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dimanche 22 juin 2025

L'investissement ?

Combien de temps passer à son travail ? Dans un billet précédent, j'avais indiqué que l'on ne faisait de la bonne science qu'en y pensant beaucoup, mais mon analyse m'avait conduit à conclure que, pour être un bon ingénieur, il y avait lieu de faire de même. Et j'ai reçu un commentaire d'un étudiant : "Je suis complètement d’accord sur le fait qu’il faut être intéressé, investi et engagé dans son travail et c’est encore mieux si cela est un métier-passion. Là où je ne te rejoins pas est dans l’extrait suivant : "l'ingénieur passionné de son métier passera tous ses moments, vacances ou week ends à exercer son métier, sa passion”. J’ai des passions en dehors de mes études et je compte bien utiliser mon temps libre pour les poursuivre. L’équilibre travail/vie personnelle est donc important pour moi. C’est d'ailleurs le cas de la majorité des jeunes aujourd’hui (cf cet article IPSOS https://www.ipsos.com/fr-fr/observatoire-societal-des-entreprises-le-rapport-au-travail-de-la-generation-z) notamment car on ne sait pas si notre génération bénéficiera d’un régime des retraites. En réalité, mon jeune ami répond "à côté" : j'avais parlé d'un ingénieur passionné par son métier, et pas quelqu'un qui aime raisonnablement ce dernier. J'insiste : les mots ont un sens, et une passion n'est pas un simple amour. Quant à la question de la retraite, c'est une contingence dont la passion n'a que faire. Je reprends cette formule : le talent fait ce qu'il peut, mais le génie fait ce qu'il doit. Le génie ? C'est la passion. * Moi, je n'ai pas parlé d'investissement, mais de temps passé à faire que l'on aime passionnément.

samedi 21 juin 2025

Des échanges avec un élève ingénieur qui cherche sa voie

J'avais écrit "dans une école d'ingénieurs, les étudiants qui ont fait le choix d'y aller visent quand même le métier d’ingénieur.” Et un élève ingénieur me répond : "Alors que j’arrive à la fin du cursus ingénieur, être ingénieur n’est encore pas clair pour moi et cela l’était encore moins quand j'ai commenc mes études d'ingénieur. De ce fait, oui, je visais le métier d’ingénieur mais j’ai surtout fait ce choix car je savais que je voulais travailler dans l’industrie agroalimentaire et développer des produits ou ingrédients en comprenant ce qu’il se passe "à l’intérieur" d’un produit. Ce métier et ce secteur m’intéressent toujours mais lors de ma formation d’ingénieur, j’ai découvert des disciplines de recherche que j’ignorais avant. En exagérant un peu, la recherche se limitait pour moi dans les grandes lignes soit à un mathématicien qui cherche à démontrer toute sa vie durant un théorème, soit aux médecins chercheurs qui espèrent trouver des traitements pouvant soigner le plus grand nombre. Je ne pensais pas que la recherche pouvait être appliquée aux aliments et dont qu’une carrière pouvait se construire là-dessus. Celui que j'étais il y a 3 ans me rirait au nez si je lui disais que je recherche une thèse actuellement… Ainsi, je me tourne vers une carrière scientifique parce que je ne savais pas que cela était possible dans le domaine de l’alimentaire." Commençons par le commencement : savoir ce qu'est un ingénieur. Le TLFi donne d'abord un sens ancien : "elui qui construisait ou inventait des machines de guerre ou qui assurait la conception et l'exécution des ouvrages de fortification ou de siège des places fortes. " mais aussi un sens moderne : "Personne qui assure à un très haut niveau de technique un travail de création, d'organisation, de direction dans le domaine industriel." Cela étant établi, je repère une incohérence dans la réponse de mon jeune ami Cela étant établi, je repère une incohérence dans la réponse de mon jeune ami, parce qu'il vise une carrière scientifique, alors qu'il envisage une "recherche appliquée aux aliments"... c'est-à-dire un travail technologique. Bref, notre ami veux faire de la technologie... et où faire cela mieux que dans l'industrie (alimentaire dans son cas) ? D'autre part, les thèses ne sont plus aujourd'hui des travaux seulement scientifiques. Depuis que la thèse d'état et la technique de docteur ingénieur ont fusionné, on peut très bien faire une thèse de technologie... pour travailler ensuite dans l'industrie. On dispose d'une formation qui prolonge les études en école d'ingénieur ou en mastère, et l'on peut alors mieux exercer son métier. Bref, notre jeune ami confond science et technologie, preuve que son école d'ingénieur n'a pas suffisamment expliqué la différence, ou qu'il n'a pas bien écouté ou compris.

vendredi 20 juin 2025

Il faut le dire à ceux qui vont dans les enseignes de restauration rapide

Je vois un adolescent, près de chez moi, qui se nourrit d'Uber eats, de pizzas et de burgers (avec frites) : en un an, il est devenu obèse. Il faut dire : - que le taux de cancers digestifs a augmenté chez les jeunes - que, dans une frite, il y a environ un demi gramme d'huile surchauffée. Pour la seconde idée, il y a cette expérience, qui consiste à taille deux bâtonnets de pomme de terre de même taille ; on les pèse. Supposons qu'ils fassent tous les deux 10 grammes. Puis on les met dans l'huile ensemble, on frit, et on les sort ensemble. L'une est épongée immédiatement, et l'autre l'est aussi, mais seulement après une minute. On les pèse à nouveau : celle qui a été épongée plus tard pèse un demi gramme de plus que l'autre... parce qu'elle a absorbé l'huile de surface, quand elle s'est refroidie. Conclusion : dans les restaurations rapides, chaque frite (elles ne sont pas épongées) contient un minimum de un demi gramme de graisse chauffée !

jeudi 19 juin 2025

Décidément, le mot de chlorophylle mériterait de disparaître du vocabulaire culinaire.

Plus j'y pense, plus je crois que le nom chlorophylle n'est pas à sa place en cuisine . En effet, ce mot fut introduit par les deux chimistes Caventou et Pelletier pour désigner la matière verte que l'on extrayait des épinards : on broie des feuilles, on récupère le jus et on le chauffe doucement pour obtenir une écume verte qui est ensuite utilisée pour colorer diverses préparations culinaires. Caventou et Pelletier avaient introduit ce mot parce qu'ils avaient le sentiment que la matière verte était la même dans les différents végétaux verts. Il apparut progressivement, avec les progrès de l'analyse chimique, que ce n'était pas le cas et l'on sait aujourd'hui que les pigments présents dans des épinards, par exemple sont de nombreux types : il y a DES chlorophylles, mais aussi des phéophytines, et des pigments caroténoïdes. Si les chlorophylles correspondent bien à la couleur verte, les phéophytines sont plutôt bleues, tandis que les caroténoïdes sont jaunes, orange ou rouges. Bref, le monde de la chimie a depuis longtemps abandonné le mot de chlorophylle au singulier pour parler des chlorophylles, et c'est ainsi que, dans les végétaux verts, on distingue des chlorophylle a, a', b'. Autant il est légitime de parler de "verre d'épinard", pour désigner la matière verte colorante que l'on obtient par le procédé précédemment décrit, autant le mot doit être évité pour d'autres végétaux verts. D'autre part, avec le même procédé que l'on applique maintenant à des carottes, ou des poivrons, on a des couleurs qui ne sont pas vertes, de sorte que l'on ne peut pas parler du vert de carottes ou du vert de poivrons et c'est pour cette raison que j'avais introduit le nom de "caventou". Avec ce terme, il devient cohérent de parler de caventou de carotte, de caventou d'épinard, etc. : cela désigne seulement l'extrait obtenu dans les divers cas. Et dans mon prochain livre à paraître à la rentrée aux éditions Odile Jacob, je donne des recettes qui font usage de ces matières.

Les progrès de la chimie

J'essaie de discerner des bouleversements de la chimie et je vois successivement : - entre le premier et le 4e tome de parution de l'encyclopédie de Diderot, d'Alembert et leurs amis, la transformation de l'alchimie qui est devenu l'alchimie, science quantitative de statut identique à celui de la physique point, - puis, avec Lavoisier, (1) l'abandon de la théorie du logistique, (2) la réforme de la nomenclature, (3) l'introduction du formalis chimique en 1791 - à partir de 1860 l'idée de molécule et la théorie atomique, - au 19e siècle, le développement de la synthèse organique, fondée sur le développement de l'analyse chimique, qui commença notamment avec Lavoisier mais fut développée ensuite par Gay-Lussac ou Justus Liebig ; - dans les années 1970, l'apparition des calculateurs, - dans les années 1990, les ordinateurs et, notamment, les logiciels de calcul formel, - dans les années 1920 et suivantes, la mécanique quantique, puis la chimie quantique - à partir des années 2010, l'utilisation de calculateurs pour résoudre l'équation de schrödinger ; - à partir des années 2020, l'intelligence artificielle J'en oublie, mais quelle belle aventure !

Une recette rénovée de "mousse au chocolat" : le chocolat chantilly

Je réponds ici à un commentaire ancien, qui me demandait ma recette "rénovée" de mousse au chocolat. Mais d'abord, quelques précisions : - une mousse au chocolat, c'est une mousse... au chocolat : une mousse, à laquelle on a ajouté du chocolat - une mousse "de" chocolat, c'est le chocolat qui mousse - une recette rénovée, c'est une recette ancienne, qui a été changée - ici, je vais donner plutôt une recette nouvelle, de mousse de chocolat, qu'une recette rénovée - et puisqu'il y a nouveauté, il faut un nom différent : "chocolat chantilly" - pour autant, cela ne signifie pas qu'il y ait de la crème chantilly (de la crème de lait fouettée) ; c'est seulement le nom que j'ai choisi, parce que le procédé s'apparente à celui de la crème chantilly (à savoir : fouetter une émulsion que l'on refroidit). Et la recette, toute simple : 1. dans une casserole, mettre 200 grammes d'eau ou de n'importe quelle "solution aqueuse" 2. ajouter 225 grammes de chocolat à croquer 3. chauffer afin que le chocolat fonde et s'émulsionn (on obtient un liquide épais comme de la crème 4. poser la casserole sur des glaçons ou dans un bac d'eau froide et fouetter comme une crème chantilly classique (s'arrêter quand la couleur s'éclaircit et que le fouet laisse des traces permanentes dans la préparation) On obtient une mousse de chocolat qui a la consistance d'une crème chantilly.

mercredi 18 juin 2025

Inventions culinaires, gastronomie moléculaire

Ça y est : je relis les épreuves les épreuves de mon livre Inventions culinaires, gastronomie moléculaire. Dans ce livre publié par les éditions Odile Jacob, et qui paraît à la rentrée, je donne quelques-unes des nombreuses inventions que j'ai faites depuis des années, en les illustrant par de véritables recettes. Chaque geste est analysé, chaque choix artistique est discuté, et je n'oublie pas d'utiliser la grille d'analyse qui tient dans cette phrase : la cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique, que j'avais proposée initialement dans le Cours de gastronomie moléculaire numéro 1 et que j'avais ensuite développé dans le livre dont le titre est précisément cette phrase (Editions Odile Jacob). Il y a trois parties dans le nouveau livre : une première partie avec des recettes d'une simplicité déroutante, une deuxième partie qui demande un peu plus de travail mais toujours sans aucun matériel spécial aucun ingrédient particulier, et une troisième partie qui fait appel à des ingrédients ou à des matériels un peu plus avancés, mais que l'on trouve maintenant en ligne facilement. Mes inventions sont nommées d'après des chimistes : de même que la cuisine classique a produit la mayonnaise, le lièvre à la royale, et cetera, j'ai proposé au fil des ans des debye, des diracs, des lavoisiers, des priestley, etc. Il y a des nons nouveaux pour des recettes nouvelles, mais quand je dis recettes, il y a une ambiguïté puisqu'il s'agit plutôt de principes généraux dont on fait ensuite des recettes, tout comme la mayonnaise peut être agrémentée ou non d'herbes, de sauce tomate, et cetera, mais l'objet mayonnaise fut une nouveauté au début du 19e siècle, largement utilisé par Marie-Antoine Carême, le cuisinier des empereurs qui la nommait alors magnonnaise. Allons, relisons soigneusement les épreuves pour faire un beau livre !

Etre "bon" scientifique ?

L'histoire est exacte : un jour, il y a longtemps, discutant avec un "directeur de recherche", ce dernier m'a dit "Il faut faire de la bonne science". Et je lui ai répondu : "C'est quoi ?". A l'époque, il n'avait pas su me répondre, et j'avais évidemment été narquois... mais c'est sans doute parce que j'ai un assez mauvais fond, n'est-ce pas ? Toutefois le pêcheur peut se racheter, et c'est ce que je propose de faire ici, en livrant quelques "Règles pour un bon scientifique". J'en donne aujourd'hui trois : (1) dire combien, (2) citer de (bonnes références), (3) réclamer les moyens de la preuve pour chercher à comprendre. Dire combien, combien, combien ? La première règle se fonde sur la méthode des sciences de la nature, que j'ai discutée dans nombre de billets. Cette quantification intervient dans le deuxième étape de la démarche, à savoir que le phénomène identifié dans la première étape doit être quantifié, de tous les points de vue utiles. Ce seront ces données qui seront réunies en "lois", c'est-à-dire en équations, lesquelles permettront l'établissement d'une théorie, ou ensemble d'équations assorties de concepts quantitatifs, avant les tests de réfutation (quantitative) des conséquences de la théorie. Bref, du nombre, du nombre, du nombre... Et voici pourquoi nous devons nous interdire d'utiliser des adjectifs ou des adverbes : la question, l'unique question, c'est "Combien ?". Les références En science, rien ne doit être donné ou fait sans justification ! Et c'est là que s'impose la bibliographie, et, de ce fait, la donnée de références. Les mauvais scientifiques se contentent de trouver des références et de les donner sans justification, sans analyse critique. En revanche, les bons scientifiques savent évaluer les publications, et ne donner de références qu'avec une appréciation critique. Par exemple, on comprend facilement qu'on n'établit pas un fait si l'on cite une publication dont les méthodes sont défaillantes ! Et l'on comprend que l'on n'ira jamais donner des sources non scientifiques. Mais la question est donc de savoir bien juger un travail publié, car il serait naïf de croire que toutes les publications sont bonnes, et je peux l'attester, moi qui ai vu mille fois publier des articles que j'avais refusé (pour cause de graves insuffisances méthodologiques), en tant que rapporteur ! Reste qu'il faut citer ses sources. Les "moyens de la preuve" Si l'on met dit qu'une fusée a décollé, je reste aussi bête qu'avant. Si l'on met dit qu'il y a une bataille en 1515, l'information est vide de sens, sans informations complémentaires. Si l'on me donne un dosage d'un produit dans une matrice, je doute, car je sais que les dosages imposent souvent des extractions, lesquelles sont bien souvent incomplètes. Et ainsi de suite. C'est la raison pour laquelle, pour chaque donnée qui m'est délivrée, j'ai besoin des "besoins de la preuve", des détails de la procédure. Comment la fusée a-t-elle décollé ? Quels étaient les combustibles ? Et s'est-elle élevé de deux mètres ou a-t-elle atteint l'altitude de libération du champ gravitationnel terrestre ? Et à Marignan : étaient-ils une poignée, ou des milliers ? Et combien de temps cela a-t-il duré ? Combien de morts ? Et pour le dosage : quelle précision ? Comment s'est-on assuré que l'on a fait un bon dosage ? Et ainsi de suite. Bref, avant d'admettre une information, il me faut mille détails, mille circonstances. L'énoncé précis des matériels et des méthodes employés par les personnes qui ont été à l'origine des résultats donnés. Avec cela, on a un (tout) petit début, mais au moins, on sait ce qu'il y a à faire.

mardi 17 juin 2025

A propos d'œuf à la coque

Dans un billet précédent, j'ai discuté la confection des oeufs à la coque pour des débutants, et préconisé 3 minutes de cuisson exactement dans de l'eau bouillante. Toutefois un ami me fait observer que je n'ai pas indiqué la température initiale des œufs, qui effectivement, peuvent être à la température ambiante c'est-à-dire vers 20 degrés, ou bien résider au réfrigérateur puisque certains les y mettent (avec des réfrigérateurs qui, statistiquement, sont entre 4 et 11 degrés. Il y a effectivement des différences et une même durée de cuisson donnera par conséquent des résultats différents à partir d'oeufs froids ou de tempérés. Pour autant, mes 3 minutes de cuisson ne sont qu'un ordre de grandeur car la taille des œufs importe également : plus précisément, c'est le diamètre du petit axe qui comppte. On pourrait s'amuser à faire des tables ou des équations qui, partant des diamètres, des températures initiales, des résultats visés, indiqueraient les temps de cuisson, mais faut-il vraiment en arriver là ?

Les moyens de la preuve

Je veux les moyens de la preuve. De façon très élémentaire, je réclame absolument que toute mesure soit assortie d'une évaluation de l'incertitude. Soit on indique la précision de l'appareil de mesure, soit on donne l'écart-type, c'est-à-dire une estimation de la dispersion de plusieurs mesures successives du même objet avec le même appareil et dans les mêmes conditions. Prenons un exemple : si un thermomètre plongé dans de l'eau chaude affiche une température de 50,2463 degré Celsius, il faut quand même que je m'interroge sur la pertinence de tous ces chiffres après la virgule, car leur affichage est peut-être abusif (de même, il n'est pas légitime de se demander combien d'anges tiennent sur la tête d'une épingle si on n'a pas d'abord montré sur les anges existent). Bref, les chiffres doivent être "significatifs". En l'occurrence, avec un thermomètre à mercure des familles, ces chiffres après la virgule ne le seraient pas, et même le 0 devant la virgule n'est sans doute pas juste. Cette question d'assortir les mesures d'une incertitude est un tout petit minimum, en science, mais ce billet veut dire que, ce cap élémentaire étant passé, il y a lieu de ne pas accepter une mesure dont on ne nous dit pas comment elle a été obtenue, ce que les publications scientifiques nomment les "matériels et méthodes", mais que l'on pourrait aussi nommer "les moyens de la preuve", sans que les deux objets ne soient strictement identiques (mais commençons par faire simple). Par exemple, un appareil de mesure peut afficher des valeurs précises... mais fausses, et, pire, on peut n'avoir pas mesuré ce qu'il fallait. Je prends volontairement un exemple bien excessif : si on pose sur une balance un verre qui contient un liquide, la balance affiche une valeur qui est celle de la somme de la masse du liquide et de la somme de la masse du verre : il serait faux de penser que la masse affichée est seulement celle du liquide. Comme dit, cet exemple semble montrer une évidence, mais, en réalité, des erreurs s'introduisent pour une raison cachée du même type. Et c'est d'ailleurs une des raisons de la pratique des "validations" : on multiplie les mesures faites de façons différentes afin de s'assurer que l'on trouve bien le même résultat. Evidemment, pour être compétent en science, il faut s'être entraîné à cela : regarder, en détails, comment les résultats qu'on nous propose ont été obtenus, ne pas accepter des valeurs sans examen critique, réclamer sans cesse le détail des matériels utilisés pour faire les expérimentations, ainsi que des méthodes mises en oeuvre. Insistons un peu : nous regardons les détails, les circonstances expérimentales non pas parce que nous nous défions de nos collègues, mais parce que, en science au moins, le diable est caché partout. Des chausses-trappes? Il n'y a que cela. Par exemple, je me souviens d'un thermomètre, dans un lycée hôtelier, qui marquait 110 degrés Celsius dans l'eau bouillante. Impossible : le thermomètre était faux... ainsi que toutes les mesures qui avaient été faites par d'autres, avant que je ne contrôle, en le plaçant d'abord dans de la glace fondante (0 degrés Celsius) et dans l'eau bouillante (100 degrés Celsius). Plus subtil : avec une nouvelle méthode d'analyse par résonance magnétique nucléaire, nous avons découvert que nous dosions plus de sucre, dans des carottes, qu'il n'en était trouvé par les méthodes qui imposaient d'extraire d'abord les sucres, avant de les doser. Mais il est notoire que les méthodes d'extraction sont incomplètes ! Tiens, une idée : même si l'expérience est intransmissible, pourquoi ne ferions-nous pas une liste d'exemples d'erreurs dont nous avons connaissance, afin que nos successeurs puissent en avoir connaissance. Bien sûr, ils ne seront pas complètement immunisés, mais, au moins, ils seront mieux avertis que par une mise en garde générale, abstraite. Je commence : Je me souviens d'une amie qui dosait les protéines dans des échantillons d'un matériaux qu'on lui avait dit être des "protéines" et qui trouvait très peu de protéines... et pour cause : cette matière n'était pas essentiellement constituée de protéines, mais de matière grasse. Je me souviens d'un ami qui cherchait à doser les "lipides" dans de l'eau, oubliant que le mot "lipides" s'applique à des composés très variés ; il pensait en réalité aux triglycérides, qui sont parfaitement insolubles, de sorte que ses expériences étaient vouées à l'échec, sauf à considérer que ces composés étaient dispersés dans la solution aqueuse (émulsion)... auquel cas, le protocole devait être très particulier. Je me souviens d'un ami qui voulait doser des acides aminés, alors que ses échantillons ne contenaient que des protéines : il avait omis ce fait que les protéines ne sont pas des assemblages d'acides aminés, mais des composés dont les molécules sont faites de "résidus" d'acides aminés, de sorte que les acides aminés n'existent pas en tant que tel, dans les protéines, et seuls leurs atomes restent organisés de façon identifiable par un chimiste. J'attends vos exemples pour les ajouter à cette liste.

lundi 16 juin 2025

A propos de rigueur

La rigueur ? J'ai beaucoup hésité à faire ce billet, parce que le sujet est miné : il s'agit de discuter de la rigueur. Pour les plus avachis, la rigueur est un défaut terrible, mais pour les plus stricts, c'est une grande qualité. Bien sûr, il y a des rigueurs rigoristes, un peu idiotes quand elles sont si conventionnelles quelle ne permettent pas l'ouverture à l'autre, la compréhension d'autrui, avec sa culture différente. Mais il y a quand même, aussi, la rigueur intellectuelle, et celle-là, je vois mal comment on pourrait la critiquer. Cela étant, pour les gens comme moi, la rigueur, c'est immédiatement le suivi exact des règles de pensée, la logique ; et là, je vois mal comment, au moins pour les sciences de la nature, nous pourrions nous en dispenser. Certes, je sais bien que même la rigueur mathématique a évolué au cours des siècles, et que Legendre n'a pas toujours eu la rigueur de Carl Friedrich Gauss ; je sais que nombre de mathématiciens ont eu des pensées intuitives, à commencer par Henri Poincaré, mais peut-être aussi Gauss lui-même, qui se refusait à publier ses démonstration avant qu'elles ne soient dans un état d'aboutissement aussi parfait que possible. Je n'oublie pas non plus que le cheminement des sciences de la nature n'est pas entièrement déductif, ce qui serait mortifère, mais bien inductif pour l'étape qui consiste à faire la théorisation à partir des lois, des équations, des ajustements : il y a lieu parfois d'introduire, dans la théorie, des idées que l'on cherche va ensuite à réfuter. Sans compter que la théorisation va parfois de pair avec l'introduction de nouveaux concepts, de nouvelles notions... Mais il ne faut pas toujours tout relativiser, et ce moment particulier, intuitif, créatif, spontané dont je parle est un petit moment par rapport à l'ensemble des temps de travail nécessaires à la création des théories. Tout le reste se fait avec la plus grande rigueur. Ceux qui parlent trop vite confondent parfois la manière scientifique avec une manière rigoureuse. Pour les sciences de la nature, la rigueur, le nombre, l'équation s'imposent absolument, mais pour une partie des sciences de l'humain et de la société, la rigueur, si elle n'est pas de même nature, est tout aussi nécessaire, et mes amis de ces sciences-à sont parfaitement rigoureux. En art, c'est bien autre chose... apparemment. On nous bassine avec ces fulgurances créatrices... mais peut-on croire que Rembrandt eut pu peindre ses toiles s'il n'avait pas été capable de maîtriser absolument la peinture ? Et Mozart aurait-il pu composer ses musiques s'il n'avait pas pensé avec une rigueur absolue, jusqu'aux tours musicaux qui, précisément, doivent échapper à raideur (je ne dis pas rigueur) de l'écriture musicale ? Croyez-vous que Flaubert ou Rabelais auraient pu laisser "glisser" un seul mot de leur œuvre ? Je vous invite à combattre cette idée veule, avachie, d'un art qui naîtrait d'un claquement de doigts sans une préparation immense, et cette fameuse intuition artistique me semble être au contraire le résultat d'un travail considérable, de hasards parfaitement maîtrisés... Bref de la plus grande des rigueurs. Au fond, je me demande si l'avachissement n'est pas en réalité de la plus immense mauvaise foi quand il critique la rigueur, d'une grande malhonnêteté intellectuelle puisque, si la mauvaise foi est parfois tout empreinte d'humour, elle peut-être aussi parfaitement malhonnête. Mais à ce stade, il nous faut vite relever les yeux de la boue, de la fange, pour aller considérer le bleu du ciel. Et voir que, pour les sciences de la nature, la rigueur n'est qu'un petit début. Pour l'identification des phénomènes, nous avons intérêt à bien les cerner, rigoureusement. Puis, dans la deuxième étape du cheminement scientifique, nous devons tout mesurer, caractériser quantitativement, et l'on sait toutes les discussions à propos des erreurs, des incertitudes, des dispersions des mesures... Avec la réunion des données en lois, en équations, aucune place pour le flou, et la rigueur devient mathématique. Tout comme pour la théorisation, qui conduit parfaitement logiquement à des théories. Et viennent ensuite les tentatives de réfutation, qui imposent encore la plus grande rigueur. C'est là un des bonheurs des sciences de la nature : on fait les choses rigoureusement !

dimanche 15 juin 2025

Un journal, un journal, dès l'école !

L'école enseigne à avoir un cahier de brouillon et un cahier de propre, comme on disait, et cela est bon, d'un certain point de vue, parce que cela habitue à écrire. Cela dit, la vie est trop courte pour mettre les brouillons au net, de sorte que nous pouvons avoir une ambition supérieure : faire propre aussi vite que possible, de sorte que nous n'aurions qu'un seul cahier. Puis le collège et le lycée habituent les élèves à avoir un cahier par matière. Cela n'est pas critiquable, en soi... mais ça conduit à ne plus avoir de "cahier" général... alors que les marins ont un journal de bord, les scientifiques un cahier de laboratoire, etc. Bref, dans les méthodes d'instruction que l’Éducation nationale pourrait utilement donner, il y a la consigne de tenir un journal, d'avoir un cahier sur lequel on marque ce que l'on fait. Si le mot "cahier" désigne l'objet, le mot "journal" est plus intéressant puisqu'il indique que c'est un cahier que l'on tient chaque jour. Il y a aussi le mot "éphéméride" qui pourrait correspondre et en anglais, il y a le diary tel que le tenait le chimiste Michael Faraday et qui correspondait en réalité à un cahier de laboratoire. Faraday avait perdu son père très jeune et il était d'une famille extrêmement pauvre. Il fut intellectuellement sauvé par les conseils donnés dans un livre intitulé L'amélioration de l'esprit, du prêtre anglais Isaac Watts. Parmi les six conseils que Faraday retint de cet ouvrage, il y avait celui de toujours avoir avec soi un cahier pour noter ses idées. Il y a lieu de commenter cela. Le premier commentaire concerne les "idées" : pourquoi seulement les idées ? Si l'on pense sans cesse sécurité, qualité, traçabilité, alors il y a lieu de noter bien plus que des idées et, par exemple des informations que l'on n'ira pas rechercher une deuxième fois. D'autre part, à propos de noter, on est passé à l'ère du numérique, et le cahier papier aura sans doute été remplacé par un fichier... tandis que la notation par écrit, à l'aide d'un crayon ou d'un stylo, aura peut-être été une dictée qu'un logiciel aura fixée par écrit. En tout état de cause, il faut discuter les vertus de cette méthode et notamment le fait qu'écrire des idées, les informations etc. apprend à écrire. Et, si l'on fait cela de façon non négligente, alors on peut même perfectionner son orthographe, sa grammaire, mais, surtout, si l'on considère les mots un à un, alors on peut apprendre à penser. Et nous rejoignons là un autre conseil d'Isaac Watts, à savoir d'entretenir une correspondance. Car ce journal que l'on tient, n'est-ce pas une correspondance avec soi-même ? Faraday n'est d'ailleurs pas le seul dont on puisse avoir envie de suivre les traces, et nombres de grands scientifiques du passé ont insisté sur la nécessité de parler et d'écrire précisément. Un mot posé sur une feuille n'est pas une feuille d'arbre emportée par le vent, mais au contraire cela doit être le fruit d'une longue décision bien mûrie. D'ailleurs, on pourrait parfaitement considérer que la tenue de ce journal, le soir, correspond à ces exercices spirituels qui sont proposés par les philosophes au moins depuis Platon et son académie. Et puisque nous discutons Platon, évoquons Aristote pour qui l'écriture était la mort de la pensée. Avec les logiciels de dictée, la pensée reprend ses droits, et nos amis sont libérés de la question de la grammaire et de l'orthographe... Mais quand même, la question n'est pas d'aller vite, et la rumination des idées, leur polissage, produit mieux que de simples mots écrits sur une feuille ou sur un écran. La question est moins le support que les idées véhiculées par la langue, n'est-ce pas ?

samedi 14 juin 2025

L'évaluation des manuscrits scientifiques soumis aux revues doit être mieux prise en compte dans l'évaluation des scientifiques !

Dans nos organisations d'enseignement supérieur, nos partenaires industriels nous réclament aujourd'hui que nous formions bien les "collègues plus jeunes" (ma terminologie pour désigner les étudiants qui bénéficient d'une carte d'étudiant) à l'évaluation des articles scientifiques. J'ai bien dit l'évaluation, et non pas seulement la lecture. Pour la lecture, c'est fait, mais ce qui est en jeu, c'est de reconnaître si un article scientifique est fiable ou non... nouvelle preuve que je ne suis pas complètement insensé de dire que les revues scientifiques font trop souvent mal leur travail, et publient bien trop d'articles médiocres. Dans notre groupe de recherche, nous en sommes réduits, quand nous nous échangeons des textes, après une étude bibliographique, à les assortir d'un mmm (exécrable), mm (très mauvais), m (mauvais), b (bon), bb (très bon), bbb (excellent)... et nos statistiques montrent, hélas, que la balance penche puissamment du mauvais côté. Je ne compte pas ces textes qui commencent par "la couleur des aliments est le paramètre le plus important de l'appréciation gustative" ; ces textes dont la description des matériels et des méthodes est insuffisante pour reproduire l'expérience ces textes où fleurissent les adjectifs et adverbes, qui auraient dû être remplacés par la réponse à la question "Combien ?" ; ces textes où les interprétations se résument à "nos résultats sont conformes à ceux de XXXX"... Il y a du ménage à faire, et cela de façon urgente ! Nous sommes bien d'accord : les scientifiques doivent faire de la recherche scientifique, et chercher les mécanismes des phénomènes, en mettant en oeuvre cette si belle méthode scientifique que j'ai décrite bien des fois dans ce blog. Toutefois, dans la mesure où nous publions les résultats en les soumettant à des pairs (les "rapporteurs" sollicités par les revues scientifiques), n'avons-nous pas une obligation morale d'accepter à notre tour d'évaluer des manuscrits ? D'ailleurs, il s'agit moins d'évaluer, à savoir déterminer la valeur, que de discuter des manuscrits afin que les auteurs puissent les améliorer, jusqu'à ce que ces textes soient acceptables (et acceptés) pour publication. Bref, je me demande si nous ne devrions pas expertiser autant que nous sommes expertisés, voire davantage à mesure que nous devenons plus capables de mieux conseiller nos amis, de mieux dépister des erreurs ou des imprécisions qu'ils font, toujours avec l'idée de mieux élaborer ce qu'Albert Einstein nommait le Temple de la science. Être rapporteur demande du temps, du soin. Il faut tout autant être vigilant quant aux interprétations que s'intéresser aux références, qu'il faut connaître ou lire. Il faut traquer les erreurs méthodologiques, mais aussi identifier des ambiguïtés de simple rédaction... Bref, ce sont des heures de travail pour chaque manuscrit expertisé. Et l'on doit bien dire, en ces temps de publication à outrance, avec un nombre de scientifiques qui a explosé, un nombre de manuscrit qui a démesurément augmenté, notamment avec l'ouverture de la Chine ou de l'Inde, que les rapporteurs ne suffisent plus à la tâche. Alors que, déjà, nous avions le sentiment qu'expertiser des articles n'était pas "notre métier", lequel était de produire des connaissances. Mais le présent est un appel : nos systèmes d'évaluation, qu'il s'agisse des HCERES ou des systèmes particuliers à chaque organisme de recherche, font la part très faible à l'évaluation des manuscrits scientifiques, et cela n'est pas bon. Déjà, les facteurs H, d'impact ou autres sont des indices bibliométriques que je déteste pour mille raisons qu'il serait trop long de donner, mais rien n'est dit, dans ces indices de cette activité essentielle qu'est l'évaluation scientifique. Il faut changer cela rapidement ! Mais ai-je bien raison d'évoquer l'absence de prise en compte de l'activité de rapporteurs ? Allons, regardons, par exemple, les critères d'évaluation de la section 13 du CNRS : SECTION 13 Chimie physique, théorique et analytique Ces critères sont ouverts, non exclusifs, non hiérarchisés et non strictement cumulatifs. Evaluation périodique des chercheurs Critères communs à tous les chercheurs : Les chercheurs seront avant tout évalués sur la qualité et l'originalité de leurs contributions scientifiques sans se contenter d’un simple examen de critères quantitatifs ou bibliométriques. Ces derniers seront pris en considération en intégrant les spécificités des différentes sous-disciplines qui composent la section et en considérant le contexte local, national et international. L'évaluation périodique prend également en compte les autres dimensions de l'activité de recherche comme la diffusion de la culture scientifique, la valorisation ou le transfert des connaissances, les responsabilités collectives ou de management de la recherche, etc. L’évaluation d’un chercheur est par essence «multicritères». Contributions scientifiques: La section examinera l’ensemble des productions (publications, conférences invitées, ...) en cherchant à faire apparaître le poids relatif des différentes contributions (travail de thèse, travail de post-doc, nouveau(x) sujet(s), ...). L’originalité et l’impact des travaux dans la communauté scientifique seront au cœur de l'évaluation, ainsi que les interactions avec les chercheurs d’autres disciplines ou sous disciplines. L’implication dans des programmes de recherche nationaux et internationaux sera évidemment considérée. Enseignement, formation, encadrement et diffusion de l’information scientifique: La section examinera attentivement tout type de participation à des actions de formation, de dissémination de savoir-faire, de vulgarisation scientifique, d’encadrement, d’organisation de réunions scientifiques ... Mobilité: Il s’agit de la mobilité thématique aussi bien que géographique. Elle ne constitue pas une valeur ajoutée par elle-même, mais par la nouveauté et la dynamique scientifique qu’elle permet. Transfert technologique, valorisation, relations industrielles: La section prendra en compte toute action de valorisation ou de transfert technologique dont les brevets, les procédés brevetés effectivement exploités ayant un poids particulier. Par ailleurs, ces critères seront examinés suivant les spécificités de la sous-discipline du chercheur, celles-ci pouvant se présenter sous différentes formes et chacune ayant son bénéfice, direct ou indirect. Objectifs et dynamisme de la recherche: Ce dernier critère est éminemment qualitatif. Il s’agit d’évaluer en quoi le projet de recherche, à court et moyen terme, s’inscrit dans une dynamique et dans un contexte national et international porteur. Le rôle moteur, le travail en équipe et la prise de risque seront ici, autant que possible, évalués. Remarques importantes pour la rédaction du dossier: La section conseille vivement de présenter la liste des publications en faisant clairement la distinction entre les articles parus dans des revues internationales à comité de lecture, les actes de congrès, les revues sans comité de lecture et les articles de vulgarisation. Il est également conseillé de faire apparaître l’auteur correspondant. De même pour les présentations orales, il conviendra de préciser la nature de celles-ci (communication orale, invitée, séminaire, etc.) et le rôle du chercheur (orateur ou co-auteur). Il est important qu’un résumé signalétique puisse être communiqué aux membres de la section, que les relations entre l’information scientifique et les données quantifiables apparaissent de manière claire et que les rapports d’activité «à vague» et «mi-vague» soient concis. Donc, je n'avais pas tort : pas une ligne -explicite- sur l'activité d'évaluation des manuscrits. Cela n'est pas bon, et doit être changé rapidement, vu la qualité médiocre de bien trop d'articles publiés actuellement !

vendredi 13 juin 2025

Questions d'enseignement : de l'enseignement "matriciel" ?

On me connaît : j'ai parfois de grandes crises de ce que je nomme du "réalisme naïf", à propos du fonctionnement du monde, et, notamment, de ce qui est nommé "enseignement". Tiens, quelques faits qui vous étonneront - j'espère- autant que moi : 1. nos "collègues plus jeunes" (ma nouvelle terminologie pour "étudiants") ont des formations variées, des niveaux variés quand ils arrivent dans nos cursus, et même si nous faisons des "mises à niveau" ; 2. nos collègues plus jeunes ont des objectifs variés (souvent ils n'en ont d'autre que de suivre les cursus que nous organisons, sans savoir ce qu'ils en feront), qui imposent, donc, des formations variées (je rappelle que, pour être "capable" d'avoir une activité pour laquelle nous sommes rétribués, nous devons avoir des connaissances et des compétence spécifiques) 3. nous proposons des enseignements dans des disciplines particulières (avec l'espoir que celles-ci feront des connaissances et des compétences utiles 4. si tous les collègues plus jeunes suivent les mêmes cours, certains perdront leur temps, soit parce qu'ils seront perdus, soit parce qu'ils s'ennuieront, soit parce que les disciplines particulières que nous proposons n'entrent pas bien dans leur projet professionnel. La conclusion s'impose : il faut changer tout cela. Comment ? Je propose de considérer des "enseignements matriciels", avec en colonne les collègues plus jeunes (toujours partir d'eux, toujours !) et en ligne des connaissances et des compétences, éventuellement groupées en "cours" ou en disciplines. Bien sûr, il y a des indispensables, obligatoires en quelque sorte, mais aussi des choix, des options, en nombre important. Comment mettre cela en oeuvre alors que le temps des professeurs est compté ? Je crois que si des cours ex cathedra sont utiles pour donner de l'enthousiasme, de la perspective, du recul, sont utiles, il faut des travaux personnels, ce qui implique que les professeurs seront souvent des tuteurs, avec une organisation des tutorats qui doit être intelligemment faite. Mais c'est là plutôt une question qu'une affirmation !

jeudi 12 juin 2025

De combien le futur est-il sapé ?

Quel dommage qu'on ne puisse effacer les textes qui ne nous vont plus ! Travaillant sur la question de la méthode, je m'aperçois de confusions que j'ai faites, et que, par la réflexion et le travail, je ne fais plus. Cette observation me renvoie à tous mes anciens textes et à toutes les fautes que j'ai pu faire par le passé. Par exemple, je me rappelle d'un article publié dans la revue scientifique Angewandte Chemie, où les objectifs scientifiques que j'assignait à la gastronomie moléculaire n'étaient pas clairs, pas justes. Par exemple, je m'aperçois aujourd'hui de confusions terminologiques que je faisais naguère, je comprends des oxymores dans lesquels j'étais tombé : l'un des plus faciles à détecter est dans la dénomination "béarnaise au chocolat", que j'avais utilisé pour nommer une de mes inventions. Pour qu'une béarnaise soit au chocolat il suffirait de lui mettre un goût de chocolat, ce qui n'était pas l'invention proposée (il n'y a guère d'inventivité dans l'idée d'ajouter du chocolat dans une béarnaise). L'une de mes pires erreurs a été de croire qu'il fallait nommer chimie la technique chimique, plutôt que la science qu'est la chimie. Là, il a fallu travailler, relire les textes fondateurs pour bien comprendre que non, la chimie est une science et ses applications sont... les applications de la chimie, mais ce ne sont pas la chimie car il ne s'agit pas de sciences. Dans cet océan d'erreurs ou d'approximations que j'ai faites, il y a pourtant quelques îlots de stabilité ; j'aurais tendance à dire de certitude si je ne pensais à cette phrase d'Edmond Rostang : "je ne suis pas assez insensé pour être assuré de mes propres certitudes". Mais enfin, quand même, je crois que je peux conserver l'idée selon laquelle les sciences de la nature explorent les mécanismes des phénomènes, à condition de prendre le mot phénomène au sens large afin que les sciences de la nature puissent avoir dans leur objectif la découverte d'objets nouveaux du monde. Évidemment, cette analyse rétrospective que je fais m'inquiète pour le futur parce que si j'ai fait des erreurs, je vais en faire encore. De même que le philosophe Alain disait "quelle est la question à laquelle je ne pense pas", il faudrait que je m'interroge : quelle est l'erreur que je ne dois pas faire ? Et pourtant, je vous assure que je tourne sept fois la plume dans mon encrier avant de poser les mots que j'écris, que je les relis, lexicographiquement, et étymologiquement surtout...

mercredi 11 juin 2025

Faut-il ajouter de la pectine à des fraises dont on veut faire des confitures

La question m'arrive ce matin : avec les fraises que l'on trouve ces jours-ci, plus mûres qu'il y a quelques semaines, faut-il ajouter de la pectine pour être certain que les confitures vont prendre ? 

La vraie question, derrière celle-ci, c'est que certains fruits contiennent peu de pectine... mais que cela n'apparaît pas sur les fruits eux-mêmes. En conséquence, comme on ne va pas se lancer dans des analyses très longues, j'ai immédiatement répondu de faire un essai sur une petite quantité sans pectine, pour voir si la prise se fait, avant de se lancer sur tout le lot. 

On n'oubliera pas de se placer dans les conditions qui favorisent la prise en gel, à savoir charger en sucre (sans dépasser 65 pour cent), cuire longuement (pour être sûr d'avoir extrait les pectines des fruits) et ajouter du jus de citron (ou de l'acide citrique). 

Plus la possibilité d'ajouter un sel de calcium, puisque les ions calcium, comme ceux de cuivre mais sans la toxicité de ces derniers, renforcent les confiture : vous obtenez cela en attaquant une coquille d'oeuf lavée avec du jus de citron. Mais, à la réflexion, il y a une autre possibilité... pour ceux qui veulent le goût frais des fruits pas trop cuits. 

Prenons une pomme que nous coupons en petit morceau, avec peau et pépins dans un linge), puis ajoutons un peu d'eau et tout le sucre dont on aura besoin, voire un peu plus. Chauffons pour extraire toutes les pectines de la pomme : si l'on s'arrêtait là, on aurait alors tout ce qu'il faut pour avoir une confiture qui prend (on n'oublie pas le citron, le calcium...). Puis, dans cette super-confiture, on verse les fraises, on fait un tour de bouillon, et l'on met en pots ! Goût de fraises fraîches assuré, et consistance sur mesure.

 Mais, j'y pense : pourquoi ne pas utiliser de pectine ? Après tout, la pectine du commerce, c'est de la pectine qui vient des fruits. Alors on prend une partie des fraises, on met la pectine, on cuit, puis en fin de cuisson on ajoute citron et calcium, puis des fraises fraîches qui n'auront qu'un tour de bouillon. 

 

Moi, je ne sais pas pourquoi, mais j'ajouterais volontiers un peu d'arôme violette ou fleur d'oranger, et un grain de sel et un tour de moulin à poivre... mais je sors de mon rôle.

Quand il y a des enzymes

À propos des fibres alimentaires, il y a la notion importante d'hydrolyse : par exemple, certaines fibres sont dites hydrolysable. Et là, il y a un point d'attention, car les hydrolyses sont des réactions qui peuvent se faire soit de façon chimique soit de façon enzymatique. C'est le même type de questions que l'on retrouve à propos des brunissements des aliments quand on les coupe : certains résultent de réactions d'oxydation et d'autres d'un processus oxydatif mais de nature enzymatique. Dans les deux cas, cela se fait dans des conditions très différentes, et, notamment, pour les processus enzymatiques, il faut évidemment qu'il y ait des enzymes, c'est-à-dire des molécules qui catalysent les réactions, c'est-à-dire les rendent possibles plus ou moins rapidement et même dans des cas où elles ne se feraient pas. Un bon exemple est l'hydrolyse enzymatique de la cellulose par les enzymes nommées cellulases : alors que l'hydrolyse de la cellulose se fait très difficilement dans l'eau même chaude (une chemise en coton n'est pas dégradée par un lavage à 100 °C), elle a lieu quand la cellulose est en présence des cellulases. Historiquement, cette question a été importante pour la chimie : le grand chimiste allemnd Emil Fischer a passé beaucoup de temps à chercher des méthodes de synthèse chimique des protéines alors que cette synthèse se fait facilement dans les organismes vivants.

mardi 10 juin 2025

Il est dommage de ne pouvoir effacer

A propos de méthode, par exemple, mais pas seulement, je m'aperçois d'erreurs que je faisais... parce que la majorité de mes amis les font et que, au fond, je n'avais pas assez réfléchi. Par exemple, une étape est... une étape et non pas le tronçon de chemin qui relie deux étapes. Ou encore, un projet est quelque chose que l'on projette, alors qu'un travail c'est quelque chose que l'on fait. Par conséquent, on peut rédiger des projets, en vue de les faire ensuite, mais une fois qu'on est lancé, il s'agit d'un travail. Ou encore : une méthode, c'est le choix d'un chemin et non pas le chemin lui-même ; et cela ne se confond pas avec la méthodologie, qui se définit ainsi (TLFi) : Branche de la logique étudiant les méthodes des différentes sciences. Ensemble de règles et de démarches adoptées pour conduire une recherche. Bien sûr, tout ce que je produis n'est pas faux, et, parmi les fautes que je ne fais pas moi-même, il y a la confusion entre les prémices et les prémisses, des hésitations quand au statue logique de l'induction, l'expression "dans le but" (si on y est, ce n'est plus un but), par exemple. Quel dommage que je ne puisse corriger mes anciens textes !

lundi 9 juin 2025

Ne pas prendre les évaluateurs pour des imbéciles.

 Alors que je suis en train de relire un document proposé à l'évaluation nationale d'un pays étranger, à propos d'un cours en technologie des aliments, ce qui fait suite à 3 ou 4 évaluations du même type que j'ai effectuées précédemment, je vois mieux combien ceux qui font de tels projets se trompent soit en se débarrassant par des réponses à la va-vite aux questions posées par les formulaires d'évaluation, soit en produisant un baratin posé dans l'hypothèse  que les évaluateurs seront dupes. 

Au contraire, ce type de réponse finit par  irriter et  faire comprendre qu'on nous prend pour des imbéciles. 

Bien sûr, il y a également des cas où ceux qui soumettent des projets ne sont manifestement pas à la hauteur,  et, là encore,  leurs insuffisances apparaissent très clairement en lisant simplement les mots écrits. Quand on confond food  security et food safety  par exemple, cela montre que l'on ne sait pas que le premier désigne la question de produire à suffisance pour nourrir l'humanité et le second désigne la sécurité sanitaire des aliments. 

Et évidemment, quand les proposant cumulent les défauts, alors il y a lieu de ne pas perdre trop son temps en évaluant leur document et il faut les renvoyer à leurs projets :  il serait idiot de passer plus de temps à faire les évaluations qu'il n'en ont passé à faire leurs projets insuffisants. Au travail ! 

dimanche 8 juin 2025

Encore, à propos de "recherche"

 
Le mot recherche est une plaie, en quelque sorte,  parce que tout le monde le met à sa sauce : 

- les artistes font de la recherche, mais de la recherche artistique, 

-  les scientifiques font de la recherche mais de la recherche scientifique ; 

- et  dans l'industrie, les techniciens et les ingénieurs sont également de la recherche, en général technologique 

-  les enseignants, s'ils font bien leur métier sont sans cesse en position de recherche didactique

- etc. 

Bien sûr, je vois la différence entre la pratique et la conceptualisation. Un médecin qui soigne bien ses patients a une bonne pratique et, s'il fait bien cette pratique, c'est qu'il se fonde sur des concepts qu'il manie clairement.
Inversement, l'activité de conceptualisation qu'il peut faire serait en quelque sorte gâchée s'il ne publiait pas des textes où il décrirait cette conceptualisation. Bien sûr, il peut la garder pour lui-même, pour améliorer sa pratique. En tout cas, il est en position de recherche technologique puisque la médecine est une pratique,  donc une technique ,ainsi que l'avait  très bien observé le grand physiologiste Claude Bernard.

Mais je reviens au mot recherche en restant maintenant dans ce domaine de la médecine : ce même Claude Bernard, qui expliquait que la médecine était une technique, a bien observé que la recherche clinique était une recherche technologique, et que la science, la recherche scientifique correspondant à la médecine avait pour nom la physiologie. 

Dans le champ voisin de la pharmacie, il y a des recherches de médicaments : c'est de la recherche appliquée donc, et cela correspond à la recherche technologique. La recherche scientifique, pour la pharmacie, correspond manifestement à des études de biochimie ou de chimie fondamentale.
Et, en passant, on observera que s'il y a de la recherche appliquée, il ne peut y avoir de science appliquée !

Et l'ingénierie dans tout cela ? Il y a également là une technique et une technologie c'est-à-dire une pratique et une recherche. Mais pas une recherche scientifique.