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lundi 12 mai 2025

Un exemple ? Aie !

 Hier, lors d'un échange avec un jeune scientifique chinois, celui-ci m'écrit  que je suis un exemple pour sa génération... et je me demande bien en quoi. 

Ce que je comprends,  d'abord, c'est qu'il y a cette passion réelle et affichée pour la science, que je distingue bien de la technologie. 

Je l'ai exprimée dans un texte intitulé Le château de la science  : il est certain que ma quasi dévotion pour la chimie peut donner à certains un élan, une possibilité de comprendre les beautés de la chimie, et de la science en général.  

D'autre part, dans cette même journée d'hier, la discussion avec une étudiante m'a montré qu'il y avait lieu de ne pas faire les choses au hasard, qu'il fallait étudier pour devenir capable de travailler avec rigueur, structure  : est-ce un exemple à donner? 

Et encore une autre discussion m'a fait comprendre ce que j'ai exprimé dans un billet précédent, à savoir que nos travaux devaient être fondés sur un sol aussi ferme que possible, je veux dire par là que nous devons faire des recherches bibliographiques extraordinairement rigoureuse, fouillée. 

Derrière tout cela, il y a la question de la rationalité, la question de la méthode, de la rigueur et le temps passé à vouloir faire bien. 

Au fond , c'est peut-être cela que mon jeune collègue entendait ?

samedi 10 mai 2025

A propos de "vinaigrette"

 Je reçois un message : 

C'est quoi le principe de la tenue de la vinaigrette ?
car je cherche toujours les proportions parfaite pour qu'elle tienne bien ferme
moutarde ancienne
eau
vinaigre
huile olive
huile d'arachide

 

Je vais commencer par discuter le mot vinaigrette, avant de répondre à la question. 

 

Qu'est-ce que la vinaigrette ?

Nous sommes bien d’accord : la dénomination des mets doit revenir à ceux qui l’on initialement utilisée, n'est-ce pas ? C'est, en effet, une question d'éthique, que de reconnaître la paternité des inventions, des idées, des découvertes. 

De ce fait, pour savoir ce qu’est une vinaigrette, il faut donc remonter dans le temps.

Commençons au Larousse gastronomique, qui dit simplement, et sans référence, que la vinaigrette est une émulsion d’un corps gras et d’un produit acide. Définition idiote, puisque l'on pourrait faire une émulsion de jus de citron (acide) et d'huile : sans le mot "vinaigre" présent, ce n'est manifestement pas une vinaigrette ! D'ailleurs le Larousse gastronomique confond tout, puisqu’il admet aussi bien de la crème et du jus de citron, que du vinaigre et de l’huile. Décidément, oublions un texte aussi peu éclairant.

Le Guide culinaire ? Ce n’est guère mieux, puisqu’il confond la « Ravigote (ou Vinaigrette) », pour une sauce qui réunit de l’huile, du vinaigre, des câpres, du persil, cerfeuil, estragon et ciboulettes, oignon, sel et poivre.
Oui, la présence des herbes fait la ravigote, et le seul mérite que l’on puisse reconnaître ici, c’est de ne pas avoir confondu avec la rémoulade, qui, elle, contient de la moutarde.
Remontons donc dans le temps, pour voir si nous trouvons mieux que ce livre que je n’aime pas, parce qu’il a donné l’apparence d’un livre savant, en entérinant des définitions fautives.

Au 19e siècle, le cuisinier Urbain Dubois, par exemple, écrit ainsi : « Vinaigrette : Délayez dans une terrine, une cuillerée de moutarde, avec de l'huile et du vinaigre; ajoutez sel et poivre, oignon, échalote, persil, cerfeuil et estragon hachés; ajoutez quelques câpres entières. » Pas terrible : cela, c’est une rémoulade en ravigote !

Allons, montons plus loin encore, avec le Ménagier de Paris, publié vers 1393… qui dit ainsi que la vinaigrette est une « sauce faite d'huile, de vinaigre et de divers condiments » (Ménagier de Paris, II, p. 108).
Voici qui est plus clair… à cela près que l’on trouve aussi « Prenez la menue-haste d’un porc, laquelle soit bien lavé et eschaudée, puis rostie comme à demy sur le greil : puis minciez par morceaux, puis les metez en un pot de terre, du sain et des oignons coupés par rouelles, et mettez le pot sur le charbon, et hochiez souvent. Et quand tout sera bien frit ou cuit, si y mettez du boullon de beuf, et faites tout boulir, puis broiez pain halé, gingembre, graine, saffran, etc., et deffaites de vin et de vinaigre, et taites tout bouilir, et dit être brune. »
En traduisant, il s’agit de prendre de la viande de porc rôtie, avec de la graisse, des oignons ; on cuit, on ajoute du bouillon, puis du pain grillé, des épices, et du vin et du vinaigre, avant de faire bouillir : rien à voir avec ce que nous disons aujourd’hui être une vinaigrette.

Cette recette est-elle une particularité exceptionnelle ? Non, car c’est presque la même que celle du Viandier, de Guillaume Tirel. C’est si l’on peut dire la véritable recette ! Et notre vague mélange moderne de vinaigre et d’huile, parfois agrémenté de moutarde, n’est qu’une piètre préparation… qui mérite d'être améliorée.

 

Comment cela tient-il ?

Partons de la recette qui a été donnée par mon correspondant, et qui est donc plutôt une rémoulade, puisqu'il y a de la moutarde et de la matière grasse.

La moutarde est faite de graines, donc de tissus végétaux, qui contiennent notamment des phospholipides et des protéines, de sorte que la broyer finement avec de l'huile permet la dispersion de l'huile sous la forme de gouttelettes, ce qui est une "émulsion".

Plus on mélange énergiquement, plus les gouttelettes sont petites, et plus l'émulsion est stable. Simultanément, la couleur s'éclaircit, comme on le voit en faisant l'expérience de préparer une mayonnaise (jaune d'oeuf, vinaigre et huile) à la fourchette, puis en passant un coup de mixer plongeant dedans : à l'endroit mixé, la sauce est bien plus ferme, et bien plus blanche.

Plus ferme : cela signifie d'autre part que les gouttelettes d'huile bougent plus difficilement... et donc que la sauce est stabilisée.

A propos de tarte au citron meringuée

 Une étudiante m'interroge, et voici ma réponse : 



Bonjour et merci de votre message.
Pour vous répondre efficacement, je le lis, et je commente au fur et à mesure :

Je me permets de vous écrire dans le cadre de la préparation de mon Grand Oral, que je présenterai en fin d’année. Je suis élève en classe de Terminale avec la spécialité Physique-Chimie, matière que j’apprécie tout particulièrement.
Vous avez bien raison, la chimie est merveilleuse !

Le sujet que j’ai choisi s’intitule : « En quoi les sciences physiques permettent-elles d’expliquer la réussite de la tarte au citron meringuée ? »
Je crois que le titre doit être changé : ce serait plutôt "Comment les sciences de la nature permettent-elles de bien réussir des tartes au citron meringuées", n'est ce pas ?

Ce projet se découpe en trois parties :
        1.        Le gel citronné, où je traite de l’arôme de citron (notamment la possibilité de le synthétiser par estérification), ainsi que de la gélification par l’agar-agar.
Attention : plutôt que d'arôme, vous devriez parler de goût, parce que l'arôme, en français, c'est l'odeur d'une plante aromatique. Et, d'autre part, ce que vous proposez de synthétiser, c'est sans doute un composé particulier de l'odeur de citron  (lequel ?). Je suppose donc que vous imaginez un ester... mais le gout de citron semble principalement venir du limonène ou du citral ?
D'autre part, dans les recettes classiques, la gélification de la crème citronnée résulte d'une crème citron, par de l'emploi d'agar-agar ; pas de problème, mais c'est juste pour bien situer (et le phénomène de gélification est passionnant dans les deux cas).

        2.        La pâte sablée, sur laquelle porte ma demande.
        3.        La meringue, avec un focus sur l’hydrolyse du saccharose.
L'hydrolyse du saccharose : elle me semble très minoritaire dans cette affaire.

Concernant la deuxième partie, je m’intéresse aux phénomènes physiques qui interviennent lors de la cuisson de la pâte sablée, et notamment à l’utilité de piquer la pâte avec une fourchette avant cuisson. J’ai tenté de formuler une explication basée sur mes connaissances, mais j’aimerais avoir votre avis pour valider ou corriger mes hypothèses.
Attention : baser sur est un anglicisme

Voici ce que j’ai envisagé :
        •        Lors de la cuisson, l’eau présente dans la pâte se transforme en vapeur. Si la pâte n’est pas piquée, cette vapeur pourrait s’accumuler localement, ne trouvant pas d’issue. Cela créerait des bulles de gaz sous la surface, faisant gonfler la pâte, étant donné l’important volume occupé par l’eau sous forme gazeuse.
Oui, l'eau de la pâte s'évapore : il suffit de peser une pâte avant et après cuisson pour voir la masse d'eau perdue, d'où le volume de vapeur produit.
En faisant le calcul, vous verrez qu'une large proportion de vapeur est perdue (ce qui réfute votre "ne trouvant pas d'issue").

        •        J’ai alors pensé qu’une fois que toute l’eau est passée sous forme de vapeur, certaines « bulles résiduelles » continueraient d’augmenter, mais cette fois, simplement par la loi des gaz parfaits auxquels on peut assimiler l’eau dans certaines conditions.
Votre phrase ne va pas : vous voulez dire sans doute que les bulles piégées pourraient gonfler davantage. Et oui, vous pouvez utiliser la loi des gaz parfaits... mais comment allez vous choisir la pression ? Si les bulles ne sortent pas, cela signifie que la pâte résiste.

En effet, je pensais que ces petites bulles résiduelles augmenteraient en volume sous l’action de la température : augmentation de la température T, ferait augmenter le produit PV pression x volume.
 A condition que la résistance de la pâte cuite le permette. 

      •        Cependant, en consultant certains articles, notamment les vôtres, j’ai lu des explications faisant intervenir la formation de feuillets de pâte séparés par de la vapeur, mais cela semblait concerner plutôt la pâte feuilletée.
Oui, c'est pour la pâte feuilletée, et seulement celle-là. Dans votre cas (pâte à foncer, brisée, pas le même phénomène).

Ma question est donc la suivante :
Dans le cas spécifique de la pâte sablée, l’augmentation de volume que l’on observe si l’on ne pique pas la pâte est-elle uniquement due au changement d’état de l’eau (et à l’importante différence de volume entre l’eau liquide et gazeuse), ou bien la loi des gaz parfaits peut-elle aussi être mobilisée pour expliquer certaines bulles persistantes durant la cuisson ?
Voir les comptes rendus du séminaire de gastronomie moléculaire (https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/seminaires) pour voir pourquoi il est peu judicieux de parler de pâte sablée. Je crois me souvenir que c'est pendant le covid que nous avons eu ces études.
Pour le soufflé, le texte suivant répond : https://seafile.agroparistech.fr/f/436e3640fb0c4c42b329/?dl=1

Par ailleurs, parle-t-on bien de bulles, ou peut-il aussi être question de feuillets emprisonnant la vapeur, même dans le cas d’une pâte sablée ?
Je crois qu'il faut parler de bulles, ce que montre une microscopie.

Je vous serais très reconnaissante si vous pouviez m’apporter un éclairage clair sur ces points. J’ai passé beaucoup de temps à chercher des explications, mais j’ai du mal à trouver une réponse précise et consensuelle.
Consensuelle ? Le consensus n'a rien à faire en sciences. Il faut des évaluations quantitatives des phénomènes, et c'est cela qui fait que les sciences de la nature sont si merveilleuses : l'expérience réfute toute autorité, d'une part, et, d'autre part, le monde est écrit en langue mathématique, disait justement Galilée.
Je crois avoir précisément montré que quand différentes hypothèses sont possibles, c'est bien l'évaluation quantitative qui s'impose. Si je me souviens bien, c'est ici : https://seafile.agroparistech.fr/f/ac4bb8000ebc406da82e/?dl=1
https://seafile.agroparistech.fr/f/ac4bb8000ebc406da82e/?dl=1
 


En espérant vous avoir apporté suffisamment d'aide.


vendredi 9 mai 2025

Rissoles et ravioles

 

Un texte publié récemment dans un journal culinaire indique que les ravioles et les rissoles seraient des préparations identiques, mais cela mérite d'être discuté.
 
En effet, les « rissole » sont des pâtisseries déjà présentes en France au 12e siècle, aujourd’hui souvent faite de pâte feuilletée contenant une farce de viande, de poisson, cuite en friture profonde. Et le mot « rissole » vient de roux, rouge, puisque la surface brunit un peu.
En 1934, le pâtissier Pierre Lacam désigne sous le nom de « rissoles à l’anglaise » de la pâte feuilletée accompagnée de confiture d’abricot, mais c’est un pâtissier.
En 1906, le Guide culinaire est plus explicite :
« Rissoles. — Nom générique d'un Hors-d'œuvre chaud qui comporte essentiellement : 1° un salpicon, lié exactement comme un appareil à croquettes et bien refroidi, dont l'élément principal, soit : volaille, gibier, foie gras, etc., détermine la dénomination; 2° Une enveloppe de pâte, soit pâte à foncer fine, demi-feuilletage ou rognures, ou pâte à brioche commune sans sucre.
Les rissoles se traitent invariablement par la friture et se dressent sur serviette, avec persil frit bien vert, sans accompagnement. Chaque genre de rissoles prend une forme différente. »
Pourquoi pas, mais on sait que le Guide culinaire est plein d'erreurs, et, en tout cas, il ne donne aucune référence, avec, en outre, des auteurs qui se contredisent. Mieux vaut le Dictionnaire universel de cuisine pratique de Joseph Favre, antérieur de quelques années. Et là, on trouve que le mot viendrait de roussoler, même sens que brésole, brésoler, faire prendre une couleur dorée : ce qui est juste !
La définition ? De la viande hachée et saucée, enveloppée dans de la pâte et frite. Favre ajoute même que « La différence qui existe entre les ravioles et les rissoles consiste dans l'enveloppe, la forme et la cuisson : les ravioles se distinguent par une enveloppe à pâte ferme (nouilles) par sa forme carrée et par sa cuisson à l'eau, tandis que les rissoles comportent une enveloppe de pâte délicate, le plus souvent de feuilletage de forme ovale ou demi-cercle, panées et frites. Quant à la garniture, elle est absolument facultative et c'est elle qui en détermine le nom. Les rissoles diffèrent des cromesquis en ce sens que l'enveloppe de ces derniers est du pannequet ou de l'hostie, de forme carré-long, également panés et frits. »
C’est donc bien mieux, mais la mention (1889) reste récente. Pour Urbain Dubois, en 1876, il y a des rissoles de pâte fine (pas nécessairement feuilletée), et une panure à l’anglaise (œuf, farine, friture). Pour André Viard, au début du 19e siècle, c’est à nouveau du feuilletage, et une forme de chausson, avec une simple friture. Encore avant, le Dictionnaire des aliments et des boissons, en 1750, est réputé pour avoir colligé des informations anciennes, antérieures à lui. Et l’on y trouve finalement :
« Sorte de pâtisserie faite de viande hachée & épicée, enveloppée dans de la pâte & frite dans du sain-doux ; on fait d'abord de petites abaisses en forme de petite pâte ovale, on les remplit d'un godiveau fait de blanc de chapon, moëlle de boeuf, sel & poivre, le tout bien haché ; les rissoles faites, on les confit dans le sain-doux. On peut en faire en maigre avec de la farce de poisson bien hachée, & même des mousserons ; on les fait cuire auparavant avec beurre, fines herbes & épices, si c'est aux épinards ; si c'est aux mousserons on les fait cuire à l'ordinaire, on les hache bien menu, on les assaisonne d'un peu de sel, sucre, écorce de citron pilée ou râpée, & on les sert cuites au four avec sucre & eau de fleur d'oranger en servant. On appelle aussi les rissoles "oreilles de Parisien", parce qu'elles sont faites en forme d'oreille. »
Ici, on voit que la cuisson n’est pas nécessairement la friture ; le four est possible. En revanche, la forme semble bien déterminée, ainsi que le type de cuisson. 
Et, en tout cas, de bonnes rissoles sont un régal, tout comme de bonnes ravioles, mais les deux préparations sont clairement différentes.

jeudi 8 mai 2025

Preuves et démonstrations

La preuve, nous dit cet excellent Trésor de la langue française informatisé (TLFi, gratuit, en ligne), c'est "ce qui est susceptible d'établir la vérité, la réalité de quelque chose". 

Et l'on voit immédiatement la difficulté. La question de la vérité étant très difficile (et celle de la Vérité serait pire), on pourrait vouloir se poser d'abord la question de la réalité, de l'existence. 

Mais même là, les choses sont bien difficiles : l’illusionnisme nous montre bien combien nos sens les plus fondamentaux peuvent nous tromper. Certes, je sens le mur quand je fonce dedans, mais, en colère ou dans des états de conscience modifiée, je ne sens plus la douleur. Or quand sais-je que ma conscience n'est pas modifiée ? Au fond, les prestidigitateurs rendent aux scientifiques un service immense, parce qu'ils font bien comprendre que, parfois, nous sommes abusés par nos sens : nous voyons des phénomènes qui n'existent pas, des pièces de monnaie qui disparaissent, ou, au contraire, des colombes qui sortent de chapeaux. Tout cela doit nous rendre extrêmement prudents quand nous discutons de "preuves" ou de "démonstrations". 

En matière criminelle, on nous parle des preuves, mais les a-t-on jamais vraiment ? S'agit-il de preuves absolues, ou bien simplement d'indications ? 

J'observe en passant que l'expression "preuve absolue" me semble bien périssologique. De manière juridique aussi quand on demande des preuves de la possession d'un bien d'une identité, la question des preuves se pose, et l'on n'a souvent que des indications plus ou moins probables. Et même les méthodes les plus modernes, à savoir les tests ADN, peuvent se tromper. 

Toute la question repose sur le fait que nos sens sont faillibles, que nos instruments de mesure sont imprécis : tout cela anéantit la possibilité de preuve ailleurs qu'en mathématiques. 

 

Reste à savoir maintenant si l'on peut faire une démonstration, en sciences de la nature. 

Là, il faut considérer que le mot "démonstration" désigne d'abord l'action de montrer, avant d'avoir le sens (approché) de preuve mathématique. 

D'ailleurs, cette observation, assortie de l'idée qu'il ne doit pas exister de synonymes, laisse penser que la démonstration mathématique n'est pas la preuve. 

Plus généralement, nous arrivons à cette question terminologique : soit on définit la preuve comme une justification irréfutable, parfaite absolument rigoureuse ; soit on considère qu'il s'agit simplement d'arguments. 

Dans la première acception, la preuve n'est qu'en mathématiques, et pas en sciences de la nature. Mais dans la seconde acception, on doit évidemment admettre qu'il y a des preuves. 

Bref, on aurait donc bien un intérêt à se situer soi-même dans un discours qui utilise le mot "preuve" ou à demander à nos interlocuteurs de se situer de même, sans quoi nous risquons l'incompréhension mutuelle. 

Quant à la "vérité"... Je la laisse à ceux qui pourront me la définir correctement !

Le récit de la science ?

 
Une jeune fille m'interrogeait hier à propos de phénomènes qui pourrait être discutés, en vue d'en  faire des chapitres de livres  : lesquels prendre, en cuisine ? 

Cela part évidemment d'une idée tout à fait exceptionnelle : il faut d'abord saluer cette envie de s'intéresser à la physique et à la chimie, et notamment quand elle part de la cuisine. 

Mais il y a surtout lieu d'expliquer combien la sélection est facile, car la science sécrète son objet en quelque sorte :  partant des phénomènes, elle en fait l'exploration. 

Ainsi il y a donc lieu, pour n'importe quel phénomène, de se lancer dans un mouvement infini qui consiste à bien identifier le phénomène, à le délimiter, puis à le quantifier, à chercher des regroupements des données en équations, puis à  chercher des regroupements d'équations avec de nouveaux concepts qu'il faut alors imaginer et qui doivent être quantitativement compatibles avec les données ; il faut ensuite  chercher des conséquences logiques des théories ainsi constituées et tester expérimentalement  es conséquences. 

Tout cela mérite d'être accompagné de longues discussions, de longues explications, et il faut souligner que le  mouvement  est infini puisque toute théorie est insuffisante : il  faut moins  les présenter que les réfuter, en chercher des réfutations. 

Ce mouvement infini, c'est le mouvement de la recherche scientifique, qui se fait pour n'importe quel phénomène, et en regardant dans ma cuisine, je vois mille choses qui sont tendues à mon intérêt. 

Par exemple, alors que je fais mariner les anchois dans du sel, je vois l'eau qui sort des tissus musculaire des poissons... mais comment ?
Dans le bocal, je vois une matière grasse à la surface mais d'où vient-elle et comment est-elle apparue ?
Je vois que les chairs brunissent, mais pourquoi ?
À côté du bocal d'anchois, il y a ce saumon que j'ai fumé pendant le weekend : quelles molécules de la fumée ont-elles parfumé mon saumon et où se sont-elles placées ?
Pas loin, il y a des quenelles, toujours de poisson que j'ai également réalisées pendant le weekend à partir de chair de poisson broyée avec des œufs et de la crème. Et comment le broyage a-t-il modifié la chair ? Quelle est la taille des segments de fibres musculaires finalement obtenus ? Quelle est la répartition des tailles ? Pourquoi celle-là ? Existe-t-il un rapport entre l'énergie que j'ai dépensée pour broyer et cette distribution ? Puis, lors de l'ajout de blanc d'œuf et de crème, le broyeur a-t-il introduit des bulles d'air ? Et de quelle taille ? Cette taille dépend-elle de la viscosité de la chair hachée ou plutôt du mixeur ? Et la graisse : les gouttelettes de matière grasse présentes dans la crème ont-elles été divisées lors du broyage ? 

À ce stade je peux m'arrêter : je crois avoir bien montré combien phénomène pouvait donner lieu à une longue discussion. Evidemment cette discussion n'a pas été faite ici, mais il suffit de considérer tout article scientifique pour s'apercevoir que la question initiale de mon interlocutrice avait une réponse facile.
 

mardi 6 mai 2025

Mon discours lors de la réception du Prix Sonning / My speech during the Sonning Prize Ceremony

 


Address for the Sonning Prize Ceremony
Hervé This
Copenhagen, 9 April 2025

Dear Colleagues, Ladies and Gentlemen

It goes without saying that I am deeply honoured to receive the Sonning Prize 2025.
The legacy of past recipients of the Prize is truly outstanding: Sir Winston Churchill, Bertrand Russell, Karl Popper, Ingmar Bergman, Günter Grass, the Danish icons Jørn Utzon and Lars von Trier... I am proud to be the third French recipient, after the Nobel laureate Albert Schweitzer, also an Alsatian, and Simone de Beauvoir.
In the spirit of acknowledging our shared heritage, I intentionally left out the remarkable Niels Bohr from the list of distinguished Danes, because he and I share something special: we are scientists—Bohr, a physicist, and I, a chemist.
One might ask: what is the relationship between molecular and physical gastronomy, which is a part of chemistry, and culture? The answer is simple: molecular and physical gastronomy bridges science, which is culture, and cooking, which is also culture.

I repeat that I am deeply honoured, but I am also greatly concerned about food security. By 2050, the global population may exceed 10 billion, raising a crucial question: What will they have to eat? This issue extends beyond food security and food safety. We must nourish both the body and the mind, for humans are not merely stomachs—we are cultural beings.
Exactly two centuries ago, the French lawyer Jean-Anthelme Brillat-Savarin became renowned for his reflections on the art of eating. In his book The Physiology of Taste, he wrote, that while animals feed, only humans know how to eat, meaning that they are able to appreciate the cultural signification of food. I would argue that this is not an inherent truth, but rather an aspiration. Whether young and old, we must learn how to eat.
To become truly humans, we must elevate food from the stomach to the mind. Achieving this requires the contributions of all disciplines. Indeed gastronomy encompasses history, geography, philosophy, economics, literature, and, of course, the culinary art. It also draws from the natural sciences—biology, physics, and, notably, chemistry.
Another famous gastronome, Alexandre Balthazar Grimod de la Reynière, rightly observed that “the cackled pieces seem better”. Eating culturally means discussing what we eat, celebrating the culinary artistry of the cook, and appreciating the time, intelligence and effort devoted to preparing dishes.
Culture, language, words… The importance of words was well recognized by the French chemist Antoine-Laurent de Lavoisier, who revolutionized chemistry with a new nomenclature: one cannot improve science without improving language, and vice versa.
It is not widely known, but Lavoisier studied meat broth, anticipating the field of molecular and physical gastronomy. He wrote: ‘We cannot help but be surprised, whenever we ask ourselves questions about the objects we are most familiar with, to see how vague and uncertain our ideas often are, and how important it is, therefore, to fix them with experiments and facts”. And what could be more familiar than the culinary activity, which sustains us several times a day?”

So let us now turn to cooking. It has certainly a technical component, but what’s the point of performing tasks like peeling carrots or whipping eggs, which can be done by machines? The true interest of cooking lies not in mere technique, but in its artistic nature: cooks, at home, in restaurants or in industrial food companies, are expected to create food that has to be good, that is to say beautiful to eat. As there is still resistance to this idea, I insist: the goal is not only to make food visually appealing. Rather it is to make it beautiful in taste and in thought.
Yet even this does not fully capture the essence of cooking. The most technically and artistically accomplished dish is worth nothing if it is thrown in the face of the guests. The dishes should say "I love you"—intrinsically, through their construction, through their flavor. This is the true culinary challenge: to create dishes that express "I love you". A high level of culture!

At first glance, natural sciences may seem distant from this discussion. However, why should not they contribute to other fields, spark new questions, and collaborate with other disciplines to explore this fundamental notion of "I love you"?
Now, moving from sciences in general to molecular and physical gastronomy in particular, it is a science that holds intrinsic value, independent of its applications. This value is evident in the fundamental, and mechanistic questions it raises. Consider for instance the vast literature on tea or coffee, comprising millions of scientific studies. Yet not a single article examines the mechanisms by which compounds in tea leaves or in coffee grounds transfer into water. Similarly, 47% of classic French sauces involve wine in the cooking process, yet no scientific study has explored the chemical reactions that occur when wine is thermally processed in the presence of other compounds, such as those found in meat broths.
It was precisely to address such gaps in scientific knowledge that the English physicist Nicholas Kurti and I created molecular and physical gastronomy in 1988.
The objective was and remains to investigate the mechanisms underlying the phenomena that occur during cooking, employing the same method used by all natural sciences:  experiments and mathematical analysis.
At the time, knowledge in this field was rudimentary. One need only recall that it was once believed that soufflés and similar dishes swelled due to the expansion of air bubbles. One of my earliest discoveries demonstrated that the swelling was actually caused by the evaporation of water. This realization made it possible for soufflés to rise without even beating the egg whites. I will never forget a seminar I gave decades ago, where I presented a soufflé that puffed up despite the egg whites remaining unwhipped. Behind me, a chef and a culinary instructor watched the oven in disbelief, muttering, “But it’s not possible, it’s not possible!” What once seemed impossible is now evident: thanks to molecular and physical gastronomy, culinary techniques have evolved, and so has the way they are taught. The scientific approach has not only helped innovative chefs worldwide to elevate the pleasure of eating to a new level—where creativity and art intertwine—but has also sparked innovation in laboratories around the globe, profoundly influencing food culture.

This brings us to the invaluable act of teaching—the transmission of culture to younger generations. In the past, cooking was learned through repetition. Today, technical aspects are taught in technology classes, grounded in the analysis of molecular and physical gastronomy. Even in primary schools, scientific activities around cooking have reached millions of children in France, and have even extended to the favelas of Rio de Janeiro in Brazil—what a joy!
Of course, there are also technical applications, as we recognized that cooking could not remain in the outdated state we observed in the 80’s. What I have termed ‘molecular cooking’ refers to the modernization of culinary techniques, using tools from chemistry, physics, and biology laboratories. While this renovation is ongoing, significant progress has been made. Today, alternative gelling agents, new cooking methods at low temperature, are widespread across the world. However I will not be satisfied until chefs can work seated, in a quiet environment, free from excessive heat or stress.
This is why we must move to the next step, one that is even more fruitful: synthetic cooking, whose artistic form is known as note by note cuisine. Rather than relying on traditional ingredients like fruits, vegetables, meat, fish or eggs, this approach focuses on the individuals compounds or fractions of these ingredients: water, cellulose, pectins, lipids, and so on.
Just as synthetic music creates sounds beyond the reach of classical instruments, synthetic cooking allows for the creation of new textures and flavours—unimaginable and unprecedented. 3D food printers will play a key role in advancing this culinary frontier.
Just like molecular cooking, note by note cuisine is not about catering to the wealthy. Our goal is to nourish everyone, enabling people to eat with a clear conscience while making the most of the available resources. As we strive to reduce food waste and losses in the effort to feed humanity by 2050, note by note cuisine becomes increasingly vital, posing new scientific challenges for molecular and physical gastronomy and other sciences.

Finally, I reiterate that, of course I am deeply honoured to receive the Sonning Prize, and I must express my heartfelt gratitude to everyone who played a role in the decision made by the Sonning Committee. I am particularly grateful to my colleague Karl Anker Jørgensen, a chemist at Aarhus University, as well as to Professor Marie-Louise Nosch of the University of Copenhagen, Steffen Brandt, Erik Frandsen, and Birgitte Nauntofte, chair of the Aarhus University Board.
I view awards, decorations, and other public recognition as opportunities to make a further meaningful impact. I hope the Sonning Prize will encourage my colleagues worldwide to explore the many fascinating phenomena that can be observed in kitchens. I also hope it will help the public understand that food must evolve, not only because our lifestyles have changed, but also due to the growing concerns around food security, food safety, sustainability and climate change.
All of society is involved, and it is necessary to change mentalities and ideas, from primary schools to professional bodies.
It is not only sound knowledge that should be shared, but also methods, an important word, particularly close to my heart as it refers to a famous discourse by René Descartes, who contributed to the creation of modern science and thought.
Whether we speak of technique, of technology, of teaching or of science, we have to discuss first the goal, then the method, as in Greek methodon means “choosing the way”.
For food, the ultimate goal is Culture. And we need to continue the work of the Enlightenment, which did not conclude with the publication of Diderot and D'Alembert's Encyclopédie. The Age of Enlightenment is far from over. Like the thinkers of the 18th century, we must step out our laboratories to combat magical thinking, disseminate knowledge and skill, and resist ignorance, dogma and tyranny.
Of course, in order to transmit a clearer picture of the world, we need to expand the kingdom of knowledge, through sciences. In this quest, in the laboratory or elsewhere, I have for myself this question that I don't dare ask others: since we are what we do, what is my agenda?

Celebrate Chemistry, Celebrate Culture, and thank you very much for your attention

 


 

Un piège ? Non, une occasion de briller

 Dans des entretiens de recrutement, les examinateurs posent des questions qui leur permettent d'évaluer non seulement les connaissances des candidats mais également -et peut-être surtout- leur capacité à raisonner. 

En demandant "combien de protéines dans un blanc d'œuf ?",  il y a là une occasion, pour eux, de montrer cela. 

Dans le "combien", on peut d'abord interpréter la quantité en masse de protéines,  et la réponse est simplement qu'un blanc d'oeuf est fait de 90 % d'eau et de 10 % de protéines. C'est une connaissance, mais elle prend son intérêt quand elle est assortie d'une interprétation, d'une hypothèse que le candidat fait explicitement. 

Mais on peut aussi interpréter en termes du nombre de protéines,  et, là, une connaissance élémentaire de la chimie permet d'élaborer une réponse assez longue qui montre que l'on ne confond pas tout. En effet, les protéines sont des catégories de molécules. Chaque "protéine" est une catégorie point,  et pour chaque protéine, dans un blanc d'œuf, il y a un très grand nombre de molécules de cette protéine. 

Le nombre de protéines, c'est-à-dire le nombre de catégories différentes de molécules, est considéré aujourd'hui supérieur à 300. 

Et pour le nombre des molécules pour une des protéines ? Là, il y a lieu de montrer que l'on maîtrise le maniement des ordres de grandeur. 

45 % (en masse) des protéines du blanc d'œuf sont de l'ovalbumine. Disons la moitié. 

Puis raisonnons : 

- un oeuf, c'est environ 60 grammes

- il y a environ 40 grammes de blanc d'oeuf

- et puisqu'il y a 10 % de protéines (en masse), cela fait 4 grammes de protéines

- la moitié, c'est 2 grammes

- supposons que l'on sache que la masse molaire de l'ovalbumine est de 45 000 grammes 

- on arrondit à 40 000 grammes

- et on sait alors que, pour 40 000 grammes, on a une mole de molécules d'ovalbumine

- le nombre de moles est de 2/40 000

- et le nombre de molécules est alors 2/ 40 000 fois le nombre d'Avogradro (6e23). L'affaire est faite. 

Mais si on ne sait pas la masse molaire de l'ovalbumine ? Alors on peut savoir qu'une protéine a plus d'une centaine de résidus d'acides aminés. 

Comme un acide aminé est... un acide aminé, il y un groupe acide carboxylique et un groupe amine. De sorte que l'on peut calculer l'ordre de grandeur de masse moléculaire d'un acide aminé, et donc déterminer un ordre de grandeur de masse molaire de l'ovalbumine. 

Bref, il y a lieu de passer un long moment devant l'examinateur pour montrer que l'on se débrouille bien avec des connaissances vraiment élémentaires puisque la chimie est enseigné depuis les classes du collège. 

 
 
 
Vive la chimie (cette merveilleuse science de la nature qui ne se confond pas avec ses applications), bien plus qu'hier et bien moins que demain !
 
 
Actualités :
Le prix Sonning : https://hervethis.blogspot.com/2025/04/for-sonning-prize.html with pictures of the event :
Le 24 avril, une conférence à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg (6, place de la République 67070 Strasbourg Cedex) :
 
Vient de paraître : Hervé This, Présenter la chimie ?, L’Actualité chimique, mars 2025, N°502, 4-9.
Vient de paraître : Using a descending approach for exploring “culinary definitions”, in view of analysis and food innovation, International Journal of Molecular and Physical Gastronomy, 11(1), 2, 1-21.
 
 

Hervé This
INRAE-AgroParisTech International Centre for Molecular and Physical Gastronomy : https://icmpg.hub.inrae.fr
 
Informations, contact:
Groupe de gastronomie moléculaire, Equipe GePro, UMR 0782 SayFood, AgroParisTech-Inrae
22 place de l’agronomie, 91120 Palaiseau
Tel : 01 89 10 11 79 ou 01 89 10 00 00 (standard)
Site, avec une liste d'activités à venir : https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/
Blog : https://hervethis.blogspot.com/

lundi 5 mai 2025

Vers la bonne science !

Sortant de toute une série de lectures scientifiques, je vois mieux que la mauvaise science va souvent avec une recherche insuffisante des prémisses, se nourrit de faits et d'idées mal référencés, mal cités, mal établis... 

Je viens en effet de lire des textes où les auteurs citent, notamment dans l'introduction, une série de faits mal établis, ou d'idées imprécises, douteuses. 

Or, quand je lis un texte scientifique, je ne peux m'empêcher, en vertu d'un entraînement régulier, de m'arrêter à chaque phrase, à chaque référence qui est donnée, pour aller voir ce qui s'est vraiment dit antérieurement à ce propos, tant je n'ai plus confiance dans les publications scientifiques, sachant pertinemment combien les rapporteurs font souvent mal leur travail. Évidemment, dans le lot, il y a de bon rapporteurs, mais il y en a aussi de mauvais, et rien que cette observation doit suffire à nous conduire à la prudence. 

En l'occurrence, dans le texte que je viens de regarder, j'ai trouvé toute une série d'idées qui n'était pas données dans les références pourtant citées à leur propos et les faits rapportés, également avaient été légèrement modifiés, de sorte que, en réalité, les citations données par l'article que je lisais étaient fautives.

Au fond, plus peut-être même que de grandes envolées théoriques intelligentes, il y a cette caractéristique de la bonne science qu'elle s'établit sur des fondations vraiment solides, sur des idées très fermement posées, sur des faits très bien établis, sans interprétation abusive... : la bonne science est précise et rigoureuse, elle avance à pas comptés, et ne fait l'économie d'aucune validation, d'aucune vérification,...

Je  me remémore ainsi des articles de Michel Eugène Chevreul, de Michael Faraday, où tous les détails sont considérés, lentement, méthodiquement... Je me souviens aussi que le chimiste Justus von Liebig a fait courir le bruit que "ce n'est pas Antoine Jérôme Balard qui a découvert le brome, et ce serait le brome qui aurait découvert Balard". Liebig était un méchant jaloux, et c'est parce qu'il n'avait pas découvert le brome dans les mêmes eaux que celles que Balard avait analysées qu'il en voulait à Balard. En réalité, Balard a même été peut-être plus grand que Liebig puisqu'il a découvert le brome là où Liebig ne l'avait pas vu. 

Oui, les bons scientifiques savent prendre de la hauteur, savent embrasser de vastes catégories, savent introduire des concepts, mais il font cela dans le respect absolu des faits et des idées ;  ils ne sont pas négligents, ils ne sont pas imprécis. Et c'est cette double compétence  de rigueur et de grandeur qui leur fait mériter notre admiration.

dimanche 4 mai 2025

On me redemande la recette du "chocolat chantilly" (ne pas confondre avec une chantilly au chocolat)

1. C'est amusant de voir combien il faut répéter pour être entendu. Je viens de le voir à nouveau à propos de ce "chocolat chantilly" que j'ai inventé dans les années 90. Il s'agit d'une mousse au chocolat qui ne nécessite pas d'oeufs, et que l'on fait simplement avec de l'eau et du chocolat. 

2. Récemment, lors d'une conférence grand public, j'ai évoqué la chose et je l'ai sans doute fait dans des termes engageants puisque plusieurs personnes m'ont demandé la recette. J'avais  le sentiment de l'avoir donné mille fois, mais je vois qu'il faut m'y remettre et expliquer la chose. 

3. L'objectif tout d'abord est de faire une mousse au chocolat, c'est-à-dire une préparation légère, foisonnée, au chocolat. 

4. Classiquement les mousses au chocolat se font avec des blancs d'œufs battus en neige, d'une part, et du chocolat fondu de l'autre. Parfois, on ajoute du beurre, du sucre, et cetera.

Mais dans le chocolat chantilly, il n'y a que de l'eau et du chocolat. Plus exactement cette eau peut avoir du goût : ce peut-être du thé, du café, un jus de fruits... 

5. Mais bon, indiquons la recette avec de l'eau : 

- on prend une casserole, 

- on y met 200 g d'eau, et 200 g de chocolat à croquer ou de couverture. 

- quand on chauffe doucement, le chocolat fond et s'émulsionne spontanément dans l'eau : cela signifie que le sucre du chocolat se dissout dans l'eau tandis que la matière grasse vient former des gouttelettes liquide dispersées dans l'eau ainsi sucrée.
C'est cela une émulsion, qu'il ne faut pas confondre avec une mousse, laquelle serait faite de bulles d'air dans un liquide et non pas de gouttelettes de matière grasse dans un liquide. 

- vient alors la deuxième étape de l'opération : on pose la casserole dans un récipient rempli d'eau froide, éventuellement avec des glaçons pour aller plus vite, et l'on fouette en essayant d'introduire le plus d'air possible avec le fouet : il ne s'agit pas d'aller faire des allers-retours ou des huit mais bien de fouetter en introduisant de l'air par un mouvement vertical du fouet

- arrive un moment où la préparation s'éclaircit et où les branches de fouet commencent à laisser des marques dans la préparation : c'est à ce stade qu'il faut s'arrêter.
La préparation s'est éclaircie parce que les bulles d'air ont été introduites et que ça a fait blanchir tout comme du blanc d'oeuf blanchit quand on le bat en neige. On peut très bien laisser la préparation au réfrigérateur et la matière grasse cristallisera, mais elle fondra de nouveau quand sortira le chocolat chantilly du réfrigérateur.

6. Ajoutons que le mot le nom chocolat chantilly vient de ce que l'on doit obtenir idéalement la consistance d'une crème chantilly, très légère donc et c'est une démonstration que des œufs sont inutiles pour faire une mousse au chocolat. 

7. Pour le goût maintenant, on a le choix d'ajouter des composés qui sont solubles dans l'eau ou  dans les matières grasses, puisque l'émulsion obtenue initialement contient les deux.
'ai déjà indiqué que l'on peut remplacer l'eau par une "eau qui a du goût" (thé, café, etc.) par exemple, mais non j'aurais pu aussi indiquer que l'on peut faire infuser une matière aromatique dans l'émulsion avant de la fouetter

Et c'est ainsi que l'on constate que l'on règle parfaitement le goût est la consistance de la préparation.

jeudi 17 avril 2025

De la difficulté de dépasser la théorie régnante

Lorsque j'ai rédigé mon discours réception du prix Sonning, j'ai discuté la question des soufflés, et l'ignorance très grande où nous étions initialement à leur propos, quand j'ai commencé ses travaux. Comment se fait-il que nous ayons mis si longtemps à découvrir quelque chose de si simple, à savoir que les soufflés gonflent parce que l'eau s'évapore ? 

Étions-nous stupides ? Pour moi, j'avais l'excuse de la jeunesse, de l'inexpérience scientifique, mais Nicholas Kurti, lui, avait déjà au moins 70 ans et il était un physicien reconnu internationalement pour sa découverte de la désaimantation adiabatique nucléaire. On ne peut guère supposer qu'il était scientifiquement naïf, d'autant qu'il s'agissait d'une question de physique. 

En 1969, Nicholas avait publié dans un article, dans la revue de la Royal Institution, où il déplorait que l'on sache mieux la température à l'intérieur du soleil qu'à l'intérieur d'un soufflé. Et il avait d'ailleurs mesuré cette température, observant d'ailleurs dans la courbe de la température en fonction du temps, vers 60 °C,  une légère ondulation qui l'avait intrigué et qu'il  ne parvenait pas à s'expliquer. 

Mais il est amusant d'observer qu'il ne parlait pas de mécanisme à l'époque. Au fond, Nicholas avait fait l'erreur d'admettre la théorie qui avait alors cours, selon laquelle les bulles d'air du blanc en neige utilisé dans l'appareil se seraient dilaté à la chaleur.  

Pour moi, c'est par la bande que je suis arrivé à réviser cette théorie, et notamment parce que je voyais des avis contradictoires sur la fermeté des blancs, certains chefs triplement étoilés recommandant de les battre très fermes, et d'autres chefs, également triplement étoilés, conseillant  de ne pas serrer trop les blancs. 

C'est cela que j'ai comparé initialement dans mon article pour la revue de chime Angewandte Chemie. Mais, devant rédiger une partie de discussion pour mon article, et ne me contentant pas de mots pour interpréter les phénomènes, je fus conduit à calculer le gonflement (à l'aide de la loi des gaz parfait), de sorte que  je vis la contradiction entre les 30 % prédits par le calcul et les 200 % obtenus par l'expérience. 

Le second déclic fut la pesée d'un soufflé avant et après la cuisson et l'observation de 10 g qui disparaissaenit pour 100 g de préparation de soufflé. 
Ces 10 g, manifestement ne pouvaient être que de l'eau, et c'est ainsi que j'ai ensuite vu les bulles de vapeur se former et reconnu le véritable mécanisme : les soufflés  gonflent parce que l'eau s'évapore à la base du soufflé, au fond du ramequin et cela n'a rien à voir avec les blancs d'oeufs battus en neige. 

Finalement, je comprends que nous étions éblouis, au sens littéral, par la théorie d'alors et que nous avons été sauvés   :
- premièrement par l'emploi d'une saine méthode scientifique, notamment en ce qui concerne la rédaction des publications ;
- deuxièmement par par le calcul,
- troisièmement par la mesure. 

De de fait, aujourd'hui je vois bien combien l'enseignement aux étudiants de la méthode scientifique, avec cette nécessité de toujours réfuter des théories, est salvateur.


mercredi 16 avril 2025

Et la toxicité ? Elle s'évapore avec la mauvaise foi ?

 Revenant de Copenhague, je reste étonné que les personnes  que j'ai rencontrées engagées dans des travaux de fermentation, quand je les interrogeais sur des toxicités éventuelles de leurs productions, étaient incapables de me répondre...  parce qu'en réalité ces personnes ne s'était pas interrogées et  n'avaient pas fait de bibliographie. 

Les questions essentielles que je posais étaient : 

Quand on fait une fermentation, quels composés nutritionnels initialement présents ont-ils disparus ? Et en quels composés ont-ils été transformés (avec éventuellement des valeurs nutritionnelles ou antinutritionnelles) ? 

Quels composés nutritionnels sont-ils apparus ? 

Quand on fait une fermentation, quels composés toxiques initialement présent sont-ils détruits ? 

S'ils sont détruits, en quels composés sont-ils transformés (sous entendu : avec quelle toxicité éventuelle pour les nouveaux composés) ? 

Quels composés toxiques sont-ils formés ? 

 

Dans de nombreux cas, j'ai vu des fermentations qui n'étaient pas traditionnelles, de sorte que les produits formés devraient être considérés  comme nouveaux, selon la réglementation des novel food, qui impose notamment un examen des toxicités. 

Avec tout cela, je ne parle pas de la naïveté de celles et ceux qui croient aux bienfaits de la fermentation, dans une vague un peu New Age qui se gargarise de kombucha et de kéfir. 

Je sais que l'État français a récemment lancé un grand plan de recherche "ferments du futur", avec un financement considérable, et je vois là l'influence des biologistes mais aussi une forme de démagogie qui veut croire  aux "méthodes douces", naturelles, oubliant que la ciguë est parfaitement naturelles, par exemple. 

Il y a une immense naïveté à ignorer que l'acide acétylsalicylique est bien plus efficace que l'acide acide salicylique, dans l'aspirine, et que l'éthilvanilline à un goût de vanille bien plus puissant que la vanille. 

Je ne suis d'ailleurs pas de ceux qui opposent biologie et chimie, et, pragmatiquement, je me dis qu'il vaut mieux faire de la biosynthèse quand elle est efficace, et de la synthèse moléculaire quand elle l'est avantage. D'ailleurs, parfois, c'est une simple extraction qui s'impose comme par exemple par simple pressage des peaux d'agrumes pour la production du limonène.

Mais je reviens aux questions de toxicité : mes interlocuteurs, avec beaucoup de prétention, croient pouvoir répondre résoudre des problèmes alimentaires très difficiles. 

Et c'est ainsi que j'ai mangé des raviolis fait de peaux de pommes de terre, et pleins de glycoalcaloïdes toxiques puisque ces derniers résistent à des températures de 285 degrés. Le cuisinier-américain qui a servi cela l'avait nommé bolognaise, mais croyez-moi, je ne change pas sa préparation contre des spaghettis à la bolognaise classiques. D'autant que je tiens à la vie ! 

Ce n'est pas la première fois que je vois des cuisiniers faire des choses dangereuses : par le passé, j'ai vu de la lavande, qui est pourtant à perturbateur endocrinien, dans du chocolat ;  j'ai vu des haricots crus, qui contiennent pourtant des lectines hématoagglutinantes, j'ai vu des infusions de tomates grappes, j'ai vu des concentrations de méthylchavicol... 

Cela est d'une naïveté navrante, un manque de professionnalisme terrible et en réalité, il faut s'étonner qu'il n'y ait pas plus d'accidents. 

M'interrogeant sur cette question, je crois comprendre que, heureusement, nos concitoyens, selon des réflexes humains biologiquement bien ancrés, mangent plus ou moins de tout. Certes, ils doivent davantage diversifier leur la alimentation, mais le fait que ne nous lassions de manger tout toujours la même chose nous permet d'éviter de le faire et si nous sommes en quelque sorte empoisonnés par un cuisinier un jour, nous ne nous exposerons pas de nouveau le lendemain au même composé toxique. 

Reste quand même qu'il vaut mieux éviter les composés plus dangereux, n'est-ce pas ?

mardi 8 avril 2025

À propos de ponctuation

 La ponctuation, une vétille ? Pas sûr !


Des collègues qui prétendent  savoir écrire repassent sur des textes que j'ai corrigés, et ils suppriment des virgules avant des mais ou des car, ajoutent des virgules après des Or, des Donc ou des Demain en début de phrase.  Et, d'ailleurs, ils commencent des phrase par des Mais ou de Car. Et et je parle pas des points d'exclamation après plusieurs phrases successives et de leur usage plus que répété des points de suspension

Oui, je sais que certains écrivains de talent sont capables de faire tout cela, mais ceux-là savent les règles, et ils les enfreignent pour de belles  raisons artistiques. 

L'écriture, au fond, c'est comme la cuisine :  de l'amour, de l'art, de la technique, mais on ne fera jamais une belle œuvre si la technique n'est pas maîtrisée : pensons à un pianiste qui ferait des fausses notes, pensons à un peintre ferait des coulures... 

Pour la littérature, il en va de même, et il y a des règles qui ont leur logique, à ne pas méconnaître. Par exemple, car ou mais permettent de relier deux propositions dans une même phrase.  Il est donc... naïf de les mettre après un point, en début de phrase : on séparerait les deux propositions que l'on veut réunir. 

D'autre part, le code de la ponctuation réclame une virgule avant ces mots.

 Les points d'exclamation : ils soulignent une idée particulière mais à souligner toutes les idées, aucune n'est plus particulière. 

Pour la virgule après Donc, Demain, par exemple, il y a une règle de ponctuation qui stipule que les compléments réduits à un mot ne sont pas suivis d'une virgule ; c'est une règle un peu arbitraire et il y a moins à s'offusquer de celles et ceux qui ne la respectent pas (par ignorance). 

Surtout, ce billet me sert à dire à mes amis qu'il existe un Code typographique de l'Imprimerie nationale, qui indique mille choses importantes pour la rédaction des textes tel que l'usage des italiques, l'emploi des capitales, et cetera. Et qu'il existe, d'autre part,  un Code de la ponctuation, moins connu, mais qui mérite d'être lu au moins une fois. 

Quand on aura maîtrisé tout cela, toute cette technique un peu conventionnelle, alors on pourra se mêler de peindre un beau tableau, de faire une jolie musique  ; on pourra se focaliser véritablement sur le fond, d'abord et sur la forme mais sans oublier aucun des deux. 

lundi 7 avril 2025

À propos de "résultats négatifs"

 À propos de résultats du négatifs, je trouve cité un scientifique qui déclare que s'il avait publié tous les résultats négatifs obtenus durant la préparation de sa thèse, il aurait eu des milliers d'articles à son actif. 

Ce type de déclarations est idiot parce qu'il est hors de question de publier toutes les petites observations que nous faisons lors de nos expériences. 

D'autre part, la rédaction d'un bon article scientifique prend longtemps et regroupe précisément une foule d'observations disperses. 

C'est le bouquet qui compte et non pas chacune des fleurs.  

En outre, la science ne se confond pas avec la technique elle n'a pas pour vocation d'obtenir des milliers de petits résultats individuels, mais au contraire de produire des synthèses puissantes pour des faits séparés. 

D'ailleurs, l'auteur de la déclaration que je discute dit cela dans un blog, et  je crains qu'il ne confonde un de ces petits billets quotidiens avec un article scientifique.
Plus exactement, ce collègue n'est pas un scientifique, mais quelqu'un qui a passé sa thèse, qui travaille dans l'industrie : il a bien fait,  car il a manqué la belle idée de la science que les scientifiques doivent avoir.

dimanche 6 avril 2025

Petites bouchées

Il y a des travaux fastidieux, avec peu d'intérêt, longs, rebutants en un mot. Pour ceux-là, on aura intérêt de penser que les petites bouchées sont plus faciles à avaler que les grosses. 

Il y a aussi des travaux passionnants mais qui demandent une quantité de travail considérable, beaucoup de temps, et là encore la même technique s'impose : il faut les faire petit à petit. 

Dans le premier cas, on n'a pas le pression de perdre son temps et dans le deuxième on s'accorde une petite récréation supplémentaire. 

 

Des exemples ?
Je me souviens de ce jour où, à la revue Pour la science, je me suis dit qu'un index s'imposerait. Mais il y avait 10 ans à rattraper ! À raison de 5 minutes par jour le matin, cela a été fait en quelques mois et nous avons disposé d'un outil extraordinaire qu'il a ensuite suffi d'entretenir.
Pour le second cas, il y a ces  énormes traités de chimie organique ou de physico-chimie, environ 1000 pages, et de petits bonbons de quelques pages chaque jour sont délicieux 

Bref les petites bouchées sont plus faciles à avaler que les grosses surtout quand on y met une très bonne sauce.

samedi 5 avril 2025

La limite de traduction automatique

Je vois aujourd'hui les limites de la traduction automatique, alors que je veux traduire en anglais la phrase "il ne faut pas se comporter en tant que chrétien, mais en chrétien". 

 

Le logiciel, un des meilleurs, traduit en substance " il ne faut pas se comporter en chrétiens, mais en chrétiens",  manquant complètement la nuance amusante donnée par la phrase initiale. 

C'est bien la preuve qu'il y a une subtilité qu'il faudra  expliquer à celles et ceux qui en auront besoin : manifestement, il n'est pas possible de dire la phrase ainsi, en passant, si on veut faire bien comprendre l'idée. 

Et évidemment, il y a également lieu d'y réfléchir encore pour ne pas avaler naïvement une formule, un argument d'autorité, aussi chatoyant qu'il fut. 

Mais plutôt que de discuter la phrase initiale, je préfère me consacrer à la transposition que j'en ai faite : il ne faut pas se comporter en tant que chimiste mais en chimiste. 

De quoi s'agit-il ? 

En tant que chimiste, cela voudrait dire que l'on se montre tel qu'un chimiste, se parant de représentations au lieu d'être vraiment celui que l'on dit être. 

En tant que chimiste, c'est de l'apparence, mais en chimiste, c'est la vérité. 

Qui est intéressé par la chimie vit bien en chimiste, et non pas en tant que chimiste car l'apparence est complètement secondaire si l'intérêt est la chimie plutôt que l'apparence de la chimie. 

Dans toute la discussion, il y a la question difficile de l'origine de la phrase relative aux chrétiens, les jésuites,  dont on sait que c'est une congrégation ambiguë. Ils ont la réputation d'être intelligents, mais également très engagés pour parler par litote. 

Il vaudrait mieux, si l'on cite l'idée, chercher des références différentes, visant la même chose sans cette connotation religieuse peut-être excessivement appuyée.

vendredi 4 avril 2025

Les comptes rendus des séances de l'Acdémie d'agriculture de France

Alors que je mette en forme les comptes rendus de l'Académie d'agriculture de France, j'ai l'occasion de découvrir les propos de mes collègues économistes, agronomes, sociologues, historiens... Plus que les interventions ponctuelles, c'est l'ensemble qui doit s'imposer et permet seul d'avoir des idées juste, car on se souvient que des conclusions tirées avec des prémisses insuffisantes n'ont guère de validité. 

Mais là, il y a donc des collègues de toutes les disciplines intéressées par l'état du monde en matière d'alimentation, d'agriculture, d'environnement. Il y a toutes les sensibilités politiques, sociales,  religieuses... Il y a tous les angles, il y a toutes les disciplines et sans admettre qu'un discours particulier ait particulièrement de pertinence, en dépassant aussi les idiosyncrasies, on voit se dégager des tendances, des perspectives... On voit mieux des travaux à mener, des idées à conserver quand on effectue son propre travail et des engagements à avoir. 

J'ai fois que ces comptes rendus, qui s'imposent comme une responsabilité historique de l'Académie, peuvent servir également le guide pour des travaux futurs et c'est pour cette raison que je passe du temps à les colliger. 

jeudi 3 avril 2025

Le 24 avril, à Strasbourg

 Et voici  https://www.bnu.fr/fr/evenements-culturels/agenda-culturel/demain-la-cuisine-de-synthese

Ah, l'égo !

Relisant des contributions d'un nombre notable de collègues, les unes à la suite des autres, je vois des titres d'intervention, des affiliations et des textes. 

Oubliant les personnalités, je m'aperçois que ce sont les titres et les messages qui m'intéressent mais que je me fiche complètement de savoir la totalité des titres de mes amis :  cela n'a aucun intérêt et je ne le lis même pas.

 Au fond, c'est là une vraie leçon : mettons-nous dans cet état d'esprit de découvrir des matières intéressantes, et oublions les personnes qui les portent, au plus exactement, ayons de la reconnaissance pour les personnes qui portent bien les matières, qui nous éclairent, mais ne perdons pas de temps à ces détails biographiques sans intérêt. 

J'ajoute que pour de tel paragraphes biographiques,  il y a des possibilités de faire mieux que mal : par exemple, l'auteur pourrait avoir comme objectif d'indiquer  en quoi il est compétent pour que nous recevions le message qu'il délivre. Et là, ce sont les fonctions exercées qui comptent,  dans la mesure où elles ont un rapport direct avec le sujet qui est présenté. Par exemple, si l'on écoute un exposé sur la méthodologie d'évaluation toxicologique en Europe, il n'est pas inutile de savoir que la personne qui fait cette exposé connaît bien le sujet dont il parle.

mercredi 2 avril 2025

Les questions de dénominations en science

Intéressant de bien comprendre qu'Antoine Laurent de Lavoisier a non seulement changé le nom des objets qu'il étudiait, mais que, de ce fait, il s'est donné la possibilité d'introduire un formalisme qui prenait le relais des nouvelles dénominations, et les supprimait en quelque sorte. 

Avant Lavoisier, les chimistes nommaient les composés -surtout minéraux- avec des termes très poétiques, tels que vif-argent, sel d’yeux d’écrevisse, lune cornée, et cetera. 

Avec ses amis, Lavoisier voulut dire la présence des "éléments" dans les composés, et c'est ainsi qu'ils ont proposé de parler plutôt de chlorure de fer ou de sulfure de zinc. 

Au moins pour la partie minérale de la chimie puisque la partie organique n'est arrivée qu'après. 

Mais le changement était essentiel : il devint alors possible de se poser la question de savoir combien les composés contenaient des éléments dont ils étaient formés. 

Et c'est ainsi qu'il faut possible, ensuite, d'abréger le nom des éléments pour le remplacer par une ou deux lettres, des "symboles", assortis d'un nombre. 

C'était le début d'un formalisme qui n'était pas un formalisme algébrique  :  le formalisme chimique écrivant la structure des composés, et qui s'ajoutait au premier. 

La chimie est ainsi doublement formelle : 

- par la représentation de ses objets

- par les calculs inhérents à toute science de la  nature.