vendredi 31 mai 2019

Des composés odorants

Dans le cadre de cette cuisine note à note qui déplaît tant à quelques activistes réactionnaires, il y a la question des goûts, et de leur reproduction par des composés.J'allais écrire "composés chimiques", mais un composé est un composé, et, puisque la chimie est une science, ce serait aussi  fautif d'utiliser cette expression que de parler d'animaux biologiques, par exemple.
 
Bref, il y a, dans les aliments classiques, des composés qui contribuent au goût, et leur contribution peut être :
- par la consistance
- par la saveur
- par l'odeur (rétronasale : quand on mastique, des composés remontent par les fosses rétronasales vers le nez)
- par le nerf trijumeau (piquants, frais)
- par la couleur
 - par d'autres modalités sensorielles (pour les ions calcium, pour les acides gras insaturés à longue chaîne, etc.)
 
Pour les composés odorants, c'est leur ensemble qui détermine l'odeur des aliments classiques, et il faut souvent entre 5 et 20 composés différents, savamment dosés, pour reproduire une odeur classique, comme le font les parfumeurs ou les "aromaticiens" (un mot que je conteste, puisque l'arôme est, en bon français pas gauchi par une législation à réviser, l'odeur d'une plante aromatique).
Cela étant, certains composés, tout seuls, font déjà l'affaire. Par exemple :
- 1-octen-3-ol a une merveilleuse odeur de champignon
- la vanilline a l'odeur de vanile
- l'aldéhyde cinnamique a une odeur de cannelle
- le benzaldehyde a l'odeur d'amande amère
- le méthional donne une odeur de pomme de terre cuite
- le méthyl thioburyrate  donne l'odeur de camembert
- l'heptanone 2 a une odeur de roquefort
- le 2-acetylthiazole sent le popcorn
- la gamma nanolactone donne l'odeur de la noix de coco
-le caproate d'allyle donne l'odeur d'ananas
 
Pourquoi ne pas les utiliser en cuisine ?

jeudi 30 mai 2019

La question des références


Pour les publications scientifiques, il y a cette particularité que toute affirmation doit être justifiée. Et la justification doit être une autre publication, ou bien une étude expérimentale.

Mais, d'autre part, les scientifiques gaspilleraient l'argent qui leur est alloué s'ils refaisaient sans raison des travaux déjà faits. Il faut avoir de vraies raison, pour refaire un travail déjà fait et publié : par exemple, douter du résultat, ou bien voir dans la reproduction de ce travail une possibilité d'obtenir des compétences que l'on n'a pas... Mais je le redis: en général, on ne répète pas un travail déjà fait, et l'on se limite à le citer.
Bien sûr, cela, c'est pour un monde idéal, où toutes les publications seraient de bonne qualité, et je râle quand je vois des travaux mal faits : non seulement parce que des revues n'ont pas fait correctement leur travail d'évaluation, mais aussi parce que l'on a alors des résultats auxquels on ne peut pas vraiment croire. Et aussi parce que cela donne de mauvais exemples, que cela affaiblit la science, que cela retarde la collectivité scientifique, et, parfois même, parce que le même travail bien fait ne peut plus être publié.

Mais revenons à la question : oui, quand on affirme quelque chose en science, on doit le justifier, par une référence ou par des expériences validées. 

Pour les expériences validées, il suffit de faire de la bonne science, mais c'est la question des références que je veux discuter ici. Pour dire que donner des références est un début, mais seulement un début : donner de mauvaises références, c'est aussi nul que ne pas donner de référénces. De sorte que nous devons faire savoir ce point à nos jeunes collègues : nous ne jouons pas à un jeu formel qui consiste à barder nos textes de références, mais nous devons justifier nos affirmations par de bonnes références, par de bons articles qui décrivent des résultats expérimentaux bien faits !




La belle science, c'est une sorte d'artisanat d'art, n'est-ce pas ? Le souci du détail, le soin, la volonté de bien faire...



mercredi 29 mai 2019

Un gel qui tient à chaud

Ce matin, je reçois cette question :
Existe t il un gélifiant, pour coller une pana cota qui résiste ensuite à la
cuisson?

Et cela me rappelle mes interrogations à propos des gelées chaudes. On va voir que la réponse est simplissime... et que cela doit nous interroger

Partons d'une analyse de la question. D'abord, la panna cotta. C'est ce que l'
on obtient en cuisant de la crème, du lait, du sucre, avec de la gélatine.
Autrement dit, c'est un gel de gélatine qui contient des gouttelettes de matière
grasse (venues de la crème et du lait), plus le sucre en solution dans l'eau
(apportée par la crème, le lait).

Rien de plus simple, donc. Concentrons nous donc sur la question des gels.

Pour faire un gel, il faut donc de l'eau (mais on pourrait utiliser de l'huile,
ce qui est une autre histoire) et un agent gélifiant. Traditionnellement,
l'Europe a beaucoup utilisé la gélatine, mais elle était jadis extraite des
arêtes de poisson ou des tissus d'animaux terrestres (pied de veau, pattes de
poule, etc.). La gélatine, comme je l'explique en détail dans mon livre Mon
histoire de cuisine, est une protéine, qui forme un réseau tridimensionnel où
l'eau est piégée. Et il est vrai que ce gel est "thermoréversible", ce qui
signifie qu'il prend à froid, et fond à chaud.
Comment faire un tel qui tienne à chaud ? Il y a plein de façons. Par exemple,
ayant une gelée prise à froid, on peut avoir, dans la phase aqueuse, de la
"transglutaminase", une enzyme qui réticule le gel de gélatine de façon
permanente.
Il y a d'autres possibilités. Par exemple, une gelée faite à partir d'agar-agar
résisterait à l'échauffement. Tout comme une gelée où l'on aurait utilisé de
l'alginate de sodium et des ions calcium. Et j'en passe.

Bien plus simple

Mais on peut faire bien plus simple : au lieu d'utiliser comme agent gélifiant
la gélatine, qui se défait à chaud, pourquoi ne pas utiliser... du blanc d'oeuf,
qui tiendra à chaud ? Ou des protéines sériques de lait ? Ou mêmes des actines
et myosines de tissu animal ?
Selon la concentration, on aura quelque chose de très tendre, ou de très dur.
Pensons à 5 pour cent de protéines au minimum, jusqu'à... ce que l'on veut, mais
on se souviendra qu'une viande, avec environ 20 pour cent de protéines, peut
être très dure, quand elle est cuite... et cela n'est guère l'idée que l'on a
d'une panna cotta.


Maintenant, la question essentielle : pourquoi mon interlocuteur, d'autres amis
dont je n'ai pas encore fait état... et moi-même avons-nous cette fascination
pour les gelées qui tiennent à chaud, alors que nous avons les oeufs, la viande
et les poissons sous les yeux ? Pourquoi n'imaginons-nous que les gélifiants de
type polysaccharidiques, ce qui est une sorte de contradiction, alors que la
solution est si simple ? Je n'ai pas de réponse, et compte sur mes amis pour
m'aider.


mardi 28 mai 2019

Vient de paraître

Aujourd'hui, je vous présente le livre
La viande, de l'élevage à l'assiette, par Alain Kondjoyan et Brigitte Picard, Editions de la Maison des sciences de l'homme de Clermont-Ferrand


Par ces temps d'activisme anti-spécisme ou d'extrémisme vegan, on en vient à douter de ses propres comportements, en matière d'alimentation. Faut-il vraiment manger de la viande, ou bien est-ce criminel, comme on nous le dit? Et serait-elle cancérogène, comme le prétendent des idéologues toujours à l’affût de faits à détourner?
Le livre dont il est question ici est salutaire, parce qu'il examine la question. N'est-ce pas ce que nous devrions régulièrement faire : nous interroger sur nos comportements, nos pratiques, nos coutumes, nos habitudes, nos traditions ? Oui, faut-il continuer à cuire des pot-au-feu, à sauter des steaks, à rotir des poulets ?
Pour répondre aux questions que nous nous posons, il faut évidemment des faits avérés, sur lesquels nous exercerons notre jugement, à savoir que nous obtiendrons des conclusions par un exercice de logique. Où trouver ces faits ? Certainement pas chez les partisans ou les idéologues, mais certainement à l'Inra, où travaillent des femmes et des hommes engagés au service des Français. Ce sont des "experts", et non, ils ne sont pas "vendus"... car s'ils étaient des gens d'argent, ils travailleraient dans l'industrie, au lieu de supporter les salaires de la fonction publique. Ce sont des femmes et des hommes qui explorent, colligent, analysent... et l'on sait combien les questions complexes imposent de données variées.
Pour la question de la viande, il y a des questions de sécurité sanitaire, d'une part, mais aussi de sécurité alimentaire : composés nous-memes de protéines, il nous en faut pour vivre, et la question est aujourd'hui, avec une population mondiale qui augmente encore, de savoir s'il y aura des protéines (disons de la viande) pour tous. Mais il y a aussi des question de qualité : produire de la "carne" n'est pas une solution. Et des questions de nutrition... car la viande apporte non seulement le fer nécessaire à notre hémoglobine, mais aussi d'innombrables composés (vitamines, par exemple) qui sont mieux absorbés que quand ils sont dans des végétaux... car notre espèce a évolué avec la consommation de viande. Des questions d'environnement, de durabilité, d'économie, d'aménagement rural, de climat, d'énergie...

Où trouver ces données ? Paradoxalement, alors que le livre présenté ici est petit (seulement 48 pages), il apporte de très nombreuses réponses. Quand je l'ai reçu, je l'ai trouvé bien mince, mais maintenant que je l'ai lu, je le vois riche d'informations utiles. Après tout, inutile de gaver les non spécialistes avec des discours somnifères. Il fallait etre efficace, et je vous invite à découvrir ce livre avant de prendre un parti.

Quoi, de l'acide glacial en cuisine ? Pourquoi pas !


Je me souviens avoir été interrogé par des journalistes de télévision à propos de ce terrible "acide acétique glacial" que de très méchants industriels auraient mis dans les aliments qu'ils vendaient.
Mais je veux quand même observer que personne n'est obligé d'acheter les aliments industriels : que ceux qui ont (inutilement) peur et qui sont paresseux au point de ne pas chercher à comprendre le monde où ils vivent n'achètent pas les produits qui leur font peur.
A cet argument, quelques êtres "supérieurs" me répondent qu'il faut protéger le public et qu'il faut des "contre pouvoirs"... mais que c'est argument est suffisant (au sens de prétentieux) et minable ! D'abord, sans l'industrie, ni emploi ni produits alimentaires. Et puis nos amis vont-ils broyer eux-mêmes, dans leur cuisine, les betteraves pour extraire le sucre ? Et le tournesol pour faire leur huile ?
Que les dieux nous préservent des râleurs, des négatifs : Rabelais les nommait des "pisse vinaigre". Et je propose que nous nous interrogions sur leurs motifs : il y a ceux qui veulent du pouvoir (sur les autres), ceux qui veulent de l'argent, ceux qui ont peur de tout, ceux qui sont simplement pervers, ceux qui promeuvent en sous main des idéologies...

Allons, tournons regard vers mieux !

Et commençons par dire que, à propos de l'usage éventuel de l'acide acétique glacial en cuisine, la question est d'abord de comprendre. Et notamment de comprendre ce qu'est que ce fameux "acide acétique glacial" dont quelques uns font commerce de cauchemar.
Partons d'un fruit sucré, et laissons le fermenter. Par exemple du raisin. Le fruit contient initialement des sucres (souvent le glucose, le fructose et le saccharose), et la fermentation (par des bactéries de l'environnement) transforme le sucre en éthanol. Dans du vin ou du raisin que l'on fait fermenter, on récupère environ cinq à dix pour cent d'éthanol en solution dans l'eau. Puis, en présence d'air, d'autres micro-organismes transforment l'éthanol en acide acétique : c'est ainsi que se forme le vinaigre.
Mais on sait que la distillation permet de concentrer du vin pour obtenir de l'alcool, où la teneur en éthanol (l'alcool des eaux de vie) est plus concentrée que dans le vin initial. De même, on peut concentrer de l'acide acétique. Et si l'on s'y prend habilement, on peut obtenir de l'acide acétique très pur, sans eau : on dit "glacial" en raison de sa propension à cristalliser dès que la température devient inférieure à 16,7°C.
Et oui, c'est un produit dangereux, car il est inflammable, ainsi que ses vapeurs, et provoque des brûlures de la peau et des lésions oculaires graves. Quand on le respire (il faut être imbécile), il est suffoquant...

Quoi, un produit dangereux dans les aliments ? Oui, parce que personne ne ferait un tel composé s'il était pur, et que  l'industrie alimentaire qui utilise de l'acide acétique glacial (pour ne pas transporter de l'eau, s'il était dilué), le dilue avec de l'eau sur les lieux de production, afin d'avoir l'acidité voulue. Faites-moi confiance, mais je suis prêt à boire de l'acide acétique glacial... après qu'il aura été dilué : si la dilution est suffisante, on aura une solution moins acide que du vinaigre, voire que du jus d'orange !
A nouveau, répétons que la question n'est pas le danger, mais les risques. Si nous savons éliminer ceux-ci, aucun problème.

Mais je sais aussi que les marchands de cauchemars ne s'arrêteront pas à une telle explication. Combattons-les absolument par des faits justes !




lundi 27 mai 2019

Amusant de voir comment la chimie et la vie quotidienne reste séparées.



Je me souviens de la visite d'un ami scientifique à la maison : il m'avait dit qu'il avait transporté dans son coffre une batterie de voiture et que celle-ci s'était renversée, de sorte que de l'acide sulfurique dans le coffre. Je lui avais demandé ce qu'il avait alors fait et il m'avait répondu qu'il avait nettoyé à grande eau. Erreur ! Car ainsi, il avait l'acide et en avait mis partout. Il aurait bien mieux valu qu'il saupoudre les parties atteintes avec du bicarbonate de soude : il y aurait eu une effervescence, et l'acide aurait été détruit.
Dans la même veine, j'observe aujourd'hui que des amis à qui je propose de boire de l'acide chlorhydrique concentré neutralisé par de la soude caustique sont hésitants, alors même qu'ils sont chimistes.

À la base de cette proposition il y a le fait que la soude neutralise l'acide chlorhydrique à condition que les quantités utilisées soient appropriées. Pour obtenir les bonnes quantités, ce n'est pas difficile  : il suffit de partir d'acide chlorhydrique concentré, d'ajouter un peu de soude, de tremper une petite bandelette de papier pH dans le mélange, de regarder la valeur obtenue, et de continuer ainsi à ajouter lentement de la soude jusqu'à ce que le pH indiqué soit de 7 : on aura alors formé du sel, du chlorure de sodium, le sel de table.
De sorte que la solution obtenue sera analogue à de l'eau salée, comme celle que l'on obtiendrait en mettant du sel dans de l'eau.
Bien sûr, il faut être certain de ce que l'on fait, c'est-à-dire notamment utiliser de l'acide chlorhydrique et de la soude qui soit exempts de contaminants toxiques. Mais les laboratoires de chimie possèdent évidemment de tels produits, bien plus contrôlés que les aliments, d'ailleurs ! Et puis, si l'on veut être encore plus prudent, on peut recristalliser la soude dont on part, ou fabriquer soi-même la solution  d'acide chlorhydrique en dissolvant du chlorure d'hydrogène gazeux dans l'eau parfaitement pure.

Bref, il n'y a pas de difficulté à faire l'expérience et, pour un chimiste qui connaît l'usage du papier pH, il n'y a pas de risque. D'ailleurs, puisqu'il a une question de risques et non pas de danger, on peut encore minimiser les risques on ne buvant pas la solution saline concentrée que l'on a obtenu en neutralisant l'acide par la base, mais on diluant cette solution salée pour avoir une solution faiblement salée que l'on va boire.
A vrai dire, dans le cas de la batterie de voiture comme dans le cas de cette expérience de neutralisation, je vois une séparation entre le monde de la connaissance et le monde quotidien. Au fond, je ne suis pas certain que ceux qui hésitent à mettre la science dans le quotidien aient vraiment bien compris la nature de cette dernière,  la force de celle-ci, et cela me fait souvenir d'un professeur de physique d'un de mes enfants qui, après un calcul que j'avais proposé pour déterminer la sustentation d'une petite montgolfière expérimentale, avait dit à sa classe qu'il ne croyait pas aux calculs, mais aux expériences. Quoi, des doutes à propos de ce que l'on enseigne quotidiennement ? Pas étonnant, alors, que le public puisse douter de la science !

dimanche 26 mai 2019

De la soude caustique en cuisine ?

J'ai évoqué la possibilité d'utiliser de l'acide chlorhydrique en cuisine, et je veux maintenant discuter de l'usage de la soude.

De la soude caustique en cuisine ? Rien qu'à cette évocation, le public tremble, car il est notoire que la soude caustique est extraordinairement toxique.

Mais bien sûr, la proposition n'est pas de manger de la soude caustique sous la forme des paillettes ou des pastilles, car la soude dissout les matériaux organiques : un morceau de viande mis à son contact est complètement liquéfié (imaginons que ce soit notre estomac !). 

La proposition n'est évidemment pas d'utiliser la soude caustique ainsi en cuisine : ce serait aussi idiot que s'enfoncer un couteau dans le ventre. Inversement,  la soude caustique très diluée peut rendre des services, et plus précisément, elle peut rendre des services du même type que le bicarbonate de sodium,  qui, lui,  est déjà utilisé depuis longtemps en cuisine.

Ajoutée à l'eau de cuisson des légumes, la soude pourrait protéger la couleur verte des légumes verts que l'on cuit à l'anglaise. Ou bien encore, elle pourrait combattre l'acidité d'un milieu cuisson, acidité qui conduit à un durcissement des légumes.
A l'aide de soude, on peut aussi rectifier une sauce trop acide selon le bon principe que les les les acides et les bases s'annihilent mutuellement,  comme le montre l'expérience qui consiste à mêler de l'acide chlorhydrique concentré à de la soude caustique : quand les proportions sont bonnes, on obtient... du sel.

Bref, il y a de nombreux usages de la soude en cuisine et ma proposition ici vise simplement à donner les explications nécessaires pour une utilisation sans risque. D'ailleurs, à ce propos, on aurait intérêt, si l'on on utilise l'acide chlorhydrique ou la soude en cuisine, à bien employer des papier pH, petits indicateurs colorés qui nous diront quelle est la valeur de cette acidité ou de cette basicité que nous créons. Pour avoir une idée des valeurs admissible, il suffit de considérer des tables de pH des différents ingrédients alimentaires classiques.
Et on aura soin, aussi, de ne pas laisser la soude concentrée à portée des enfants ! 

samedi 25 mai 2019

De l'acide chlorhydrique dans les aliments ?


Parfois, certains s'étonnent que l'acide chlorhydrique puisse être accepté comme additif alimentaire, et ils font des tartines pour dénoncer ces produits. Et il est exact que même des chimistes qui n'ont pas assez réfléchi jugent une telle pratique incohérente. Pourtant, tentons de dépasser nos craintes animales, pour envisager la chose rationnellement. 



Je discute ici la question sans faire de différence entre les plats de l'industrie alimentaire ou les plats domestiques. Et je propose de considérer d'abord la question de principe avant les éventuelles d'application technique.
Il y a donc l'acide chlorhydrique : rien que le nom fait en quelque sorte frémir, car nous "savons" tous qu'il s'agit là d'un composé chimique que l'on trouve en droguerie, que c'est un acide, et pire, qu'il est  (ou semble être) extraordinairement corrosif.
Évidemment, il faudrait être insensé pour boire de l'acide chlorhydrique pur,  mais qui a jamais proposé de faire ainsi ?

Commençons par le commencement, à savoir s'interroger sur la nature de l'acide chlorhydrique : on l'obtient notamment dissolvant dans l'eau un gaz nommé chlorure d'hydrogène, que l'on forme par exemple en faisant réagir du dihydrogène (un gaz qui peut exploser quand il est en présence de dioxgène) et du dichlore (un gaz suffocant vert).
Quand on dissout beaucoup de chlorure d'hydrogène dans de l'eau, alors on obtient une solution extrêmement acide, qui peut instantannément attaquer du fer, par exemple.
On comprend donc bien il faut absolument éviter de boire de l'acide laquelle chlorhydrique concentré ou de mettre un tel acide dans les aliments.

Mais imaginons que l'on prenne un peu de cet acide chlorhydrique concentré et qu'on lui ajoute de l'eau. Alors, l'acidité de la solution diluée d'acide chlorhydrique peut devenir très faible,  et mieux encore, elle peut devenir beaucoup plus faible que celle du jus de citron, ou même que du jus de framboise. 

L'acidité, c'est-à-dire en réalité la force chimique d'un acide, se mesure sur une échelle de 7 à 0 : 7 pour l'eau pure et 0 pour un produit extrêmement acide. Pour les vinaigre, cette acidité, ce "pH", atteint environ 2,  mais pour le jus de framboise aussi ! L'acidité de certains fruits n'est pas facilement perceptible au goût quand du sucre est présent.
Et c'est ainsi que l'on peut parfaitement diluer de l'acide chlorhydrique concentré pour obtenir une solution de pH égal à 2, qui ne paraîtra pas acide si du sucre a été ajouté.

Sera-t-il dangereux de consommer une telle préparation ? Avec de l'acide chlorhydrique pur, bien dilué, il n'y a pas de risque, mais tout tient en réalité dans le mot "pur". Il est impératif, si l'on utilise de l'acide chlorhydrique en cuisine, que les inévitables impuretés présentes dans le produit initial ne soient pas toxiques, tels du cadmium ou du plomb, par exemple.  Et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il existe des acides chlorhydriques de "qualité alimentaire", à savoir qu'ils ont été contrôlés et que l'on est certain que les inévitables impuretés présentes ne sont pas dangereuses.



Disposant donc d'acide chlorhydrique de qualité alimentaire, il reste à s'interroger sur les raisons qui pourrait nous conduire à l'utiliser en cuisine. 


Ici, il faut répondre qu'un acide est destiné à acidifier, et que cette procédure peut avoir différents objectifs.
Tout d'abord, les produits acides sont plutôt mieux protégés du développement contre le développement des micro-organismes pathogènes. D'autre part, l'acidification permet le caillage du lait, et c'est ainsi que l'on peut obtenir un caillé en ajoutant classiquement du jus de citron dans du lait chaud.
 On peut vouloir aussi acidifier pour rectifier le goût et c'est ainsi que le jus de citron ou le vinaigre sont classiquement employés par les cuisiniers... mais si l'on a le jus de citron  ou le vinaigre, pourquoi recourir à de l'acide chlorhydrique ? Pour des raisons variées. Par exemple, on peut reprocher au jus de citron son goût citronné, ou au vinaigre le fait d'avoir détourné l'usage  du vin. Il peut y avoir aussi une raison monétaire, car l'acide chlorhydrique,  quand il est dilué correctement, coûte bien moins cher que du jus de citron ou du vinaigre.

Mais à ce stade, je m'arrête car mon devoir est fait. Il s'agissait de discuter de la possibilité d'utiliser de l'acide chlorhydrique en cuisine, et je n'ai pas me substituer à ceux qui en feront usage. Il fallait quand même dire clairement qu'il n'y a pas de raison de ne pas utiliser correctement l'acide chlorhydrique en cuisine, qu'il n'y a pas lieu de céder à des  peurs ou à des fantasmes. Au fond, il en va de l'acide chlorhydrique comme des couteaux : on ne doit pas confondre le danger et le risque et, si l'on fait pas cette confusion, on se sera donc interrogé sur les conditions d'utilisation d'un outil ou d'un ingrédient... et on l'utilisera correctement. 


L'Académie d'agriculture de France : une institution essentielle au service des citoyens

Alors que les marchands de cauchemar ne cessent d'exercer leur malfaisant commerce, propageant des idéologies malhonnêtes, puisque déguisées, il y a lieu de dire à nos concitoyens que leur alimentation n'a jamais été aussi bonne ! 

La première des choses à rappeler, c'est que notre génération est la première, dans l'histoire de l'humanité, à ne pas avoir souffert de la famine. La deuxième, c'est que c'est la première fois dans l'histoire de l'humanité que l'on se préoccupe autant de la qualité des ingrédients alimentaires ou des aliments... au point que, ce qui menace, c'est un excès de sûreté ! Nous en sommes au point paradoxal où l'on ne pense même plus aux risques... mais aux dangers, lesquels sont inévitables. Et l'on relira avec profit la nouvelle de Boris Vian où l'on voit une mère si inquiète de ses enfants qu'elle les met en cage... d'où ils s'échappent en mangeant des limces.
Bref, même s'il y a d'inévitables "affaires", telle la fraude sur la viande de boeuf ou la contamination de produits bio par des Datura, on n'a jamais si bien mangé. Et cela est le résultat d'efforts nationaux considérables, bien encadrés. On rappellera que, peu avant la Révolution française, alors que sévissait un mini-âge glaciaire qui abattait les récoltes de blé, il y eut des famines qui conduisirent des "savants" tels qu'Antoine Laurent de Lavoisier (le père de la chimie moderne) ou Michel Augustin Parmentier, à se préoccuper d'alimentation et d'agriculture. D'où la Société d'agriculture de la généralité de Paris, qui devint ensuite notre actuelle Académie d'agriculture de France.



Ses missions ?  

L’Académie d’Agriculture de France a pour mission de contribuer, dans les domaines scientifique, technique, économique, juridique, sociale et culturel à l’évolution de l’agriculture et du monde rural. Elle étudie sous leurs aspects nationaux et internationaux, les questions concernant :
- la production, la transformation, la commercialisation, la consommation et l’utilisation des produits de l’agriculture, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture en eau douce, ainsi que leur valorisation à des fins alimentaires ou autres
- la gestion des ressources naturelles, en relation avec l’aménagement de l’espace rural, dans un souci d’amélioration de l’environnement et plus généralement de la qualité de vie
- les activités de l’ensemble de la population rurale et ses rapports avec le monde urbain.
Elle donne des avis sur toutes questions relevant de sa compétence, et notamment sur celles dont elle est saisie par le gouvernement. Elle récompense par des prix et des médailles ou diplômes les auteurs de travaux qui ont contribué à l’avancement des sciences, des techniques ou de l’économie. Elle assure des liaisons avec les institutions françaises ou étrangères dont l’objet est voisin du sien. Elle apporte sa contribution à l’histoire de l’agriculture et du monde rural.

Mais aujourd'hui, alors qu'ont été créées des institutions telles que l'Inra, le CEMAGREF, le CIRAD, la DGCCRF (la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), l'Anses (l'Agence nationale des aliments), l'Efsa (l'agence européenne de sécurité des aliments),  le Conseil national de l'alimentation et encore d'autres, à quoi sert l'Académie d'agriculture de France ? Ce n'est pas une institution de recherche, comme l'Inra. Ce n'est pas une instance de régulation, comme la DGCCRF. Ce n'est pas une agence d'évaluation avec comités, experts, comme l'Anses ou même le CGAAER du Ministère de l'agriculture. Alors ?

Alors, jamais autant qu’aujourd’hui, des instances telles que l'Académie d'agriculture n'ont été aussi nécessaires. Tout d'abord, parce qu'elle n'est pas "aux ordres" du politique. Tout d'abord, parce que ses membres sont soigneusement sélectionnés parmi les tout meilleurs, et que, n'ayant plus rien à prouver, ils ont une liberté, une indépendance... et un jugement qui leur permet d'éclairer leurs concitoyens, dans leur champ propre. Aussi parce que l'Académie, réunion de personnalités aux talents variés, ne voit pas les choses par le petit bout de la lorgnette, mais, au contraire, est en mesure de délivrer des synthèses éclairées sur des questions difficiles. Aussi parce que ses membres n'ont plus l'âge des luttes de pouvoir : ils peuvent se consacrer entièrement au bien public. D'ailleurs, on observera que l'appartenance à l'Académie ne s'assortit d'aucun avantage financier... au contraire : il faut faire l'effort de dégager du temps, de l'énergie, voire de l'argent, pour participer aux travaux.
L'idéologie qui sous-tend tout cela ? Le souci d'aider la communauté nationale, le souci d'éclairer nos concitoyens.

Et dans le détail ? Des séances publiques, une revue scientifique gratuite en ligne, une encyclopédie en ligne gratuite, des colloques, des avis...
Toute une activité indispensable au service de la collectivité de l'alimentation, de l'agriculture et de l'environnement !




vendredi 24 mai 2019

La lécithine ?

Dans une discussion relative à la couleur de la mayonnaise,  je vois évoquée la lécithine de soja. 
Je m'en étonne, car il n'y a absolument pas besoin de ce "produit" (on verra plus loin pourquoi j'utilise le mot "produit" que le mot "composé") pour faire une mayonnaise. 

Et je rappelle  : 
1. que la loi impose 8 % de jaune d' œuf dans une mayonnaise ; des sociétés qui prétendaient faire des "mayonnaises sans oeuf" viennent de se faire épingler pour tromperie
2. qu'il y a dans le jaune d'oeuf tous les ingrédients nécessaires à la production de la sauce mayonnaise, sans qu'il soit ni nécessaire ni honnête d'ajouter de la lécithine de soja, laquelle n'a rien à faire dans une telle sauce.

Mais commençons par le commencement, à savoir par dire ce qu'est une mayonnaise
La mayonnaise est une émulsion que l'on obtient en dispersant de l'huile sous forme de gouttelettes microscopiques dans l'eau présente dans le mélange initial que l'on fait à partir de jaune d'œuf et de vinaigre. 
Pour faire une mayonnaise, aucun autre ingrédient que le jaune d'oeuf, le vinaigre et l'huile (plus sel et poivre) n'est nécessaire, et mieux, aucun autre ingrédient ne doit être présent, sans quoi la sauce n'est plus une mayonnaise, mais une autre sauce. 
Et l'on se rappelle que je revendique absolument , pour les produits alimentaires, que ces derniers soit sains, loyaux et marchand. Loyal, cela signifie qu'une mayonnaise est une mayonnaise et non pas une autre sauce qui en aurait l'apparence. 
J'insiste enfin  pour rappeler qu'il n'y a pas de moutarde dans une mayonnaise, sans quoi ce n'est plus une mayonnaise mais une rémoulade. 
À propos de "la lécithine" maintenant.
Partons des bonnes sources, à savoir le Gold Book de l'International Union of Pure and Applied Chemistry: les lécithines sont des esters choliques d'acides phosphatidiques, à savoir que leur formule est du type :
L03494
Source:
PAC, 1995, 67, 1307 (Glossary of class names of organic compounds and reactivity intermediates based on structure (IUPAC Recommendations 1995)) on page 1347
Ces composés sont des "phospholipides", ce qui signifie qu'ils comportent un groupe phosphate, et une partie lipidique (représentée par la lettre R sur la figure). On aurait donc d'oublier le singulier de parler au pluriel des lécithines. 
Cela dit, les phospholipides composent les membranes de toutes les cellules vivantes, animales ou végétales, et ils sont abondants dans l' œuf, puisque le poussin qui se formera à partir dudit oeuf a besoin de phospholipides pour bâtir les membranes de ses cellules. 
Or,  puisqu'il y a des phospholipides dans le jaune d'œuf, pourquoi en ajouter ? De surcroît, on ajoutera que ce ne sont pas essentiellement les lécithines ou les phospholipides qui assurent la stabilité de l'émulsion, mais les protéines qui sont apportées également par le jaune d' œuf. 
Bref, avec le jaune d' œuf, on a de l'eau et des composés tensioactifs qui sont d'abord les protéines et ensuite les phospholipides, qui viennent tapisser la surface des gouttelettes d'huile que l'on disperse dans l'eau par le travail du fouet, ce qui produit émulsion. 
Dans le passé, on a pensé que les mayonnaise étaient stabilisées par les phospholipides, notamment par des lécithines, mais les progrès des sciences nous permettent aujourd'hui de dire que ce sont surtout les protéines qui sont utiles. 


Et les ollis

Je termine en signalant une de mes très anciennes inventions : les ollis. De même que l'on peut faire de l'aïoli en broyant de l'ail, puis en émulsionnant de l'huile dans l'ail broyé, j'ai montré que l'on pouvait obtenir des émulsion, par ce même procédé, à partir de n'importe quel tissu végétal ou animal : broyé, un tel tissu libère des protéines et des phospholipides, de sorte qu'une émulsion nommée "olli" peut être obtenue. Pas besoin de "lécithine", ni de lécithines, ni d'aucun autre ajout... mais les ollis ne sont pas des mayonnaises. 

Il faut revendiquer haut et fort : la mayonnaise, c'est l'émulsion que l'on obtient en émulsionnant de l'huile dans le mélange de jaune d'oeuf, vinaigre, sel et poivre !

jeudi 23 mai 2019

La mayonnaise n'est pas jaune !

A propos de la couleur de la mayonnaise

"Pourquoi la mayonnaise est-elle jaune ?", me demande-t-on ?  Immédiatement mes réflexes se déclenchent : d'une part, ne jamais répondre à une question sans avoir cherché à l'interpréter, et, d'autre part, s'arrêter chaque fois qu'il y a un adjectif ou un adverbe, qui devraient être remplacés par la réponse  à la question "Combien ?".
A propos de la première question, d'abord : les mathématiciens savent bien que l'on ne doit jamais caractériser un objet qui n'existe pas. Par exemple, combien y a-t-il d'anges sur la tête d'une épingle ? Il ne faut pas répondre tant que l'existence des anges n'est pas prouvée. Ou encore : quelle est la couleur du manteau du père Noël ? On ne répond pas, puisque le père Noël est un conte pour enfant. Et ici, pourquoi la mayonnaise est-elle jaune ? Disons d'abord : pourquoi la mayonnaise serait-elle jaune ? Ou, plus justement, la mayonnaise est-elle jaune ?
Ici, la seconde remarque prend le relais : dans notre laboratoire, nous banissons adjectifs et adverbes, parce qu'ils poussent à la faute scientifique. Car si la mayonnaise était "jaune", combien jaune le serait-elle ? On verra plus loin combien on a raison de poser la question.

La sauce mayonnaise est fait de jaune d'oeuf, de vinaigre et d'huile. Premier  sujet d'étonnement que nous disions le jaune d' œuf  jaune, alors que les Italiens l'appellent le rouge. Je signale à tout hasard que des livres de cuisine anciens mentionnent que le jaune d' œuf est même vert au printemps, quand les poules mangent des hannetons... Et quand on regarde un jaune d'oeuf, il est plutôt orange !
Et sans tarder, je signale aussi que le blanc d'oeuf n'est pas blanc mais jaune tirant vers le vert.

La raison pour laquelle je m'intéresse ici au blanc d' œuf est que ce dernier va donner la clé de la couleur de la mayonnaise. Commençons donc par utiliser un blanc d'oeuf, qui est donc transparent et jaune-vert, et ajoutons de l'huile qui elle est  transparente et jaune. Quand on fouette, l'huile se disperse dans l'eau du blanc sous la forme de gouttelettes, et progressivement, on obtient une préparation crémeuse, blanche que j'avais nommée un "geoffroy". En réalité, le blanc est resté jaune tirant vers le verre et l'huile est restée jaune, mais les phénomène de réflexion de la lumière sur les parois des gouttes fait apparaître du blanc, puisque ces réflexions sont généralement celle de la lumière blanche.

Nous pouvons donc maintenant passer à la mayonnaise, où l'on part d'une couleur orangée et on ajoute de l'huile jaune. Progressivement, cette couleur blanchit, et on obtient finalement la couleur de la mayonnaise... qui varie selon les conditions opératoire. Quand la mayonnaise été à la faite à la fourchette, il est vrai qu'elle a une couleur tirant vers le jaune, mais si l'on met un coup de mixer, alors on voit la couleur jaune blanchir, comme pour le cas du geoffroy.

Donc finalement, il est faux de dire "la mayonnaise est jaune".

mercredi 22 mai 2019

À propos de la méthode scientifique


Un collègue à qui je montre mon schéma de la méthode scientifique m'oppose une autre description où il sera question d'une hypothèse et d'un test expérimental.
Cela est bien insuffisant, car l'hypothèse... d'où sort-elle ? Je crois quand même bien plus explicite de considérer que l'on part d'un phénomène que l'on veut explorer, puis que l'on caractérise quantitativement, ce qui permet de réunir les données en lois après des "ajustements", et c'est la réunion de ces lois qui conduit à une théorie, avec l'introduction de nouveau concept, de nouvelles notions... Je suis d'accord qu'il y a là une étape d'induction, d'ailleurs bien décrite par le mathématicien et physicien Henri Poincaré, qui est le point difficile de la méthode scientifique. Une fois la théorie constituée, il n'est donc pas difficile de chercher des conséquences théoriques que l'on va tester point et c'est à cet endroit qu'il y a comme une hypothèse mais on voit que celle-ci arrive au terme d'un très long chemin et que se contenter de décrire la méthode par "faire une hypothèse" est quelque chose de bien insuffisant,  qui n'aide pas les collègues plus jeunes... ni nous-même !


mardi 21 mai 2019

A propos du séminaire de gastronomie moléculaire de mai 2019 : cuisson des artichauts et des asperges.


Lors de ce séminaire, nous sommes partis, comme d'habitude, de précisions culinaires, c'est-à-dire de données techniques qui s'ajoutent aux "définitions", dans les recettes. Par exemple, à propos des artichauts, la "définition" est la suivante :  plonger des artichauts dans l'eau chaude. À cette définition s'ajoutent donc des précisions, par exemple la durée de cuisson, le fait que l'eau doit être salée, ou bien encore que l'on doive attacher un demi citron  sur la partie où l'on a enlevé la queue...
Lors de notre séminaire, nous avons voulu  tester expérimentalement  la précision qui stipulait que la queue devrait toujours être arrachée,  et non coupée, sans quoi le fond d'artichaut aurait été plus amer.
La question essentielle, pour ce type de tests, c'est la variabilité des ingrédients, de sorte que nous avons décidé de couper en deux des artichauts, selon leur axe, afin d'avoir des moitiés qui seraient  donc plus semblables que des artichauts différents. Pour certaines moitiés, la demi queues a été arrachée, et pour les autres moitiés, la queue a été coupée au couteau. Puis les demi artichauts on été mis ensemble, dans la même casserole, donc à la même température et dans la même eau... Ils ont été cuits pendant le même temps, puis on  refroidis et préparés de la qu'on ait prépare de la même façon encore et même façon, avant que l'on fasse goûter les fonds,  par une méthodologie précise évidemment.
J'ai déjà décrit ailleurs cette méthodologie que nous utilisons constamment et qui a pour nom "test triangulaire" : il s'agit essentiellement de soumettre trois échantillons aux dégustateurs, deux échantillons étant identiques et le troisième étant différent. Les dégustateurs doivent seulement dire quels sont les deux échantillons identiques.
Le résultat a été sans appel : les trois dégustateurs, qui ont dégusté chacun plusieurs fois, ont été incapables de voir une différence d'amertume pour les artichaut à queue coupée ou à queue arrachée, de sorte que nous pouvons assez correctement réfuter la précision culinaire qui nous avait été donnée !

Lors de notre dernier séminaire, nous avons également considéré la cuisson des asperges vertes ou blanches. Nous disposions d'une précision culinaire qui stipulait que les asperges vertes allaient jaunir si on les laissait cuire plus longtemps, et nous avions également une précision culinaire disant que les asperges blanches serait plus fermes si, une fois cuites, nous les replongions dans l'eau chaude.
À noter qu'une des deux précisions datait du 4e siècle de notre ère tandis que l'autre provenait d'un cuisinier contemporain. Et les deux précisions ont été expérimentalement réfutées ! Il est amusant d'observer que sur des millénaires donc, la fiabilité des prescriptions culinaires a peu changé et l'on pourra donc s'en étonner. Comment est-il possible que l'on puisse ainsi transmettre des idées fausses sans vergogne, et jusque dans l'enseignement culinaire ? Il y a encore du travail devant nous pour améliorer tout cela !

samedi 18 mai 2019

De la fissuration des petits choux


Les choux ?




 Il y a le petit chou, la chouquette, le chou, le chou de religieuse, le chou de Paris-Brest, la gougère... Il  a la particularité de gonfler à la cuisson... mais, parfois, son gonflement est irrégulier, et il y a des fissurations, et la formation de boursouflures.
Comment interpréter tout cela ? Comment éviter les catastrophes ? La chose est simple  : la pâte à choux contient de l'eau, soit apporté lors de la préparation de l'appareil par de l'eau pure, soit qu'elle soit apportée par du lait. Or les choux sont cuits dans un four qui est souvent à une température comprise entre 150 et 200 degrés, en tout cas supérieure à la température d'ébullition de l'eau,  qui est de 100 degrés.
Pour analyser  la cuisson, on distinguera deux parties, à savoir la base, qui est la partie de pâte au contact du support de cuisson, et la partie supérieure, au contact de l'air chaud. Quand le chou  est chauffé par la base, la chaleur commence par faire évaporer l'eau de la base. Or il est utile de savoir qu'une toute petite quantité d'eau liquide engendre un gros volume de vapeur d'eau : par exemple, un gramme d'eau liquide fait un litre de vapeur.
Lors de la cuisson par la base, les bulles de vapeur n'ont d'autre solution que de monter dans l'intérieur du chou, d'où le gonflement. Mais vient un moment où l'eau s'est largement évaporée de la partie supérieure, ce qui fait une croûte. Or si croûte il y a, l'eau et la vapeur ne peuvent plus s'échapper, de sorte que la pression augmente dans le choux... et vient un moment où cette pression est supérieure à la résistance de la croûte... qui se fissure.
A ce stade, le choux boursoufle, parce que le gonflement se fait alors latéralement, de part et d'autre de la fissure, tandis que de la préparation de l'intérieur peut gonfler, venir faire un boursouflure centrale.



Comment, donc, éviter les boursouflures ? On comprend que l'on aura intérêt à éviter des gonflements qui interviendraient après que la croue se soit formée. Autrement dit, il ne faut pas un four trop chaud, qui croûterait rapidement. Préférons un four pas trop chaud.
Mais aussi, privilégions un contact de la base qui se fasse bien d'emblée, soit que les choux ont été posés sur une plaque bien conductrice, soit même que la plaque ait été rapidement chauffée, parce qu'elle a été placée sur la "sole" (la partie inférieure) du four, laquelle sole aura été chauffée.

Et c'est ainsi que nos choux seront réguliers !

vendredi 17 mai 2019

Some explanations about science, technology, molecular gastronomy, food pairing (bad theory), honesty in general

I was recently invited in a programme mixing science and... I don't understand exactly what, but it included "food pairing". 

I am publishing again and again that the theory of food pairing is not scientific, and I also observe that this "theory" is promoted by people selling advices to chefs, often trying to convince that there is science behind.
You will see why I am strongly opposed to this way of doing on other posts of this blog, but it's enough to know that "good" means "beautiful to eat", and this is not a question of technique, but of art... and art escapes the rules : the Diabolus in musica is appreciated today ; no science about that. 
 
So that I don't  want to participate to something where this wrong theory is promoted.


By the way, in the proposed programme, I could see that there is question of "aromas", and frequently, there is a confusion between aromas and odors.

But more generally, I see too often people speaking of science, when indeed they are doing technology or technique, and this is not fair. 
Engineers are engineers, technologists are technologists, technicians are technicians, and scientists are scientists. All these people are different, with different goals and different methods.

Another point: since the creation of molecular gastronomy, by me and Nicholas Kurti, there has been many people
- confusing molecular gastronomy and molecular cooking/ molecular cuisine (and this is bad for the public)
- confusing science and technology (and this is bad for students)
- confusing everything about "science and cooking" (and this is bad for everybody
- giving ( or trying to give) new names to the science called molecular and physical gastronomy (and this not very honest)

 
Here are some explanations : 

1. molecular and physical gastronomy is sometimes named " molecular gastronomy" for short ; it is a scientific activity, done in laboratories, by chemists or physicists, or biologists. This is science, not technology, and not technique

2. molecular cooking is the technique of cooking with modern tools that were transferred from laboratories to kitchens (thermocirculators, liquid nitrogen, siphons, pumps, centrifuge, rotary evaportaors...)

3. molecular cuisine is a culinary trend (chefs using molecular cooking for making new kind of dishes)

4. science (sciences of nature) is an activity of "looking for the mechanisms of phenomena using a specific method using experiments and calculation"; it has nothing to do with technique and technology

5. technique means "to do something". For example, cooking includes a technical component

6. technology means using the results of science for improving technique

7. and finally, there is art, and one of my book explains well that cooking includes a social component, an art component, a technical component.

 
By the way, I hope that my friends know about "note by note cooking"? This IS the future, the next new technique, and already some "note by note cuisine" is appearing all over the world.

La (grave !) question des acras de morue


J'ai fait une petite exploration des recettes de d’acras de morue, car je cherchais à me retrouver dans l'ensemble des possibilités données les recettes : parfois il y a de l'oeuf, parfois il y a  de la fécule de maïs, parfois il y a de la farine, parfois il y a de la pomme de terre... Évidemment les proportions sont extrêmement variables d'une recette à une autre, et la seule constante est peut-être la présence de morue, de cive, de persil, d'oignons, d'ail, de piment.






Prenons un peu de recul et observons qu'il s'agit surtout de poisson émietté, éventuellement additionné d'amidon et d'oeuf que l'on assaisonne, que l'on forme en boulettes que l'on  frit. Autrement dit, il s'agit de préparations en tout point analogues à des boulettes frites de poisson,  ce que l'on pourrait nommer des croquettes aussi, et l'on voit bien que l'on pourrait varier le poisson, que la morue n'est indispensable que dans des acras de morue. Les croquettes et les boulettes de poisson ont été largement explorées par les cuisiniers professionnels occidentaux (français surtout), et l'on peut chercher dans leurs productions  des indications pour varier la recette d’acras des îles.
Mais on peut aussi raisonner,  et observer que le poisson contient des protéines susceptibles de coaguler, comme dans les terrines évoqués dans un billet précédent (https://hervethis.blogspot.com/2019/05/les-terrines.html). Bien sûr, on peut ajouter de l'oeuf, le blanc apportant des protéines qui aideront à tenir les masses, tandis que le jaune apportera également des protéines, mais surtout du goût.
La farine, la fécule, l'amidon, quand ils seront chauffés en présence d'eau, absorberont  cette dernière et feront une préparation pâteuse comme une sauce blanche, qui donnera un peu plus de souplesse qu'avec le seul poisson, surtout s'il a été salé comme c'est le cas pour la morue.
L'ail, l'oignon, le piment, la cive ou le persil contribueront au  goût, et, si l'on n'a pas mixé les ingrédients, ils pourront également  donner un peu de variété dans la consistance de la pâte. Certaines recettes indique de les broyer,  mais je me demande si l'on n'aurait pas intérêt à ne broyer que la moitié, et a conserver l'autre, en brunoise, pour faire ces variations de consistance.

Enfin il y a ce que certaines recettes nomment de la "levure", ou de la levure chimique, ou du bicarbonate. Tout cela n'est pas la même chose. La levure, c'est pour obtenir une fermentation assez longue, comme dans le pain : ce n'est pas souhaitable ici. En revanche, la poudre levante, fautivement nommée "levure chimique", produit un dégagement de gaz rapide quand elle est chauffée en présence d'eau. Ce qui est le cas pour les acras.
Le bicarbonate ? Personnellement, je trouve qu'il donne un goût savonneux désagréable, mais, surtout je vois qu'il est contre-indiqué dans les recettes qui contiennent du jus de citron ou du jus de citron vert, parce que parce que la réunion du bicarbonate et de l'acide provoque aussitôt une effervescence qui sera perdue si l'on laisse la pâte reposer avant la friture. Il vaut bien mieux la poudre levante, donc.

Et c'est ainsi que je n'ai guère besoin de recette pour faire la préparation.



Mais je ne veux pas terminer ce billet sans évoquer la cuisine note à note, cette cuisine de synthèse qui fait usage de composés purs au lieu des ingrédients classiques que sont les poisson, légumes, viande ou fruits.
Pour une recette note à note, apparentée aux acras de morue, on partira d'eau, de protéines thermocoagulables, d'amidon, on ajoutera de la poudre levante et des composés qui donneront de la saveur, de la couleur, de l'odeur, du piquant et du frais... On formera de petites masses de cette pâte, et, en faisant une friture classique, on obtiendra  des objets qui s'apparenteront en tous poins à des acras de morue, à cela après que le goût sera tout à fait original et sur-mesure.

jeudi 16 mai 2019

La chimie "propre" ?

Ce matin, des questions, auxquelles j'apporte des réponses  :


Pourquoi faites vous de la chimie ?
 
Parce qu'il est admirable, mystérieux, extraordinaire, que le calcul décrive si précisément le fonctionnement du monde, à savoir les mécanismes des phénomènes. Parce que le mouvement des sciences de la nature est extraordinaire. Fondé sur cette hypothèse dite ainsi par Galilée : "le monde est écrit en langage mathématique".
La chimie, c'est la possibilité d'expliquer le visible par de l'invisible... que nous révèle le calcul. L'un des plus beaux exemples que je connaisse est l'article de 1871 de Van'tHoff où est dessinée la molécule du glucose... à une époque où l'on discutait l'existence des molécules ! Mais les travaux de Charles Gerhardt et Laurent sont tout aussi extraordinaires. Quant aux analyses de Lavoisier, elles sont passionnantes, tout comme celles de Thenard et Gay-Lussac, aux débuts de la chimie organique. C'était l'époque où l'on commençait à faire la différence entre analyse immédiate (un fractionnement) et analyse élémentaire. D'ailleurs, à cette même époque, Chevreul a fait un travail éblouissant. Et le travail de Louis Pasteur sur l'acide tartrique : Biot en a pleuré d'émotion.
La chimie, c'est une science, donc l'honneur de l'esprit humain. C'est aussi, de ce fait, la reconnaissance du fait que nous avons beaucoup à découvrir, avec rationalité, sur le monde, et notamment sur la vie.

Pour vous, qu'est-ce que la chimie propre ?
 
Je ne sais pas, de sorte qu'il faut que j'aille voir en ligne. Je sais que, pour la chimie "verte", il y 17 critères acceptés par l'iupac. Mais la chimie propre ? Je pense d'ailleurs qu'il y a une confusion entre la chimie (science) et ses applications, et cela n'est pas bon. Dans l'intérêt de tous, je revendique que les applications ne doivent pas se nommer chimie ! Pourquoi ne pas parler d'applications propres de la chimie ?
Et si je devais inventer la définition de chimie propre, je dirais qu'il n'y a pas d'effluents autres de l'eau... mais c'est bien trop restrictif, et sans doute idiot. Pourquoi ne pas se contenter qu'une application de la chimie est propre si elle est capable de ne rejeter aucun autre composé que l'eau ou N2, ou O2 ?


Quand en avez vous entendu parler pour la première fois ?
Avec vous pour la chimie propre, et il y a longtemps pour la chimie verte.


Est-ce possible ou pas d’envisager une chimie propre ?
J'ai donc répondu plus haut. La réponse est oui : un calcul est toujours propre, n'est-ce pas ?


La chimie peut-elle être plus ou moins propre selon le domaine (matériau, chimie orga...)?
Je crois que la question est trop générale.


Etes-vous sensible à la protection de l'environnement ?
Comment pouvez vous imaginer que quelqu'un vous réponde non ? Ou bien un grand malhonnête ?


Pensez vous que la chimie est un domaine trop polluant et qu'on devrait limiter son usage ?
La chimie est une science, et de ce fait elle n'a pas de raison d'être polluante, ou, du moins, elle ne doit pas l'être (d'autant que nous faisons de la microchimie).
Cela a des conséquences, et la première est que les TP des écoles et universités devraient porter sur des quantités de l'ordre du mg, et jamais plus !
Mais, si vous parlez des applications de la chimie, c'est une question très générale, et les questions très générales sont mauvaises parce qu'elles appellent des réponses générales, et donc intellectuellement fautives. Par exemple, que diriez vous d'une industrie qui part d'effluents de l'agriculture pour faire du bioéthanol : ce serait donc le contraire de la pollution, n'est-ce pas ?
Mais surtout, ne pas confondre chimie et applications de la chimie !


Etes-vous capable de développer des outils/procédés respectueux de l’environnement pour l’industrie chimique dans votre domaine? En existe-t-il déjà ?
Mon domaine est la gastronomie moléculaire, mais il est vrai que nous sommes amenés à faire des analyses, et là, j'ai apporté un progrès merveilleux avec la RMN quantitative in situ, qui évite les extractions, et donc les solvants ! Mieux, je n'utilise plus de solvants deutérés pour les locks.


Quel est votre parcours ? Avez vous étudier la chimie propre dans votre cursus ? Pourquoi ?
Mon parcours ? Voir doc joint;
La chimie propre : quand j'étais dans mon école, la question environnementale se posait peu.

 
Pensez vous qu'elle est un domaine d'avenir ou qu'elle n'est qu'un mythe ?
Si la notion existe, c'est certainement porteur ! En tout cas, la chimie verte existe.


Dans votre quotidien, travaillez vous dans une optique de chimie plus propre ?
Toujours, mais dans l'ordre : sécurité, qualité, traçabilité.


Connaissez vous les règles/lois en matière de rejets des déchets pour votre établissement ? Les respectez vous ?  
Bien sûr que je les connais, et bien sûr que je les respecte ! Et je m'étonne d'ailleurs des pratiques de certains collègues. Il y a un combat quotidien à mener ! 






















La pj contient ceci : 



























Hervé This est physico-chimiste à l'Inra et professeur consultant à AgroParisTech.
Il est aussi Directeur du Centre international de gastronomie moléculaire AgroParisTech-Inra, créateur et directeur scientifique de la Fondation Science & Culture alimentaire, de l'Académie des science, créateur et président du Comité pédagogique de l'Institut des Hautes Études du Goût (Université de Reims Champagne Ardennes), conseiller scientifique de la Revue Pour la Science...

Né le 5 juin 1955, il a effectué ses études au Lycée Janson de Sailly, à Paris. Après des études de physico-chimie à l'École Supérieure de Physique et de Chimie de Paris (ESPCI ParisTech, 95e promotion) et des études de lettres modernes à l'Université Paris IV, il a travaillé pendant 20 ans aux Éditions Belin et à la Revue Pour la Science, où il a été éditeur et rédacteur en chef... en même temps qu'il fondait et développait la gastronomie moléculaire, d'abord dans son laboratoire personnel, puis au Collège de France, où il avait été invité par Jean-Marie Lehn (Prix Nobel de chimie en 1987).
Simultanément il était un des collaborateurs réguliers du Panorama (France Culture), et le directeur scientifique des émissions Archimède (Arte) et Pi=3.14 (France 5). Il a été le créateur et l'animateur de séries hebdomadaires de télévision sur France 5, et de radio sur France Culture et France Inter (tous les étés, quotidiennement).
A partir de 1980, alors qu'il effectue ses recherches sur les « précisions culinaires », il fait la promotion de ce qu'il nommera en 1999 la « cuisine moléculaire », définie comme « la technique culinaire rénovée, notamment avec l'apport de techniques de laboratoire ».

En 1988, il crée la discipline scientifique nommée “gastronomie moléculaire et physique” avec Nicholas Kurti (FRS, 1908-1998, directeur du Clarendon Laboratory, inventeur de la désaimantation adiabatique nucléaire), alors professeur de physique à Oxford.

Cette discipline scientifique se définit comme la recherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors des préparations culinaires.

En 1994, il imagine la « cuisine note à note » (qui sera nommée ainsi en 2004).

Après sa thèse (1995) de physico-chimie intitulée La gastronomie moléculaire et physique (jury comprenant notamment deux lauréats du Prix Nobel, Pierre Gilles de Gennes et Jean-Marie Lehn, mais aussi Pierre Potier), il a été invité à soutenir une habilitation à diriger des recherches (2000) devant – notamment - Guy Ourisson (alors président de l'Académie des sciences), Xavier Chapuisat (alors président de l'Université Paris Sud), Étienne Guyon (alors directeur de l'École normale supérieure), Alain Fuchs (aujourd'hui président du CNRS) et le chef triplement étoilé Pierre Gagnaire.

En 2000, il quitte les éditions Belin et la revue Pour la Science pour entrer à l'Inra, occupant alors à plein temps son laboratoire, au sein du Laboratoire de Chimie des Interactions Moléculaires, au Collège de France (directeur J-M. Lehn).

En 2000 également, suite à la publication du livre intitulé La casserole des enfants, le Ministre de l'Éducation nationale (Jack Lang) lui a demandé de créer et mettre en place dans les Écoles primaires de toute la France les Ateliers expérimentaux du goût. Ces programmes pédagogiques ont été prototypés dans les Académie de Paris (avec le Recteur René Blanchet, membre de l'Académie des sciences) et de la Réunion. Ils ont été introduits officiellement en 2001 dans toutes les écoles primaires françaises. La même année, le livre Traité élémentaire de cuisine a constitué la base de la rénovation des référentiels de CAP et de BEP des enseignements d'hôtellerie restauration, en relation avec l'Inspection générale. En 2004, ces programmes, et quelques autres (Dictons et plats patrimoniaux, etc.) ont été suivis des Ateliers Science & Cuisine, aujourd'hui aux programmes de Collèges et de Lycées.

2000 est l'année où il commence une collaboration avec le chef français Pierre Gagnaire : chaque mois, il publie une invention culinaire sur le site de Pierre Gagnaire, afin de démontrer que la technologie prend toute sa force quand elle est fondée sur la science.

En 2004, aussi, à la demande de Renaud Dutreil, alors Ministre des PME, H. This a été l'un des principaux créateurs de l'Institut des Hautes Études du Goût, de la Gastronomie et des Arts de la Table, avec l'Université de Reims Champagne Ardennes. Il en a été nommé Président du Comité pédagogique.

En avril 2006, alors que son laboratoire déménageait à AgroParisTech, pour cause de travaux au Collège de France, l'Académie des sciences l'a invité à créer la Fondation Science & Culture Alimentaire, dont il a été nommé Directeur scientifique. C'est l'année où il a été nommé professeur des universités.
De 2010 à 2019, il a été Secrétaire de la Section Alimentation humaine de l'Académie d'agriculture de France, où il a d'ailleurs créé la revue scientifique « Notes Académiques de l'Académie d'agriculture de France » (N3AF). Il en est l'éditeur, ainsi que de l' « International Journal of Molecular and Physical Gastronomy ».
H. This est également le Directeur des International Workshops on Molecular Gastronomy N. Kurti (depuis 1992), des Journées françaises de gastronomie moléculaire, de Séminaires mensuels de gastronomie moléculaire (depuis 2000) et de Cours AgroParisTech de gastronomie moléculaire (cours publics, gratuits, non diplômants, faisant état d'un travail scientifique original chaque année, assortis de la publication d'un livre). En 2008, il a présidé le Comité scientifique et le Comité d'organisation d'EuroFoodChem XIV, et a créé le Groupe français de chimie des aliments et du goût de la Société française de chimie. Il a été nommé représentant français de la Société française de chimie à la Food Chemistry Division d'EuCheMS.

H. This donne de très nombreuses conférences, en France ou à l'étranger, où il crée des laboratoires de gastronomie moléculaire dans les universités et où il promeut le développement de la cuisine note à note. Il écrit mensuellement plusieurs rubriques dans des journaux scientifiques ou professionnels, et il est l'auteur d'une quinzaine de livres  : Les secrets de la casserole, Révélations gastronomiques, La casserole des enfants, Science et gastronomie, Casseroles et éprouvettes, Traité élémentaire de cuisine, Six lettres gourmandes, Maths'6, Petits propos culinaires et savants, La cuisine, c’est de l’amour, de l’art, de la technique, Construisons un repas, De la Science aux fourneaux, La Sagesse du chimiste, Science, technologie, technique (culinaires) : quelles relations ?, Les Précisions Culinaires, Le Terroir à toutes les sauces.
Membre honoraire de plusieurs académies culinaires, membre de l'Académie d’Agriculture de France; de l'Académie de sciences, des lettres et des arts d'Alsace, membre de l'Académie royale des sciences, des arts et des lettres de Belgique, membre de l'European Academy of Science, Arts and Letters, membre de l'Académie de Stanislas, il a reçu de nombreux prix et distinctions, telle la Chaire Franqui au titre national belge (Université de Liège), le Grand Prix des Sciences de l’Aliment par l'International Association of Gastronomy et, surtout, la Bretzel d'Or (2018).
Hervé This est officier dans l'Ordre des Arts et Lettres, officier dans l'Ordre du Mérite Agricole, officier dans l'Ordre des Palmes Académiques, et chevalier dans l'Ordre de la Légion d’Honneur.