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mercredi 13 août 2025

Comment faire de la meilleure science ?

 
Ah, voilà une difficile question ! Et, surtout, a-t-elle un sens ? Car on ne doit jamais oublier que les mots ne correspondent pas toujours à des réalité : pensons à "carré rond" ou à "père Noël".

Commençons simplement par "faire de la science" : en réalité, cela signifie "faire de la recherche scientifique".

D'autre part, sans perdre une seconde, n'oublions pas que le mot "science" est trop large, et que l'on parle aussi bien de "science du coordonnier" ou de "science du maître d'hôtel", au sens de savoir, que de "sciences de la nature", pour désigner ces activités très particulières que sont la chimie, la physique, la biologie... que je distingue des sciences de l'humain et de la société : sociologie, psychologie, géographie, histoire...

Enfin, il y a l'adjectif "bonnne", ou "meilleure" ? Cela vaut la peine de commencer par "bonne" : que serait une "bonne science de la nature" ? Il y a mille façons d'interpréter l'adjectif, mais  par exemple :
- faire activement de la recherche scientifique
- faire éthiquement de la recherche scientifique
- obtenir des résultats, c'est-à-dire faire des découvertes.

Dans la dernière acception, faire de la meilleure science serait avoir plus de chances de faire des découvertes, faire plus de découvertes qu'on n'en ferait autrement.

En conservant à l'idée qu'il y a de grandes et de petites découvertes, des découvertes plus ou moins "importantes", nouvel adjectif épineux auquel se frotte chaque année le jury du prix Nobel : comment évaluer l'importance d'un travail ? Souvent, c'est au rayonnement des travaux que l'on se raccroche, et pourquoi pas, au fond ? Mais il y a aussi les solutions à des questions difficiles (la chiralité des sucres, le boson de Higgs, etc.).
Et puis, pour les sciences de la nature, il y a tout à la fois les objets du monde, et les théories qui les décrivent, au moins pour ce qui concerne la science, et non pas ses applications.

Revenons à ce "meilleure", qui -je ne l'ai pas dit- se posait à propos de l'introduction de l'usage de l'intelligence artificielle dans la pratique de la recherche scientifique. Cet usage permet-il de faire plus efficacement des découvertes ? En tout cas, il y aura lieu de ne pas confondre la pratique scientifique et sa communication... puisque tout ce billet est en réalité motivé par la publication d'un intéressant article de la revue science : One-fifth of computer science papers may include AI content, que l'on trouve ici : https://www.science.org/content/article/one-fifth-computer-science-papers-may-include-ai-content?utm_source=sfmc&utm_medium=email&utm_campaign=ScienceAdviser&utm_content=lifeacademic&et_cid=5694877


mardi 12 août 2025

Une sauce vierge ?

 Hier, on m'a parlé de "sauce vierge"...  et je me suis aperçu que cette sauce ne figurait pas dans le Glossaire des métiers du goût.  D'où sort-elle ? 

Une consultation de wikipédia m'a montré toute l'insuffisance de l'article qui lui était consacré, et cela m'a conduit à faire une recherche approfondie. 

Bien m'en a pris,  car ce qui était écrit était très faux. Notamment les références à des textes pourtant contemporains étaient erronées, et les références à des textes plus anciens étaient complètement inventées. 

Dans de tels cas, je publie le résultat de mes recherches dans les Nouvelles gastronomiques, et surtout depuis quelque temps, dans le Glossaire des métiers du goût, où toute les entrées sont référencées : cela fait toute la différence ! 

 Évidemment, il faudra également corriger wikipédia en espérant que ces derniers acceptent les modifications. 

En bref pour le cas présent : 

1. oui Michel Guérard a bien publié une "sauce vierge" faite essentiellement de dés de tomates et d'herbes ciselées avec de l'huile de paraffine;

2. mais non, la sauce vierge n'a jamais été une sauce traditionnelle faite de beurre et de citron battu. D'ailleurs,  même le Guide culinaire qui se laisse pourtant fréquemment à inventer des dénominations complètement illégitimes ne donne pas trace d'une telle sauce. 

Dans l'entrée wikipédia il y a une référence à un auteur anglo-saxon : bizarre, pour une sauce classique et traditionnelle française  !

lundi 11 août 2025

À propos d'enseignement de la chimie

La chimie est la science de la nature qui s'intéresse aux transformations de la matière, et plus exactement à leur interprétation en terme de réarrangements d'atomes, ce que certains nomment des réactions chimiques. 

Déjà dans cette description, on voit qu'il y a lieu de passer du macroscopique à cette échelle de l'atome, et comme nous ne voyons pas les atomes, il y a le risque que notre science paraisse bien abstraite. 

Bien sûr, il y a  la possibilité de se réfugier dans l'expérimentation, mais ce n'est guère satisfaisant, car il faut alors faire un pont entre le discours que l'on tient et les phénomènes que l'on observe. D'autant que l'expérimentation n'est pas aussi féconde que la théorie qui met de l'ordre dans cette dernière. 

Reste que la chimie moderne a le recours constant à deux types de formalismes : le formalisme "atomique", avec la représentation des atomes par des lettres et la construction de formules à l'aide de ces dernières, et le formalisme algébrique avec des équations pour caractériser quantitativement des phénomènes que l'on a décrits ainsi par des formules. 

Hélas, là encore, cette manière reste abstraite, et il s'agit de rendre les choses plus "concrètes" pour nos étudiants. 

Une solution consiste à ne pas s'arrêter aux lettres tracées sur le papier mais à donner corps aux formules : en les représentant par des barres et des boules, ou par des nuages de points, et cetera. 

Evidemment, ces représentations, qui sont pourtant le fruit de calculs extrêmement précis, sont un peu trompeuses et les véritables molécules ne sont pas ces objets en couleur que nous représentons  : il y a lieu de savoir interpréter ces images, de les décoder. 

Un volume dans une représentation moléculaire :  de quoi s'agit-il ? Une couleur  : de quoi s'agit-il ? Il y a donc lieu d'inviter les étudiants à manier beaucoup ses objets, à les examiner longuement, à les "contempler", à les analyser, à les décoder, et la familiarité viendra à bout de l'abstraction.

dimanche 10 août 2025

Les évidences en cuisine ? Elles changent avec le temps, mais il reste à faire !

Lisant les épreuves de mon prochain livre (Inventions culinaires/gastronomie moléculaire, Editions Odile Jacob), où je présente des recettes qui font usage des inventions que j'ai produites ces dernières décennies, je vois un amusant mélange de propositions qui sont devenues évidentes et d'autres qui n'ont pas réussi à percer. 

Par exemple, aujourd'hui, personne n'a plus de réticence à produire une sauce de type gay-Lussac, à savoir un velouté foisonné. Pourtant, quand j'ai fait cette proposition, il n'y avait rien de cela dans le répertoire culinaire. 

De même, mon œuf parfait, à 65 degrés, est maintenant partout, et l'originalité en est bien émoussé. 

En revanche, peu de cuisiniers font des würtz, des liebig, des beurres chantilly, et cetera :  il y a toute une série d'inventions, pourtant anciennes, que je n'ai pas réussi à faire connaître. 

Sans doute parce que je ne m'en suis pas donné les moyens :  je préfère la recherche à la communication. D'autant qu'il s'agit là de cuisine et non pas de chimie, qui est ma véritable activité. 

De surcroît,  j'ai fait beaucoup de mes inventions un peu en claquant des doigts, ce qui aggrave le cas, car je suis de ceux pour qui les résultats ne sont un peu intéressants que quand ils ont demandé des efforts. 

Par exemple, il ne me viendrait pas à l'idée de promouvoir la solution, applaudie pourtant par mon ami Pierre Gagnaire, qui consiste à mettre des cristaux de sel dans de l'huile pour les protéger de l'eau.
Pour Pierre, c'est une invention merveilleuse mais, de mon côté, j'aurais pu la faire à l'âge de 10 ans et je me vois mal promouvoir largement une telle idée, prendre de mon temps précieux pour faire cette promotion. 

Alors, une fois n'est pas coutume : dans ce prochain livre, je présente 46 inventions, exposées en 120 recettes. 

Dans toutes les pages, j'essaie de rendre service à mes amis cuisiniers, amateurs ou professionnels. J'essaie de présenter des idées nouvelles sous une forme appétissante et digeste, parfaitement claire, car en cuisine comme pour l'écriture d'un livre, il faut faire des proposition admissibles, dans leur contenu comme dans l'exposé de ce dernier. 

vendredi 8 août 2025

Proposons des activités scientifiques

 Discutant avec un ami biologiste, j'ai appris qu'il avait eu, comme moi, une boite de chimie quand il était enfant, et que sa passion pour les sciences étaient née de ce cadeau reçu. Un "cadeau" qui ne se limite pas à la matérialité de la boite, mais surtout à la découverte d'une activité merveilleuse. 

En comparant nos deux développements, j'ai quand même constaté que j'avais eu en quelque sorte plus de chance que lui, parce que, habitant près de Paris, je pouvais aller régulièrement (les jeudis après midi et les samedi) dans cet extraordinaire Palais de la découverte... où il y avait surtout une bibliothèque : notre amour des sciences s'activait des expériences proposées au Palais, et l'on avait ensuite la possibilité de consulter des livres qui poursuivaient, prolongeaient cette envie. 

D'autre part, alors que la boite que j'avais reçue était médiocre, il y avait une caractéristique remarquable, à savoir qu'elle comprenait une petite  lampe à alcool et quelques tubes en verre : les premières activités proposaient consistaient à couder les tubes et à les effiler... de sorte que, quand on soufflait ensuite dans la flamme avec un tube coudé et effilé, on produisait un chalumeau, avec une flamme bien plus chaude, parce que focalisée, laquelle permettait des opérations qu'on n'aurait pas pu faire autrement. En quelque sorte, la boite avait un "germe", une "graine" qui ne demandait qu'à se développer. 

 

Quelle chance ! 

jeudi 7 août 2025

Comment chercher du travail

 Comment chercher (et trouver) du travail ?


1. Les faits

1. Un membre de notre Groupe, intelligent, modeste, travailleur, a cherché du travail pendant un an, après avoir reçu son diplôme d'ingénieur... mais il s'y est très mal pris : il s'est contenté de déposer des CV sur des sites.

Il m'a fait penser à ceux qui appellent naïvement au téléphone une seule fois quelqu'un d'occupé et qui laissent un message, attendant qu'on les rappelle ; et il me fait aussi penser à ceux qui envoient naïvement un email dans le vaste monde, à quelqu'un qu'ils ne connaissent pas.

Ils omettent que les gens occupés sont... occupés et qu'ils ont autre chose à faire que rappeler un inconnu : il faut savoir que, quand on reçoit  100 emails par heure (oui, tu as bien lu) et que l'on n'a pas réussi à répondre à certains messages d'il y a 4 ans, un message d'un inconnu pour une affaire qui n'est pas urgente glisse en bas de la pile.  

Bref, un membre de notre Groupe de gastronomie moléculaire a cherché du travail, et il n'en trouvait pas, mais... il s'y prenait mal... et il ne m'avait même pas demandé de lettre de recommandation !


2. Autre exemple : un membre de notre groupe a postulé à des emplois en province, alors qu'il voulait rester à Paris. Je  vous assure, pour avoir été de l'autre côté de la barrière, que cela est aussi naïf que de vouloir faire croire à un examinateur que l'on sait quelque chose que l'on ne sait pas. L'examinateur s'en aperçoit aussitôt, et il comprend, de surcroît, que son interlocuteur n'est pas honnête : c'est une  très mauvaise stratégie (malhonnête, de surcroît  !).


3. Quand j'embauchais des rédacteurs scientifiques, à la revue Pour la Science, j'émettais des offres d'emploi pour des personnes ayant une thèse en physique ou en chimie :
- sur 300 candidatures, 250 allaient à la poubelle parce qu'elles contenaient des fautes d'orthographe (quand même, quand on postule à un poste où l'écrit est essentiel !) ;
- sur 50, qui restaient, 30 allaient au panier, parce que les candidats me disaient qu'ils seraient heureux de venir apprendre : moi, je voulais des gens capables, qui m'aideraient à tirer la lourde charrue, pas des boulets que je devais traîner ;
- sur les 20 qui restaient, je posais 5 questions :
         - quelle est l'idée de la théorie de l'évolution (programme de collège 5e : mutations, sélection des mieux adaptés à un milieu) ;
         - de combien l'Amérique et l'Europe s'écartent chaque année (programme de 5e : la vitesse de croissance d'un ongle, soit 10 cm par an) ;
         - qu'est ce que la réaction de Diels-Alder ? (programme de L1, en chimie)
         - combien d'accordeurs de piano à Paris (calcul d'ordres de grandeur)
         - qu'est-ce que l'équation de Clairaut ? (une des 5 façons de calculer des primitives, programme de Math Sup)
Et je n'ai jamais eu la réponse à mes questions ! Du coup, j'embauchais selon des critères différents, mais en étant quand même initialement déçu.


4. Toujours à la revue Pour la Science, j'ai un jour reçu une proposition de publier un manuscrit pour un livre de vulgarisation. C'était un texte impubliable, mais la personne s'était donné du mal, avait été au bout de son projet.
Et quand nous avons voulu embaucher quelqu'un, quelques mois plus tard, nous avons pensé à cette personne qui, au lieu de nous baratiner sur ses compétences, les avait démontrées.


5. J'ai un ami chasseur de têtes à Londres : il ne demande qu'une chose, c'est que les CV comportent la mention d'un accomplissement, d'une réussite bien établie (formellement), quel que soit le domaine, selon l'hypothèse que quelqu'un qui a fait quelque chose de bien une fois dans sa vie pourra se mobiliser une autre fois pour faire bien s'il est dans un cadre où il a envie de faire bien.

La conclusion s'impose :
- soit on a déjà fait quelque chose de "remarquable" (avec une vrai démonstration "officielle" ; par exemple, un concert d'un instrument, ou un prix à un concours, une médaille en sport, un diplôme supplémentaire, éventuellement sans rapport avec l'activité pour laquelle on postule), et il faut le mettre en valeur ;
- soit on n'a pas encore cela à son actif, et il est urgent de l'avoir, en creusant une activité qui nous plaît particulièrement, ou bien qui pourrait être utile à l'activité pour laquelle on postule (par exemple, on pourrait s'inscrire à une formation universitaire ou à un cours du soir en intelligence artificielle -et pas seulement s'amuser vaguement à utiliser chatGPT comme n'importe quel adolescent attardé-  alors que l'on postule pour un poste de formulation dans l'industrie alimentaire ; ou encore, ou pourrait rapidement suivre des cours de rhétorique alors que l'on vise une activité d'agent de brevet ou d'expert chimiste dans un service de réglementation dans l'industrie des parfums et aromatisants ; etc.)


6. Francis Crick, l'un des découvreurs de la structure en double hélice de l'ADN, était jeune physicien à Cambridge. Un jour, sortant d'un pub où il était avec des amis, il s'est aperçu que cela faisait plusieurs fois que, dans de telles circonstances, il parlait de biologie à ses amis. Il conclut que c'était donc ce qu'il aimait, et qu'il devait faire.
Il changea de recherche... et eut le prix Nobel quatre ans après.
Il a érigé cette idée en règle pour personnes hésitantes, sous le nom de tests du bavardage : il faut faire ce que l'on aime.
J'ajoute d'ailleurs que, souvent, ce que l'on aime est ce que l'on a fait adolescent avec beaucoup d'énergie. Et que si l'on fait professionnellement quelque chose que l'on aime, alors on a l'impression de ne pas travailler, d'être toujours en "vacances" (un mot que je n'aime pas parce qu'il a la même racine que vide, vacuité : moi, je veux m'emplir la tête, pas me la vider).


7. Un autre membre de notre Groupe de recherche était compétent, bien diplômé, et il cherchait du travail, mais avait passé une année sans trouver. J'ai appris cela par hasard... mais j'ai surtout appris que notre jeune ami, selon des conceptions politiques discutables, ne voulait pas se mettre en avant, ne se sentait pas le droit moral de "passer avant les autres".

Comment n'avait-il pas compris que, de l'autre côté de la barrière, si l'on reçoit 100 candidats, il faut en sélectionner un, et un seul, et que c'est celui qui "dépassera" que l'on retiendra ? J'ajoute que, quand on embauche quelqu'un pour son équipe, les compétences et le "potentiel" sont importants, mais il faut aussi que l'on ait de la "sympathie" pour l'impétrant (ce qui n'a pas pour conclusion qu'il faille se comporter en -faux- ami, lors de l'entretien).


8. Un des membres de notre Groupe avait passé sa thèse, et il cherchait du travail. Il avait suivi mes conseils précédents et, en conséquence logique, il avait obtenu des rendez-vous pour des entretiens d'embauche.
Le premier rendez-vous n'avait pas donné de résultat. Le deuxième non plus. Comme le troisième non plus,  nous avons pris du temps pour analyser en détail ses "prestations", et nous avons finalement observé (son analyse) qu'il avait manqué d'enthousiasme pour le poste postulé (et la vie en général).
Pour les entretiens suivants, je lui ai proposé d'analyser chaque fois, point à point, la manière dont cela se passait (avec un tableau, et un "soliloque", voir ce document). Progressivement il a réussi à identifier des comportements négatifs et positifs, en concluant surtout qu'il y avait lieu de montrer beaucoup de feu, d'enthousiasme sincère pour l'activité qu'il voulait (vraiment) exercer.
Après une année d'apprentissage il était vraiment "meilleur"... et il a été embauché. Il est aujourd'hui responsable de tous les laboratoires d'analyse d'un gros groupe pharmaceutique.
Cet exemple n'est pas isolé : deux autres membres de notre Groupe, dans des situations analogues, ont eu de difficiles débuts analogues, puis des trajectoires analogues.

Bref :
- Dieu vomit les tièdes
- on aime mieux une activité si on sait pourquoi on l'aime (et, d'ailleurs, on l'exerce mieux si on la comprend mieux).


2. Analysons

Il faut dépasser l'idée naïve selon laquelle les services de RH font leur travail.
Ou, plus exactement, ils font leur travail administratif, mais ils n'ont guère de temps pour s'intéresser à ta petite personne : ils reçoivent des milliers de demandes, et ta candidature passe complètement inaperçue.

En conséquence, ce n'est pas par eux qu'il faut passer, et il faut fonctionner différemment, se donner du mal (y mettre beaucoup d'énergie, pendant des journées entières, du matin au soir)  pour finir par identifier des personnes cibles, et identifier LA personne auprès de qui tu veux travailler.

Ensuite, deux solutions :
- soit tu fais intervenir autrui... mais c'est une mauvaise solution, parce que tu n'es pas autonome ;
- soit tu agis toi-même : mieux.

Surtout, en se reportant à ce qui est dans "Les Faits", on se remémorera ce qui a été attribué à Ford : "Ne me demandez pas ce que l'entreprise va faire pour vous ; dites-moi plutôt ce que vous voulez faire pour l'entreprise".
C'est cruel, et injuste, mais il y a un fond de vérité : si tu postules, c'est parce que tu te sents capables de contribuer.
Alors démontre-le !

Un corollaire : si tu postules pour une société, avec des compétences que la société a déjà, tu n'as guère d'intérêt pour la société, qui te prendra éventuellement pour emplir une case, prendre un poste, sans beaucoup d'espoir (et avec la perspective de devoir te former pour que tu puisses conduire la société à faire mieux qu'elle ne fait) ; bref, tu n'apportes guère à la société. Mais si tu a des compétences que la société n'a pas, alors tu es plus intéressant, parce que tu pourras immédiatement l'aider.
Par exemple, la maîtrise de techniques comme la chromatographie UV-visible est déjà partout, dans la plupart des sociétés  : difficile de faire penser à une société à laquelle on postule qu'on va lui être vraiment utile. Inversement, peu de sociétés savent utiliser la spectroscopie RMN, et elles ignorent même comment cela peut leur être utile. Donc se former en RMN semble être une bonne solution, non ?


3. Ma proposition, je ne veux en entendre aucune autre

Pour trouver du travail :
1. identifier une entreprise (je me répète : pas de lettres circulaires ! elles vont au panier) ;
2. identifier un secteur d'activités précis, dans l'entreprise ;
3. identifier un point particulier où tu pourrais apporter quelque chose ;
4. faire une lettre en proposant un travail que tu voudrais faire, en expliquant bien comment tu voudrais le faire et en quoi il peut être utile à l'entreprise à laquelle tu postule ;
5. accompagner ta demander d'un projet de développement industriel, structuré (une dizaines de pages minimum), pour montrer ce que tu es capable de faire.

Ne te fais pas d'illusion : ton projet ne sera sans doute pas retenu, mais tu auras montré, démontré même,  que tu es vraiment intéressé : je ne connais pas de responsable capable de résister à un tel investissement (si la capacité est bien présente, évidemment).
La lettre de motivation doit être ainsi structurée (et les entretiens aussi !) :
    1. votre société est merveilleuse parce que…. : cela suppose évidemment d’avoir vu précisément ce que fais la société, au point même d’avoir une idée de ce qu’elle ne fait pas (publiquement) et, donc, de ce qu’elle pourrait faire (voir point 4)
    2. voila ce que je sais faire : cela ne sert à rien de prétendre avoir des compétences que l’on n’a pas, et personne ne demande à un étudiant de savoir tout faire ; il faut être honnête (évidemment), mais précis, technique, et bien dire ce que l’on a fait (les interlocuteurs ne le savent pas) ; un bon conseil, montrer que l’on a été passionné par ce que l’on a fait !
    3. j’ai très envie de travailler chez vous parce que : ici, il faut se creuser un peu le cœur pour dire la vérité !
    4. j’ai eu une idée : je vous propose le développement suivant : ça, c’est le point le plus important, à mon avis, parce que jamais fait, et aussi parce que l'on « montre les dents du cheval », lesquelles ne trompent pas
        a. trouver une idée d’un développement possible en rapport avec la société (pas difficile de trouver une idée : il suffit de chercher activement ; sais-tu comment ?)
        b. faire un vrai projet industriel de développement, comme je vous ai montré de le faire, à savoir :

Objectif        
Analyse du problème        
Proposition de solution        
Détails pratiques de la mise en œuvre : agenda, rétroplanning, moyens nécessaires, étapes clé, etc.         
Evaluation        


En conséquence :
- je ne donnerai de lettre de recommandation  un peu personnalisée qu'à des personnes qui auront satisfait aux 5 critères précédents (surtout le 5).
- je ne transmettrai pas de CV dans le vide : cela ne sert à rien (ça dessert, même).



4. En conclusion

La règle essentielle est :  montrer que l’on est unique, et, surtout, que l’on est quelqu’un  qui serait un merveilleux collaborateur, parce qu’il apportera de l’aide, qu’il tirera efficacement la charrue que l’on espère commune.

Important aussi :
1. Montrer que l’on a des idées (des propositions de travaux utiles à l’entreprise où l’on veut travailler) pour alléger la charge de ceux que l’on rencontre et augmenter son succès (au risque de me répéter, tout est une question de travail).
2. Montrer de l'enthousiasme pour l'activité visée... ce qui peut se faire si l'on a soi-même compris pourquoi cette activité nous plaît.



Annexe :
Comment choisir un métier

Tu hésites sur le métier que tu veux faire ? Il y a d'abord le "test du bavardage" : ce qui nous plait, c'est ce que nous disons à nos amis (pour celles et ceux qui ne sont pas faibles au point de se laisser aller à parler du dernier film sorti, ou de toute autre poussière du monde.

Mais il y a aussi lieu de faire un tableau (attention : pas seulement cinq ou six cases comme ci dessous, mais beaucoup de lignes, et, surtout, beaucoup de texte à l'intérieur de chaque case, suite à une analyse serrée):


Activité/          Intérêt intrinsèque/           Intérêts extrinsèques/       Intérêts concomitants
Formulateur
Manager
Technico-commercial
Service qualité
...


Cette table doit être remplie sans fantasme sur les activités identifiées, et l'analyse doit être faite après examen précis  (rédigé, pas de baratin oral !)des diverses activités.
Quand je dis "sans fantasme", cela signifie que l'on doit avoir considéré le métier d'un point de vue pratique, concret, en cherchant ce que l'on fait du matin au soir, minute après minutes, et tous les jours de l'année.

Cela dit, il faut expliquer :
1. L'intérêt intrinsèque, c'est combien cette activité (pratique, sans fantasme) nous plaît. Par exemple, pour moi, la chimie a un intérêt intrinsèque absolu et, telle une plante verte sans lumière, je ne survivrais que difficilement sans en faire... mais j'ai des amis qu'elle ne fascine pas : à chacun d'y mettre la valeur qu'il veut (par exemple entre 0 et 10) ;
2. Les intérêts extrinsèques, ce sont : le salaire, la voiture de fonction, les tickets restaurants, la hauteur de la moquette, etc. : là encore, il y a des intérêts différents selon les personnes ;
Les intérêts concomitants : la reconnaissance sociale, par exemple. Idem.

Mais il faut ajouter immédiatement qu'il faut des "pondérations" pour chaque type d'intérêt. Par exemple, je suis de ceux qui pondéreraient Intrinsèque 90, Extrinsèque 10, Concomitant 0. Mais cela dépend de chacun.

En tout cas, l'idée, pour choisir un métier, consiste à mettre des "notes" dans les cases, puis à faire les totaux, en vue d'identifier l'activité que l'on "préfère".  

Si l'on a bien argumenté (pas un mot, mais au moins 2000 signes pour chacune des cases), alors on peut se déterminer.


La soumission doit comporter :
- des lettres de motivations
- des cv
- le projet industriel.

La lettre de motivation doit être ainsi structurée (et les entretiens aussi !) :
1. votre société est merveilleuse parce que…. : cela suppose évidemment d’avoir vu précisément ce que fait la société, au point même d’avoir une idée de ce qu’elle ne fait pas (publiquement) et, donc, de ce qu’elle pourrait faire (voir point 4);
2. voici ce que je sais faire : attention, cela ne sert à rien de prétendre avoir des compétences que l’on n’a pas, et personne ne demande à un étudiant de savoir tout faire ; il faut être honnête (évidemment), mais précis, technique (voir les RCC généraux et particuliers), et bien dire ce que l’on a fait (les interlocuteurs ne le savent pas) ; un bon conseil, montrer que l’on a été passionné par ce que l’on a fait !
3. j’ai très envie de travailler chez vous en particulier parce que : ici, il faut se creuser un peu le cœur pour dire la vérité !
4. j’ai eu une idée : je vous propose le développement suivant : ça, c’est le point le plus important, à mon avis, parce que jamais fait, et aussi parce que on « montre les dents du cheval », lesquelles ne trompent pas
        a. trouver une idée d’un développement possible en rapport avec la société (pas difficile de trouver une idée : il suffit de chercher activement ; sais-tu comment ?)
        b. faire un vrai projet industriel de développement, comme je vous ai montré de le faire, à savoir :
Objectifs        
Analyse du problème        
Proposition de solution        
Détails pratiques de la mise en œuvre : agenda, rétroplanning, moyens nécessaires, étapes clé, etc.         
Evaluation        

Bref, ici, il faut montrer que l’on est un ingénieur capable, pratique, intelligent, raisonnable…
Ne pas oublier qu’il existe des moyens de bien faire : Mind Mapping, Rétroplanning, etc. Il existe des feuilles « Comment » à ta disposition, et des logiciels gratuits en ligne.

Ne pas oublier :
    • des lettres de recommandation qui ne soient pas de l'eau tiède (rien de pire);
    • une lettre de motivation manuscrite (en français, souvent), et deux lettres de motivations dactylographiées (une en anglais, une en français) ; sans faute d'orthographe (!!!!!!!!!!!!) et pas de "Madame, Monsieur" en entrée;
    • les cv en français et en anglais (et svp, dans les "autres", pas de "voyages" ou "musique", comme on en trouve dans le cv de n'importe qui);
    • utiliser la liste de distribution « gastronomie moléculaire », afin de demander de l’aide à tous nos amis;
    • s’accrocher comme un morpion : quand on appelle quelqu’un, on n’appelle pas mollement une fois, mais dix fois dans la demi-journée ; quand on envoie un email, cela n’est rien et il en faut plein
    • supposons que la probabilité d’une réponse positive soit de 1 % ; si l’on envoie 100 cv, alors on a 1 chance d’être pris… sauf que les fluctuations statistiques sont que l’on peut tomber sur 0 ou sur 2. Il faut donc envoyer non pas 100, mais 1000 cv, pour avoir 10 réponses positives, soit entre 8 et 10 avec les fluctuations !
    







mercredi 6 août 2025

Expliquons clairement, en reprenant les choses à leur racine

Regardant hier la "méthode de Newton" pour la résolution numérique des équations algébriques, j'en vois des descriptions qui me satisfont pas. 

Non pas pour moi mais pour mes jeunes amis avec lesquels je voudrais partager mon émerveillement pour ce type de travaux. 

 

Et cela ne me satisfait pas... à commencer par le nom de "méthode", puisqu'une méthode est le choix d'un chemin. Or ici, il ne s'agit pas du choix d'un chemin, mais d'un procédé technique et l'on devrait donc parler de la technique ou du procédé de Newton. 

D'autre part, je ne sais pas où les personnes qui ont produit les explications que j'ai trouvées les ont cherché, mais finalement, je vois des agrégats embrouillés,  un peu incompréhensibles, qui me font penser à ces bidouillages des analyses par chromatographie en phase gazeuse. 

Expliquons  la question sur ces dernières. Très souvent, quand on fait une recherche bibliographique pour trouver une technique d'analyse d'un composé par chromatographie en phase gazeuse, on voit que les auteurs utilisent des mélanges de solvants compliqués, et qu'ils font varier avec le temps d'analyse, ce que l'on nomme des gradients. 

Pourquoi est-ce si compliqué ? Si l'on regarde mieux les références, on s'aperçoit que l'article que l'on avait trouvé initialement se fonde sur un article antérieur plus simple, et qu'il a adapté ce dernier pour sa propre question, compliquant la technique ; mais  l'article précédent a lui-même adapté un cas différent,  et ainsi de suite, si  bien que l'on a finalement  une sorte de Palais du facteur Cheval complètement baroque et finalement complètement incompréhensible. 


Il est bon de temps en temps de revenir à des idées simples  : à savoir que les composés sont solubles ou insolubles dans l'eau, par exemple. Il faut tout remettre à plat !

 

Pour la technique de Newton, c'est la même chose : il y a sans doute, initialement, une explication simple qui a été un peu transformée pour devenir finalement baroque. 

Pourtant les choses sont simples  :  veut-on un algorithme efficace pour mettre en œuvre cette technique ? Cela tient alors en quelques lignes. Ou bien veut-on une discussion mathématique de la chose, l'analyse des convergences, l'efficacité des mesures de l'efficacité, et cetera ? C'est plus long, et pour un autre public. Ou encore veut-on "comprendre" la méthode avant de la mettre en oeuvre ?  Auquel cas il suffit de quelques images. 

 

Bref, je crois qu'il y a d'abord lieu de se poser la question de l'objectif.

mardi 5 août 2025

Il faut transmettres des connaissances vérifiées

Alors que je viens de recevoir au laboratoire le vidéaste Jean Tertrain, passionné de cuisine, je m'aperçois que le discours que je lui ai tenu s'apparente en tous points à celui que j'ai développé la veille aux étudiants de l'université Rice  : dans les deux cas, pour être utile,  j'ai cherché à expliquer. 

À expliquer d'abord ce qu'est la démarche scientifique.
Puis à expliquer ce qu'est la gastronomie moléculaire et physique, puisqu'il s'agit d'une discipline scientifique et non pas une forme de cuisine. 

Mais évidemment, ayant présenté cela en pratique et en théorie, j'ai dû discuter la question de la "cuisine moléculaire", à la fois technique ou style culinaire (il s'agit d'utiliser des matériels modernes). 

Et comme la cuisine moléculaire est une chose ancienne, j'ai expliqué ce qu'est la cuisine de synthèse et la cuisine note à note, la première étant une nouvelle technique culinaire et la seconde étant un nouveau style issu de cette nouvelle technique. 

 

Dans les deux cas, face à notre ami de la chaîne Graille et face aux étudiants de l'Université Rice, je n'ai pas pu me résoudre à omettre des discussions sur la transmission des savoirs et, notamment, des savoirs techniques et artistiques. 

Il me semble que les mots s'imposent absolument et que les connaissances que l'on transmet doivent être assurées, vérifiées, référencées, sans quoi nous perdons toutes légitimité. 

A ce propos, un ami vient de me confier les résultats de deux questions qu'il avait posées à l'intelligence artificielle, notamment à propos du goût et à propos de la notion de précision culinaire : dans les deux cas, différents moteurs d'intelligence artificielle ont produit de très mauvais documents, accumulant les lieux communs, les erreurs, les approximations...  et ma conclusion de l'examen de ces résultats est que nous ne sommes pas prêt d'être remplacés dans ce que nous avons de meilleur. 

Oui, l'intelligence artificielle peut produire des données mais que valent-elles ? Le monde culinaire, la culinosphère, bruit également de rumeurs, d'informations étranges, mais celle-ci sont aussi peu référencées et aussi peu justes que celles que nous a fourni ChatGPT et ses copains. 

 

Bref il y a lieu de regarder le bleu du ciel plutôt que la frange du sol ; et,  mieux, il nous faut nous activer pour chasser les nuages et faire un ciel encore plus bleu qu'il n'est plus aujourd'hui.

lundi 4 août 2025

Un titre ?

Dans un article, il faut une introduction qui indique succinctement ce que l'on trouvera dans l'article. Alors pourquoi un titre qui aurait la même fonction ? 

De toute façon, le titre doit être plus court. Alors comment le penser ? Comme un affichage qui attire "de loin", alors que le chapô ou l'introduction doit indiquer plus explicitement, et guider. 

Mais, évidemment, puisqu'il y a une question artistique, on peut changer les règles :-)

dimanche 3 août 2025

A propos de soles Dugléré

Je sors étonné de mes recherches terminologiques, notamment après que j'ai voulu savoir ce qui était vraiment une sole Dugléré.  
Sous la plume de Jacques Divellec (en réalité, quelqu'un qui  a écrit pour lui), je trouve une recette où le nom de Dugléré est associé à une préparation à base de tomates, d'oignons, d'échalotes, de thym, de laurier : tout cela a un goût très précis. 
Mais comme le livre ne donne (évidemment !) pas de références,  je suis allé chercher ailleurs et j'ai trouvé une recette selon Jean-François Piège où il n'y avait cette fois que des échalotes et des tomates. Mais toujours pas de référence, et, surtout, un goût très différent de celui de la première recette. 
 
Qui croire ? Quelle est vraiment la sole à la Dugléré ? 
 
Comme Adolphe Dugléré était un élève de Carême qui avait vécu à l'époque d'Alexandre Dumas et d'Auguste Escoffier,  je suis allé consulter le Guide culinaire, qui, lui, devait savoir de quoi l'on parlait... et je n'y ai vue  que de l'oignon et de la tomate, pas de thym, pas de romarin pas d'échalote, etc. 
 
Je n'ai pas trouvé  la recette chez Joseph Favre, mais, pour une fois, je crois, comme dit précédemment, que l'on doit accepter la recette du Guide culinaire, car on imagine difficilement qu'il ait détourné la recette du vivant de celui qui l'a introduite et nommée. 
 
En conséquence, toute recette ayant des ingrédients différents n'est pas une sole à la Dugléré. Ce dernier, bel artiste culinaire, a certainement choisi, décidé, des goûts. De même qu'un peintre ne met pas du bleu quand il veut du rouge, de même qu'un musicien qui joue un do ne joue pas un sol, Dugléré a choisi l'oignon et la tomate, et il a choisi de ne pas utiliser de thym, de laurier, etc. 
 
Tout cela a des conséquences. Et la première, c'est qu'une sole différemment préparée n'est pas "à la Dugléré". D'autre part, il y a la question de l'honnêteté : de même que servir une sauce Périgueux sans la truffe serait trompeur, servir une sole Dugléré transformée serait déloyal, malhonnête, disons charitablement "négligent". 
 
Et comme le phénomène est général, il y a lieu d'y penser bien. Faut-il, pour cela, comparer les cuisiniers au peintres ou aux musiciens ? En peinture, il y a peu d'interprétation mais il y a surtout l'expression personnelle, éventuellement fondée sur des modèles. On pourrait peindre le Guernica de Picasso à sa propre façon  en voulant exprimer soi-même une idée personnelle,  comme on l'a fait pour la Vierge à l'enfant pendant des siècles. Et l'on pourrait nommer cela Guernica, mais ce serait le Guernica d'Untel. 
 
En réalité, comparer la cuisine à musique serait plus juste :  il y a une partition, composée par un compositeur, il y a ensuite des interprétations. C'est ainsi que les interprétations des variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach ne sont pas identiques quand elles sont faites par David Barenboim ou par David Fray. Aujourd'hui, les musiciens cherchent à ne pas trahir les oeuvres : il se réfèrent aux partitions originales, et pas aux partitions modifiées par des "petits marquis" hâtifs, négligents... Ils cherchent les indications de tempo, les ornements originaux, et ils ont raison, car une oeuvre est tout entière faite pour exprimer une idée, et chaque note a été choisie précisément à l'appui de l'idée que le compositeur voulait donner. Ce serait idiot, ou insensé au sens littéral du terme, de mettre un ornement là où le compositeur n'en a pas voulu, parce que l'idée artistique qui préside à toute la construction serait changée. L'oeuvre n'aurait plus de sens, elle perdrait son "intelligence artistique". 

En cuisine, je crois qu'il en va de même et j'avais été très choqué dans un restaurant étoilé tenu par une dynastie de cuisiniers de voir que le chef actuel servait un plat de son père en remplaçant le beurre par la crème : ce n'était plus là le plat son père, et il n'y avait d'ailleurs pas l'intelligence du plat initial ;  si son père avait décidé de la crème plutôt que du beurre ou du beurre plutôt que de la crème, c'est qu'il avait des raisons, et des raisons  en selon une idée, de tout bien harmoniser selon une idée artistique. 

Faire la cuisine, jouer de la musique, faire de la peinture, ce n'est pas accumuler des ingrédients, jeter des couleurs sur une toile au hasard, empiler les notes... Non, il s'agit au contraire de tout bien harmoniser selon une idée, une idée artistique. 

Pour revenir à notre sole Dugléré, comment nommer une recette qui, modifiée par un artiste culinaire selon une vrai idée artistique, différerait de la sole Dugléré ?  Pourrait-on trouver une dénomination pour indiquer que l'on n'a pas respecté la recette initiale ? On pourrait parler de sole "d'après Dugléré" :  cela aurait l'avantage de dire qu'il ne s'agit pas de la sole Dugléré, et que l'on vient après lui. Ou bien on pourrait parler de "sole Dugléré selon Untel",  ce qui aurait l'honnêteté de dire que Untel s'est inspiré de Dugléré. 

 

Bref, l'art culinaire mérite mieux que de laisser croire un peu déloyalement un peu trop paresseusement que l'on exécute les grands classiques  :  on les exécute, mais trop souvent avec le sens de l'exécution par un bourreau. 

 

Au fond, dans toute cette  question, il ne s'agit pas d'abord de faire, mais de réfléchir ! Et l'art culinaire le vaut bien

samedi 2 août 2025

A propos d'adjectifs

Naguère, je m'étais donné pour règle  de transformer en paramètre quantitatif chaque adjectif que je rencontrais, que j'émettais. Par exemple, au lieu de dire qu'une recette de cuisine était robuste, ou fragile, je proposais un indice de robustesse, afin de dire combien la recette était robuste, ou fragile. 

Tout cela était bel et bon... mais plus récemment, j'ai publié un article qui propose de ne utiliser ni adjectif ni adverbe, sauf évidemment quand ils sont indispensables, comme dans "onde électromagnétique". On trouvera cela dans : 

This vo Kientza H. 2023. Shall we get rid of adjectives and adverbs in scientific writing ? Not always. International Journal of Molecular and Physical Gastronomy, Editorial, 12, 1-5. 

Qui figure ici : https://icmpg.hub.inrae.fr/international-activities-of-the-international-centre-of-molecular-gastronomy/international-journal-of-molecular-and-physical-gastronomy/1-news/editorials/editorial-no-adjectives-no-adverbs 

 

Et voici le paradoxe : si nous n'utilisons plus d'adjectifs, comment les transformerons-nous en paramètres quantitatifs, utiles pour avancer dans la description quantitative du monde ? Nous avons scié la branche sur laquelle nous étions assis ;-)


vendredi 1 août 2025

L'enseignement ?

En matière d'enseignement,  on hésite entre l'amusement (entertainement, en anglais) et l'utilité. Il est évidemment plus facile de donner du pain et des jeux que de proposer des concepts et de l'abstraction. D'ailleurs, les évaluations des évaluations des professeurs ont bien montré que les professeurs sont mieux notés, juste après les cours, quand ils sont un peu démagogues, mais que les notations s'inversent après quelques mois ou années : les étudiants qui critiquaient des professeurs un peu rigoureux comprennent finalement que la rigueur est plus utile que l'amusement immédiat. 

Et, ce matin, devant enseigner dans une université, il faut que je me décide... mais la décision est vite prise : à quoi bon  perdre mon temps à aller amuser la galerie ? Décidément, il faut que je sois utile, que je transmette des informations, des notions et des concepts (les outils pour penser), des méthodes, des démarches, des valeurs... Sinon, autant rester au chaud, dans mon laboratoire : je ne suis pas un gaveur d'oie, ni un amuseur public

Quoi que...

Oui, quoi que, parce que, au fond, il n'y a pas de raison de ne pas s'amuser avec des choses captivantes, n'est-ce pas ? D'ailleurs, c'est en substance que j'ai fini par dire aux étudiants : il s'agit d'avoir un regard critique sur un "discours" que je leur tiens. Il s'agit de s'améliorer, de devenir demain plus intelligent qu'aujourd'hui. Et cela devient passionnant !


jeudi 31 juillet 2025

A propos de cuisine (et du reste), soyons clairs et justes

Je comprends qu'avec cette seule phrase "La moutarde est le savorisme particulier de la rémoulade", on ne donne pas à comprendre correctement la question importante qui est discutée. 

Cette phrase a été écrite par le cuisinier français Philéas Gilbert en 1934, à propos de la mayonnaise, qui ne doit pas contenir de moutarde. 

Mais elle n'est pas claire... car  il faut  d'abord ce qu'est  la rémoulade : c'est une un groupe de sauces qui se préparent à partir de moutarde et d'un corps gras, en froid ou en chaud. Disons le mieux : depuis le moyen-âge, il y a des rémoulades froides et des rémoulade chaudes, mais toujours avec de la moutarde et un corps gras, souvent de l'huile.

Dans ce mélange, c'est évidemment la moutarde qui apporte le goût, et c'est en cela que la moutarde est bien le savorisme particulier de la rémoulade... à cela que  le mot savorisme n'est aucun dictionnaire, alors qu'il suffisait de parler de goût. D'autre part, le  particulier s'oppose au général, et il n'est pas synonyme de spécifique. D'ailleurs, le goût de la moutarde n'est pas  spécifique de la rémoulade, car bien d'autres préparations culinaires doivent leur goût à la moutarde : par exemple du lapin à la moutarde. 

Bref, la phrase donnée par Gilbert n'est  ni juste ni explicite.

mercredi 30 juillet 2025

Pourquoi étudions-nous ?

 Pourquoi étudions-nous ? 

Certains étudient parce qu'ils aiment étudier,  mais d'autres étudient parce qu'ils ont un objectif de vie et qu'ils voient dans les études de quoi leur donner les connaissances et les compétences nécessaires pour atteindre cet objectif,  pour vivre comme ils le souhaitent. 

Par exemple, si l'on veut être mathématicien, il faut pratiquer  les mathématiques et pourquoi pas dans le cadre d'un cours de mathématiques. Bien sûr, si l'on est génial comme l'a été Srinivasa Ramanujan, on peut se former indépendamment, mais avec le risque de redécouvrir des choses qui étaient déjà connues. 

Mais je reviens à mon propos : la plupart des étudiants que je rencontre étudient pour accéder à une vie professionnelle, par exemple dans l'industrie alimentaire, ou dans d'autres cadres analogues. 

Pour ces étudiants-là,  il semble clair que des connaissances et des compétences particulières doivent être obtenues. C'est ainsi qu'il y a très longtemps, ayant compris les besoins que j'avais pour exercer la gastronomie moléculaire et physique, je m'étais acheté le livre Food Chemistry, de Belitz et Grosch, ou le Physical Chemistry de McQuarrie. 

Plus récemment, quand je suis devenu responsable de cours de Master, je me suis évidemment interrogé sur les notions, concepts, méthodes, valeurs nécessaires à l'exercice du métier d'ingénieur dans les industries de la formulation. 

Il y a quelques années, mes cours étaient tous intitulés "Pourquoi il est important de savoir xxxxx en vue de l'exercice de sa profession dans l'industrie de la formulation?". C'était un peu lancinant, mais, au moins, la question était clairement posée. 

En fait, tout nos cours devrait être ainsi conçus : le strict nécessaire pour l'exercice du métier mais aussi des notions théoriques qui permettent de dépasser l'état de l'art dans ces industries. 

Dans un autre billet, j'ai discuté l'importance des stages pour les étudiants : il s'agit de se confronter à la pratique professionnelle, notamment afin de mieux comprendre l'importance de la science (la "théorie", comme il est dit dans l'industrie)  pour l'améliorer cette pratique : au lieu d'être des exécutants, nos étudiants peuvent ainsi devenir des personnes dotées de connaissances et de compétences nouvelles, que l'industrie n'a pas, et qu'ils peuvent alors introduire, mettre en œuvre, pour contribuer à faire grandir les sociétés où ils vont travailler. 

Un exemple  : des étudiants formés à l'utilisation de la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire pourraient contribuer au développement de sociétés de l'industrie alimentaire alors qu'ils seraient de simples exécutants s'ils n'étaient formés qu'à la HPLC ou à la spectroscopie UV visible. 

Autre exemple : des étudiants ayant appris les méthodes de décomposition par ondelettes pourrait utilement résoudre des problèmes insolubles dans des industries mécaniques  qui ne disposeraient que de la transformation de Fourier.

Dans un billet précédent, j'ai même analysé qu'il serait bon que les ingénieurs de l'industrie reviennent à l'université après quelques années, avec des questions "théoriques" qu'ils auraient rencontrées : ils irrigueraient les   laboratoires de recherche scientifique en même temps qu'ils pourraient y trouver des solutions qu'il n'imaginaient pas sur leur site professionnel. 

Bref, il y a un renouveau des relations entre sciences et industries à trouver et à implémenter rapidement, et cela va avec une redéfinition de tous nos cours, a commencé par ceux de master, de l'école primaire.

mardi 29 juillet 2025

Non, le niveau ne baisse pas !

Alors que je considère des billets anciens, j'en retrouve un qui discute les belles qualités d'étudiants venus dans notre groupe de recherche. 

Mon entourage ne cesse de me dire que le niveau baisse, que les étudiants ne savent plus rien, que la nouvelle génération ne travaille pas, et cetera... mais, en regardant mon billet, je m'aperçois au contraire que de nombreux jeunes amis avaient de grandes qualités. La plus grande était sans doute d'avoir voulu apprendre, car tel était le contrat que je leur proposais : il n'était pas question de 35 heures, de vacances, etc. ; au contraire,  il s'agissait de se mettre sans cesse, chaque seconde, en situation d'apprendre, d'apprendre et d'apprendre encore. 

Surtout, il s'agissait d'apprendre à apprendre et ce sont des démarches (que je nommais fautivement des méthodes avant de comprendre récemment comment cet usage du mot était erroné) que mes amis ont trouvées dans notre groupe de recherche. 

Avec leurs qualités propres, leur envie de bien faire, le bagage qu'ils ont obtenu, je ne doute pas qu'il soient devenus de bons professionnels. D'ailleurs, plusieurs d'entre eux ont des positions intéressantes dans l'industrie alimentaire et je m'en réjouis, notamment parce qu'ils avaient pris l'engagement d'aider les suivants comme je les ai aidés. 


Non, le niveau ne baisse pas !

lundi 28 juillet 2025

Lavoisier : encore mieux que ce que j'en disais !

1. Je m'aperçois que je n'ai pas bien présenté l'importance des travaux de Lavoisier (Antoine Laurent de Lavoisier, 1743-1794), &, notamment, ses études de la calcination des métaux, avec laquelle il réfuta la théorie erronée du "phlogistique", & engendra la chimie moderne.

 2. J'avais bien expliqué, dans plusieurs textes (notamment, mon livre La sagesse du chimiste, que, contrairement à la théorie du phlogistique, qui imaginait que les métaux calcinés dans l'air prennent du poids parce qu'il perdent une masse négative (!), Lavoisier avait compris que les métaux gagnent au contraire quelque chose, et que ce quelque chose venait de l'air (l'oxygène ; on dirait aujourd'hui le dioxygène). 

3. Dans mes textes, j'avais insisté sur le fait que les métaux prennent du poids lors de leur calcination dans l'oxygène, mais je m'aperçois que je n'ai pas assez dit qu'il y avait en réalité l'utilisation d'un bilan : Lavoisier avait mis au point des ustensiles de chimie très extraordinaires, qui lui avaient permis de voir que l'air contenu dans la cloche de verre sous laquelle il opérait perdait du poids. Vous imaginez l'expérience : peser de l'air ! 

4. Autrement dit, le métal calciné pèse plus lourd parce qu'il absorbe une partie de l'air (le dioxygène, donc), au cours de la combustion. 

5. Ces expériences eurent lieu en 1772 et l'on comprend que la balance en était un élément essentiel. Il faut dire et redire, alors que nous avons des balances électroniques de précision, que les balances de nos prédécesseurs étaient tout à fait remarquables, et difficiles à dépasser, surtout quand nos prédécesseurs savaient bien les utiliser (connaissez-vous la méthode de la "double pesée"?). 

6. Le génie de Lavoisier, c'est aussi d'avoir calciné les métaux à l'aide d'un "verre ardent", c'est-à-dire en réalité d'une espèce de de loupe qui brûlait le métal à travers une cloche en verre enfermant le gaz que l'on pesait. 

7. Et c'est ainsi que Lavoisier ruina à la théorie du phlogistique. 

8. On comprend mieux aussi, avec tout cela, pourquoi Lavoisier alla beaucoup plus loin que Joseph Black, Henry Cavendish ou Joseph Priestley: il ne s'agissait pas simplement de voir qu'il y avait de l'oxygène dans l'air, mais de comprendre que cet oxygène se combinait avec les métaux de façon chimique. 

9. D'ailleurs en disant "combinait", je mets mes amis sur une fausse piste parce qu'il faut bien comprendre que la chimie n'est pas une simple agrégation de composé, une simple juxtaposition, mais un réarrangement de ces composés pour faire des composés nouveaux. 10. Et c'est ainsi que la chimie est merveilleuse !

dimanche 27 juillet 2025

Comment savoir si un article scientifique est bon ou mauvais

La question de la détermination de la qualité des articles scientifiques est "importante" (on verra pourquoi je mets des guillemets) : 

- parce que les industriels qui sont au conseil d'administration de nos masters ne cessent de nous dire qu'ils voudraient embaucher des personnes mieux capables de savoir la qualité de ce qu'ils lisent

- en raison de la "loi du petit Wolfgang", laquelle stipule que, dans un groupe de personnes ou de productions humaines, environ 90 % sont de mauvaise qualité (90 % des enseignants, 90 % des étudiants, 90 % des articles scientifiques, 90 % de nous-mêmes et 90 % de moi-même). De même, conservons l'idée que 90 % des publications sont médiocres (y compris les nôtres).

- Et parce qu'un mauvais article donne souvent (à préciser) de mauvais résultats, il faut pouvoir évaluer la qualité des articles, au lieu de répéter naïvement ce qui y est écrit. On ne répétera jamais assez que quelqu'un qui cite un mauvais article sans le critiquer se fait attribuer la mauvaise qualité de ce qu'il prend pour argent comptant. Quant à utiliser les résultats qui sont dans un tel article, c'est pire : si nos fondations sont en sable, nous nous enfoncerons ! J'ajoute, ce qui est une idée un peu différente, que "donnée mal acquise ne profite à personne" (Douglas Rutledge). 

Bien sûr, il est scandaleux que certains publient des articles minables, que des rapporteurs (minables) laissent passer des articles mauvais, que des revues (minables) publient des articles mauvais, ayant sans doute procédé à une évaluation minable, mais c'est un fait de la vie, conforme à la loi du Petit Wolfgang, et cela ne sert à rien de se lamenter.   

Un conseil aussi : ne faut pas simplement dire "ce papier est mauvais", sauf entre amis, mais surtout identifier clairement ce qui est mauvais, et se demander si des informations qui sont données peuvent être "rescapées" : c'est là une question très difficile, d'ailleurs. Dans ce qui suit, sur un exemple réel mais transposé (ne cherchez pas le texte original avec Google, car j'ai transposé), nous proposons de discuter des différentes caractéristiques qui peuvent être facilement observées, afin de savoir si un article est mauvais (et dans quelle mesure). 

A noter que je ne discute qu'une toute petite partie des fautes présentes, car il y en a trop : presque chaque mot est l'occasion d'une erreur pour les auteurs ! 

"Lire un article"

Bien entendu, quand on lit un article, l'objectif est d'en extraire de l'information, ce qui signifie prendre des notes. 

En conséquence, on aura toujours deux documents ouverts en même temps sur l'ordinateur (pas de papier, au 21e siècle) : l'un est la version pdf de l'article lu, l'autre les notes prises. A noter que l'on y gagne à avoir deux écrans branchés sur une même ordinateur, avec la possibilité que le curseur aille de l'un à l'autre. Et évidemment, on ne tapera pas de texte, mais on utilisera les touches Ctrl+C (copier) et Ctrl+V (coller), afin de copier exactement ce qui est publié, avec les références. 

Car une phrase impose une référence (ou plus d'une parfois). Certains disent que faire une enquête bibliographique ne signifie pas plagiat, mais je ne suis pas d'accord : je ne veux pas que les phrases soient modifiées lors du transfert de l'article original vers le résultat bibliographique, car toute modification d'un texte en change le sens ; si quelque chose a été montré scientifiquement, c'est seulement cela qui a été montré, précisément, et rien d'autre. Et c'est pourquoi je veux la même phrase que dans l'article original... mais bien sûr avec des références, dont la présence nous prémunit contre le plagiat. 

Quelles phrases doit-on recopier ? Très certainement le titre de l'article, avec les auteurs et la référence exacte, mais aussi le résumé (abstract). Puis, quand tu prendras une phrase de l'article pour la recopier, assortit-la de la ou des références qui doivent accompagner cette phrase, dans la publication que tu lis... mais là, j'anticipe un peu en signalant qu'un article qui contient des phrases sans références est un mauvais article. 

Et, en corollaire, je rappelle en passant que la bonne pratique est de regarder tous les article que l'on cite ! 

Des critiques détaillées

Examinons maintenant un résumé d'un article que nous voulons évaluer:
Abstract
Thermal degradation kinetics of chlorophyll and visual colour (tristimulus L, a and b) of beans puree were studied at various temperatures (50-90 °C) for 20 min. Results indicated that the thermal degradation of chlorophyll, tristimulus colour a value (representing greenness) and Lxaxb value (representing total colour) followed first-order reaction kinetics. Activation energies for chlorophyll, green colour and total colour were 42.135, 31. 333 and 40.782 kJ/mol respectively. Higher activation energy signified higher thermal sensitivity of chlorophyll during heat processing of bean puree. A linear relationship described well the variation of total visual colour (Lxaxb) with chlorophyll content of been puree during thermal processing. 

 Dans la première ligne, on voit le mot "chlorophyll" au singulier, ce qui est surprenant, car les chlorophylles sont des composés qui forment une classe immense, comme l'indique bien l'I.U.P.A.C (j'ai le lien du Gold Book dans ma barre des taches, tant j'y vais souvent !): parler de "la chlorophylle" est idiot, et l'on peut seulement parler d'"une chlorophylle", car les chlorophylles sont des composés des végétaux qui donnent des couleurs à ces derniers ; mieux encore, de sont des composés qui comportent un groupe chlorine, avec d'innombrables variations, et les végétaux terrestres que nous consommons, notamment les "haricots verts" (les gousses immatures de Phaseolus vulgaris L) [https://www.sciencedirect.com/topics/medicine-and-dentistry/chlorophyll, dernier accès 2020-05-01] sont principalement les chlorophylles a, a', b, b', dont on doit d'ailleurs signaler que la couleur est également due à la présence de dérivés des chlorophylles, et de caroténoïdes. 

Tu vois d'ailleurs, en passant, un moyen de citer des sources officielles, précisément (et mieux encore : je donne la date en format ISO, incritiquable). Mais déjà, à ce stade, nous voyons que l'article que nous lisons, celui dont je donne le résumé ci-dessus, est sans doute mauvais. Bien sûr, on peut être charitable, et donner le bénéfice du doute, mais nous serons désormais vigilant. 

Voyons donc la suite. A la seconde ligne du résumé, les auteurs évoquent le système colorimétrique L, a, b... mais ils semblent ignorer que le consensus international est plutôt le système<em> L*, a*, b* ! 

Une deuxième information pourrie, ça commence à faire beaucoup. Hélas, la suite ne s'améliore pas, notamment quand les auteurs prétendent que le paramètre a représente le vert. C'est inexact : a indique la position du point de couleur sur un axe vert-rouge, et pas seulement la "verdeur". Et, de toute façon, un résumé d'un article scientifique ne doit certainement pas définir des objets déjà définis par la communauté. C'est une information un peu annexe que je donne, mais on devra se souvenir qu'un article scientifique doit être aussi succinct que possible, et ne jamais répéter ce qui a déjà été publié, sauf pour les besoins de compréhensions des lecteurs. 

Et puis, ensuite, on voit écrit Lxaxb, comme si c'était un produit : rien à voir avec un produit, puisque les paramètres L (ou plutôt L*), a (plutôt a*) et b (plutôt b*) sont des coordonnées dans un espace tridimensionnel : il aurait fallu écrire (L*, a*, b*). 

Et nous n'en sommes qu'à la sixième ligne ! Nous soupçonnons donc fortement que l'article est mauvais... de sorte que nous ne pouvons pas nous empêcher de nous demander si, vraiment, les quatre chiffres utilisés pour afficher les énergies d'activation sont "significatifs" : nos auteurs, d'ailleurs, savent-ils ce qu'est un chiffre significatif, et en connaissent-ils le maniement ? Pour la suite, nous devrons avoir un "radar" de ce point de vue. Et comme les chiffres significatifs ont un rapport avec les incertitudes de mesure, nous voyons que nous aurons intérêt à nous préoccuper du traitement des incertitudes par les auteurs, et des traitements statistiques des données qu'ils ont produites. 

Puis vient la phrase "Higher activation... bean puree", qui est une tautologie révélant le texte d'imbéciles, avec une information qui, à nouveau, n'a rien à faire dans un résumé. Les auteurs sont sans doute des (mauvais) débutants. Mais le pire arrive ensuite avec "described well" : les adjectifs et les adverbes sont "interdits", en sciences de la nature, et ils doivent toujours être remplacés par la réponse à la question "combien ?". 

Je m'explique : un objet de 10 cm de hauteur est-il "grand" ? La question n'a pas de sens, car il est grand par rapport à une fourmi, mais petit par rapport à une planète. Et puis, surtout, les auteurs tombent dans la faute de vouloir "bien" décrire des données, au lieu de chercher en quoi leur théorie est fautive. C'est une faute élémentaire, qui montre que les auteurs n'ont rien compris à la nature des sciences de la nature. 

Tout cela dans le seul résumé ! On voit que l'article est vraisemblablement très mauvais, mais continuons, avec l'introduction : Beans (Phaseolus), whose pods have an attractive colour, are consumed both boiled and sauteed. Bean puree, paste, sauce, juice and cooked pods are some of the common processed products. In developed countries, 50% of the produce is utilised for processing [1], whereas commercial utilisation of beans in the developing countries is insignificant.

  Ici on observe que la première phrase est à la fois idiote, fausse, et sans référence : c'est encore un mauvais signe. Idiote, parce que nous n'avons pas besoin d'un article scientifique pour nous dire que les humains mangent des haricots. Fausse, parce que personnellement, je ne trouvent pas que les haricots ont une couleur "attractive" (attrayante). D'ailleurs, on voit à nouveau un adjectif, ici ! Enfin, sans référence : c'est un fait. Bien sûr, on peut imaginer que la justification de cette phrase serait dans la deuxième phrase, pour laquelle il y a effectivement une référence.... mais comment cette référence pourrait-elle justifier quelque chose de faux ? Ce qui est pire, c'est que cette introduction est beaucoup trop générale : il y d'innombrables variétés de haricots : Phaseolus vulgaris L (qui produit les gousses immatures communément nommées haricots verts), mais aussi haricots rouges, blancs... et toutes ont des couleurs différentes. Les haricots verts sont verts, les haricots blancs sont blancs, les haricots rouges sont rouges... De quels haricots s'agit-il ici ? Cela n'est pas dit, et l'on voit aussitôt une autre faute... alors que nous n'en sommes qu'à la première phrase. 

Plus positivement, la règle ici est de donner le nom latin binomial, en précisant la variété. 

Passons à la suite : les haricots seraient consommés bouillis et sautés : où est la preuve de cette affirmation ? Et, surtout, quel intérêt à encombrer la publication d'une phrase si bête ? Ensuite, les purée, pâte, sauce, jus sont donnés sans définition, sans référence... alors que : 

1. la liste n'est pas garantie exhaustive 

2. ce qui est une sauce, pour une culture donnée, ne l'est pas pour une autre. Puis vient une phrase dont je suis certain qu'elle est fausse, car tous les pays ne cuisinent pas de la même façon, ne traitent pas les haricots de la même façon (par exemple, les Japonais font des haricots un dessert). Au minimum, un intervalle se serait imposé. 

Quant à la dernière phrase, elle contient encore un adjectif : "insignificant". Ce terme est... insignifiant, car la question est encore "Combien ?". Et ici, on sent bien que c'est par paresse qu'il n'y a pas de réponse à la question. 

Nous en faut-il davantage pour conclure que cet article est mauvais ? Allons, une petite resucée : of flowers, fruits and vegetables [5]. The colour of chlorophylls-containing media depends on the structure and concentration of the pigment, pH, temperature, light, co-pigments, enzymes, oxygen, metallic ions, sulphur dioxide, sugar, etc. The hydroxyl group at C-11 is highly 

 Qu'est-ce qu'un "medium?" Ici, impossible de le savoir. Mais oui, la couleur dépend de paramètres variés, mais où est la preuve : autrement dit, pourquoi les auteurs ne donnent-il pas de références ? Le "etc." est particulièrement nul, car c'est bien la suite de l'énumération qui est intéressante... et que nous n'avons pas. Au fond, n'aurait-il pas été plus simple d'indiquer que l'absorption de certaines composantes de la lumière, à des fréquences caractéristiques, sont déterminées par l'environnement moléculaire des anthocyanines ? 

oxide, sugar, et. The hydroxyl group at C-11 is highly significant, because it shifts the colour from green-yellow to blue. High temperature leads to the production of : Et allons donc ! Maintenant, nous trouvons un "highly significant" : l'inanité de l'adjectif est empirée par la présence de l'adverbe. Cette fois-ci, notre premier sentiment est confirmé : les auteurs ne savent pas rédiger une publication, et, pire, ils sont bêtes ou paresseux, nous prennent pour des idiots. Mais je m'arrête de le signaler, en observant toutefois que la "couleur" est pas un objet de science : il faut évoquer des bandes d'absorption lumineuses, ou des paramètres colorimétriques L*, a*, b*. 

Je dis cela parce que les imprécisions conduisent à des erreurs, comme dans un passage suivant : Generally, the pigment measurements is done spectrophotometrically. This technique does not reflect the total colour, while measuring the absorbance of the extract.  L'adverbe "generally" est fautif, car "beaucoup" de scientifiques (il faut utiliser Google analytics pour avoir des statistiques font de la colorimétrie. 

Et je termine avec ce passage : The colour degradation kinetics of food products is a complex phenomenon and it models to predicts experimental colour change, which can be used in engineering, are limited; however empirical qui contient le mot "complex" : c'est l'occasion de dire à mes amis que les mauvais collègues utilisent ce mot quand ils ne comprennent pas, ou qu'ils n'ont pas fait le travail, ou bien encore qu'ils veulent montrer combien ils sont savants, à étudier des choses si au-dessus des moyens des autres ! De la prétention, tout comme on est averti qu'on en rencontrera à la seule présence du mot "important". 

Mais abandonnons l'introduction, qui est difficile à rédiger pour ceux qui n'ont pas de méthode, et arrivons à la partie Materials and Methods, qui est celle qui nous dira ce que vaut le travail rapporté. On se souviendra, ici, que les résultats d'expériences mal conduites ne valent rien. Ici, nous pressentons que l'article est mauvais, mais pourrions-nous conserver au moins les résultats transmis par les auteurs ? 

Lisons. Materials and methods. Preparation of puree. Immature green beans (Cv . Maxibel) were procured locally, washed in running tap wate and sorted. Sound pods were heated to 60 °C for 15 min and mashed in a puree. The puree was sieved (14-mesh) to obtain a product of uniform consistency. The total soluble solids and pH of bean puree were respectively... Ah, la variété des haricots est donnée : merveilleux... mais que signifie "mature" ? Comment les auteurs le savent-ils ? Comment peuvent-ils nous ne assurer ? Et quel est leur critère de maturité ? On lit ensuite que les haricots ont été achetés chez un épicier du coin et lavés... mais comment ont-ils été lavés ? En frottant ? Dès que les haricots ont été achetés ? Après un stockage ? Qui s'est fait comment ? Avec quelle eau ? Quels ions étaient-ils présents ? Pourquoi les auteurs de l'article n'ont-ils pas utilisé de l'eau désionisée ? Ensuite, on parle de fruits "sains", et l'on comprend que je critique ce terme, parce que l'on ignore ce que cela signifie. Les haricots ont été "sorted" : de quoi s'agit-il ? Qui a fait quoi et comment ? Ici, il faut répéter que les parties de Materials and Methods doivent être si précises que n'importe qui, à l'autre bout du monde, doit pouvoir reproduire l'expérience, et retrouver les mêmes résultats. Il est d'ailleurs utile de savoir que certaines revues scientifiques commettent des éditeurs qui, systématiquement, reproduisent les résultats, et l'on verra dans mon article sur la reproductibilité que cela est un facteur de découverte scientifique. 

Là, on comprends que nos auteurs ne seront pas meilleurs dans cette partie qu'au début du texte. Les haricots ont été chauffés à 65 °C... Comment, avec quelle montée en température ? Ils ont été broyés : comment ? On saura combien cette dernière question est essentielle quand on se reportera à des expériences effectuées sur du pistou, lors d'un séminaire de gastronomie moléculaire : les broyages de feuilles de basilic (Ocimum basilicum L. Grand vert) au mixer, ou bien au mortier et pilon, ont conduit à des couleurs entièrement différentes (vert printemps et vert sapin, désolé pas de colorimétrie), et des consistances également différentes (désolé, pas de granulométrie faite). 

A propos du pH, les auteurs donnent 3 chiffres significatifs, mais je ne crois certainement pas au troisième, surtout par des scientifiques aussi médiocres ! Bien sûr, je peux me tromper, mais tout le début de cet article est si mauvais que nous aurions raison d'être prudent, non ? Nos auteurs savent-ils au minimum qu'il existe de bonnes pratiques (AOAC, etc.) d'utilisation des pH-mètres ? Savent-ils que ces appareils se calibrent avec des solutions étalon ? Savent-ils que la température se contrôle ? Ont-ils répété les mesures trois fois, afin de produire une moyenne et un écart-type ? Nous n'avons aucune certitude que nos auteurs aient bien fait, ici, parce qu'ils ont mal fait plus loin, en ne prenant qu'une mesure de couleur par échantillon ! Et, pis encore, ils n'ont pas répété l'expérience au minimum trois fois. 

Décidément, il y a lieu de s'interroger : comment est-il possible qu'une revue ait laissé paraître un tel article ? Enfin, à propos des Results, je vous invite à considérer leurs figures : pas d'indication des incertitudes sur le dosage des chlorophylles... parce qu'il n'y a pas eu de répétition ;-(. 

Mais le pire (disons le plus pernicieux), c'est sans doute le fait que ce diagramme était logarithmique, qui transforme presque n'importe quelle variation en une variation linéaire : c'est à la fois une mauvaise pratique personnelle, et une pratique de communication pourrie. En passant, nous trouvons des erreurs de détail, telles des fautes de typographie : Eq.4 described very well the degration of the b value of bean puree over the entire temperature range. The R^2; valueswere greater than 0.821 while the standard error values were less than 0.00005 in all cases. Comment est-il possible que l'on trouve ce " valueswere " ? Manifestement l'écriture, puis l'édition, puis la relecture d'épreuves ont été bâclées. 

Et ainsi de suite, jusqu'à la conclusion, où aucun mécanisme n'est proposé. 

Oui, cet article est très mauvais (un adjectif, un adverbe, parce que je suis en colère)... mais il a eu le mérite de me permettre de souligner les fautes que l'on rencontre le plus souvent. Il pose quand même la question de savoir ce que l'on peut en faire : 

1. Le citer ? Ce serait lui faire de la publicité, d'une part, et, d'autre part, si nous le citons sans le critiquer, nous risquons que l'on reporte sur nous-mêmes les critiques qu'il mérite de s'attirer 

2. L'utiliser ? Le travail est si médiocre que l'on aurait raison à ne croire à rien de ce qui est dit dedans. Du point de vue de la production de connaissances nouvelles, cet article est nul et non avenu, et il incite plutôt à refaire les expériences pour montrer combien les auteurs sont mauvais... ce qui ne serait ni charitable ni intéressant. On se souviendra que "données mal acquises ne profitent à personne". 

 

Résumons

Oui, faisons maintenant un bilan, en donnant quelques pistes pour nous-mêmes, mais qui départagent aussi les bons et les mauvais articles: 

- pas d'adjectifs ni d'adverbes 

- toute information doit être justifiée par une ou plusieurs références 

- les références doivent être celle du premier découvreur de l'information, et du dernier à avoir amendé l'information 

- l'expérience doit avoir été répétée 

- les mesures doivent avoir été répétées 

- pas de mesure sans une indication de l'incertitude 

- les diagrammes log-log sont dangereux 

- les Materials and Methods doivent être parfaitement précis ET justifiés 

- il ne doit y avoir aucun arbitraire 

- les diagrammes doivent indiquer les incertitudes 

- les résultats doivent être indiqués avec le nombre approprié de chiffres significatifs - en cas de comparaison, un test statistique doit avoir été fait 

- les discussions ne se limitent pas à un simple "on trouve comme xx ou yy" 

- et bien plus : on lira avec intérêt 

1. http://www.agroparistech.fr/-Les-bonnes-pratiques-scientifiques-.html 

2. la toute fin des DSR (les "documents structurants de recherche", que nous utilisons dans le Groupe de gastronomie moléculaire), où je donne une liste bien plus complète qu'ici.

samedi 26 juillet 2025

On m'interroge à propos de croustillant : comment en obtenir quand on cuisine ?

On m'interroge à propos de croustillant : comment en obtenir quand on cuisine ?

 
Pour une telle question, il y a lieu d'analyser un peu en n'oubliant pas ces "commandements" que j'avais donnés dans mon livre Mon histoire de cuisine. 

Je ne vais pas les rappeler tous, car il y en a 14, et certains n'ont pas de rapport avec la question qui nous intéresse. En revanche, je propose d'observer que les liquides sont... liquides, et que les solides sont... solides. 

Cela suffit en réalité à tout dire à condition de savoir que nos aliments sont souvent des assemblage de composés qui sont soit solides soit liquides dans les conditions ambiantes. Par exemple la farine est solide, mais l'eau est liquide, et l'huile aussi. Dans une pâte, par exemple il peut y avoir des grains de farine - solides- dispersées dans un liquide, et cette "suspension" peut-être plus ou moins molle, plus ou moins dure. 

Mais restons à cette expérience de disperser de la farine dans de l'eau. On obtient une pâte plus ou moins molle, selon la proportion de solide : par exemple, avec beaucoup d'eau et peu de farine, on a une poudre dispersée (qui finit par sédimenter). Mais avec beaucoup de farine et peu d'eau, on a une pâte plus dure. A la cuisson, cette pâte peut durcir. Si on la sèche, c'est-à-dire si l'on élimine liquide, alors on obtient quelque chose de très dur, qui peut-être est craquant si on a une couche un peu épaisse, et croustillant si l'on a milles petits "crac" qui résultent de la rupture de nombreux feuillets, comme dans une pâte feuilletée. 

Cette analyse, faite pour l'eau, ne vaut pas pour l'huile, qui ne s'évapore pas à la cuisson : si l'on répète la même expérience que précédemment mais en remplaçant l'eau par du beurre, qui fondra quand il chauffera, on récupérera une pâte sablée, avec des grains de farine dispersées dans du beurre qui, au refroidissement, vont durcir un peu. 

 

Et s'impose maintenant une discussion relative à l'énergie de liaison des molécules dans les solides. 

Dans un cristal de sel, les liaisons entre les atomes de sodium et de chlore sont très forts (ce sont des liaisons "électrostatiques", de sorte que de tels cristaux sont très résistants, très durs. Idem pour des cristaux de sucre, où, les molécules de saccharose sont tenues par de nombreuses "liaisons hydrogène". 

Idem dans les grain d'amidon,, puisque les "polysaccharides" (amylose et amylopectine) qui composent ces grains sont des polymères de saccharides, toujours avec les liaisons hydrogène précédemment considérées pour le sucre de table, ou saccharose. Pour les matières grasses, telle l'huile que l'on fait figer, les cristaux formés sont bien plus mous, parce que les liaisons sont des "liaisons de van der Waals", environ dix fois plus faibles que les liaisons hydrogène, et plus de cent fois plus faibles que les liaisons électrostatiques (je donne des ordres de grandeur). 

Bref, on n'oubliera donc pas de penser à la chimie, si l'on veut maîtriser parfaitement le croustillant, notamment pour ceux qui se préparent à participer au concours de cuisine note à note.

vendredi 25 juillet 2025

Mon invention nommée "priestley"

Depuis quelques jours, la culinosphère bruit d'un terme mystérieux "priestley", depuis que mon ami Pierre Gagnaire en a parlé sur Top Chef. 

De quoi s'agit-il : qu'est-ce qu'un priestley ? C'est une de mes inventions, qui date d'avant 2008.

Tout d'abord, expliquons le nom : Joseph Priestley (1733 - 1804) était un chimiste et théologien anglais qui isola de nombreux gaz, tel l’oxygène. Il fut ainsi un des pionniers de la « chimie pneumatique », et fut élu à la Royal Society en 1772, l'année où il publia ses Observations sur différentes espèces d'air. Au moyen d'une cuve à mercure, Priestley isola des gaz, comme l'ammoniac, l'oxyde d'azote, le dioxyde de soufre et le monoxyde de carbone. C'est en 1774 qu'il produisit pour la première fois de l'oxygène et comprit également son rôle dans la combustion, ainsi que dans la respiration des végétaux (1775). Cependant, partisan de la théorie erronée du phlogistique, il nomma ce nouveau gaz l'air déphlogistiqué et ne comprit l'importance de sa découverte. 

Pourquoi avoir donné ce nom ? Parce que j'avais inventé une sorte de généralisation des crèmes anglaise : or Priestley était anglais.

Pour comprendre ce qu'est un priestley, partons de la crème anglaise. C'est une sauce un peu épaisse que l'on obtient classiquement en battant du jaune d’œuf avec du sucre, jusqu’à ce que la préparation prenne une consistance lisse, plus blanche : on dit que la préparation doit « faire le ruban ». Puis on ajoute du lait et toutes sortes de produits qui contribuent au goût de la préparation, et l’on cuit, en faisant des huit au fond de la casserole jusqu’à ce que la crème épaississe. 

Longtemps, la crème anglaise a été fautivement décrite comme une émulsion chaude… alors qu’il s’agit d’une « suspension ». Suspension ? C’est le nom que les physico-chimistes donnent à des systèmes physiques faits d’une phase liquide, où sont dispersés des solides de très petites tailles, ce que l’on nommait naguère des dispersions « colloïdales » (de kolla, la colle). Bref, ce sont nombre de pâtes, par exemple, mais aussi des systèmes plus fluides, comme la classique crème anglaise. Parce que l’œuf coagule quand on le chauffe : la raison pour laquelle la crème « prend », c’est précisément que l’œuf coagule, et l’on voit d’ailleurs, au microscope, une myriade de petits agrégats solides, dans le liquide. Autrement dit, une crème anglaise réussie est pleine de grumeaux microscopiques. Le grumeau n’est dérangeant que lorsqu’il est perceptible.

De la crème anglaise aux priestleys

Que faire de cette connaissance ? De nouveaux mets, bien sûr. Pour faire une crème anglaise, il faut de l’œuf (le sucre est là pour donner une consistance sucrée, mais guère plus) et du liquide (le lait, classiquement, mais tout autre liquide convient. Des protéines ? Les viandes en sont plein ! Les poissons aussi. Apprenons à broyer finement ces tissus musculaires, et nous récupérerons des protéines en solution. Plus exactement, la quantité de protéines récupérables dans un tissu musculaire broyé sera six à huit fois plus concentrée que dans un blanc ou que dans un jaune d’œuf. A cette chair broyée, ajoutons un liquide : celui que l'on veut convient, en salé ou en sucré. Puis un peu de matière grasse que l'on émulsionne pour retrouver celle de la crème anglaise, qu’elle soit apportée par l’œuf ou par le lait. Puis chauffons, doucement : les protéines coaguleront et la crème prendra. C'est cela, mon invention que j'ai nommée "priestley", et que Pierre Gagnaire a été le premier à servir en cuisine, puisque je lui donne mes inventions en priorité.

jeudi 24 juillet 2025

Cessons de parler des "laits végétaux" et arrêtons de prétendre qu'ils seraient "naturels"

Je ne cesse de m'étonner du conservatisme de mon entourage. Quand je dis "entourage", cela signifie jusqu'à mes collègues scientifiques, et j'en vois encore un exemple ce matin alors que je suis en train éditer un texte pour le prochain Handbook of molecular gastronomy

 Le manuscrit de mon collègue discute la question des systèmes émulsionnés (qu'il confond avec des émulsions, preuve qu'il est imprécis), et il en cite des exemples : la mayonnaise, qui est bien une dispersion d'huile dans l'eau du jaune d' œuf et du vinaigre, ou encore le lait, qui contient effectivement des gouttelettes de matière grasse dispersées dans de l'eau. 

Puis mon collègue évoque ces liquides blancs, qui ressemblent à du lait et sont extraits des végétaux et qui, comme le lait, contiennent des matières grasses émulsionnées. Il les nomme des "laits végétaux", mais je lui fais remarquer que cette dénomination est contestable, car le lait est le lait, et le lait n'est pas végétal ; ces émulsions ne sont pas du lait, et je lui fais valoir que nous aurions intérêt, collectivement, à leur refuser le nom de lait, car des végétariens le confondent avec du lait au point de mettre de jeunes enfants en danger de mort. 

Ne pourrait-on pas parler d'émulsions végétales ? 

De surcroît, je critique énergiquement son emploi du mot "naturel", à propos de ces produits : ces produits ne sont pas naturels, puisque ils ont été extraits ; or la définition du naturel, c'est ce qui n'a pas fait l'objet d'interventions par un être humain.

 Mon collègue répond que la dénomination lait végétal est "acceptée", et que, comme ces produits se trouvent les graines, ils sont bien naturels. 

Soit il n'a rien compris à mon argumentation, soit il s'enferme dans une erreur nuisible, car susceptible de créer des confusions. 

Le mot "naturel" tout d'abord, est à l'origine de nombre d'interminables débats publics, et ces débats naissent de l'utilisation du mot dans une acception gauchie, donc erronée, parfois fautive. 

D'autre part, des accidents, dans les familles végétariennes, seraient évités si l'expression "lait végétal était interdite (ma proposition). 

Mais, surtout, je ne vois pas ce que mon collègue perdrait en changeant ses habitudes de langage. Pourquoi reste-t-il collé à des idées anciennes : la paresse, des intérêts idéologiques ou commerciaux, de l'incompréhension ? 

 

Pourrez-vous m'aider à comprendre sa position et les avantages qu'elle aurait ? 

Pour moi, je termine en rappelant cette utile citation d'Antoine Laurent de Lavoisier : "C’est en m’occupant de ce travail, que j’ai mieux senti que je ne l’avois, encore fait jusqu’alors, l’évidence des principes qui ont été posés par l’Abbé de Condillac dans sa logique, & dans quelques autres de ses ouvrages. Il y établit que nous ne pensons qu’avec le secours des mots ; que les langues sont de véritables méthodes analytiques ; que l’algèbre la plus simple, la plus exacte & la mieux adaptée à son objet de toutes les manières de s’énoncer, est à-la-fois une langue & une méthode [iij] analytique ; enfin que l’art de raisonner se réduit à une langue bien faite.  [...]  L'impossibilité d'isoler la nomenclature de la science, et la science de la nomenclature, tient à ce que toute science physique est nécessairement fondée sur trois choses : la série des faits qui constituent la science, les idées qui les rappellent, les mots qui les expriment (...) Comme ce sont les mots qui conservent les idées, et qui les transmettent, il en résulte qu'on ne peut perfectionner les langues sans perfectionner la science, ni la science sans le langage ».

Et celle de Condillac : « Nous ne pensons qu'avec le secours des mots. L'art de raisonner se réduit à une langue bien faite »