d'atomes. En France, il avait eu quelques opposants, avec Charles Adolphe Würtz, Gerhardt, Auguste Laurent, mais Marcellin Berthelot et sa clique, qui verrouillaient les postes, considéraient avec retard que la théorie était abusive. D'ailleurs, alors que Berthelot se vantait d'être un pionnier de la synthèse organique, la France était très en retard de ce point de vue (et Berthelot n'était certainement pas le pionnier qu'il prétendait être). Bref, il ne faut pas reconnaître à Perrin d'avoir montré l'existence des atomes, puisque les chimistes la connaissait déjà depuis plus de 40 ans !

Peser, encore peser

 Dans nos expériences, nous devons souvent peser... et ceux qui connaissent l'histoire de la chimie savent combien cela est un acte scientifique important. Antoine Laurent de Lavoisier, par exemple, utilisa des balances extrêmement précises pour ses déterminations essentielles ; il ne cessa de faire des bilans de matière ! 


 Après lui, les pesées sont devenues un art, parce que l'on chercha à minimiser les erreurs. Il y eut les améliorations techniques, les compensations, les doubles pesées... Au point que l'on parle sans exagération de "gravimétrie" comme d'une science de la pesée. 

Bien au-delà des connaissances rudimentaires de nos jeunes amis qui n'ont que quelques années de rares travaux pratiques, et qui, face à des balances électroniques, ignorent tout de... tout en ce qui les concerne. Et ce n'est pas de leur faute, si la pesée s'apprend, car une bonne pesée est tout aussi difficile que par le passé... d'autant que l'on pèse bien autant avec sa tête, en réfléchissant, qu'avec ses mains. Il faut penser à tout.

 A éviter des courants d'air qui fausseraient les mesures, que ces derniers viennent des pièces où l'on manipule, ou bien des hottes aspirantes sous lesquelles se trouvent les balances. 

A l'horizontalité des balances : on s'assure  que la balance est sur un support bien stable, sans vibration. 

A la suite de quoi on règle deux molettes qui sont à l'avant de la balance et au-dessous d'elle, afin qu'une bulle d'air dans un niveau vienne au centre de ce dernier, lequel est repéré par un cercle. 

Quand la balance est ainsi stable, on l'allume, et on commence par la contrôler, ce qui signifie que l'on pèse un étalon afin de vérifier que la balance donne des indications cohérentes. Si c'est le cas, alors on peut procéder à la pesée, avec tare et répétition de la mesure. 

Pour nombre d'étudiants qui sont gavés d'images de télévision où l'on voit des accélérateurs de particules géants, bourrés d'électronique, ces pesées semblent bien prosaïques, bien rudimentaires, et de ce fait bien en deçà des fantasmes scientifiques qu'ils avaient, de sorte que ces pesées ne sont pas toujours aussi bien faites que l'importance de leurs résultats le réclame. Faut-il brandir cette "importance" ? Ou bien, ne peut-on apprendre à "jouer avec les balances", c'est-à-dire à les utiliser au maximum de leurs possibilités ? Je ne sais pas, mais ce que je sais, c'est que nous devons redonner à la pesée toute l'aura qu'elle mérite, car "donnée mal acquise ne profite à personne"

lundi 4 novembre 2024

Aucun bruit dans un laboratoire de chimie


1. Dans les laboratoires de chimie, cela est une règle  : il ne doit pas y avoir de bruit.
Et, de surcroît, il doit pas y avoir non plus de musique, car celle-ci empêcherait d'entendre les bruits éventuels. Pourquoi ces règles ? 

2. Parce que la chimie, qui est une science des transformations moléculaires, comporte une composante expérimentale & une composante théorique. 

3. Pour la composante théorique, on comprend qu'il faille du calme, pour se concentrer sur les équations, les idées, sans que des bruits, c'est-à-dire des alertes, ne viennent nous déranger. 

4. Pour la composante expérimentale, il faut rappeler qu'elle comporte des dangers, de sorte que nous devons éviter les risques. 

5. Oui, les composés que nous manipulons présentent parfois des dangers : certains sont explosifs,  d'autres sont inflammables & beaucoup sont toxiques. Il y a donc lieu d'éviter les explosions, les incendies, les intoxications, par exemple. 

6. Je me répète un peu,  mais la différence entre dangers et risques et essentielle : traverser une rue est dangereux, mais si l'on regarde bien avant de traverser, à gauche & à droite, alors on réduit les risques. 

7. Le problème, dans les laboratoires de chimie, c'est que les dangers sont parfois invisibles, & l'on se reportera au billet où je discute une expérience avec de l'iode qui a fait apparaître trois tâches minuscules, alors que la pratique était aussi parfaite que possible. 

8. Les bruits dans toute cette affaire ? En général, un bruit résulte du choc, fût-il léger, de deux solides l'un contre l'autre ; en pratique il s'en fait entendre quand on pose un récipient sur la paillasse, dont les carreaux sont souvent en faïence ou en matériau vitrifié. D'ailleurs, au bistrot, vous vous entendrez beaucoup de bruit sur le zinc. 

9. Cependant, ces bruits signalent des heurts, & des possibilités de bris ! Or si un récipient se brise,  son contenu peut se répandre...  c'est là que des risques peuvent apparaître. Imaginez un composé très toxique sorti de son flacon ! D'ailleurs, pour un composé qui peut exploser quand il y a des chocs, le bruit révèle un choc & donc une possibilité d'explosion. 

10. Mais même sans tout cela, un choc indique possibilité de bris, pour des matériels coûteux, & l'on comprend que manipuler avec soin s'imposent. 

11. Finalement, ceux qui manipulent avec des matériaux fragiles doivent apprendre à éviter ces  possibilités de bris, ce qui impose qu'ils s'entraînent à éviter les bruits. Manipuler sans bruit n'est pas facile ;  même poser un récipient sur la paillasse se fait difficilement sans bruit, & il y a une façon de faire qu'il faut apprendre. 

12. J'ajoute qu'il y a lieu d'apprendre à manipuler dans le plus grand calme, sans précipitation, car cette dernière serait la possibilité de faire des gestes inconsidérés. La tête doit certainement précéder la main, à savoir que chaque geste doit être mesurée, anticipé, prévu, de sorte qu'on ne laisse pas de place à l'improvisation, à la hâte... 

13. On comprend ainsi, finalement, que les bruits soient des signes de danger, non seulement pour soi-même mais pour les autres : entendre un bruit dans un laboratoire où quelqu'un manipule doit être signal d'alerte, qui nous conduit aller voir ce qui se passe, & notamment à nous assurer que le collègue n'a pas de problème. 

14. En corollaire, on comprend qu'une musique dans le laboratoire, même si elle "égaye" un peu la pièce, supprime cette possibilité d'alerte. D'autant la musique risque de nous distraire, alors que nous devons être concentrés sur les gestes que nous faisons. 

15. On le voit : nos règles ne sont pas arbitraires, mais logiques, ancrées sur l'analyse des travaux que nous faisons. Des visiteurs qui s'étonneraient de tant de silence mériteraient d'être éclairés sur les raisons de ce dernier : il ne s'agit pas d'inactivité, mais au contraire d'activité parfaitement réglée, contrôlée. 

16. J'en viens  maintenant à ce panneau qui figure sur la porte d'une de nos pièces expérimentales, dans notre laboratoire : "que nul n'entre ici si sa tête est troublée". Ce panneau a été mis après qu'un de nos amis  -qui manipule généralement très bien- avait cassé une verrerie. Il n'y avait pas prêté attention, & avait continué son travail.  Mais quelques minutes plus tard,  il avait cassé ensuite une autre verrerie ! Là, nous avons tout arrêté et nous avons cherché les causes de ce comportement étonnant. A vrai dire, la  cause était évidente : il y avait des manifestations sous nos fenêtres, avec des cris, des batailles... Comment ne pas être troublé par tout cela ? 

17. La suite de l'histoire est encore mieux : notre ami avait finalement décidé d'arrêter ses manipulations pour faire de la rédaction et du calcul... mais ce jour-là, tous ces calculs ont été faux.

18. Oui, véritablement, pour bien travailler, Il faut éviter que la tête soit troublée. Le peintre Shitao, dans un livre, explique que, pour faire des traits de pinceaux parfaits, il faut vider sa tête de tout, éviter les "poussières du monde". Dans plusieurs billets précédents, j'ai discuté cette question, & notamment l'idée de la poussière du monde, que je ne crois moins donnée par le monde que produite par nous-mêmes. 

19. De même, on voit bien comment nos expériences & nos calculs sont perturbées par une foule d'idées que nous avons dans la tête. Ce n'est pas le monde qui nous donne ces idées, mais nous-mêmes qui les avons, qui les laissons tourner & gêner nos activités. Bien sûr, nous pouvons avoir des ennuis d'argent, de coeur, d'administration, ou même des questions de travail que nous ne parvenons pas à résoudre...  mais pourquoi ne pas poser tout cela de côté, le temps du travail ? Ou bien résoudre les choses au lieu de les laisser traîner, de procrastiner ? D'ailleurs, même des sentiments plus positifs nous empêchent  de nous focaliser complètement sur ce que nous faisons. 

20. Se focaliser, oui, se focaliser, là est la clé des expérimentations & des travaux bien faits. Dans le silence le plus complet. D'expérience, c'est toujours un manque de focalisation qui cause les erreurs, de calcul, de manipulation, d'incompréhension... 

19. D'où cette merveilleuse "méthode  du soliloque", que j'ai exposée par ailleurs.

vendredi 18 octobre 2024

Évitons la naïveté si nous voulons faire de la bonne chimie

Au début de la cuisine moléculaire, j'avais invité les chefs à faire des perles d'alginate. A cette fin, je leur proposais d'acheter de l' "alginate de sodium" et un sel de calcium. Et c'est ainsi que les chefs ont commencé par utiliser du chlorure de calcium, bon marché mais très amer. J'ai aussitôt proposé de remplacer ce chlorure par du lactate de calcium qui contient également l'ion calcium, divalent, mais sans l'amertume du chlorure. 

Mais c'est surtout le second ingrédient qui m'intéresse maintenant à savoir l'alginate de sodium. Très rapidement, des chefs variés sont venus m'interroger parce qu'ils avaient des résultats parfois très différents de ceux qui étaient indiqués dans les recettes. À l'analyse, il est apparu que le mot "alginate de sodium" décrivait insuffisamment le produit acheté, qui, certes, était bien "produit" extrait des algues, mais qui pouvait être bien différent selon le procédé d'extraction
 

Sans compter que certains fabricants diluaient leur poudre et, évidemment, réduisaient l'activité du produit  en proportions des bénéfices qu'ils faisaient sur le dos de leurs clients.  Interrogé, un de ces fabricant là m'a avoué qu'il ajoutait un excipient non pas pour réduire le coût de la matière mais pour faciliter la mise en œuvre : mouais...

Il y a d'autres cas, et, par exemple, je me souviens avoir vu une de mes expériences publiques rater alors que j'avais comme d'habitude mélangé dans les bonnes proportions de la poudre de blanc d'oeuf et de l'eau, que je chauffais. Ordinairement, on observe une coagulation, et si les proportions sont celles du blanc d'oeuf, on obtient comme un blanc d'œuf.
Mais ce jour-là, rien ne s'est passé normalement et à l'analyse il est apparu que cette "poudre de blanc d'oeuf" avait d'abord été cuite avant d'être réduite en poudre. Or cuite, séchée et réduite en poudre, elle ne pouvait plus coaguler comme une poudre de blanc d'oeuf dont les protéines auraient été encore quasi natives. 

Évidemment, selon la méthode de production, il y a tous les intermédiaires possibles, et l'indication poudre de blanc d'oeuf, ou alginate, et cetera, sur un paquet n'est absolument pas la garantie que l'on aura les effets que l'on souhaite.

Je ne parle pas des cas où ayant acheté des réactifs chimiques auprès de grandes sociétés chimiques, assortissent leurs produits d'un degré de pureté, j'ai reçu quelque chose d'autre que ce qui était commandé. Par exemple, du trichloroanisole annoncé avec 99,99 % de pureté s'est révélé être composé à 50 % seulement de ce composé, après analyse par résonance magnétique nucléaire, technique imparable.
Et je connais un grand laboratoire de chimie du CNRS qui, pendant presque un an, a eu des résultats complètement différents de ceux qu'il attendait parce que les réactifs achetés n'étaient pas ceux qu'ils voulaient utiliser. 

 

Bref, il y a eu lieu de se méfier des termes généraux : amylose, amylopectine, alginate de sodium, protéine de pois, polyphosphate... Dans le meilleur des cas, on aura quelque chose qui s'apparentera à ce que le mot désigne, mais la question de la pureté restera entière. Or il ne faut pas être naïf : la pureté absolue n'existant pas, comment nommer des produits qui ne sont pas purs ?

jeudi 17 octobre 2024

Merveilleux gestes de chimiste

 Parmi les gestes merveilleux du chimiste, il y a celui qui consiste à garder le bouchon du flacon que l'on a ouvert dans la paume de la main, à la partie inférieure, tandis que les doigts servent à tenir le flacon lui-même ou un autre objet : de la sorte, on ne dépose jamais le bouchon sur la paillasse, et  on évite ainsi 

- soit de contaminer le bouchon avec des composés présents sur la surface de la paillasse

- soit de contaminer la paillasse avec le bouchon. 


Un autre geste important et celui qui consiste à verser un liquide en le faisant couler le long d'une baguette de verre. La capillarité maintient le liquide contre la baguette, et évite que l'on renverse  du liquide sur la paillasse. 

Il y a ainsi foule de petit gestes que le chimiste peut apprendre et exécuter merveilleusement. N'est-ce pas le rôle des cours d'introduction à la chimique que d'enseigner ces gestes ?

mercredi 16 octobre 2024

Pour verser sans renverser

Ce matin, je vois une vidéo où l'auteur renverse d'abord du jus d'orange sur la nappe, parce qu'il le verse d'un verre dans un autre. Puis il  explique qu'il y avait lieu d'éviter ce désagrément en faisant couler le liquide contre une cuillère que l'on tient par-dessus le verre. Et il conclut : " pourquoi n'ai-je pas su cela avant ?"
 

Oui pourquoi n'a-t-il pas su cela auparavant ? Ma réponse est qu'il n'a pas du bien d'écouter les cours de chimie ou d'introduction à la chimie qu'on lui a dispensés, où ce que ces cours n'ont pas fait leur travail, à savoir expliquer les gestes élémentaires de la chimie. 

Car il s'agit là effectivement d'un geste que l'on apprend dès le début, à savoir verser en faisant couler un liquide contre une baguette en verre, de sorte que la capillarité assure l'écoulement du liquide contre la baguette. 

Au fond, les gestes de la chimie sont souvent des gestes du quotidien, et l'on peut compter sur les chimistes pour avoir perfectionné ces gestes.
Vive la chimie (cette science merveilleuse qui ne se confond pas avec ses applications), bien plus qu'hier et bien moins que demain !

jeudi 3 octobre 2024

Une date à retenir : le 28 novembre

A l'Académie d'Agriculture, rue de Bellechasse à Paris, nous organisons le 28 novembre un colloque consacré à la vigne et au vin demain. 

Face au changement climatique, la viticulture devra s'adapter, et nous devons prévoir des modifications éventuelles des terroirs, des cépages, des vins. 

En outre, de plus en plus, on cherche à réduire ce que l'on nomme les intrants à savoir les engrais et les traitements contre les maladies et les agresseurs de la vigne. Or on commence à produire des vignes résistantes aux principales maladies que sont par exemple le mildiou ou le court noué, et il y a des résultats SPECTACULAIRES, notamment des vignes expérimentales (à Colmar) où l'on voit à gauche une vigne d'un nouveau type génétique non traité et parfaitement saine, et à droite une vigne classique bien traitée mais pourtant malade. 

Pour l'instant, les modifications génétiques se font par des sélections classiques mais avec la connaissance plus fine de la biologie moléculaire puisque le public refuse l'utilisation de ce qui est classé comme des organismes génétiquement modifiés. 

Cela fait perdre du temps alors que les vignerons souffrent déjà des variabilités plus fortes du climat à savoir de grandes sécheresse et de grands épisodes pluvieux, des températures plus variables que par le passé. 

Il y a donc urgence pour apprendre à bien travailler. Mais pour la vigne comme pour d'autres secteurs, le public refuse la chimie et au fond, c'est paradoxalement la connaissance de la chimie qui permettra d'éviter des interventions moléculaires par une direction plus fine des travaux. 

L'obscurantisme ne peut pas gagner, car il y a ce fait qu' avec la science qu'une nouvelle connaissance ne veut plus être oubliée. 

Or la chimie il faut le dire n'est pas technologies ou une technique, une application des sciences mais une science elle-même.

lundi 9 septembre 2024

La chimie ? Encore plus belle que je ne le disais !

C'est difficile à croire mais je viens de trouver des raisons supplémentaires de considérer que la chimie est une science merveilleuse. 

 

Les petits esprits opposent la physique et la chimie : ceux qui préfèrent la première disent que la chimie est un assemblage de détails  ; inversement les chimistes les plus sectaires répondent que la physique a beau jeu de proposer de grandes équations générales car celle-ci ne s'appliquent  jamais en pratique. 

Evidemment, ces deux positions sont intenables ,  et il vaut mieux au contraire comprendre en quoi les deux sciences sont différentes, complémentaires et toutes deux passionnantes. 

 

Pour la physique, il est extraordinaire que des équations algébriques puissent décrire si bien les phénomènes et, mieux, faire le tri entre des mécanismes concurrents. 

Pour la chimie, j'ai récemment découvert deux caractéristiques qu'il est intéressant de signaler à ceux qui apprennent cette science. Ma première observation est que si l'approche quantitative, algébrique, n'est pas à rejeter bien au contraire, il y a lieu de considérer, de surcroît, que le symbolisme de la chimie est une représentation de tels calculs, et une raison représentation très opérationnelle puisqu'elle permet d'envisager les transformations de la matière. 

Il est merveilleux d'admirer que cette pratique a permis de découvrir l'idée de molécules avant même que la physique n'y parvienne. Mais il y a mieux  :  à savoir que les réactions classiques de la chimie sont l'équivalent des équations générales de la physique. Par exemple la réaction d'un diène et d'un alcène permet de former un "cycle", une structure fermée pour la chaîne d'atomes de carbone,  ce que l'on nomme la réaction de Diels Albert, et qui est l'homologue d'une loi  physique telle que la loi d'Ohm, par exemple
 

Certains étudiants reprochent à la chimie d'imposer du par coeur... mais faut-il savoir plus qu'en physique ou en biologie ? Dépassons les "on dit". 

De surcroît, si l'on admettait que cette critique était juste il y a 40 ans, quand on faisait la chimie "au lasso", elle ne met plus aujourd'hui, alors que nous envisageons du transfert d'électrons et stéréochimie. La chimie au lasso consistait à repérer dans les réactifs un atome d'oxygène et deux atomes d'hydrogène : on les entourait d'un trait et l'on considérait qu'il y aurait une réaction de condensation. Aujourd'hui, la connaissance des électrons et de leurs possibilités de mouvement a balayé tout cela, et il s'agit d'analyser, de réfléchir à des mécanismes. 

Que la chimie est belle !

vendredi 6 septembre 2024

Cherchons toujours les mécanismes !

Lors de la dernière année universitaire, j'ai eu l'occasion d'observer que nos élèves ingénieurs n'avaient pas suffisamment le réflexe d'aller chercher les mécanismes des phénomènes qu'ils considéraient.
De sorte que, cette année, au moins pour ce qui me concerne, je serai très insistant à ce propos car je crois que c'est là la clé du bon exercice du métier d'ingénieur. 

Je ne méconnais pas que ce métier a une composante strictement technologique au sens de l'amélioration des techniques, de la résolution de problèmes techniques, de la mise au point des produits, et une composante d'encadrement d'équipe, de gestion de projet. Ici, c'est bien la question technologique qui m'intéresse et l'expérience montre amplement que des maniments superficiels des questions ne mènent à rien, font perdre du temps... 

La clé du succès, c'est la compréhension des phénomènes et la mise en œuvre de solutions guidées par cette compréhension.
Il faut chercher le mécanisme en terme de chimie, de physique, de biologie et c'est ensuite, quand on a une description des phénomènes, une analyse des questions en ces termes scientifiques, que l'on peut résoudre les problèmes de façon efficace. 

Je prends la précaution d'ajouter que je ne cherche pas à transformer nos ingénieurs en scientifiques, en personnes qui cherchent les mécanismes des phénomènes. Non, il s'agit plutôt que nos élèves ingénieurs aillent chercher la connaissance des mécanismes produites par les scientifiques et mettent en œuvre cette connaissance pour les questions qu'ils traitent. 

D'ailleurs, celles et ceux qui ont concocté les programmes de préparation aux écoles d'ingénieurs ont bien compris tout cela puisqu'ils ont mis au programme des matières fondamentales telles que mathématiques, chimie, physique, biologie.
Nos élèves ingénieurs bénéficient de ce socle très ferme , et nous avons la mission de les faire avancer plus loin. Ils auraient tort s'ils pensaient pouvoir ne plus traiter ces questions, et d'ailleurs, beaucoup aiment ces matières. Poursuivons donc sur la lancée, incitons-les à ne pas oublier les connaissances qu'ils ont acquises et, au contraire invitons les à développer leur connaissance dans tous ces champs car c'est ainsi qu'ils feront d'excellents ingénieurs. 

Cela a été bien compris notamment par l'Ecole de physique et de chimie de Paris, où  l'enseignement « scientifique » est très poussé, sans négliger  pour autant les questions pratiques : il y a des séances expérimentales tous les après-midi pendant 4 ans. 

 

Aidons nos amis à devenir d'excellents ingénieurs ! 

lundi 2 septembre 2024

Etudes, ordre, méthode : apprendre à apprendre

 
Alors qu'arrivent les étudiants de Master à qui je vais donner des cours de gastronomie moléculaire, je suis donc dans l'idée d'aider mes jeunes amis à apprendre, et, plus particulièrement,  d'apprendre à mettre en œuvre la méthode descendante que j'ai décrite dans un document soumis pour publication et qui consiste à chercher les mécanismes des phénomènes en analysant ces derniers du niveau macroscopique au niveau moléculaire, en passant par les niveaux microscopiques et supramoléculaire. 

Au bout de l'analyse, il y a la chimie, de sorte que l'on comprend  que l'analyse proposée impose une connaissance de cette dernière. La chimie : ce sont des objets et des réactions. Certes, les objets de la chimie sont-ils innombrables : ce sont les composés, et, notamment, les composés des tissus végétaux et animaux. Mais les réactions, elles, mettent en œuvre très logiquement des transferts d'électrons entre les atomes des molécules de ces composés, et cela est en quelque sorte plus simple. 

Pour les composés, oui ils sont nombreux, mais on s'y retrouve si l'on met en oeuvre la méthode qui consiste à considérer le gros avant le détail,  par ordres de grandeur successifs.
C'est ainsi que l'on a d'abord à  considérer l'eau, puis les saccharides, les lipides et les protéines. La viande, par exemple, c'est 70 % d'eau, 20 % de protéines et 10 % de lipides. La salade, c'est 99 % d'eau et un reste fait essentiellement de polysaccharides. Parmi ces derniers, les principaux sont les celluloses, les pectines, les hémicelluloses. 

Et il faut aussi considérer les trois principaux oligosaccharides que sont  le D-glucose, le D-fructose et le saccharose. Ils sont formés dans les feuilles des plantes, quand la sève y monte essentiellement par capillarité résultant d'évapo-transpiration, et qu'ils sont synthétisés à partir du dioxyde de carbone de l'air, d'eau et de l'énergie lumineuse. Une fois produits, ils redescendent dans l'ensemble des parties des plantes et c'est quand ils arrivent sur les lieux de stockage qu'ils sont assemblés en polysaccharides. 

Bien sûr, le monde vivant est si foisonnant, après des centaines d'années d'évolution biologique, qu'il ne se réduit pas à cela, mais faisons les choses par ordre pour y arriver. 

Et puis, tout d'abord, pour quel but ? 

dimanche 23 juin 2024

De la chimie, de la chimie, encore de la chimie, toujours de la chimie



Le goût général pour la simplicité a failli me faire faire une erreur : j'avais cru comprendre que l'on pouvait distinguer les transformations culinaires selon qu'elle s'accompagnaient ou non de modifications moléculaires, mais je viens de comprendre que non, toutes s'accompagnent de modifications moléculaires, de "réactions chimiques".

Par exemple, quand on cuit une viande, il est clair qu'il y a des coagulations dans la masse et éventuellement des brunissement en surface : dans les deux cas, il y a des réactions chimiques.
Inversement, on pourrait penser que la découpe d'une carotte ou la production d'un blanc en neige ne mettent pas en œuvre de réactions chimiques... mais cette idée est fausse,  et, à ce jour, je ne connais pas de transformation culinaire pour lesquelles il n'y ait pas de transformation moléculaires.

Par exemple, quand on fait une salade de carottes, la lame du couteau détruit au moins une couche de cellules, libérant leur contenu, ce qui correspond à l'humidité qu'on voit apparaître à la surface. Mais aussi, la dégradation des cellules sur le passage de la lame de l'économe libère des composés phénoliques et des enzymes  : les enzymes réagissent avec les  composés phénoliques pour faire brunir les tissus végétaux coupés. Il y a donc  (1) une action physique, (2) une modification microscopique et  (3) des transformations moléculaires.

Bien sûr, cela ne concerne qu'une couche de cellules mais au fond, dans un rôtissage rapide où l'on ne ferait brunir que la surface, il n'y aurait également que la surface qui serait concernée.

Pourrait-on  distinguer les transformations culinaires selon les ordres de grandeur de quantité de matériaux modifiés ? Par exemple distinguer une coagulation d'un blanc d'oeuf, où toute la masse du matériau est transformée, et une modification de surface ? On peut toujours, mais à quoi cela conduit-il ?

Continuons d'explorer la question, sur des cas pratiques, notamment en considérant le battage d'un blanc d'oeuf en neige.  Cette fois, on part d'eau et de protéines, souvent globulaires (à savoir que les molécules de protéines sont repliées comme des pelotes), et l'on fouette pour introduire des bulles d'air.
L'air n'est pas modifié, mais les protéines le sont : le cisaillement exercé par le fouet déroule les protéines, et c'est parce qu'elles sont ainsi "dénaturées" qu'elles peuvent se placer à la surface des bulles d'air, à l'interface entre l'air et l'eau. Là, on peut facilement calculer la quantité de protéines qui sont ainsi nécessaires pour obtenir un blanc battu en neige (un minimum de 1/10 000), mais quoi qu'il en soit,  alors que l'on pouvait croire que l'on aurait été dans le cas d'une transformation culinaire sans modification moléculaire, on s'aperçoit que l'on s'est trompé.
Considérons le cas d'une salade, maintenant : même en se limitant à la salade elle-même, il y a des modifications et notamment quand on déchire les feuilles (la proportion de tissu modifiée est 1/10 000 000)... mais l'effet est visible !
Et, quand on fait vraiment la salade, en la "fatiguant" avec la vinaigrette, l'effet est considérable, puisque l'huile adhère aux cires de surface, les désorganisant, et permettant l'interaction du tissus végétal avec le vinaigre, mais, aussi, avec une action mécanique dont on vait bien l'effet.  

Finalement, s'il y a transformation culinaire, c'est bien qu'il y a un effet, n'est-ce pas ? Et je crois que c'est un bon conseil, face à une transformation culinaire, de toujours considérer le phénomène d'abord du point de vue macroscopique, puis du point de vue microscopique, puis du point de vue moléculaire. Toutes ces modifications sont toujours présentes.

Car on se souvient que l'importance en "quantité" n'est pas prépondérante : une viande grillée seulement en surface prend ce goût qui la fait apprécier, alors même que la "quantité de transformation est faible. Et il ne faut pas oublier (voir Mon histoire de cuisine) qu'il y  différentes "dimensions", pour les aliments : la saveur, la couleur, l'odeur, la consistance, etc. Par exemple, au premier ordre de la composition chimique, le vin n'est que de l'eau, mais la saveur brûlante de l'éthanol, présent moléculaire au deuxième ordre seulement, est prépondérante, alors que la saveur de l'eau, présente au premier ordre, est très loin dans l'ordre des saveurs.

Bref, vive la chimie !

vendredi 7 juin 2024

La retraite ? Pourquoi ?

Je m'étonne de voir mes amis de mon âge partir les uns après les autres en "retraite". 


L'un d'entre eux suit des cours d'histoire de l'art,  l'autre part en voyage, le troisième apprend le chinois... Je ne parviens pas à m'empêcher de penser qu'ils font des choses très inutiles pour meubler la vacuité de leur existence. 

Mais surtout, pourquoi partent-ils en retraite ? Ceux qui travaillaient dans l'industrie avait des contraintes dont on pouvait penser qu'elles pouvaient être pesantes : des réunions interminables, ennuyeuses, des horaires mangeant leur sommeil, des transports fatigants... 

 

Mais pour les scientifiques ? Pourquoi arrêter ? Pourquoi arrêter de faire quelque chose de si merveilleux ? Et puis s'arrêter pour faire quoi ? Bien sûr, on a le droit d'aimer plusieurs choses à la fois, par exemple la science et la musique, mais si la science nous plait plus que la musique, si l'on a conclu que c'était la science que l'on aimait le plus, pourquoi  ne plus en faire ? 

Pour moi, c'est clair : m'arrêter de faire de la recherche scientifique, ce serait me condamner à faire moins passionnant que ce que je fais. Bien impossible ! 

On ira mon texte sur le "château de la science", inspiré du texte d'Einstein sur le temple de la science, pour comprendre que nombre de mes amis qui partent en retraite étaient comme des marchands du temple, et l'on ne doit pas s'étonner que leur carrière scientifique ait été si mince. 

 A l'inverse, j'aime beaucoup Jean-Marie Lehn qui, à plus de 80 ans, va au laboratoire tous les matins, et continue de faire avec passion cette science si merveilleuse qu'est la chimie.

samedi 30 septembre 2023

Modèles, explications : les outils pour progresser

 
Dans des cours de Master, je fais valoir que les procédés et leurs effets peuvent s'apprécier de façon macroscopique. Plus exactement, si l'on veut comprendre les possibilités d'amélioration, donc de changement du procédé, et si l'on ne veut pas errer empiriquement dans l'infinité des possibilités, il y a lieu de "comprendre" ce qui se passe dans on effectue les opérations stipulées par le protocole, ou, plus généralement, mises en oeuvre.

Or la première "explication" des transformations macroscopique doit être microscopique.  
Par exemple, quand on coupe une carotte, la racine initiale est divisé en tronçon, par exemple, et cette division est un effet physique. Pour "comprendre" cette division, il y a lieu d'observer que la lame de certais couteaux est en forme de toit de maison renversé, et, pour d'autres, en forme ce V : dans le premier cas, il y a une compression, mais, dans le second, la coupe est plus franche. Et, finalement, dans les deux cas, le tissu végétal est séparé, la lame passant à travers une épaisseur plus ou moins grande de tissu, i.e. à travers un nombre de couches de cellules plus ou moins grand. Et cela s'accompagne d'une quantité plus ou moins grande de contenu cellulaire libéré : le tissu végétal est plus ou moins humide, et il brunit plus ou moins.

Cela étant, cette première explication mérite une explication... moléculaire : comment la lame du couteau divise-t-elle les cellules, et pourquoi la surface brunit-elle ? Là, la physique doit se fonder sur la chimie, sur la considération des molécules qui constituent les parois végétales, les membranes, les cellules.
Par exemple, le brunissement résulte du fait que des composés phénoliques sont libérés au côté d'enzymes catécholases, qui forment des composés mélanoidiques bruns. Bref, il faut de la chimie, pour comprendre les transformations du monde !

vendredi 29 septembre 2023

Les calculs de pH ? Aussi périmés que l'extraction de racines carrées à la main

Les calculs de pH aujourd'hui sont l'équivalent des extractions de racines carrées à la main, quand sont apparues les calculatrices.

 Quand j'étais collégien, en classe de sixième, nous n'avions pas de calculatrice électronique, et nous devions faire des calculs à la main. A ce stade de nos études, nous n'avions pas encore de règle à calcul, ni de table de logarithme. On nous enseignait donc laborieusement à calculer des racines carrées par un algorithme, pas très difficile d'ailleurs, qui rebutait la majorité des élèves, la séparation entre les littéraires et les scientifiques n'étant pas encore faite, à ce stade de nos études. Nous y avons passé des heures, parce que certains avaient le plus grand mal, et, une fois la découverte de l'algorithme faite, il n'y avait rien de grisant à effectuer mécaniquement ces calculs. 

Les calculettes sont arrivées, et, les quatre opérations se sont bientôt accompagnées de l'extraction des racines carrées ; Il est alors apparu inutile de continuer à occuper des dizaines d'heures avec quelque chose d'aussi inutile que le fameux algorithmes, qui est donc tombé aux oubliettes, sauf à titre de curiosité, pour ceux qui aiment les mathématiques (et nous sommes bien peu !). 

 

Le calcul du pH pour des solutions ? L’expérience me montre quasi quotidiennement que les étudiants, cette fois au niveau universitaire, ont la même difficulté que les collégiens avec les raines carrées. Ces calculs sont d'ailleurs ennuyeux, car ils veulent faire calculer ceux qui préféreraient s'intéresser à la chimie (on a compris que j'utilise ici la distinction, faite par moi ailleurs, entre chimie et chimie physique). Leurs faiblesses en calcul les mettent en difficulté, alors même qu'elles détournent l'intérêt de l'objet considéré. 

L'objet considéré, c'est le pH de solutions. Quand on met un acide dans l'eau, que ce soit un acide dit faible comme l'acide acétique ou un acide fort comme l'acide chlorhydrique, ce qui compte, c'est d'abord de penser que cet acide est faible ou fort. S'il est fort, il se dissocie immédiatement quand on le met dans l'eau, libérant des protons qui vont s'hydrater. Si l'acide est faible, alors il y a un équilibre entre la forme dissociée et la forme non dissociée. 

Cet équilibre est caractérisé par une constante de dissociation, mais cette caractérisation doit évidemment venir bien après la connaissance du mécanisme lui-même. 

Aujourd'hui, les étudiants sont face à une double difficulté : (1) analyser le phénomène du point de vue physico-chimique, puis (2) poser les équations du phénomène et (3) les résoudre. Les points 2 et 3 posent tant de problèmes aux étudiants... qu'ils en oublie l'analyse du mécanisme chimique. 

Pourtant, l'analyse chimique des problèmes conduit très simplement aux équations... qu'un logiciel de calcul résoudra aujourd'hui aussi simplement qu'une simple calculette calculait une racine carrée. Faut-il donc passer des heures, voire des journées, à enseigner la résolution des équations établies pour déterminer l'usage d'une solution ? Plus j'y pense, moins j'en suis convaincu. De même que nous nous n'allons pas à cheval poster notre propre courrier, de même que nous n'utilisons plus des plumes d'oiseaux et de l'encre pour tracer des mots sur des peaux raclées, de même, je crois que les enseignants ne doivent pas céder au fétichisme ou à la nostalgie et qu'ils doivent proposer aux étudiants de focaliser leur intelligence sur la partie la plus intéressante de la chimie, à savoir la chimie, et non le calcul. Il semble plus intéressant d'enseigner le maniement des outils modernes de calcul, et d'éviter les contorsions calculatoires que l'on devait faire jadis, quand on calculait à la main. Et puis, reconnaissons quand même que, pour les calculs de pH par exemple, la détermination d'ordres de grandeur s'impose. Que signifie la constante de dissociation ? Voilà la seule vraie question, et donc la seule qui doive être évaluée. En tout cas, notre système est dans l'erreur s'il conduit aux étudiants à ne même plus savoir qu'un acide faible est un acide faible ! D’ailleurs, pour être honnête, les étudiants que je rencontre ont appris à faire des calculs, ils ont passé les examens... et ils ont oublié ce qu'ils avaient appris. A quoi bon, alors ? 

J'ajoute que, si le cas des calculs de pH est particulièrement intéressant, en ce qu'il relève d'un mécanismes j'ai identifié dans l'enseignement, il n'est pas exceptionnel. Ainsi, je m'amuse à demander aux impétrants s'ils connaissent la réaction de Diels-Alder, une des quelques réactions essentielles de la chimie organique. Je pourrais tout aussi bien poser la question pour les réactions de Grignard, de Cannizzaro : il y a ainsi quatre ou cinq réactions essentielles qu'il serait bon de connaître, et, surtout, de ne pas oublier ! 

Des collègues me répliquent que les étudiants qui ont oublié ces réactions en connaissent l'existence, qu'ils sauront les retrouver. Pourquoi pas, mais ce n'est pas ce que montre l'expérience. Oui, quelqu'un qui dispose d'internet peut taper « diels alder »... mais à condition qu'il connaisse l'orthographe du mot, et l'expérience, malheureusement, me montre que l'on ne trouve pas cette réaction si l'on écrit « dilssaldère ». 

A la réflexion, c'est surtout l'accumulation des strates qui noie nos amis les plus faibles en calcul (si l'on peut utiliser une métaphore aussi osée). N'y aurait il donc pas lieu d'identifier les éléments prépondérants des programmes scolaires ou universitaires, afin de nous assurer que ceux-là sont maîtrisés ? 

 

Les questions que je pose ne sont pas simples, mais naïves. D'ailleurs, elles s'assortissent de graves considérations politiques : la première étant de savoir ce que nos jeunes amis feront ultérieurement de ces notions ? Un peu d''analyse de la question indique aussi que la difficulté est l’hétérogénéité des amphithéâtres, des promotions. Bien sûr la culture n'est jamais inutile, mais le temps passé à apprendre certaines notions se fera toujours détriment d'autres. Je ne milite évidemment pas pour une spécialisation à outrance, mais je m'interroge sur les savoirs et les compétences que nous pouvons proposer à des groupes étudiants. 

Si ces étudiants ont des parcours différents, les uns devenant ingénieurs, les autres scientifiques et d'autres enfin banquiers, en vertu de quoi serait-il bon de leur donner le même enseignement à tous ? Les moyens modernes ne permettent-ils pas -vraiment- de construire des parcours un peu plus à la carte ? 

Poursuivons l'analyse : dans le schéma éducatif jusqu'ici considéré, on imaginait que le corps enseignant décide pour les étudiants des notions qu'ils devaient apprendre, retenir, maîtriser... Mais si l'on se décidait à accompagner les étudiants dans un parcours qu'ils se seraient choisi eux-mêmes ? Un étudiant qui apprend par lui-même, des matières qu'il a lui-même choisies, devient responsable de son savoir et de ses compétences, de sorte que nous éviterions cette espèce de lutte des classes idiotes, qui se poursuit depuis des siècles, entre les bons étudiants et les salauds d'enseignants, ou entre les bons enseignants et les paresseux étudiants. Quand on va dans le mur, il semble important de s'en apercevoir à temps : perservare diabolicum !

mercredi 27 septembre 2023

L'auto-organisation


En 1987, le prix Nobel de chimie à été attribué au chimiste français Jean Marie Lehn et à deux de ses collègues pour leurs travaux sur la chimie supramoléculaire. 

De quoi s'agit-t-il ? Normalement, en chimie, on forme des molécules nouvelles en coupant et en établissant des liaisons dites « covalentes », qui résultent de la mise en commun d'une paire d'électrons, entre deux atomes. Toutefois, dans les années 1980, les chimistes ont étudié la possibilité de former des assemblages de plusieurs molécules à l'aide de liaisons plus faibles que les liaisons covalentes : des ponts disulfures, des liaisons hydrogène … 

Ces assemblages ont été nommé supermolécules, et la chimie qui les forme et les étudie a été nommée chimie supramoléculaire. Il est tout à fait remarquable d'observer que, avant cette chimie supramoléculaire, les bibliothèques étaient pleines de livre sur les « complexes » de diverses sortes. Tout cela a été balayé par la chimie supramoléculaire, qui donné un cadre général à la description de ces divers objets. 

 

Ce qui est le plus merveilleux, c'est que cette chimie permet d'envisager la création d'objets nouveaux, et, notamment, d'objets capables de s'assembler spontanément, de se dissocier et de se réassembler selon les circonstances chimiques. Notamment, Jean-Marie Lehn et ses collègues ont conçu et réalisé des molécules en formes de parts de tartes, avec des bords « collants ». Si l'on met de telles molécules dans une solution, elles diffusent, puis s'assemblent par les bords. Si l'angle au centre de ces molécules n'est pas un sous-multiple de 360°, alors les parts de tarte forment une structure hélicoïdale, identique à la capside de certains virus ! 

Voilà pourquoi la chimie supramoléculaire me semble si importante, et voilà pourquoi l'étude de chimie mérite que l'on réserve un chapitre particulier à cette chimie des forces faibles, qui conduit à l'étude de l'auto-organisation, un chapitre de la chimie qui se développera considérablement au XXIe. Militons pour que Jean-Marie Lehn reçoive un deuxième prix Nobel !

jeudi 14 septembre 2023

Molécules, composés, composés chimiques, produits chimiques...

 
Souvent nos concitoyens (et nous mêmes) ne savent pas exactement la différence entre une molécule, un composé, un composé chimique, un produit chimique, un produit de synthèse... J'ai donc expliqué la chose dans un podcast sur le site d'Agroparistech (http://www.dailymotion.com/video/x1r1o5y_qu-est-ce-qu-un-compose_school). 

Cela dit, pour ceux qui n'auraient pas le temps d'aller sur ces sites, une explication, à nouveau. Un objet matériel, tel l'eau dans un verre, est fait de molécules. Pour l'eau du verre, ce sont des objets tous identiques, que l'on nomme des molécules d'eau. Et l'eau est liquide parce que ces molécules d'eau bougent en tous, un peu comme des boules de billard sur un billard qui serait secoué.
Dans un cristal de sucre, il y a des objets tous identiques, empilés régulièrement : ce sont des molécules de « saccharose », et, cette fois, les mouvements se limitent à des vibrations.
Dans de la vodka, maintenant, c'est un peu (à peine) plus compliqué, parce qu'il y a des objets de deux sortes : d'une part, des molécules d'eau, et, d'autre part, des molécules d'une autre sorte : l'éthanol. Les molécules des deux sortes sont dispersées au hasard, comme des boules jaunes et des boules rouges sur un billard agité. Et, mieux, le fait que la vodka soit à 40 pour cent d'éthanol revient à dire qu'il y a environ six molécules d'eau pour quatre molécules d'éthanol. Les molécules sont des molécules... mais les catégories de molécules sont les composés. L'eau est un composé, et l'éthanol est un autre composé ; le saccharose est un troisième composé. 

Et les composés ont ce nom, parce que toutes leurs molécules des objets d'un même type, tous « composées » d'atomes organisés de la même façon. Par exemple, les molécules d'eau sont toutes composées d'un atome d'une sorte (l'oxygène) et de deux atomes d'une autre sorte (l'hydrogène). Pour les molécules de saccharose, il y a 12 atomes de carbone, 12 atomes d'oxygène et 24 atomes d'hydrogène. 

Lorsque a été mis en ligne le podcast qui explique cela en images, sur le site d'AgroParisTech, je n'étais pas bien fier : que penseraient mes collègues ? Etait-ce bien raisonnable de donner des explications si simples sur le site de la plus grande école d'agronomie du monde ? 

La réponse a été donnée par mes « amis » qui ont visité le site et visionné le podcast : il n'y a finalement eu que des remerciements. C'est-à-dire, en définitive, une invitation à poursuivre dans cette direction, et je me dis que cela serait merveilleux si chaque profession faisait de même : sans « supériorité », simplement, avec la seule volonté de permettre à nos amis qui ont d'autres connaissances de mieux connaître notre propre champ. D'ailleurs, le physico-chimiste qui sait la physico-chimie n'est-il pas le plus souvent parfaitement ignorant de la découpe de la viande (par exemple) ou du travail du bois, que nos amis bouchers ou ébénistes savent parfaitement. 

C'est l'explication amicale de nos métiers qui nous réunira amicalement, tout en nous élevant un peu l'esprit, n'est-ce pas ?

jeudi 31 août 2023

Le public n'a pas peur de la chimie : il ne la comprend pas.

 En ces temps politiquement corrects, commençons par une précaution : j'ai bien du mal à reprocher aux autres leurs ignorances (observez le pluriel, svp), puis je suis moi-même très ignorant. 

Cela étant, on nous dit que le public a peur de la chimie, et c'est un fait que les marchands de peur utilisent cette peur, ou prétendue peur, à leur avantage. Toutefois, le public a peur de la chimie ? 

 

Deux événements récents conduisent à nous interroger. 

 

Premier épisode, lors du Salon de l'agriculture : à la fin de ma présentation de la cuisine note à note, où j'ai fait goûter divers produits (observez le mot, svp), un petit boucher nivernais vient me voir et me demande si les produits que j'ai présentés sont « chimiques ». 

Je lui explique que le terme est ambigu (en général, pas en réalité), et qu'il y a des composés extraits de produits « naturels » (pour faire simple!), tel le saccharose extrait des betteraves, et des produits synthétisés. 

Synthétisés, demande-t-il ? Cherchant un exemple simple, je lui raconte qu'à l'âge de six ans, j'avais mis deux fils reliés une pile dans un verre d'eau afin de produire deux gaz, et de décomposer l'eau. 

Décomposer l'eau ? Oui décomposer l'eau : un après un certain temps, le verre est vide, l'eau a disparu, et l'on a rempli des bonbonnes de gaz que l'on nomme hydrogène et oxygène. Décomposer de l'eau : notre homme n'en revient pas. 

Profitant de son étonnement, je lui dit qu'il est également extrêmement facile de synthétiser de l'eau. Synthétiser de l'eau ? Oui, synthétiser de long, c'est-à-dire la fabriquer. Non pas par une simple condensation de vapeur, mais bien plutôt par la réorganisation de réactifs pour obtenir un produit, littéralement chimique, qui est l'eau. De l'eau en tous points indiscernables de l'eau d'eau du ciel. 

Et notre homme de s'éclairer, et de répéter, émerveillé : « Vous synthétisez de l'eau ! Vous synthétisez de l'eau ! Oui, vraiment, vous avez un beau métier ! ». 

Autrement dit, cet homme n'avait pas peur de la chimie, mais il ignorait tout de cette activité pourtant ancienne. 

 

Second épisode, plus récent encore. Ayant observé qu'en faculté de droit, nos amis juristes n'avaient pas des idées bien claires sur la différence entre un composé et une molécule (par pitié, rappelez vous ma remarque introductive), sachant que le milieu culinaire a le plus grand mal avec la notion de composé, j'enregistrais un podcast pour donner des explications. Des explications simples, à l'aide de balles diversement colorées. J'avais presque honte de délivrer des notions aussi simples (pour un physico-chimiste), mais un vague sentiment que cela devait être fait. Le résultat a été au delà de tous les espoirs... avec des emails de félicitations, de remerciements. 

Comprenons bien que je ne suis pas en train de me taper sur la poitrine, mais simplement d'observer que le public... ne comprend rien à la chimie, ne la connaît pas, et ne refuse pas de la connaître, est reconnaissant quand on lui explique. La conclusion générale de tout cela, c'est que nous nous trompons si nous acceptons l'idée que le public a peur de la chimie. Il n'a pas peur, mais il ignore tout d'un des transformations que certains savent faire. 

 

Généralisons un peu : puisque le public ignore la chimie, comment voulez-vous qu'il sache ce qu'est un OGM ? L'ADN ? La radioactivité ? De ce fait, il est facile, trop facile, d'utiliser cette ignorance pour manipuler des opinions. D'ailleurs, il est probable que cette manipulation se fasse par des personnes qui ignorent également la chimie, et qui sont seulement plus craintifs que les autres... mais c'est là une interprétation charitable, et l'on peut aussi imaginer que les marchands de peur, donc agissant à des fins commerciales, ou des gens de pouvoir, ayant volonté d'orienter les réactions du public à leur guise, se livrent à des manipulations à leur profit. Il y a donc urgence. 

Urgence à ne plus croire fautivement que le fait de vivre au XXIe siècle puisse éviter la présentation de notions élaborées au cours des siècles. Il y a une nécessité urgente d'un d'expliquer la chimie, la biologie, la physique, les sciences de la nature en général. Militons, expliquons !