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dimanche 23 novembre 2025

Savez-vous vraiment organiser une conférence ?

Un conseil à mes jeunes amis qui organisent des conférences : anticiper tout ce qui ne va pas, tout ce qui peut ne pas aller, tout ce qui n'ira pas.

Je commence par une comparaison avec le remplissage de l'aimant d'un spectroscope de résonance magnétique nucléaire (RMN) avec de l'azote liquide, ce que je fais chaque semaine. Il s'agit de quelque chose de simple : on se procure de l'azote liquide, livré dans un gros bidon, on relie ce dernier par un tuyau souple à une entrée du réservoir d'azote liquide dans la partie de la machine qui sert d'aimant (mais c'est secondaire), et l'on utilise un gaz (qui est du diazote gazeux, dans une bouteille), pour pousser le liquide du bidon vers l'aimant. 

 

Derrière cette description volontairement simplifiée (toujours le gros avant le détail), il y a de nombreuses précisions à donner et c'est la considération de ces dernière qui a permis que, pour la même machine, avec la même type de configuration, ceux qui faisait le remplissage avant moi mettaient 50 minutes et remplissaient deux fois par semaine, tandis que je ne mets plus que 11 minutes en remplissant une fois par semaine... ... ce qui réduit considérablement les risques, en plus de coûter moins cher, et de gagner du temps.

Comment cela est-ce possible ? Quand j'ai dû prendre en charge en la machine, j'ai cherché à comprendre ce que nous faisions et j'ai agit en conséquence.

Par exemple, plus qu'il s'agit de pousser du gaz, on comprend qu'il faille que le circuit soit étanche, sans quoi le gaz fuit et l'on ne pousse rien.
D'où un certain nombre d'actions correctrice qui ont permis d'arriver là où nous en sommes : éviter les fuites à la bonbonne de gaz, entre la bonbonne et le bidon d'azote liquide, à la sortie de ce bidon, à l'entrée dans l'aimant. J'insiste un peu : on voit bien que c'est la compréhension de la chose qui permet de faire mieux.

Mais, il est arrivé tant de catastrophes, pendant nos différents remplissage depuis plusieurs années, que les descriptions précédents sont loin de suffire.
Par exemple, il est arrivé que le bidon de soit pas livré à date.
Il est arrivé que le tuyau en plastique avec lequel le remplissage se fait a éclaté pendant le remplissage. Il est arrivé que la bonbonne de gaz soit vide en cours de remplissage.
Il est arrivé que, malgré nos soins, le système d'étanchéification ne soit pas étanche.
Il est arrivé qu'il y ait un bouchon de glace dans la machine, ce qui bloquait l'entrée de l'azote liquide.

Et j'en passe ! J'en passe, parce que je veux maintenant arriver j'arrive à la conclusion de cette comparaison initiale : il y a quelques années, un jeune ami impétueux de notre groupe de recherche m'a vu faire deux fois ce remplissage et il m'a dit vouloir faire le remplissage suivant. Pourquoi pas, mais en était-il capable ? En l'occurrence, certainement pas, pour celui-là en particulier, notamment parce qu'il avait ce défaut considérable de voir trop court. Et c'est ainsi que, sachant qu'il était incapable de faire l'opération, j'ai voulu lui donner une leçon : je l'ai laissé commencer l'installation, mais à un moment, avant de faire couler l'azote liquide, je lui ai demandé ce qu'il ferait si le tuyau en caoutchouc cassait ? Comme il ne savait pas que le tuyau puisse casser, il n'avait évidemment pas envisagé une action rapide à mettre en oeuvre.
J'en ai rajouté une couche, en lui demandant ce qu'il ferait s'il y avait un bouchon de glace dans la machine, et là encore, il n'avait aucune idée de la chose.
De sorte que je l'ai en quelque sorte renvoyé à ses études, en lui faisant comprendre que, à l'avenir, il ferait mieux d'être moins prétentieux et plus réfléchi.

Mais la vraie conclusion de toute cette affaire, c'est que nous sommes tous un peu comme lui, et que nous devons apprendre à voir plus loin que le bout de notre nez.

Je peux enfin, maintenant, en arriver à la question de l'organisation des séminaires, des conférences.

J'y arrive, parce que, hier, alors que nous organisions une conférence avec quelques amis, nous avons eu une série de catastrophes... comme il y en a toujours. La veille, tout d'abord, l'un des conférenciers m'a signalé par email qu'il avait un problème d'emploi du temps et qu'il ne pourrait pas faire la conférence prévue. Point final. Sans échappatoire.

Je lui ai dit d'abord répondu que nous pouvions changer l'horaire et là encore il n'a pas accepté, puisque, en réalité, je pense qu'il n'avait rien préparé.

Je lui ai également demandé s'il pouvait se faire remplacer, mais bien sûr aucun remplacement était possible puisque c'était une personne tout à fait exceptionnelle ;-).

Comme j'avais une conférence déjà presque prête, je l'ai finie, et nous avons rétabli le programme.

Mais le matin même de la conférence, je reçois un email d'un autre orateur programmé, me disant qu'il y avait un tremblement de terre dans son pays et qu'il n'avait plus d'électricité.

Dans ces cas-là, cela ne sert à rien de se stresser, et la solution la plus évidente était donc de raccourcir la conférence, en oubliant cette intervention.

Mais, prudent, je me suis mis à contacter tous les autres conférenciers, bien qu'ils aient été contacté une semaine plus tôt, et bien m'en a pris, car un troisième conférencier m'a dit avoir un empêchement. Là, nous avons pu chambouler l'organisation pour lui trouver un moment adéquat.

Et finalement, puisque c'était une conférence par internet, nous avons encore eu les habituels problème de connexion, à savoir que le lien qui nous avions distribué à tous pour se connecter n'a pas fonctionné, alors qu'il avait été prévu deux mois plus tôt.

Tout cela étant réglé, la conférence a commencé à l'heure, et ceux qui se sont connectés n'ont rien vu de grave : tout s'est passé apparemment comme il fallait.

Croyez-moi : je sais qu'il se passe tout cela chaque fois ou presque, c'est la raison pour laquelle je prépare les choses à l'avance, la réponse la raison pour laquelle j'envoie des messages, et je renvoie des messages, avec des accusés de réception.

Mais je sais aussi que cela ne suffit pas : comme pour le tuyau en caoutchouc qui peut éclater lors d'un remplissage liquide, il y a donc lieu d'avoir des ceintures et des bretelles, et il l'on peut être sûr que s'appliquera la "loi du petit Wolfgang", qui stipule qu'il y aura une proportion de gens pénible constante, régulière, certaine... et qu'il faut tenir compte de cela dans une organisation, sans quoi on est un médiocre organisateur.

Bien sûr, il est facile de mettre des noms sur un papier et de demander à des personnes une fois si elles acceptent de faire une conférence, mais cela n'est pas "organiser une conférence".

Organiser une conférence, c'est envisager le pire, très positivement, et observer que, quand une conférence que l'on organise ne pose pas de problème, c'est une sorte de miracle qu'il faut célébrer (au crémant d'Alsace, par exemple).

samedi 22 novembre 2025

Continuer à se former quand on est déjà engagé dans la vie professionnelle ?

 
Un correspondant m'interroge : 

Comment à continuer à se former quand on est déjà engagé dans la vie professionnelle ?

La question ne se pose pas seulement à ceux qui arrêtent leurs études au brevet, car il n'y a pas de réelle différence par rapport à ceux qui arrêtent au baccalauréat, ou à la licence, ou au master, où à la thèse, par exemple.

La question est la même pour tous, et pour tous les métiers. D'ailleurs, dans mon énumération précédente, je me suis arrêté à la thèse, mais il faut évidemment poursuivre avec l'activité professionnelle : bien sûr, on peut exercer un métier et vouloir l'exercer toujours de la même façon, mais je ne parviens pas à penser que, dans nombre de cas, cela soit assez amusant pour qu'on y passe une vie.

Certes on peut vouloir s'améliorer progressivement, tel le tailleur de pierre qui devient progressivement mieux capable de doser le coup de maillet, tel le peintre qui maîtrise de mieux en mieux la peinture... Mais même ces métiers où l'habileté nécessite un entraînement constant ne peuvent échapper à un mouvement de transformation.

Par exemple, le peintre ne broie plus ses couleurs, et les produits qu'il achète évoluent... sans compter des évolutions indispensables : le blanc de céruse, épouvantablement toxique, a été heureusement remplacé, interdit, et un peintre qui voudrait l'utiliser ne le pourrait plus et ne le devrais pas.

Un tailleur de pierre ? Dans la mesure où il travaille en communauté, il est comme un laborantin qui expose les autres à ses propres actions, de sorte qu'il a une responsabilité : ne pas dégager des poussières comme jadis, à ne pas mettre en danger ses collègues par des pratiques ancestrales...

Bref, il y a donc la nécessité de connaître les transformations du monde, et c'est cela a minima, la formation continue. Je sais, d'autre part, qu'il existe des personnes qui font leur travail, et cela seulement ; oui, des personnes qui travaillent, qui s'arrêtent à la fin de la journée et reprennent leur travail à l'identique le lendemain... mais que font-ils de cette citation de Brillat-Savarin "L'âme, cause toujours active de perfectibilité" ?

Je ne parviens pas à penser que je puisse admirer les individus routiniers, et je préfère consacrer ce billet à la question méthodologique de la formation continuée : comment faire cette formation ?

Et là , je m'émerveille qu'au 21e siècle, le partage de l'information ne permette plus à des "castes" de préserver leur secret. Cette question des secrets techniques n'est pas ancienne, puisque Joseph Favre, auteur du Dictionnaire universel de cuisine, au 19e siècle, reçut des menaces de ses collègues parce qu'il donnait aux "ménagères" la possibilité d'évaluer le travail de leur cuisinier et d'éviter la valse de l'ance du panier.

Il donnait de la connaissance, alors qu'une caste voulait protéger ses secrets. Et ce que je dit d'hier demeure aujourd'hui, en cuisine notamment, comme je peux en témoigner.

Mais bref, il y a maintenant des possibilités merveilleuses de trouver de l'information... mais il y a la nécessité de savoir ce que vaut cette information à disposition de tous.

Nombre de podcasts culinaires avancent des idées techniques fausses : cela va de la pincée de sel dans les blancs d'oeufs que l'on monte en neige à la réalisation de mayonnaise, et, toutes ces "précisions culinaires" que nous testons depuis des décennies.

De même pour le jardinage, où n'importe qui pourra se rendre compte de la cacophonie : par exemple, à propos de bouturage de rosiers, on s'amusera de voir que certains proposent de l'hormone de bouturage, d'autres préconisent de ne pas en mettre, certains proposent d'enterrer à un oeil, d'autres à deux yeux, certains proposent de planter la tête en bas, d'autres pas, et ainsi de suite quasiment à l'infini.

Comme en cuisine, chacun a sa recette... et personne ne donne de justification à l'exception d'une expérience très idiosyncratique, très limitée, sans référence, avec seulement des arguments d'autorité qui ne valent donc rien.

En réalité il y a lieu de prendre les choses de plus loin et de poser deux questions. Tout d'abord qu'apprendre ? Ensuite où trouver la bonne information ?

La nature de ce qu'on va apprendre est bien difficile à définir, comme je l'avais indiqué dans un billet précédent, sur les lois de la réfraction, mais on pourra quand même observer qu'il n'est peut-être pas nécessaire de refaire un travail de sélection qui a été fait par les inspecteurs de l'éducation nationale et les commissions des programmes : si l'on a arrêté ses études au brevet des collèges, alors on peut avoir l'envie d'apprendre ce qui a été donné à d'autres par la suite, au lycée.

Là, la réponse à la seconde question est vite trouvée : le contenu des référentiels est public, sur le site de l'Education nationale, et la présentation des notions fait l'objet des manuels, qui ont été préparé par des équipes de professeurs qui ont longuement discuté la présentation, la façon didactique de transmettre les notions.

Cette analyse vaut tout aussi bien pour ceux qui sont arrêtés au baccalauréat et qui voudraient poursuivre : ils trouveront en ligne, sur les sites universitaires, les référentiels des licences, des masters, à savoir les informations qu'ils peuvent avoir à cœur d'apprendre, chacun selon leurs envies, leurs goûts, le temps disponible... Dans ces formations continuées, les revues de vulgarisation sont importantes, parce qu'elle présente les notions les plus actuelles, mais assorties des informations nécessaires pour arriver à la compréhension des nouveautés.

Il y a là un travail très important et une grande responsabilité pour ces revues, et c'est la raison pour laquelle j'y ai travaillé pendant si longtemps, avec une volonté politique très ferme, très semblable à celle des philosophes des Lumières qui ont élaboré l'Encyclopédie.

À ce propos de la vulgarisation, il y en a deux sortes : celle qui vise à dire (en substance) "la fusée à décollé" et celle qui explique comment on a réussi à faire décoller une fusée. On comprend que je préfère de beaucoup la seconde manière, car non seulement elle donne les moyens de la preuve, mais de surcroît elle donne des informations complémentaires, qui évitent de nous entraîner à supporter des faits plats et bêtes. Le fait qu'une fusée ait décollé relève surtout de la formation politique que technologique, et ne nous pas beaucoup grandir. D'ailleurs, je ne parviens pas à penser que la vulgarisation soit utile si elle ne donne pas aussi une "compétence", en plus des connaissances. Bien sûr, toute cette réflexion doit être poursuivie !

vendredi 21 novembre 2025

La structure des articles scientifiques

 
C'est amusant de voir qu'aujourd'hui, pour les sciences de la nature, la structure conventionnelle des articles scientifiques est parfois considérée comme un carcan, alors que sa mise au point progressive a été un progrès extraordinaire, une innovation merveilleuse.

Jadis, les articles scientifiques étaient de très longues descriptions d'expériences, avec des mots, des phrases interminables, et chacun devait en quelque sorte inventer la structure de son récit.

Progressivement, on en est arrivé à une structure qui est la suivante : les articles ont un titre ; puis on indique les auteurs, assortis de leur affiliation ; suit un résumé, des mots clés, puis une introduction, une partie qui décrit les matériels et les méthodes, avant d'arriver aux résultats, ces derniers étant ensuite discutés avant que l'on conclue, que l'on imagine des perspectives, et que l'on termine par des références indispensables.

Je propose d'observer que cette structure est rationnelle.

Tout d'abord, il y a le titre, qui est "efficace" : on sait aussitôt ce que l'on pourra trouver, on sait si le sujet est celui qui nous intéresse. Ensuite les indications des auteurs sont importantes, parce qu'elles reconnaissent la paternité d'un travail, qu'elles le remettent dans un contexte d'une oeuvre, qu'elles nous signalent un collègue intéressant, dont nous irons éventuellement lire d'autres articles.

Je ne saurais dénoncer assez énergiquement les revues qui indiquent les auteurs en fin d'article, ce qui force les lecteurs à s'y reporter avant de revenir lire le texte.
Et puis, il y a un peu de mépris, en quelque sorte, à ne pas reconnaitre immédiatement les auteurs d'un travail.

Le résumé en début de document est utile, on s'en aperçoit quotidiennement, car il précise un peu le titre, de façon rapide, et permet d'éviter de se lancer dans des lectures qui nous intéresseraient pas vraiment. Les mots clés aussi, sont importants, car ils permettent les indexations, les rangements dans des bibliothèques, mais leur place est de moindre importance, car ils correspondent maintenant à des objets numériques.

L'introduction est manifestement indispensable en début de texte, parce qu'elle annonce la question, le travail, la structure du texte : ne pas donner ces informations, ce serait comme tirer derrière nous des personnes sans leur expliquer où l'on veut les conduire et pourquoi.
Bref, il y a lieu d'expliquer le contexte, de situer la question étudiée dans un ensemble de connaissances plus vaste, de montrer des relations entre les expériences effectuées et la question posée, et ainsi de suite, mais je n'insiste pas ici, parce que j'ai déjà traité cela ailleurs.

Vient ensuite la partie qui dérit les matériels et les méthodes. Là, c'est tout à fait indispensable, parce qu'un résultat sans la description fine des matériels des méthodes qui y ont conduit ne vaut rien.
Donner un résultat de mesure sans indication de l'incertitude de mesure, par exemple, c'est nul, et notamment parce que l'on ne pourra pas rapporter ce résultat à un autre, à le comparer.

Les résultats : il faut les donner, mais on aurait peut-être intérêt à le faire en deux fois : d'abord exposer rapidement, au premier ordre, les résultats, puis entrer ensuite plus dans les détails. Les discussions ne peuvent venir qu'après, et être séparées des résultats, car ce sont des interprétations, d'un autre ordre que des résultats.

Là, c'est le moment de faire véritablement œuvre scientifique, et ne pas se contenter de dire que l'on retrouve des choses qui ont déjà été observées... sans quoi le travail ne sert pas à grand chose... mais je me suis exprimé à ce propos.

Vient alors le moment de conclure, ce qui se fait mieux si l'on envisage positivement des perspectives. Et l'on termine avec les références qui doivent être nombreuses : chaque fait, chaque idée, chaque résultat qui est donné doit être parfaitement justifié, et part de bonnes références.

Je suis très opposé aux revues qui limitent le nombre des références que l'on peut donner, car si beaucoup de référence s'imposent, elle s'imposent ; et autant les questions de place, de papier à imprimer, étaient importantes naguères, autant elles sont devenues obsolètes aujourd'hui.

Bien sûr, on pourrait s'amuser à changer l'ordre de tout cela mais j'espère avoir montré qu'il y a une grande cohérence, un grand progrès. Il faut dire et redire que l'analyse des publications du passé montre combien notre structuration moderne est utile pour les lecteurs, efficace en terme de communication scientifique.

Je ne dis pas qu'on peut pas faire mieux, mais j'observe quand même que nos amis les plus originaux ont fort à faire avant de trouver mieux. Et s'ils trouvent vraiment mieux, je serai le premier a populariser leurs idées.

Car il y a des tas de questions que l'on peut se poser : à propos de la représentation des molécules, à propos de la communication des résultats d'un spectre...

Au fond, pour chacune de ces questions, il faut de l'intelligence, afin de faciliter la lecture : pour nos amis qui nous lisent, déroulons le tapis rouge.

jeudi 20 novembre 2025

Tel est pris qui croyait prendre... mais on sort par le haut



J'ai souvent dit que la science ne doit servir à rien (on va voir ce que cela signifie) et j'entends un ami, qui m'a écouté, me dire que la science ne sert à rien.

Je suis évidemment offusqué, car, étant de ceux qui sont soucieux de la façon dans l'argent public est dépensé, je ne peux évidemment pas admettre que l'on puisse croire que les sciences de la nature dépensent l'argent du contribuable en pure perte !

C'est donc une mauvaise formulation que j'utilisais, et que je me promets de corriger.

Mais il faut aussi expliquer à mes amis qui m'avaient mal interprétés pourquoi la science est utile, et ce que je voulais dire en ne lui attribuant pas d'objectif... autre que la découverte !

Enfin, nous chercherons une formulation améliorée, qui ne conduira plus à des confusions.

Commençons donc par expliquer ma déclaration.

Et précisons tout d'abord que je ne considère ici que les sciences que je connais, à savoir les sciences de la nature. Ma déclaration se fonde sur le fait que, suivant de nombreux Grands Anciens (Lavoisier, Pasteur, Einstein, etc.), je fais une différence très nette entre les sciences de la nature et les applications de ces sciences.

Ainsi la technologie, qui vise les applications techniques, se soucie non pas de chercher le mécanisme des phénomènes, mais des perfectionnement des techniques. Et les questions posées par la technologie sont inspirés de ce questionnement de la rénovation des techniques.

Pour les sciences de la nature, il en va différemment, puisque l'objectif est de faire des découvertes : de trouver ce que l'on n'imagine même pas !

J'ai expliqué ailleurs, dans des billets relatifs à la stratégie de la recherche scientifique, pourquoi il était difficile de savoir a priori où chercher et, de fait, il ne me semble pas légitime de recourir à des questions technologiques pour faire des découvertes : non seulement l'objectif n'est pas le même, mais, surtout, il n'y a aucune garantie que la recherche dans les champs identifiés par la technologie puisse être couronnée par la découverte !

Au mieux, on aura résolu le problème technologique, mais on n'aura pas fait ce qui relève de la mission des sciences de la nature.

Pour mieux me faire comprendre de mes amis, je prends parfois l'exemple du GPS, dont le fonctionnement repose sur la théorie de la relativité. Le questionnement d'Albert Einstein, quand il était en chemin vers la théorie de la relativité, n'était certainement pas de localiser le possesseur d'un téléphone portable sur le globe terrestre.
De façon bien plus fondamentale, sans imaginer la moindre application a priori, il voulait comprendre les phénomènes de l'inertie, la raison pour laquelle la vitesse de la lumière est maximale, comment les vitesses s'ajoutent...
J'insiste : Einstein ne voulais pas a priori, dans sa dans ses travaux, chercher les applications.
Pourtant, quand les technologue ont eu les moyens (l'électronique, l'informatique) et les idées d'améliorer la technique, ils l'ont fait, en se fondant sur les travaux de la relativité.

Avec cet exemple, on voit bien là les mouvements très différents des sciences de la nature et de la technologie. Les sciences de la nature n'ont aucun intérêt, aucune garantie de succès, dans la technologie, et la technologie d'ailleurs, n'a pas intérêt à passer son temps à faire de la science, sans quoi elle oublierait son objectif qui est le perfectionnement technique.

Cela étant dit, il faut aussi ajouter que les applications techniques ne sont pas les seules applications des sciences de la nature. Savoir que la Terre n'est pas plate est une de ces connaissances qui ont permis à l'humanité de ne plus croire le monde régi par des dieux envoyant la foudre, la tempête ; qui ont permis de lutter contre les superstitions, lesquelles font souvent le lit des tyrannies.

Il n'est pas "inutile", du point de vue de notre humanitude, de savoir que la Terre tourne autour du Soleil, et non l'inverse. Nos connaissances nous font véritablement humains, et les connaissances scientifiques sont en quelque sorte l'honneur de l'esprit humain (comme le disait le mathématicien Jean Dieudonné à propos des mathématiques).

Deux types d'applications, donc... au moins : les applications didactiques, les applications techniques... Mais j'en passe : la rationalité, les méthodes, etc. Et il faut maintenant que j'arrive à la question de dire les sciences. Au fond, au lieu d'être négatif, ne pourrait-on pas simplement dire, positivement, qu'elles cherchent les mécanismes des phénomènes, par une méthode que j'ai décrite ailleurs ? Qu'elles produisent des théories en constante amélioration ? Quel bonheur : du négatif inexact transformé en positif utile à la compréhension. Décidément, je reste sur ce point de vue.

mercredi 19 novembre 2025

L'intérêt de la théorie

 
"De la théorie"... L'expression est parfois dite péjorativement, alors que ce sont bien les considérations théoriques qui permettent au praticien de progresser !

A ce propos, je me souviens des revendications d'élèves d'une grande école d'ingénieurs, qui disaient qu'ils auraient préféré que leurs études soient des stages, puisque c'est là -disaient-ils- qu'ils apprenaient le plus.
Pour répondre métaphoriquement à ce propos, je propose de considérer la confection de sablés : j'espère que l'on me pardonnera d'être si prosaïque, en considérant que je sais au moins ce dont je parle.

Bref, restons au niveau pratique, et cherchons à faire des sablés.

On trouve mille recettes, et d'autant plus que n'importe qui, aujourd'hui, fait un site et y met son "savoir". En matière de cuisine, il y a donc de tout, des amateurs, des étudiants qui valorisent des travaux, des professionnels, des institutions... Et finalement, on est bien perdu... d'autant que le nombre d'erreurs est considérable. A ce propos, on reviendra vers mon analyse des pâtes à foncer pour bien voir combien la cacophonie est assourdissante, avec des manuels... qui ne méritent pas d'être préconisés pour l'enseignement tant ils sont erronés.

Si l'on reste au niveau pratique, comment séparer le bon grain de l'ivraie ? L'expérience ? On ne pourra en faire que quelques unes, alors que la diversité des paramètres est considérable : la quantité de farine, la quantité de beurre, la quantité de sucre, la quantité d'oeuf, l'ordre d'incorporation des ingrédients, leur température, leur qualité, leur emploi, leur travail, leur cuisson...

Manifestement, il y a trop de possibilités pour que les praticiens puissent s'y retrouver... sans théorie ! Or, en l'occurrence, les idées théoriques sont simples : - de l'eau ajoutée à de la farine permet de ponter les protéines et de faire un réseau visco-élastique de "gluten" - l'oeuf coagule à la chaleur - le sucre permet de capter l'eau, jusqu'à défaire le réseau de gluten - le sucre chauffé caramélise, brunit, prend du goût - le beurre chauffé brunit (pensons au beurre noisette), parce que les protéines sont dégradées - et quelques autres.

Muni de ce bagage théorique, on comprend que le travail de la farine avec l'eau, ou l'oeuf (puisque le blanc, c'est 90 pour cent d'eau, et le jaune 50 pour cent) produit ce réseau de gluten qui donne de la fermeté. Inversement, le travail de la farine avec le beurre permet d'éviter la formation de ce réseau, d'où une friabilité supérieure. On comprend que l'ajout de sucre contribue à la friabilité. Et l'on comprend que le chauffage peut donner du goût.

Bref, la théorie donne des possibilités d'actions rationnelles, qui, non seulement, permettent de faire le tri dans les prétentions des praticiens, mais, de surcroît, conduisent à des possibilités de choix. Il en va de même pour les travaux de l'ingénieur.

Certes, on pourrait se limiter à savoir utiliser un appareil d'analyse (spectroscopies UV-visible, infrarouge, de résonance magnétique nucléaire, chromatographies...), mais la capacité théorique permettra de faire meilleur usage de ces équipements.

Ou encore, oui, on peut savoir confectionner une émulsion, en suivant un protocole, mais la connaissance des composés tensioactifs particuliers, des effets de stabilisation ou de déstabilisation (coalescence, déplétion...) permet de mieux faire, de gérer les cas difficiles, de mieux doser.

Au fond, il y a souvent, dans ces questions, à distinguer le conducteur de voiture et le mécanicien. On peut conduire... jusqu'à ce que la voiture tombe en panne, et, là, le mécanicien - celui qui a les connaissances "théoriques", en quelque sorte, s'impose !   Et pour terminer : la technique produit, les sciences de la nature cherchent les mécanismes des phénomènes, la technologie fait usage de ces connaissances pour perfectionner la technique.

Chimie et alimentation

 Ma conférence à la récente conférence Chimie et alimentation

https://vimeopro.com/maisondelachimie/colloque-chimie-et-alimentation-12-fevrier-2025

lundi 17 novembre 2025

Peut-on faire cuire des soufflés en les chauffant seulement posés sur la sole d'un four ?

 Peut-on faire cuire des soufflés en les chauffant seulement posés sur la sole d'un four ?

Dans un billet précédent, j'ai expliqué que les soufflés gonflent principalement par évaporation de l'eau dans la partie inférieure, la vapeur formée poussant les couches vers le haut.

Il n'y a pas lieu d'y revenir : c'est là un fait bien établi, mais on doit ajouter que  la cuisson doit aussi assurer la coagulation de la préparation, afin que le soufflé ne retombe pas immédiatement.

On peut s'y prendre de bien des manières : par exemple faire gonfler en chauffant par le fond puis mettre au micro-ondes, ou bien chauffer par le fond dans un four et chauffer également  par dessus, de sorte que la partie supérieure coagule. On peut même, si l'on s'y prend bien, ne pas chauffer sur une sole de four mais sur le gaz et on voit alors le soufflé gonfler. Je me souviens d'ailleurs avoir fait cela et avoir obtenu la coagulation du reste du soufflé à l'aide d'un chalumeau que je mettais par-dessus.

D'ailleurs, il faut ajouter que dans le soufflé, la vapeur est à environ 100 degré, ce qui permet de coaguler les protéines, de sorte que si l'on s'y prend bien encore, avec des ramequins d'une forme particulière on a seulement besoin de chauffer par le fond.

Bref il y a mille façons de faire mais on gardera en tête les règles essentielles chauffer par le fond produit une vapeur qui pousse les couches par le haut ; avoir fait croûter la surface avant la cuisson permet de retenir mieux cette vapeur et donc d'avoir des soufflés plus gonflés ; si l'on a mis dans la préparation des blancs d'oeufs battus en neige, alors il faut savoir que la neige bien ferme permet d'obtenir des soufflés plus gonflés.

Enfin, je renvoie au compte rendu rédigé des séminaires de gastronomie moléculaire sur plusieurs expérimentations à propos des soufflés.

dimanche 16 novembre 2025

La cuisine moléculaire peut-elle être gourmande ?

 
La cuisine moléculaire peut-elle être gourmande ?

La réponse est évidemment non puisque sur ce sont les humains qui sont gourmands et pas les objets.

On comprend que je fais le  malin, mais si j'observe la paille dans l'œil du voisin c'est pour être capable de voir la poutre dans le mien.

Au fond, que voulait dire mon interlocuteur ? Il se demande si la cuisine moléculaire est bonne ? Disons qu'il y a autant de résultats que de cuisiniers, et, mieux, autant de goûts différents que de réalisations culinaires (un jour, je peux faire un plat particulier plus salé que le lendemain).

Mais surtout, il faut répondre que la cuisine moléculaire se définit comme cette forme de cuisine qui se fait avec des ustensiles rénovésazote liquide, siphons, basse température, et cetera.

Avec la basse température, les viandes sont plus fondantes que par le passé, plus tendres, plus juteuses. Avec l'azote liquide, les sorbets et les glaces sont bien meilleurs. Avec les siphons, on a des mousses plus stable et ainsi de suite : il s'agissait d'abord d'une rénovation technique pour permettre aux cuisiniers de faire mieux.

Donc pour faire simple, la réponse à la question posée et oui, évidemment.

samedi 15 novembre 2025

La bouillabaisse est-elle le pendant du pot-au-feu ?

 

La bouillabaisse est-elle le pendant du pot-au-feu ?

Pour répondre à cette question je propose de partir du fait que les viandes et  les poissons sont des tissus musculaires,  avec des fibres musculaires (de fins tuyaux) solidarisés par du tissu collagénique ;  à l'intérieur des fibres il y a de l'eau et des protéines susceptibles de coaguler comme le ferait du blanc d'œuf

Cette coagulation se fait la même manière dans le poisson et  dans la viande mais les deux ingrédients ont une différence essentielle à savoir que la quantité de tissu collagénique, dur, est très faible dans le poisson, ou dans le blanc de poulet, mais plus notable autrement. De sorte que le poisson n'a pas besoin d'être amolli, alors que la viande doit effectivement voir son tissu collagénique dégradé lors de la cuisson, surtout quand elle en contient beaucoup ou qu'elle en contient une forme très ferme (viande à braiser)

De ce fait, on comprendre l'intérêt d'une longue cuisson dans de l'eau pour les viandes dure, mais pas pour les poissons. Et si si l'on définit le pot-au-feu comme l'application d'une température de l'ordre de 100 degrés pendant longtemps en vue d'obtenir un attendrissement de la viande et la confection d'un bouillon, alors on comprend que la bouillabaisse n'a rien à voir : pour le poisson, une longue cuisson risque de conduire à la désagrégation des morceaux.

J'ajoute que la tradition mérite d'être révisée dans les deux cas.

Par exemple, pour un bon pot-au-feu, je veux personnellement une viande attendrie et  juteuse dans un bouillon corsé. Il me faut à cette fin deux viande  : l'une pour faire le bouillon et l'autre pour la viande, qui devra cuire très longtemps à basse température

Pour le poisson également, il faudra donner du goût au bouillon, mais le poisson qu'on mangera lui devra être juste cuit et se tenir  :  cela nécessitera qu'il est simplement cuit dans un bouillon frémissant et pendant un temps pas trop long.

Pour conclure, il y a certainement dans les deux cas du bouillon et de la chair, mais  je ne vois pas en quoi cela nous aide de poursuivre la comparaison. A contrario, j'observe que la comparaison, qui montre la différence, révèle mieux comment faire dans chacun des deux cas. 




vendredi 14 novembre 2025

Comment faire des œufs à 65 degrés en pratique ?

 Comment faire des œufs à 65 degrés en pratique ?

Cuire un œuf, c'est le chauffer, et l'on peut chauffer de nombreuses façons : on verra dans mon Cours de gastronomie moléculaire numéro 1 (édition Quae / Belin) que je distingue des cuissons dans de l'air chaud, dans de l'eau chaude, dans de l'huile chaude... et bien d'autres. De fait, on peut obtenir des œufs à 65 degrés en mettant des œufs directement dans un four à condition que celui-ci puisse être correctement réglé à 65 degrés.
On peut mettre directement les œufs sur la grille, dans le four, ou sur la sole, sortis de leur boîte ou encore dans la boîte, peu importe car de toute façon la cuisson doit durer environ une heure pour atteindre une température égale à 65 degrés dans tout l'oeuf.

Je signale à ce propos que, à la Cité des sciences, pour un banquet scientifique, nous avions mis 450 oeufs dans un four bien réglé et nous avions donc pu servir tous ces œufs pendant le banquet.

Mais on peut aussi mettre les œufs dans de l'eau et ils cuiront exactement la même manière, à condition que l'eau soit à 65 degrés. Là encore, ce sera long parce que le but est d'atteindre l'équilibre thermique : la même température pour toutes les parties de l'interne de l'œuf.

Mais l'énumération précédente montre que l'on peut aussi faire cela avec de l'huile à condition que l'huile soit à 65 degrés.

On pourra prêter attention à ce fait que, dans certains cas, pour obtenir une température de 65 degrés, on applique en réalité une température supérieure.
Par exemple, il faudra éviter de poser la des œufs sur la sole du four si cette sole dépasse 65 degrés (en vue d'obtenir 65 degrés dans le four).

J'ajoute aussi que l'on peut, en pratique, cuire des œufs à 65 degrés dans un lave-vaisselle à condition que le programme applique bien une température de 65 degrés au maximum.  



jeudi 13 novembre 2025

À quelle température cuire des choux ?

 À quelle température cuire des choux ?

On finira par dire que je radote, mais je profite de l'occasion pour donner une information que je crois utile : l'expression pâte à choux ne désigne pas une préparation générale, mais simplement une préparation particulière dont on veut faire des choux.

Je m'explique : il existe une préparation culinaire classique qui a pour nom pâte royale et qui est une panade (de l'eau, du beurre, de la farine) où l'on a ajouté des œufs, afin d'obtenir une préparation qui peut servir à faire des choux, des éclairs, des religieuses, et cetera.

Cette pâte royale ne devient une pâte à choux que si l'on veut faire des choux, mais son nom réel est pâte royale.

Elle se distingue de la pâte à la reine en ce sens que l'une se fait à partir d'eau et l'autre de lait.

Et j'ajoute aussitôt que l'on peut faire le même type de préparations avec d'autres liquides : du vin, du jus de fruit, du bouillon, du café, du thé, et cetera.

Cela étant dit, nous pouvons arriver à la question qui est posée et observer tout d'abord que l'on peut faire des choux très différents selon les différences de température ou de cuisson. Veut-on un chou régulier ? Ou bien un chou particulièrement gonflé ? La consistance ne sera pas nécessairement la même et c'est cela d'abord qu'il faut définir : c'est seulement quand la destination a été choisie que l'on peut se mettre en chemin, n'est-ce pas ?

Je ne peux donc pas répondre à la question de la température à laquelle il faut cuire des choux si je ne sais pas d'abord quel est le résultat que l'on veut obtenir.

Cette réponse n'est pas une façon de me défausser. Il faut commencer par reconnaître que crtains aiment les choux dont l'intérieur est encore un peu pâteux, pas complètement cuit ; d'autres préfèrent des choux très cuits, non pas brun mais bien desséchés à l'intérieur, croustillants ; d'autres veulent des choux cuits à l'intérieur et très brun à l'extérieur ; et ainsi de suite.

Pour choisir le mode de cuisson que l'on va appliquer il est bon de se souvenir que pour de telles cuissons, une température très élevée risque de brunir fortement la surface, de sorte que l'on ne pourra pas l'appliquer pendant longtemps, et comme la chaleur se transmet ici par conduction, une température très forte à l'extérieur laissera l'intérieur peu cuit.

Il en va de même par exemple pour les frites : si on les cuit dans un bain d'huile très chaud, elles vont brunir rapidement et l'intérieur risque de ne pas avoir le temps de cuire.

Bref, il faut d'abord décider du résultat pour choisir le procédé.

Et il faut immédiatement ajouter que tous les goûts sont dans la nature, tous légitimes dans la mesure où ils se rapportent à celles et ceux qui vont manger. Il y a donc pas de manière unique de bien faire.

mercredi 12 novembre 2025

Des critiques contre la cuisine note à note ? Pas tant que cela

J'ai été intéressé de voir, lors de la rédaction d'un article sur les stratégies pour faire advenir la cuisine note à note, qu'il y avait beaucoup moins de critiques que ce que je pensais.

Évoquant en effet ces dernières, je suis allé sur Internet chercher des exemples précis et le fait est que j'en ai trouvé bien peu : les principales pages qui apparaissent sont mes propres productions qui, elles, ne contiennent pas de telles critiques évidemment.

Finalement je me demande si je ne me focalise pas excessivement sur les remarques qui m'ont été faites.

Bien sûr, je ne suis pas fou et je me souviens parfaitement de ce cuisinier écossais furieux d'entendre parler de cuisine note à note.
Je sais de source certaine que deux étudiants de Master ont initialement refusé de participer à des travaux pratiques où il s'agissait construire ainsi des plats.
Je n'oublie pas les deux ou trois lettres de menaces de mort que j'ai reçues en 1994 quand j'ai proposé la cuisine note à note.
Je n'oublie pas les très nombreuses remarques que l'on faisait, à propos de l'énergie nécessaire, des questions nutritionnelles, de changement sociaux, et cetera.

Mais je vois maintenant, après cette recherche bibliographique, qu'il y a lieu de donner beaucoup plus d'informations que de répliques à des critiques.
Je ne dois pas me crisper sur les quelques observations qui m'ont été faites mais au contraire discuter aussi ouvertement que possible, donner des réponses aussi argumentées que possible, aussi quantitatives que possible à toutes les questions qui me sont faites.

mardi 11 novembre 2025

Les grains d'amidon sont-ils fragiles ?

 Les grains d'amidon sont-ils fragiles ?

Pour cette question, je crois qu'il est bon de commencer par une expérience, à savoir  mettre de la farine dans de l'eau.

Dans la farine, il y a des composés variés, mais notamment  ces grains d'amidon qui nous intéressent, petits grains blancs et transparents que l'on voit au microscope.

Si l'on disposait d'un super-microscope, on verrait que les grains d'amidon sont faits de couches concentriques de deux sortes de molécules, qui sont des molécules d'amylose, linéaires, comme des fils, et de molécules d'amylopectine, ramifiées, comme des arbres.

Quand on chauffe les grains d'amidon dans l'eau, les molécules d'eau cognent la surface des grains, et les molécules d'amylose (les fils) de la surface des grains vont se disperser dans l'eau, tandis que des molécules d'eau s'immissent entre les molécules d'amylopectine, faisant progressivement gonfler les grains d'amidon.

Cela correspond à l'épaississement du liquide dans les sauces  : pensons aux veloutés, notamment à la sauce blanche.

Mais il est vrai que si l'on poursuit trop longtemps la cuisson, et si l'on mixe, notamment, alors la sauce qui était épaisse se refluidifie : la raison en est que les grains d'amidon ont été dégradés perdant leur capacité d'occuper tout le volume de l'eau. Donc oui, les grains d'amidon ont une certaine fragilité.

lundi 10 novembre 2025

Dissolution ou évaporation, est-ce la même chose ?

Dissolution ou évaporation, est-ce la même chose ? Cette question vient d'un commentaire dans un de mes blogs je ne me souviens pas de la teneur complète du message transmis, mais quand je reprends la question, il y a une évidence à répondre que non, la dissolution n'est pas la même chose que l'évaporation. Je ne me replonge pas dans le commentaire et je profite surtout de l'occasion pour discuter ces deux phénomènes parce que je sais qu'il y a nécessité de le faire, certains amis réclamant ce genre d'explications.

Commençons donc par la dissolution. Dissoudre un corps dans un liquide, c'est placer ce corps de telle façon que l'on obtienne ensuite une solution plus ou moins diluée, plus ou moins concentrée.

Mais les définitions sont toujours bien compliqué et il vaut mieux des exemples.

Si l'on part d'eau liquide et qu'on ajoute une cuillerée de sucre, on voit que rapidement, surtout si l'on remue le liquide, le sucre disparaît.

Pour interpréter ce phénomène, la microscopie ne suffit pas :  elle montrerait comme l'œil nu que les cristaux de sucre ont disparu et l'on ne verrait rien de plus, puisque l'eau, au microscope optique en tout cas, n'apparaît que comme de l'eau  à l'œil nu.

Il faudrait un microscope beaucoup plus puissant pour comprendre que l'eau est faite d'un ensemble d'objets tous identiques et tous en mouvement : des molécules d'eau. Leur diamètre est de l'ordre du dixième de milliardième et leur vitesse est de 400 mètres par seconde en moyenne.
Les molécules d'eau sont séparées par environ deux ou trois diamètre moléculaire

D'autre part, un cristal de sucre est fait d'objets tous identiques, des molécules de saccharose, empilées régulièrement, comme des cubes bien rangés.

Quand on ajoute du sucre dans l'eau, les molécules d'eau heurtent la surface des cristaux de sucre, en détachent les molécules de saccharose, qui vont alors se disperser parmi les molécules d'eau.

Et c'est ainsi que le sucre finit par se dissoudre. Il en serait de même pour des cristaux de sel, par exemple, ou pour une goutte d'éthanol pure, liquide que l'on ajouterait  à de l'eau

L'évaporation, maintenant ? Partons encore de l'eau, puisque c'est un liquide familier :  laissons un verre de ce liquide pendant un certain temps, à l'air libre.
On verra que le niveau du liquide baisse progressivement dans le verre jusqu'à ce que tout le liquide disparaisse.

Ce phénomène est le même que la disparition de la pluie sur le sol. Cette fois il y a eu une évaporation, ce qui signifie que l'eau qui était liquide est partie en phase vapeur.

Là encore, avec un microscope ultra puissant,  on serait intéressé de regarder la limite entre l'eau et l'air. À chaque instant, les molécules d'eau les plus rapides de l'eau liquide quitteraient cette dernière pour aller dans l'air : l'eau s'évapore.

D'ailleurs, si l'on fermait le verre hermétiquement, alors l'évaporation atteindrait au stade ou inversement d'autres molécules d'eau qui étaient dans l'air repasseraient dans l'eau liquide, et s'établirait ainsi un équilibre, avec une certaine proportion d'eau liquide et une certaine proportion vapeur. Cette proportion dépend de la température et la pression de la vapeur saturante.

J'ajoute que c'est un équilibre dynamique  : à tout instant, il y a autant de molécules d'eau qui passent de l'état liquide à l'état gazeux et inversement.

Enfin, il faut signaler que l'ébullition n'est pas l'évaporation : certes, il y a de l'évaporation dans l'ébullition, mais cela ne se produit qu'à 100 degrés, dans les conditions habituelles de pression.

On le voit donc finalement, pas grand rapport entre la dissolution et l'évaporation

Questions and answers

 1. What was one of the earliest experiments or discoveries that truly changed your understanding of how cooking works?
The very first experiment that changed my life was the 16th of March 1980. It was about a cheese soufflé, and it was said (written by chefs) to add the yolks two by two. I put the yolks all together and the soufflé was  a failure. The next Sunday, I repeated the soufflé, and I decided to add the yolks one by one, and it worked. So that the next day (24), I stayed at home (I had a lab since I was 6 years old), and I took the decision of collecting culinary tips and to test them experimentally. This was the beginning of everything.
Later there were many important steps, such as when I met Nicholas Kurti and we began collaborating (1986), when we decided to create the scientific discipline that we called "molecular and physical gastronomy", when we organized the first international workshop (1992), but also when I introduced "synthetic cooking/note by note cuisine" (1994), when I invented "chocolate chantilly", when I first uncooked" eggs (1987 probably), when we decided (1999) with Pierre Gagnaire that I would give him one "invention" per month so that he would be the first in the world to get them.
And so many other stories.

2. After decades of pioneering food science, what discovery or project are you most proud of?
I am never proud, because it's  useless. And I am never considering what I did, except analyzing the mistakes that I did, in order to improve. On the other hand, I have MANY questions in front of me. For example, those days, I am very interested by the colour change of carrot stocks and of coffee, which have kind of the same evolution. Or I am very interested by the mysterious effect about hollandaise that fail and can be recovered using water, with a spontaneous emulsion. I am very interested by the browning of meat, as I have the feeling that protein pyrolysis is much more important than said in the past.
Theoretically, I have to "calculate" complexity of dishes, for example, but also I have a general theory of "exchanges" to build. And so on with wonderful questions !

3. Molecular gastronomy has inspired chefs worldwide, how do you feel about its evolution across different cultures?
Indeed, yes, the science named "molecular and physical gastronomy" was very important for the improvement of culinary art and technique, and this is fine. In the past, some chefs feared that it would uniformize culinary arts of various countries, but of course there was no fear to have, as it was demonstrated. But now the most important steps for chefs are :
1. synthetic cooking/note by note cuisine : here again, food cultures will have to "acclimatate" the new technique
2. I dream that cooking to be performed while seated, in a quiet environment, with no heat, no noise, no physical stress, and this should be a result of improving the techniques (and when chefs will be very easy with techniques, their mind will be more available for art)
3. I made a book whose title is "Cooking : it's love, art and technique". The love component of cooking was not studied enough, and we have to do it. I would add that the issue is less the environment (the atmosphere, the lights, the noises, etc., the spectacle) than the food: I always think about the intrinsic part of cooking rather the extrinsic, otherwise it's no longer cooking, but show, and this is another story

4. You’ve worked closely with universities and research institutions, how important is academia’s role in advancing gastronomy?
After publishing the Handbook of Molecular Gastronomy (~ 900 page), which was a success, the publisher asked us to make another book with recipes. This is in progress, but in all chapters (by chefs), we ask them about their collaboration with engineers, scientists... The universities are very important for helping the chefs communities of the various countries, and for decades  I have been trying to create "molecular gastronomy groups" in universities and research institution, to create seminars of molecular gastronomy, so that all chefs of the world would benefit from the advances of science and technology.
5. Sunway Le Cordon Bleu integrates sustainability through a Plant-Based Culinary Arts programme. How do you think molecular gastronomy can contribute to a more sustainable food system?
Indeed imagine that we train someone about science and technology, and that the person goes in the industry (including restaurants). After some time, this person can observe that theoretical information is needed to go further, and he/she should be able to come back to the universities, so taht the academia can work on the question and produce the needed theory. Moreover, I say for decades that the culinary technique is very fruitful in terms of scientific questions that academia can study for its own benefit: making science, looking for new objects of the world, new phenomena, new mechanisms.

6.                   What advice would you give to culinary students or young chefs who wish to explore food science and innovation?

I repeat the cooking is love, art and technique. For sure, one has to learn the technique. But a more important question is to study "art": this means dealing with the "beauty" of food in terms of flavour; for sure, appearance is important, but the most important is in the mouth. How can we make something "good" (= beautiful to eat) ?

And as said the most important question to study is love: how can food say "I love you" to the guests.

Food scienceS (mind the plural) are important because they produce knowledge that the students and chefs can use. Indeed I envision that a new category of professionals can be in the middle, between science and chefs: these "technologists" would have the burden to translate scientific information into practical information or techniques. With Pierre Gagnaire, it's me (a scientist, not a technologist) who takes time for this, as he is my friend, but I should not, because it takes time from my scientific research. But one has to show the way, isn't it?

Coming back to your question, my advice to students and chefs is : think intrinsically, work, focus, don't forget that "we are what we are doing", favour quality, and do what you love with passion.

dimanche 9 novembre 2025

Peut-on faire rebouillir de l'eau

 

Dans les commentaires de mon blog, il y en a un qui évoque le fait qu'il serait dangereux de faire bouillir de l'eau que l'on a fait bouillir précédemment... et il y a là une question bien intéressante non pas par son contenu proprement dit, mais plutôt par le mécanisme intellectuel qu'elle révèle.

L'idée que l'on a transmise à mon interlocutrice est en réalité de la pensée magique, un  type de on-dit qui court les rues.

Il ne faut pas y perdre trop de temps, mais  prendre un peu de recul,  s'accrocher à beaucoup de rationalité.

L'eau, quand elle est pure, c'est un ensemble de molécules toutes identiques animées de mouvement analogues à ceux des boules de billard, s'entrechoquant sans cesse. La distance entre deux molécules et de l'ordre de quelques diamètres moléculaires, et la vitesse moyenne et d'environ 400 m par seconde à la température ambiante.
Cette vitesse varie avec la température : plus il fait chaud et plus les molécules sont rapides.
Il faut ajouter que dans un échantillon d'eau, il y a des molécules plus rapides que d'autres : toutes les possibilités de vitesse existent, et c'est bien un ordre de grandeur de la vitesse moyenne que j'ai donné précédemment.

Pour l'eau du robinet maintenant, c'est la même chose mais il y a, au milieu des molécules d'eau, en très petite quantités, des ions.
Il suffit de regarder au dos d'une bouteille d'eau minérale pour en voir la liste : calcium, sodium, chlorure, sulfate, et cetera.
Enfin, dans l'eau, il y a des gaz dissous parce qu'il existe un équilibre entre les molécules dans l'air et les molécules de l'air dans l'eau.
Ce sont ces gaz qui sortent de l'eau que l'on  chauffe dans une casserole:  on commence par voir des bulles se former au fond de la casserole, avant l'ébullition.

Quand on fait bouillir de l'eau, on augmente la vitesse des molécules et certaines peuvent s'échapper sous la forme de vapeur. Les ions que j'ai évoqué, restent dans l'eau, se concentrent en proportion de l'eau qui est évaporée. Et c'est ainsi que l'on obtient le sel dans les marais salants par exemple.

Quand l'eau qui bouillait refroidit, les vitesses des molécules diminuent, et l'on retrouve le même tableau qu'initialement.

Évidemment, si le récipient où on a chauffé l'eau laisse passer dans cette dernière un peu de sa matière, alors l'eau que l'on retrouve n'est pas la même que précédemment.
Par exemple des bassines en cuivre peuvent libérer des ions cuivre, et des casserole en cuivre étamé laisseront passer des ions étain, mais avec de l'acier inoxydable, qui eest donc... inoxydable, l'eau que l'on retrouve après l'ébullition est la même qqu'avant.

J'entends certains qui critiqueront cette rationalité, qui me diront que la science évolue sans cesse et que l'on découvrira peut-être un jour que cette description est complètement fausse. Je n'oublie pas ce délire que fut la théorie de la mémoire de l'eau, largement réfutée, mais qui trouve encore quelques adeptes complotistes...
Ne cédons pas à la pensée magique !

Il y a, à ce propos de la description au premier ordre que je viens de faire pour l'eau qui bout, la même question que pour un circuit électrique : on aura beau faire, on aura beau améliorer les théories scientifiques, pour un simple circuit avec une résistance et une source de courant électrique, la loi d'Ohm reste vraie au premier ordre et elle le restera toujours.

 Oui, la chimie raffinera sa description de l'eau, et elle ne cesse de le faire, mais on continuera à expliquer les phénomènes à peu près tel que je viens de le faire.
 
 En tout cas, à choisir entre cette rationalité et la pensée magique qui imagine l'intervention d'anges et de démons à tout bout de phénomène, je préfère une pensée rationnelle et efficace, validée par les faits expérimentaux

samedi 8 novembre 2025

Quelles connaissances scientifiques pour inventer le chocolat chantilly ?

 

Quelles connaissances scientifiques sont-elles nécessaires pour inventer le chocolat chantilly ?
Voilà une question intéressante et à laquelle il est difficile de répondre.

Si on se limite à l'événement réel de l'invention, en 1995, il y a lieu de savoir que je m'étais intéressé à la description de la formation de la crème chantilly et que j'ai voulu généraliser cette dernière à d'autres matières.  

Je savais que la crème est une émulsion... ou plus exactement je croyais savoir que la crème est une émulsion, ce qui n'est pas vrai, mais j'y reviendrai.
Je savais que les émulsions sont faites de deux liquides non miscibles, à savoir en l'occurrence de l'eau et de la matière grasse.

Je croyais aussi savoir que la crème chantilly est une émulsion foisonnée, avec  de l'eau de l'air et de la matière grasse. Oui, je le croyais le savoir parce qu'à froid une partie de la matière grasse est solide, de sorte que ce n'est pas une émulsion mais une suspension.

Mais qu'importe, je savais aussi que à froid, la matière grasse du chocolat recristallise, durcit à froid, ce qui pouvait stabiliser les bulles d'air.

Et c'est ainsi que j'ai eu l'idée de faire d'abord une émulsion, pour de foisonner cette dernière.

Comme je l'ai dit, cette description est fautive, mais le résultat a été obtenu.

Voilà pour l'invention initiale mais en réalité, dans le Cours de gastronomie moléculaire numéro 1, en présentant des catégories d'innovations, je montre bien que l'on aurait pu arriver à cette invention de plusieurs manières. C'est pour chacune de ces manières, des connaissances particulières auraient été nécessaires.


Je n'épiloque pas de ce de ce point de vue, parce que je me rends compte qu'en réalité, c'est plutôt la curiosité, l'envie de faire autre chose, cette envie de ne jamais être dans la boîte, qui a conduit au chocolat Chantilly et à bien d'autres de mes inventions, et c'est là en quelque sorte une connaissance scientifique. La science en effet veut réfuter les théories et non pas les confirmer, elle fonctionne par un mécanisme qui est le suivant : "si la théorie était juste, alors je pourrais prévoir que",  et l'on fait alors l'expérience pour tester la prévision.

C'est bien cela qui s'est produit quand j'ai inventé le chocolat chantilly en 1995, et cette idée est en quelque sorte une connaissance scientifique, quelque chose de bien plus fondamental que la connaissance des émulsions, parce que c'est ce questionnement là qui pousse à obtenir les autres connaissances et non pas plutôt l'inverse.

vendredi 7 novembre 2025

La question la transmission : pourquoi j'y passe du temps

 

Un journaliste m'interroge à propos de mon engagement dans la transmission, qu'il s'agisse de vulgarisation scientifique à l'attention du public général ou des étudiants, des élèves...

Je réponds que tout cela prend du temps sur ma recherche scientifique et que c'est en quelque sorte bien malgré moi que je me livre à ses transmissions, que je cherche pourtant à faire bien selon le bon principe que tout ce qui mérite d'être fait mérite d'être bien fait.

La vraie réponse est de nature politique : j'ai décidé il y a plus de 25 ans que je ne me tiendrai plus au courant des "actualités", ni les journaux, ni radio ni télévision ni internet,  parce que je considère que cela est en quelque sorte inutile : je sais parfaitement qu'il y a dans le monde des guerres, des tyrans, des épidémies, des catastrophes naturelles, des crimes, et cetera... et de toute façon, il est bien impossible de ne pas être au courant quand nos proches nous informent.

Et tout ce temps épargné, je l'investis dans une action politique qui est celle de la transmission.

Je considère en effet que j'ai une chance extraordinaire de pouvoir faire de la recherche scientifique, et c'est une sorte de remerciement que cet engagement politique dans la transmission.

Alors oui, cela me prend du temps... et au fond pas tant que cela car voulant faire bien, j'ai aussi appris à vouloir faire efficace et les moyens modernes nous permettent de l'être bien plus que par le passé : aujourd'hui, on peut dicter et voir ses paroles écrites directement.

De sorte que l'exercice consiste plutôt à mieux penser, à organiser son discours par avance.
Et là, il y a la question de la construction du discours qui n'est pas si éloignée que cela de la réflexion scientifique : il s'agit de bien manier les concepts, de bien les penser, de bien les réfléchir bien, de bien les enchaîner et le travail est en quelque sorte le même.

Bien sûr, il n'y a pas les mêmes objets, ni l'expérimentation, ni l'aspect mathématique (il faudrait dire calculatoire) mais il y a ce raisonnement qui est essentiel, cette réflexion, cet apprentissage de l'autocritique.

Pour l'enseignement, je ne cesse de penser à  Emil Borel, qui faisait sa recherche pendant ses cours, faisant prendre ces derniers en notes par des élèves, avec qui il publiait le livre du cours. Aucune perte de temps !

Sans compter que, quand je parle, quand j'écris, c'est l'occasion de surveiller ce que je dis, d'être à l'affût de ma propre pensée !

jeudi 6 novembre 2025

S'accrocher à un sens bien défini des mots ?

 Dans les commentaires de mon blog, il y en a un qui dit que ma volonté de m'accrocher à un sens unique des mots n'est pas tenable.

Cela me fait sourire car plus j'explore cette question, plus je crois au contraire qu'elle est tenable et utile.

Je me réfère souvent à Antoine Laurent de Lavoisier qui disait que la science s'intéresse aux phénomènes et que les phénomènes sont maniés intellectuellement à l'aide des mots, de sorte que,  disait Lavoisier,  on ne pourra pas perfectionner la science sans perfectionner le langage et vice et versa.

De fait, il y a toujours eu en sciences l'introduction de mots nouveaux.

Par exemple c'est Faraday qui a introduit les mots cathode, anode, électrode, et d'autres.

Et d'autres scientifiques ont introduit de nouveaux mots pour de nouveaux concepts.

Ce que je sais aussi, c'est que les mots ont éventuellement une connotation mais qui se distingue que leur signification.

Je sais aussi qu'ils ont une étymologie et que l'on a tout intérêt à être en phase avec cette dernière sans quoi on construit de drôles de chimères.

Je suis de ceux qui revendiquent que le mot rutilant signifie rouge et non pas brillant, le rutile étant un minéral rouge.
Je suis de ceux qui proposent de penser que la sophistication est du frelatage, car que mon interlocuteur le veuille ou non,  on parle bien de la sophistication des vins.

Je suis de ceux qui font la différence entre les gourmets et les gourmands, parce que je sais que les gourmets sont une profession assermentée de professionnels qui vont choisir le vin pour les négociants.

Je suis de ceux qui font la différence entre la rémoulade, où la moutarde est tensioactive, et la mayonnaise...

Bref, je suis de ceux qui pensent que la bonne monnaie doit chasser la mauvaise et que ce n'est pas une sorte de laxisme paresseux qui fera grandir nos  amis.

mercredi 5 novembre 2025

Comment éviter aux oignons de brûler ?

 Comment éviter des oignons de brûler ?

Pour répondre à cette question, je crois qu'il suffit de savoir que tant que de l'eau est présente dans une casserole, la température n'augmente pas au-delà de 100 degrés, et l'oignon ne brûle pas.

De fait, des oignons sont des tissus végétaux emplis d'eau et si l'on chauffe doucement, l'eau qui s'évapore limite la température à 100 degrés et les oignons de brûlent pas.

Cela correspond aux observations que je fais quand je cuisine : je peux chauffer très longuement des oignons qui ne brûlent jamais à condition que le feu soit suffisamment doux pour que l'exsudation de l'eau soit plus rapide que son évaporation.

D'ailleurs, c'est le même phénomène qui commande le brunissement des viandes que l'on fait sauter : si l'on chauffe doucement, la viande se contracte, ce qui fait sortir le jus et limite la température à 100 degrés, auquel cas la viande ne brunit pas.

Mais si l'on chauffe plus vite, alors l'évaporation de l'eau qui sort de la viande qui se contracte est plus rapide que la sortie de cette eau, et la température peut augmenter  :  j'ai mesuré jusqu'à 360 degrés sous un steak.

Dans un tel cas, la  viande brunit évidemment !