On m'interroge : "Pourquoi les émulsions eau dans huile sont-elles moins stables que les émulsions huile dans eau ?"
Avant de poser cette question, il faut s'assurer de se base : est-il vraiment certain que les émulsions eau dans huile sont moins stables que les émulsions huile dans eau ?
Mais il faut commencer par expliquer ce que sont les unes et les autres.
Les émulsions, tout d'abord, sont des dispersions de gouttelettes d'un liquide dans un autre liquide, sans qu'il y ait mélange. Par exemple, quand on fouette un peu d'huile avec beaucoup d'eau, on voit le fouet qui divise l'huile en gouttelettes (d'huile, donc), ces dernières étant dispersées dans l'eau. Si les gouttelettes sont suffisamment petites, on obtient un système dit "colloïdal" qui est une émulsion, puisque ces systèmes sont :
A fluid colloidal
system in which liquid droplets and/or liquid crystals are dispersed in
a liquid. The droplets often exceed the usual limits for colloids
in size. An emulsion is denoted by the symbol O/W if the continuous
phase is an aqueous solution and by W/O if the continuous phase is an
organic liquid (an 'oil'). More complicated emulsions such as O/W/O
(i.e. oil droplets contained within aqueous droplets dispersed in a
continuous oil phase) are also possible. Photographic emulsions,
although colloidal systems, are not emulsions in the sense of this nomenclature.
Source: PAC, 1972,
31, 577. (
Manual
of Symbols and Terminology for Physicochemical Quantities and Units,
Appendix II: Definitions, Terminology and Symbols in Colloid and Surface
Chemistry) on page 606 [
Terms] [
Paper]
Cela tant, un tel système n'est pas stable, parce que les gouttelettes d'huile viennent "crémer", et fusionner, reformant rapidement une couche continue à la surface de l'eau.
Quand on produit une émulsion, on ajoute généralement un troisième élément, à savoir des molécules dites "tensioactives" qui :
1. réduisent l'énergie nécessaire à la dispersion des gouttes d'huile dans l'eau, pour les émulsions de type huile dans eau,
2. tapissent la surface des gouttes dispersées, prévenant leur association, leur fusion, leur "coalescence".
Ces molécules ont des parties "hydrophobes", qui vont dans l'huile, et des parties "hydrophiles", qui vont dans l'eau. Et elles agissent alors de diverses manières :
- d'une part, il y a ce que l'on nomme l' "encombrement stérique", qui correspond à la place que prennent les atomes, les molécules,
- mais il y a surtout des forces de répulsion électrique entre des parties électriquement chargées des molécules (par exemple, des charges négatives pour des groupes phosphate de lécithines, ou des charges portées par les protéines).
Or les parties moléculaires électriquement chargées sont celles qui vont dans l'eau, alors que ce sont des parties moléculaires non chargées qui vont dans l'huile, et qui au contraire s'associent par des liaisons chimiques faibles nommées notamment forces de van der Waals.
De sorte que, avec une émulsions de type eau dans huile, il y a peu de répulsion entre les gouttes d'eau, alors que pour une émulsion huile dans eau, les parties chargées des molécules tensioactives se font face et se repoussent.
Ajoutons de surcroît que l'interface eau-huile se courbe naturellement de façon à mettre l'huile à l'intérieur, comme on le voit par le raisonnement suivant : supposons un interface plane, avec les molécules tensioactives placées comme des clous entre la phase huile, au dessus, et la phase eau par dessous : les parties chargées des molécules tensioactives seraient donc par dessous... mais, se repoussant elles incurveraient l'interface vers le haut, pour former des gouttelettes d'huile.