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mercredi 28 mai 2025

Un commentaire à propos de mayonnaise

 Discutant la précision culinaire fautive selon laquelle la moindre trace de blanc d'oeuf préviendrait la constitution de la sauce mayonnaise, je reçois un commentaire : 

Moi je met un œuf entier, une cuillère à café de moutarde et l' huile dans un verre doseur. Je mélange le tout au mixeur et jamais je ne loupe ma mayonnaise ! On peut augmenter la quantité de moutarde suivant qu'on l'aime plus ou moins relevée. 


Pardon de vous contredire, mais si vous mettez de la moutarde, ce n'est plus une sauce mayonnaise que vous faites, mais une sauce rémoulade ! Un autre système physico-chimique, avec un autre comportement physique.

samedi 10 mai 2025

A propos de "vinaigrette"

 Je reçois un message : 

C'est quoi le principe de la tenue de la vinaigrette ?
car je cherche toujours les proportions parfaite pour qu'elle tienne bien ferme
moutarde ancienne
eau
vinaigre
huile olive
huile d'arachide

 

Je vais commencer par discuter le mot vinaigrette, avant de répondre à la question. 

 

Qu'est-ce que la vinaigrette ?

Nous sommes bien d’accord : la dénomination des mets doit revenir à ceux qui l’on initialement utilisée, n'est-ce pas ? C'est, en effet, une question d'éthique, que de reconnaître la paternité des inventions, des idées, des découvertes. 

De ce fait, pour savoir ce qu’est une vinaigrette, il faut donc remonter dans le temps.

Commençons au Larousse gastronomique, qui dit simplement, et sans référence, que la vinaigrette est une émulsion d’un corps gras et d’un produit acide. Définition idiote, puisque l'on pourrait faire une émulsion de jus de citron (acide) et d'huile : sans le mot "vinaigre" présent, ce n'est manifestement pas une vinaigrette ! D'ailleurs le Larousse gastronomique confond tout, puisqu’il admet aussi bien de la crème et du jus de citron, que du vinaigre et de l’huile. Décidément, oublions un texte aussi peu éclairant.

Le Guide culinaire ? Ce n’est guère mieux, puisqu’il confond la « Ravigote (ou Vinaigrette) », pour une sauce qui réunit de l’huile, du vinaigre, des câpres, du persil, cerfeuil, estragon et ciboulettes, oignon, sel et poivre.
Oui, la présence des herbes fait la ravigote, et le seul mérite que l’on puisse reconnaître ici, c’est de ne pas avoir confondu avec la rémoulade, qui, elle, contient de la moutarde.
Remontons donc dans le temps, pour voir si nous trouvons mieux que ce livre que je n’aime pas, parce qu’il a donné l’apparence d’un livre savant, en entérinant des définitions fautives.

Au 19e siècle, le cuisinier Urbain Dubois, par exemple, écrit ainsi : « Vinaigrette : Délayez dans une terrine, une cuillerée de moutarde, avec de l'huile et du vinaigre; ajoutez sel et poivre, oignon, échalote, persil, cerfeuil et estragon hachés; ajoutez quelques câpres entières. » Pas terrible : cela, c’est une rémoulade en ravigote !

Allons, montons plus loin encore, avec le Ménagier de Paris, publié vers 1393… qui dit ainsi que la vinaigrette est une « sauce faite d'huile, de vinaigre et de divers condiments » (Ménagier de Paris, II, p. 108).
Voici qui est plus clair… à cela près que l’on trouve aussi « Prenez la menue-haste d’un porc, laquelle soit bien lavé et eschaudée, puis rostie comme à demy sur le greil : puis minciez par morceaux, puis les metez en un pot de terre, du sain et des oignons coupés par rouelles, et mettez le pot sur le charbon, et hochiez souvent. Et quand tout sera bien frit ou cuit, si y mettez du boullon de beuf, et faites tout boulir, puis broiez pain halé, gingembre, graine, saffran, etc., et deffaites de vin et de vinaigre, et taites tout bouilir, et dit être brune. »
En traduisant, il s’agit de prendre de la viande de porc rôtie, avec de la graisse, des oignons ; on cuit, on ajoute du bouillon, puis du pain grillé, des épices, et du vin et du vinaigre, avant de faire bouillir : rien à voir avec ce que nous disons aujourd’hui être une vinaigrette.

Cette recette est-elle une particularité exceptionnelle ? Non, car c’est presque la même que celle du Viandier, de Guillaume Tirel. C’est si l’on peut dire la véritable recette ! Et notre vague mélange moderne de vinaigre et d’huile, parfois agrémenté de moutarde, n’est qu’une piètre préparation… qui mérite d'être améliorée.

 

Comment cela tient-il ?

Partons de la recette qui a été donnée par mon correspondant, et qui est donc plutôt une rémoulade, puisqu'il y a de la moutarde et de la matière grasse.

La moutarde est faite de graines, donc de tissus végétaux, qui contiennent notamment des phospholipides et des protéines, de sorte que la broyer finement avec de l'huile permet la dispersion de l'huile sous la forme de gouttelettes, ce qui est une "émulsion".

Plus on mélange énergiquement, plus les gouttelettes sont petites, et plus l'émulsion est stable. Simultanément, la couleur s'éclaircit, comme on le voit en faisant l'expérience de préparer une mayonnaise (jaune d'oeuf, vinaigre et huile) à la fourchette, puis en passant un coup de mixer plongeant dedans : à l'endroit mixé, la sauce est bien plus ferme, et bien plus blanche.

Plus ferme : cela signifie d'autre part que les gouttelettes d'huile bougent plus difficilement... et donc que la sauce est stabilisée.

dimanche 3 décembre 2023

A propos de rémoulade : il faut de la moutarde et de l'huile !

J'ai déjà bien exploré la question de la sauce nommée rémoulade, et j'ai parfaitement établi qu'il s'agit de sauces -en froid ou en chaud - avec de la moutarde. On pourra consulter le Glossaire des métiers du goût : https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/glossaire

Cela étant je viens de trouver une confirmation de ce que j'avais établi dans  le Dictionnaire des aliments, publié par le cuisinier MCD en 1750 :

Sauce à  la rémolade
Hachez très-fin persil, ciboule, capres, anchois, une pointe d'ail ; mettez le tout dans une casserole avec une cuillerée de moutarde, sel fin, poivre concassé ; délayez avec de l'huile & du vinaigre ; que rien ne domine dans cette sauce : servez-la froide dans une saucière.
 

Sauce à la rémolade chaude
Mettez dans une casserole persil, ciboule, champignons, une pointe d'ail, le tout haché ; passez-les sur le feu avec une cuillerée d'huile, & mouillez après avec du coulis & un peu de vinaigre ; après quelques bouillons, dégraissez la sauce, & l'assaisonnez de bon goût ; avant de servir, mettez-y une cuillerée de moutarde. Faites servir la sauce sans bouillir, & vous en servez pour tout ce qui a besoin de haut goût.


vendredi 4 octobre 2019

Connaissez-vous les "ollis" ?

C'est une vielle affaire, puisque cela date d'avant 1992. Je faisais un aïolli, en faisant bien attention de ne pas confondre cette sauce avec une mayonnaise à l'ail.
Je m'explique. Il y a plusieurs siècles (au 15e), il y avait la sauce rémoulade, où l'on partait de moutarde, et l'on allongeait avec du liquide, gras ou non,  un peu comme dans une vinaigrette. Puis les cuisiniers les plus riches ajoutèrent du jaune d'oeuf, pour faire un goût plus flatteur.
Vers le 17e siècle, apparut le "beurre de Provence", ce qui est en réalité l'aïolli, une émulsion que l'on obtient en broyant de l'huile (d'olive !) avec de  l'ail.
Vers 1800, quelqu'un eut ensuite l'idée de supprimer la moutarde de la sauce rémoulade... et il découvrit alors cette émulsion qu'est la sauce mayonnaise. Grande découverte, parce que le goût est alors bien plus fin.
Mais quand fut publié le Guide culinaire que je crois être un mauvais livre, furent entérinées à la fois la confusion entre rémoulade et mayonnaise, et entre aïolli et mayonnaise à l'ail. Il faut absolument combattre de telles confusions : quel travail pourrait faire un ébéniste qui confondrait le marteau et le tournevis ? quelle musique ferait un musicien qui confondrait le do avec le sol? quelle littérature ferait un écrivain qui ignorerait la grammaire ?

Bref, à cette époque ancienne d'avant 1992, je faisais un aïolli... dans les règles de l'art, en broyant de l'ail, au mortier et au pilon, puis en ajoutant de l'huile d'olive goutte à goutte, toujours en pilant.
Mais comme ce genre de travail m'ennuie, je réfléchissais... et j'eus l'idée suivante : et si l'on remplaçait l'ail par l'échalote ?
Aussitôt pensé, aussitôt réalisé : j'obtenais encore une émulsion, à laquelle je décidais de donner le nom d' "échalottoli". Puis je testais l'oignon, pour obtenir l'oignollii, la carotte (cuite) pour le carottolli, mais aussi la viande, le poisson...  En réalité, tout peut y passer, puisque les tissus végétaux et animaux contiennent de l'eau, certainement (dans les cellules de ces tissus), mais aussi des protéines et des phospholipides, notamment dans les membranes cellulaires.
Bien sûr, certains m'ont dit que quelques uns de mes ollis existaient déjà : le caviar d'aubergine est effectivement un auberginolli, par exemple. Mais qu'importe, il reste tous les autres, et je fus invité à ouvrir le Congrès Mondial des Emulsions avec la présentation de ces inventions : je fis alors, je m'en souviens, un cépolli, à partir de cèpes (nous étions à Bordeaux !).

C'est donc une vieille invention, mais je vous invite à tester notamment au poivron rouge, le poivronolli. Ou au poisson, avec une belle d'huile d'olive vierge : pensez à du rouget, par exemple, et n'oubliez pas la goutte de jus de citron.

Car la règles des émulsions est : de l'eau, des composés "tensioactifs", de l'huile.

Et c'est ainsi que la cuisine est de plus en plus gourmande !


PS. La recette figure dans mon livre Révélations gastronomiques

vendredi 22 décembre 2017

Je redonne cette information que l'on me demande



Permettez-moi de vous raconter l'aventure extraordinaire de la sauce mayonnaise, afin que nous comprenions mieux ce qu'elle est et ce qu'elle n'est pas.

Je commence l'histoire en 1740, avec Louis-Auguste de Bourbon, qui écrit dans Le Cuisinier gascon : « Vous avez une rémoulade chaude, faite avec toutes sortes de fines herbes & beurre de Vamvre, finir de bon goût, jus de citron ».

On observe ainsi qu'il y a des rémoulades chaudes, et des rémoulades froides, ce que confirme Menon en 1755, dans Les soupers de la cour, ou l’Art de travailler toutes sortes d’aliments pour servir les meilleurs tables, suivant les quatre saisons : sa rémoulade chaude est composée d'oignons, huile, vin blanc, bouillon, herbes, et sa rémoulade froide de « persil, ciboule, échalotte, une gousse d’ail, capres, anchois, le tout haché très fin, délayez avec une cuillerée de moutarde, huile, vinaigre, sel, gros poivre ».

Quoi de commun entre ces sauces ? Cela figure dans d'autres passages, mais il y a le mot « rémoulade », que l'on trouve aujourd'hui encore dans « rémouleur », « rémouler » : il s'agit de faire un geste répétitif, et, pour une sauce, on sait que les liaisons par émulsion imposent ce type de gestes. La rémoulade, c'est une sauce que l'on dirait aujourd'hui travaillée, maniée, rémoulée.

Passons au XIXe siècle, avec Le cuisinier national de la ville et de la campagne : « Rémolade verte. Ayez une petite poignée de cerfeuil, la moitié de pimprenelle , d’estragon, de petite civette, vous ferez blanchir ces herbes que l’on appelle Ravigote ; quand elles seront bien pressées, vous les pilerez, ensuite vous y mettrez du sel, du gros poivre, plein un verre de moutarde : vous pilerez ensuite le tout ensemble, puis vous y mettrez la moitié d’un verre d’huile que vous amalgamerez avec votre ravigote et moutarde ; le tout bien délayé, vous y mettrez deux ou trois jaunes d’oeufs crus, et quatre ou cinq cuillerées à bouche de vinaigre ; vous mettrez le tout ensemble et vous le passerez à l’étamine comme si c’était une purée ; il faut que votre rémolade soit un peu épaisse ; en cas qu’elle ne soit pas assez verte, vous y mettrez un peu de vert d’épinard ».

Ici, on retrouve le fait que, dans la rémoulade, il y a de la moutarde. A cette base, on ajoute du jaune d'oeuf, parce que les cuisiniers savent bien que le jaune donne beaucoup de goût. Puis on travaille pour obtenir la sauce épaisse : à une époque où l'on ignorait la raison de la fermeté des émulsions (on se souvient qu'une émulsion n'est pas une mousse!), on voit qu'il y avait quelque merveille à obtenir cette liaison. On voit surtout que la rémoulade était d'abord la moutarde ; le jaune d'oeuf n'est qu'un raffinement ultérieur, important du point de vue gustatif.

Tout allait pour le mieux… jusqu'à ce que, au dix-huitième siècle, quelqu'un se passe de moutarde, et obtienne une sauce d'un goût bien plus fin que celui de la rémoulade, en émulsionnant de l'huile dans un mélange de jaune d'oeuf et de vinaigre : la mayonnaise était née.

Les histoires abondent, sur la découverte de cette sauce merveilleuse, mais ce qu'il faut observer, c'est que la mayonnaise n'a pas de moutarde… sans quoi c'est une rémoulade. Le cuisinier Philéas Gilbert le disait d'ailleurs justement «  la moutarde est le savorisme particulier de la rémoulade ».

Aujourd'hui, je vois de nombreux cuisiniers faire un saut en arrière, avec des sauces qu'ils nomment fautivement des mayonnaises, et qui sont en réalité des rémoulades. Les deux sauces ont des goûts différents, des usages différents, mais l'histoire de la cuisine est claire : il ne faut pas confondre les deux, et, surtout, je crois que c'est une erreur (ou une faute, selon les cas) que de régresser, du point de vue de la technique culinaire.

Décidément, les mots justes sont essentiels, en cuisine ; n'est-ce pas ?














Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

ravigote et rémoulade




J'ai vu parfois des sauces faites de vinaigrette et d'oeuf dur qui étaient nommées « sauces ravigotes ». Erreur !

 Depuis au moins la Renaissance, la sauce ravigote est un mélange d’herbes aromatiques ou de salades travaillées (hachées, ciselées, broyées), après un éventuel blanchiment.









Mais reprenons calmement. Ce que l'on nomme "ravigote", sans ce que cela soit une sauce, c'est un mélange d'herbes aromatiques ou de salades hachées, après blanchiment éventuel.



Ce mélange, nommé ravigote, donc, peut être introduit dans toute sauce, qu’elle se nomme mayonnaise, ou tartare, ou vert-pré, ou... simplement ravigote, quand les herbes sont la base essentielle de la sauce, et que cette dernière ne tombe pas dans une autre catégorie.



Quand il y a de la moutarde, à la base, pour faire la liaison (avec émulsion d’une matière grasse liquide éventuelle), alors la sauce devient une rémoulade... puisqu’il y a de la moutarde, et que celle-ci est le savorisme particulier des sauces rémoulades, que ces dernières contiennent des herbes ou non.

Dit plus succinctement, une rémoulade est une sauce bien travaillée, à base de moutarde ; une ravigote est un mélange d’herbes, qui peut donner son nom à une sauce.



Sauce dont il existe des versions chaudes ou froides.

Par exemple, on obtient une ravigote chaude à partir de beurre et de farine chauffés, puis additionnés de bouillon et d’herbes hachées menu, avec du jus de citron.



L'auteur d'un livre de cuisine célèbre, Menon (c'est le pseudonyme d'un personnage que l'on ne connaît pas), au 18e siècle, donne la recette d’une « Sauce bachique à la ravigotte" : "Faites bouillir deux grands verres de vin blanc avec un peu de blond de veau, estragon, cresson alénois, cerfeuil, une gousse d’ail, deux échalottes, persil, ciboules, sel, gros poivre, faites réduire au point d’une sauce ».

Et c'est ainsi, par l'usage juste du mot « ravigote », que la cuisine est encore plus belle !


















Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

samedi 6 février 2016

A propos de rémoulade

Une question, à propos de terminologie :
Si je ne m’abuse, d’autres ingrédients rentrent dans la composition de la rémoulade (échalote, câpres, cornichons, etc.). Une simple mayonnaise avec de la moutarde n’est donc pas non plus une rémoulade. Peut-on l’appeler mayonnaise à la dijonnaise ?

La sauce rémoulade est une très ancienne sauce qui n'a pas obligatoirement ces ingrédients. Sa base est la moutarde.

Si, une mayonnaise à la moutarde, si l'on peut dire (ça m'arrache la plume) est une rémoulade.

Ou bien, disons plus justement qu'une rémoulade froide (il y en a des chaudes) sans moutarde devient (au XVIIIe siècle) une mayonnaise.