Colloque
« Vin et Vigne demain »
28
novembre 2024
Lieu :
Académie
d’agriculture de France, rue de Bellechasse, Paris
(salle
des séances pour les interventions, puis bibliothèque pour le
déjeuner)
Comité
d’organisation
Frédérique
Pelsy, Nicole Roskam Brunot, Guilhem Bourrié, Yves Brunet, Hervé
This
Le
thème du colloque répond à une urgence : l’humanité doit
aujourd’hui faire face au
changement du
climat terrestre. À cette fin, les initiatives politiques à
l’échelle mondiale doivent être complétées par des actions
individuelles, en vue
de
stopper les évolutions du climat et de pérenniser l’habitabilité
de la planète. Des
changements infrastructurels, organisationnels et juridiques sont
nécessaires pour évoluer vers un mode de vie à faibles émissions
de carbone : il faut apprendre à mieux utiliser l’énergie,
mieux construire, mieux gérer l’eau et, surtout, maîtriser la
démographie mondiale.
L’agriculture,
dont on doit rappeler qu’elle produit nos aliments et qu’elle
gère une large partie de notre environnement, fait face à des défis
nouveaux. Le climat est évidemment décisif dans les productions
agricoles, en termes de quantité comme de qualité. Depuis les
débuts de
l’humanité, l’adéquation entre climat et agriculture a
déterminé le développement culturel et économique des régions,
créé des cultures locales et influencé les migrations des
populations.
La
viticulture est particulièrement sensible à la conjonction entre
enjeux agronomiques, économiques et culturels. Depuis des centaines
d’années, la culture de la vigne a façonné les paysages des
régions viticoles, leurs organisations sociales et la typicité de
leurs vins qui résulte de l’adéquation entre la culture de
cépages particuliers et des pratiques œnologiques spécifiques. La
notion de terroir intègre des paramètres environnementaux,
notamment pédologiques et géomorphologiques, dans
la délimitation des régions viticoles, selon des cadres juridiques
anciens, qui ont perduré jusque dans les textes de l’Union
européenne.
Certes,
l’agriculture en général et la viticulture en particulier
contribuent aux émissions de gaz à effet de serre et à la
pollution de l’environnement, mais, en stockant le carbone,
les plantes et les sols atténuent
ces émissions. En France, les pratiques viticoles sont strictement
encadrées avec notamment la reconnaissance de conditions
mésoclimatiques (régionales), la délimitation des terroirs, la
spécification des cépages autorisés, des méthodes culturales et
des types de produits conférant des identités régionales et
locales.
Dans
un tel contexte, les études de l’effet des changements climatiques
sur la viticulture prennent une importance particulière. Le
changement climatique mondial n’étant pas encore évident pour
beaucoup (malgré des signes d’accélération évidents), il est
essentiel de convaincre l’ensemble du secteur qu’une réaction
immédiate est nécessaire. L’urgence résulte notamment du fait
que les plantations d’aujourd’hui préparent la viticulture des
prochaines décennies, quand les effets du changement climatique
seront bien plus prégnants que ceux observés aujourd’hui.
Le
programme
du Colloque :
9.00
Introduction
Philippe Mauguin, président directeur général d’INRAE
9.30-10.15
(30 min + 15)
Nathalie
Ollat (INRAE, ISVV, UMR EGFV, Bordeaux) : La viticulture face au
défi du changement climatique
Q/A
10.15-10.45
(20 min +10)
Thierry
Simonneau (INRAE, UMR LEPSE, Montpellier) : Maîtriser les
besoins en eau de la vigne pour faire face aux contextes de demain.
Q/A
10.45-11.15
(20 min + 10)
Lionel
Ranjard (INRAE, UMR Agroécologie, Dijon) : La
microbiologie des sols au service d’une viticulture durable
Q/A
Pause
11.25-11.55
(20 min + 10)
Guillaume
Arnold (INRAE, UMR SVQV, Colmar) : Les variétés de vigne pour
demain
Q/A
11.45-12.15
Marc-André
Selosse (MNHN, UMR ISYEB, Paris): Des microbes pour soigner et
protéger la vigne
Q/A
12.30-14.00
Buffet
sur place (bibliothèque), sur inscription
14.00-14.30
Philippe
Darriet (Université de Bordeaux, ISVV, UMR Oenologie) : Quels
vins demain ?
Q/A
14.30-15.00
Vin
et santé Nutrition
Q/A
15.00-15.30
Jean-Marie
Cardebat (Université de Bordeaux, ISVV, UMR BSE) : Quelles
évolutions à venir pour le marché mondial du vin ?
16.00
Synthèse,
Frédérique
Pelsy, ancienne présidente du Centre INRAE de Colmar
16.30
Conclusion
(le « bouquet du vin »), Hervé This, membre de l’Académie
d’agriculture de France
Les
intervenants et les interventions, en détail :
Philippe
Mauguin :
Introduction
Philippe
Mauguin est président directeur général d’INRAE et membre de
l’Académie
d’agriculture de France
Nathalie
Ollat (INRAE, ISVV, UMR EGFV, Bordeaux) : La
viticulture face au défi du changement climatique
Résumé
de l’intervention : Des températures moyennes plus élevées
et des précipitations aléatoires, avec des extrêmes toujours plus
marqués, des aléas climatiques successifs ou combinés, avec des
conséquences secondaires importantes sur la fertilité de sols et
l’environnement biotique. Même si le changement climatique a pu
avoir, jusqu’à présent et dans certains vignobles, des
conséquences positives, la viticulture doit se préparer à des
conditions de production plus complexes et plus variables pour les
décennies à venir. Certains vignobles, notamment dans le Sud de la
France, pourraient voir leur potentiel se réduire alors que d’autres
plus septentrionaux pourraient se développer. L’ensemble de ces
changements doivent être anticipés. La nature des impacts déjà
avérés et à venir doit être décrite finement et sur un large
spectre, notamment en ce qui concerne les sols, les interactions
biotiques et les combinaisons de stress. Il est également important
de rassembler des connaissances sur les leviers potentiels
d’adaptation, qu’ils soient techniques, spatiaux,
organisationnels ou réglementaires. L’évaluation de ces leviers
doit se faire à l’échelle de la culture, de l’environnement et
la durabilité de la production à l’échelle d’une exploitation
ou à plus grande échelle. Pour toutes ces études, les approches de
modélisation s’avèrent déterminantes. Elles le sont également
comme outil d’anticipation pour contribuer à l’accompagnement
des acteurs à la définition de stratégies d’adaptation.
Agronome
de formation, Nathalie Ollat est spécialiste de la physiologie de la
vigne. Elle s’est particulièrement intéressée aux porte-greffes
et est actuellement responsable du programme d’innovation variétale
« porte-greffe » vigne en France. Elle a coordonné de
2012 à 2021 un programme national sur les impacts et les adaptations
de la filière Vigne et Vin française au changement climatique. Elle
continue à accompagner la filière dans la mise en œuvre de sa
stratégie d’adaptation. Depuis 2018, elle dirige l’UMR
« Ecophysiologie et Génomique Fonctionnelle de la Vigne »
à l’ISVV,
Bordeaux.
Thierry
Simonneau (INRAE, UMR LEPSE, Montpellier) : Maîtriser les
besoins en eau de la vigne pour faire face aux contextes de demain.
Résumé
de l’intervention : Avec la hausse des températures,
l’évapotranspiration va continuer d’augmenter dans les vignobles
jusqu’à dépasser largement le stockage d’eau de pluie dans les
sols, notamment l’été. Des périodes de déficit hydrique vont
s’ensuivre et le vigneron va devoir adapter ses choix et ses
pratiques dans une perspective d’économie d’eau et de production
durable.
Le
problème n’est pas tout à fait nouveau pour les vignerons qui
cultivent depuis longtemps dans des conditions de contrainte hydrique
modérée, souvent favorables à la qualité des vins, notamment les
rouges. A ceci s’ajoutent les fortes variations climatiques
interannuelles passées qui ont déjà exposé les vignobles à des
années exceptionnellement sèches et chaudes. Les solutions adoptées
par les vignerons pour y faire face méritent donc d’être
examinées. Le référentiel bibliographique s’est également
enrichi pour préciser les impacts positifs et négatifs d’une
contrainte hydrique plus ou moins sévère. L’ensemble permet
d’affiner la notion de parcours hydrique idéal, c’est-à-dire
l’évolution idéale du contenu en eau du sol qui permet
d’atteindre des objectifs de production donnés.
Pour
suivre ce parcours hydrique idéal dans un contexte pédoclimatique
soumis à imprévus, le vigneron peut revoir ses objectifs de
production et adopter des systèmes de conduite économes en eau. Il
peut aussi augmenter la disponibilité de l’eau avec une gestion du
sol adaptée. Enfin, quand les apports par irrigation sont possibles,
il importe là encore de choisir des techniques économes en eau et
toujours ajustées à l’objectif de production.
Différents
leviers sont donc actionnables pour maîtriser les besoins en eau au
vignoble, y compris à la plantation, avec des conséquences plus ou
moins immédiates, réversibles ou durables. Les leviers à mobiliser
sont à raisonner de manière systémique, sur de longs pas de temps,
au sein de paysages complexes et multi-acteurs, où l’usage de
l’eau est compétitif, réglementé et évolutif.
Thierry
Simonneau a étudié à l’INA Paris-Grignon (devenu AgroParisTech)
et est aujourd’hui directeur de recherche INRAE au Laboratoire
d’Ecophysiologie des Plantes sous Stress Environnementaux,
à Montpellier, où il conduit des recherches sur l’utilisation de
l’eau par les plantes. Depuis une dizaine d’années, il anime une
équipe composée de cinq autres chercheurs INRAE ou
enseignants-chercheurs de l’Institut Agro qui étudient plus
particulièrement la vigne dans le but d’adapter les vignobles au
changement climatique. A ce jour, Thierry Simonneau a publié près
de 70 articles scientifiques qui vont de l’étude de gènes
impliqués dans l’économie d’eau par les plantes, jusqu’à la
détection d’une contrainte hydrique sur les vignes par imagerie
hyperspectrale ou de l’impact de vagues de chaleur par satellite.
Ses travaux récents ont montré qu’il était possible d’améliorer
l’efficience d’utilisation de l’eau au vignoble en
sélectionnant des variétés qui transpirent moins la nuit, ou bien
en taillant et en palissant la vigne pour maximiser le pourcentage de
feuilles exposées au soleil, ou encore en pilotant l’ombre portée
par des panneaux photovoltaïques mobiles pour atténuer les pics de
transpiration. Dernièrement, il a coordonné la rédaction d’un
chapitre d’ouvrage à paraître sur la gestion de l’eau dans les
vignobles (Simonneau
T., Van Leeuwen C., Coulouma G., Saurin N., Lajeunesse I. (à
paraître) La gestion de l’eau. In : La
vigne, le vin et le changement climatique, QUAE Editions).
Lionel
Ranjard (INRAE, UMR Agroécologie, Dijon) : La
microbiologie des sols au service d’une viticulture durable
Résumé
de l’intervention :
La viticulture est un secteur d‘activité agricole stratégique
pour la France, car elle représente le premier poste exportateur du
secteur agroalimentaire pour seulement 3 % de la surface agricole
utilisée française. Toutefois elle est aussi une forte
consommatrice de produits phytosanitaires avec environ 20 % des
pesticides utilisés en France à elle seule, couplé aussi a une
forte mécanisation. Tout cela entraîne une dégradation de la
qualité des sols, qu’elle soit physique par des processus
d’érosion ou biologique par une altération de la biodiversité.
Si 80 % du vignoble est en conduite conventionnelle (CV), on note une
conversion de 3-4 % par an des surfaces vers des conduites biologique
(AB) et biodynamique (BD), non consommatrices de pesticides de
synthèse. Toutefois, à ce jour nous manquons encore de
connaissances précises sur les impacts de ces conduites sur la
qualité des sols viticoles.
Dans
ce contexte, le projet EcoVitiSol®
est la première étude menée à grande échelle pour évaluer la
qualité physico-chimique et microbiologique des sols de vigne
cultivés selon différents modes de production (CV, AB et BD).
L’originalité de ce projet est d’aborder cette problématique
avec des approches participatives en impliquant directement les
viticulteurs au sein d’un territoire défini.
A
ce jour quatre territoires viticoles ont été investigués :
l’Alsace, La Bourgogne du nord (Côte de Nuits, Côte de Beaune),
la Bourgogne du sud (Côte Chalonnaise, Mâconnais) et les côtes de
Provence. Dans chaque territoire, environ 50-60 viticulteurs ont été
impliqués. Chacun a mis à disposition une parcelle sur lesquelles
les chercheurs sont venus échantillonner le sol. Les outils modernes
utilisés pour évaluer la qualité des sols dans ce projet ont
permis de caractériser l’abondance, la diversité et les
interactions microbiennes par des approches moléculaires ainsi que
la qualité de la matière organique par la technique Rock-Eval® en
plus des caractéristiques physico-chimiques classiques (pH, texture,
C/N, teneur en Cu…). Cette conférence présentera les résultats
obtenus sur l’impact des modes de production sur la qualité
physico-chimique et microbiologique des modes de production, et aussi
des pratiques de gestion des sols comme le travail du sol,
l’enherbement et la fertilisation afin d’identifier les pratiques
viticoles les plus durables.
Loïc
Ranjard est directeur de recherches à l'INRAE de Dijon dans l'UMR
Agroécologie. Il est spécialiste en écologie microbienne du sol et
anime des travaux sur la distribution spatiale des microorganismes
dans le sol sur de grandes échelles spatiales et sur l'impact des
pratiques agricoles sur la qualité microbiologique des sols. Il
coordonne différents projets collaboratifs et participatifs dans ce
domaine.
Guillaume
Arnold (INRAE, UMR SVQV, Colmar) : Les variétés de vigne pour
demain
Résumé
de l’intervention :
La notion de matériel végétal fait référence à l’ensemble des
composantes du plant de vignes qui constituent un levier d’adaptation
puissant face aux changements climatiques et aux évolutions
sociétales.
La
vigne cultivée appartient au genre Vitis,
ce dernier est composé de plusieurs espèces réparties à l’état
spontané en Amérique du Nord et centrale, en Asie et en Europe. La
domestication de la vigne à conduit à valoriser la diversité de
l’espèce Vitis
vinifera
par la sélection des variétés les mieux adaptés aux objectifs de
productions en fonction des conditions pédologiques et climatiques
des vignobles.
L’arrivé
du phylloxera marque un tournant dans les stratégies de
domestication de la vigne à travers la mobilisation d’autres
espèces que Vitis
vinifera
par la création de porte greffes ou de nouvelles variétés dite
hybrides. Progressivement, les avancés scientifiques permettent de
mieux comprendre et valoriser la diversité génétique de la vigne.
Que ce soit à l’échelle des porte-greffes ou de l’exploitation
de la diversité variétale les champs d’investigations sont
nombreux. A travers cette présentation nous illustrerons à partir
de cas concrets qu’elles sont les possibilités d’adaptations
qu’offrent ces différents leviers.
Guillaume
Arnold est ingénieur en innovation variétale au sein de l’équipe
de génétique et d’amélioration de la vigne d’INRAE Colmar. Il
débute ses activités de sélection de la vigne dans les années
2000 auprès du conseil interprofessionnel des vins d’Alsace pour y
développer des programmes d’amélioration végétale des
principales variétés cultivées en Alsace. Après avoir assuré la
responsabilité du service technique, il créé en 2018 sa société
de sélection « Synergie Vigne et Terroir » et développe plusieurs
projets de collections privées auprès des entreprises des vignobles
de France et d’Allemagne, contribuant ainsi à la préservation de
plusieurs milliers de génotypes d’intérêts. En 2021 il rejoint
INRAE pour poursuivre et développer des programmes de créations
variétales avec pour objectif de réduire drastiquement l’usage
des produits phytosanitaires tout en maintenant un potentiel
qualitatif et une adaptation aux évolutions climatiques. Guillaume
Arnold est ingénieur diplômé d’état dans la spécialité «
agriculture », à travers ses expériences il propose une vision
intégrative de la sélection à travers la valorisation des
ressources génétiques de la vigne pour créer les variétés de
demain.
Marc-André
Selosse (MNHN, UMR ISYEB, Paris): Des microbes pour soigner et
protéger la vigne
Résumé
de l’intervention :
La
vision des plantes comme holobiontes, c’est-à-dire avec l’ensemble
de leur microbiote (bactéries, champignons et virus) dans leur
physiologie et leur adaptation, s’applique bien sûr à la vigne.
Elle inclut les champignons et les bactéries mutualistes associés
aux racines, aidant à la nutrition et à la défense contre les
agressions du sol. Leur présence a une influence systémique qui se
répercute jusque dans les parties aériennes et les baies, par
exemple dans la teneur et la composition tannique. Les parties
aériennes sont aussi accompagnées de microbes, des feuilles aux
baies (mais, bien qu’on crédite ces derniers de contenir les
levures « spontanées », celles-ci proviennent plutôt de
l’environnement de la cave). Nous devons adapter nos itinéraires
techniques, surtout dans un contexte d’usage de pesticides pour
lutter contre les maladies de la vigne, à la présence du
microbiote. Celui-ci pourra être spontané ou introduit (en
particulier pas pulvérisation foliaire) pour capitaliser sur le rôle
de la symbiose dans la gestion du vignoble.
Marc-André
Selosse est
professeur du Muséum national d’Histoire naturelle à Paris et aux
universités de Gdansk (Pologne) et Kunming (Chine), où il dirige
des équipes de recherche. Ses travaux portent sur l’écologie et
l’évolution des associations à bénéfices mutuels (symbioses).
Mycologue et botaniste, il travaille en particulier sur les symbioses
mycorhiziennes qui unissent des champignons du sol aux racines des
plantes. Président de BioGée, membre de l’Académie d’Agriculture
de France et de l’Institut Universitaire de France, il est éditeur
de quatre revues scientifiques internationales et de la revue de
vulgarisation Espèce.Il
a publié plus de 230 articles de recherche et 290 articles de
vulgarisation et a publié des ouvrages grand public sur les
microbiotes (Jamais seul, 2017), les composés phénoliques (Les
goûts et les couleurs du monde,
2019), le sol (L’origine
du Monde,
2021) et la place de l’homme dans la nature (Nature
et Préjugés,
2024) ainsi que ses chroniques diffusées sur France-Inter
(Petites
histoires naturelles,
2021), chez Actes Sud. Il est co-auteur d’une bande dessinée sur
le sol avec Mathieu Burniat (Sous
Terre,
2021, Dargaud). Il a reçu le prix Homme-Nature de la Fondation
Sommer 2020.
Philippe
Darriet (Université de Bordeaux, ISVV, UMR Oenologie) :
Anticiper
les évolutions dans la composition et les caractéristiques
sensorielles des vins
Résumé
de l’intervention :
Dans un contexte de changement climatique, l’état physiologique de
la vigne est modifié dans un sens pouvant fortement affecter la
maturation des raisins et par voie de conséquence les
caractéristiques sensorielles des vins. Il ne s’agit pas seulement
d’un phénomène lié à l’accroissement de la teneur en sucres
des raisins (qui conduira à une teneur accrue en éthanol dans les
vins) ou d’une diminution de l’acidité. Les conséquences du
changement climatique, en lien avec l’augmentation de la
température et du rayonnement, du niveau de contrainte hydrique, ou
autre perturbation de l’état physiologique de la vigne… seront
susceptibles de modifier la teneur de nombreux composés du
métabolisme secondaire des raisins. Au travers des transformations
chimiques, biochimiques ou microbiologiques de ces composés
(pigments, tanins, précurseurs d’arôme…) pendant les étapes la
vinification, de l’élevage et du vieillissement, la perception
sensorielle du vin dans ses caractéristiques visuelles, olfactives
et gustatives sera modifiée. En effet, la composante organoleptique
du vin résulte d’une grande diversité de composés non volatils
et volatils (arôme) souvent présents à l’état de traces, qui
constituent des stimuli pour notre système sensoriel avant de
devenir, selon des phénomènes complexes, des sensations dans le
champ de la conscience. Ainsi, la surmaturation des raisins, dans des
conditions de température et de rayonnement solaire accrus conduit à
un accroissement des teneurs en composés volatils odorants (famille
des furanones et lactones), qui renforcent les nuances de fruits
cuits et secs. En outre, ces conditions de maturation peuvent
modifier les propriétés anti-oxydantes des raisins et des vins, ce
qui risque d’accroître la sensibilité oxydative des vins et
affecter leur potentiel de vieillissement.
Ce
contexte suppose d’ajuster aussi les pratiques œnologiques pour
limiter les effets non-intentionnels susceptibles d’affecter
l’originalité et la typicité des vins. En fonction des conditions
environnementales, il s’agit d’adapter la date, les modalités de
la récolte et de la réception des vendanges, en privilégiant des
récoltes matinales ou nocturnes, en limitant, par le refroidissement
et l’inertage, les phénomènes chimiques et biochimiques au cours
des opérations pré-fermentaires. Des travaux mentionnent l’intérêt
de partitionner à des dates successives la récolte d’une même
parcelle. Une attention particulière est recommandée lors des
étapes de la vinification et l’élevage des vins, incluant une
extraction maîtrisée
des composants pelliculaires, une modulation du niveau d’acidité
des moûts et des vins, ou de la révélation du potentiel
aromatique, présent dans les raisins sous forme de précurseurs, par
l’emploi de levures sélectionnées, selon les typologies de vins
recherchées. Une limitation de la teneur en éthanol, pourra aussi
être recherchée par la mise en œuvre de procédés conformes aux
choix des vinificateurs et à l’attente des consommateurs. La
maîtrise
de l’élevage et du vieillissement des vins suppose plus encore un
ajustement des pratiques, en particulier le niveau d’oxygénation
des vins, afin de limiter des phénomènes chimiques favorables à
une évolution oxydative prématurée. Par la compréhension des
phénomènes en jeu et l’innovation, les activités de recherche
conduites dans le domaine de l’œnologie visent à accompagner les
choix des vinificateurs à toutes les étapes de l’élaboration des
vins.
Cependant,
l’anticipation de l’évolution de la composition des vins avec le
changement climatique, de leurs caractéristiques sensorielles et
typicité, mobilise aussi l’œnologie au travers l’évaluation de
dispositifs au vignoble, ayant trait à l’adaptation du mode de
conduite de la vigne, à l’alternative variétale de Vitis
vinifera,
et au développement de nouvelles variétés résistantes aux
principales maladies cryptogamiques et adaptées à l’évolution du
climat. La dimension interdisciplinaire de ces travaux constitue un
enjeu important pour relever les défis inhérents à l’impact du
changement climatique.
Références
Darriet
Ph., Mouret J.R., Sablayrolles J.M., Samson A. (2024). Les solutions
œnologiques : adapter la vinification. Vigne,
Vin et Changement Climatique,
Ollat N., Touzard J.M. éditeurs, Quae.
Drappier,
J., Thibon, C., Rabot, A., & Geny-Denis, L. (2019). Relationship
between wine composition and temperature: Impact on Bordeaux wine
typicity in the context of global warming. Critical
Reviews In Food Science and Nutrition, 59(1),
14-30.
Pons,
A., Allamy, L., Schüttler, A., Rauhut, D., Thibon, C., &
Darriet, P. (2017). What is the expected impact of climate change on
wine aroma compounds and their precursors in grape? ŒNO
one, 51(2),
141-146.
Thibon
C., Roland A., Darriet Ph., Teissedre P.L., Jourdes M., Pons A.
(2024). Les
impacts sur la qualité du vin.
Vigne, Vin et Changement Climatique,
Ollat N., Touzard J.M. éditeurs, Quae.
Van
Leeuwen, C., & Darriet, P. (2016). The impact of climate change
on viticulture and wine quality. Journal
of Wine Economics, 11(1),
150-167.
UMR
1366 Œnologie, Université de Bordeaux, Institut des Sciences de la
Vigne et du Vin. 210 Chemin de Leysotte, 33140, Villenave d’Ornon
cedex.
Vin
et santé (à venir
Jean-Marie
Cardebat (Université de Bordeaux, ISVV, UMR BSE) : Quelles
évolutions à venir pour le marché mondial du vin ?
Le
marché du vin traverse une crise mondiale sans précédent. Des
facteurs conjoncturels et structurels coïncident et conduisent à
une baisse combinée de la production et de la demande mondiale.
Comment faire face à cette crise ? Les réponses sont
multiples. Elles touchent au renouvellement en profondeur des
gammes proposées, au changement de logiciel dans la façon de penser
le marché ou encore à une remise en cause de l’organisation même
de la filière. Les réponses sont aussi sociétales, pour comprendre
la déconsommation d’alcool. Elles sont économiques, pour mieux
identifier les cycles conjoncturels. Elles sont, enfin, géopolitiques
pour appréhender le grand export dans un contexte de fermeture
progressive de certains marchés clefs, comme le marché chinois. La
filière vin doit mieux appréhender son environnement global tout en
luttant contre les effets délétères du changement climatique. On
le comprend, la décennie qui s’ouvre sera celle d’une mutation
profonde de cette filière.
Jean-Marie
Cardebat est professeur d'économie à l'Université de Bordeaux et
professeur affilié à l'INSEEC Grande Ecole, où il dirige la Chaire
Vin & Spiritueux. Très intégré dans les réseaux de recherche
internationaux, il est président de l'Association européenne des
économistes du vin et membre de la délégation française à l'OIV
(Organisation Internationale de la Vigne et du Vin), de l'ISVV
(Institut Scientifique de la Vigne et du Vin), de l'AAWE (American
Association of Wine Economists), et du comité éditorial du Journal
of Wine Economics (Cambridge). Enfin, il est affilié au Wine
Economics Research Centre de l'Université d'Adélaïde (Australie)
et au Center for Wine Economics du Robert Mondavi Institute, UC Davis
(USA). Il est l’auteur de "Économie
du vin", éd. La Découverte, 2017. (Traduit en chinois en 2019)
et de "The Palgrave Handbook of Wine Industry Economics",
prix 2019 du meilleur livre en économie de l'OIV.
Synthèse,
Frédérique
Pelsy.
Ancienne
présidente du Centre INRAE de Colmar, Frédérique Pelsy est membre
de l’Académie
d’Alsace.
Conclusion,
Hervé This : le « bouquet du vin »
Hervé
This est directeur de l’International
Centre for Molecular and Physical
Gastronomy, chimiste INRAE dans l’UMR
SayFood (Campus Agro Paris Saclay), professeur consultant
AgroParisTech, membre
de l’Académie d’agriculture de France, de l’Académie
royale des sciences, arts et lettres de Belgique, de l’Académie
d’Alsace et de l’Académie de Stanislas.