Des pâtes plus moelleuses
Un correspondant m'interroge :
"la baking powder apporte plus de legerete avec une mache plus moelleuse dans une pate a biscuit depourvus d’acide" [sic]
Quand mes amis utilisent des mots anglais, j'ai toujours peur des confusions et lorsqu'un de mes correspondants me parle de baking powder alors qu'il m'a parlé précédemment de baking soda, je crains qu'il ne fasse une confusion entre les deux.
Le baking soda, je l'ai expliqué dans un autre billet, c'est du bicarbonate. et le bicarbonate se décompose effectivement dans l'eau chauffée, en libérant du dioxyde de carbone : faites donc l'expérience de mettre un peu de bicarbonate dans de l'eau que vous chauffez au four à micro-ondes, et vous verrez une forte effervescence.
En revanche, le baking powder est ce que nous appelons en français des poudres levantes, et j'invite mon correspondant à utiliser des mots français pour bien faire la distinction : poudre levante dans un cas, bicarbonate dans l'autre.
Et les poudres levantes sont bien plus efficaces pour faire gonfler les pâtisseries.
Tout cela étant dit, les poudres levantes donnent-elles de la légèreté aux préparation pâtissières ? Evidemment oui : il suffit de comparer la même pâte à biscuit ou à gâteau avec ou sans poudre levante pour s'en apercevoir.
J'ajoute enfin que, pour les poudres levantes, tout est dans la poudre, les acides et les bases qui vont réagir, sans qu'il soit nécessaire que la pâte elle-même contienne des acides.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
jeudi 14 septembre 2023
Ne pas confondre bicarbonate et poudres levantes
mardi 22 mars 2022
Loyauté
Quand on veut aider les amis à bien comprendre, il s'agit d'être clair et d'utiliser des mots loyaux, sans ambiguïté.
Dans un tweet récent, j'avais signalé que la terminologie "levure chimique" me semblait déloyale ou fautive, et je proposais de l'interdire, mais mon message a suscité une discussion avec des correspondants qui disaient en substance que, au fond ce n'était pas si grave.
Je n'ai pas dit que c'était très grave, mais j'ai observé que
1. cela n'aidait pas mieux comprendre
2. quand il y a des possibilités de confusion, nos amis confondent et rencontrent des difficultés
3. les commerçants sans scrupule utilisent les confusions pour leurs agissements répréhensibles.
D'aillerus, je vois dans le milieu culinaire des confusions d'un genre tout à fait analogue à propos de gélatine et d'agents gélifiants.
La gélatine, c'est un agent gélifiant parmi d'autres, d'origine animale exclusivement. Il y a d'autres agents gélifiants extraits des plantes ou des algue,s mais ce ne sont pas des gélatine : ce sont des agents gélifiants.
J'insiste : chaque fois qu'il y a une confusion, il y a des malhonnêtes qui s'en empare pour tromper ceux à qui ils vendent leurs produits, et voilà pourquoi je crois tout à fait importante la loi de 1905 qui revendique que les produits soient loyaux : si c'est du bœuf, ce n'est pas du cheval.
Les confusions précédentes, entre levures, levure de boulanger et poudre levante, ou entre gélatine et agents gélifiants sont en réalité tout à fait analogues à la confusion entre boeuf et cheval : il s'agit de viande dans les deux cas, mais le prix n'est pas le même !
Bref, on n'aura jamais raison de supporter des confusions quand on est capable de pas les faire, et nous avons un devoir, si nous comprenons bien, d'éclairer nos amis.
lundi 21 mars 2022
A propos de pizza
Un des problèmes des professeurs, c'est que, quand on a bien compris quelque chose, éventuellement grâce à des enseignements qu'on a dispensé, alors on devient moins capable de bien se souvenir des raisons pour lesquelles il a pu sembler difficile d'avoir soi-même l'information qu'on a transmise.
Et je crois qu'on a tout intérêt à ne jamais hésiter à dire des choses simples, car on peut toujours espérer rendre service à certains.
En outre, en disant des choses que l'on sait déjà, on a la possibilité de bien s'arrêter sur chaque élément d'information que l'on transmet pour s'assurer que l'on est soi-même au clair avec toutes les notions.
Aujourd'hui, pour une chaîne de télévision, je dois expliquer la fermentation des pizzas, et je vais donc faire l'expérience qui consiste tout simplement à mettre de la levure dans de l'eau additionnée de farine, éventuellement avec du sel et du sucre, afin de montrer le dégagement gazeux qui correspondra à la production de dioxyde de carbone par les levures.
Il faudra que je prenne soin de bien distinguer la levure de la poudre levante.
Il faudra que je prenne soin de bien dire que la "poudre levante" n'est pas de la levure, mais un agent levant, qui n'aurait jamais dû être autorisé à être nommé "levure chimique".
Il faudra expliquer que les levure sont des êtres vivants, unicellulaires, c'est-à-dire réduit à une seule cellule, et qui, pour vivre, consomment du sucre et produisent ce gaz qu'est le dioxyde de carbone et que l'on voit former des bulles.
Tout cela, il va falloir le dire lentement, car je sais que même dans des milieux professionnels, il y a des confusions, par exemple entre poudre levante, levure chimique ou levure.
Il y a là une question de concepts, de mots, et il faudra s'arrêter à ces derniers, lentement, tranquillement.
Et c'est ainsi que l'on aura rendu service.
vendredi 17 mai 2019
La (grave !) question des acras de morue
J'ai fait une petite exploration des recettes de d’acras de morue, car je cherchais à me retrouver dans l'ensemble des possibilités données les recettes : parfois il y a de l'oeuf, parfois il y a de la fécule de maïs, parfois il y a de la farine, parfois il y a de la pomme de terre... Évidemment les proportions sont extrêmement variables d'une recette à une autre, et la seule constante est peut-être la présence de morue, de cive, de persil, d'oignons, d'ail, de piment.
Prenons un peu de recul et observons qu'il s'agit surtout de poisson émietté, éventuellement additionné d'amidon et d'oeuf que l'on assaisonne, que l'on forme en boulettes que l'on frit. Autrement dit, il s'agit de préparations en tout point analogues à des boulettes frites de poisson, ce que l'on pourrait nommer des croquettes aussi, et l'on voit bien que l'on pourrait varier le poisson, que la morue n'est indispensable que dans des acras de morue. Les croquettes et les boulettes de poisson ont été largement explorées par les cuisiniers professionnels occidentaux (français surtout), et l'on peut chercher dans leurs productions des indications pour varier la recette d’acras des îles.
Mais on peut aussi raisonner, et observer que le poisson contient des protéines susceptibles de coaguler, comme dans les terrines évoqués dans un billet précédent (https://hervethis.blogspot.com/2019/05/les-terrines.html). Bien sûr, on peut ajouter de l'oeuf, le blanc apportant des protéines qui aideront à tenir les masses, tandis que le jaune apportera également des protéines, mais surtout du goût.
La farine, la fécule, l'amidon, quand ils seront chauffés en présence d'eau, absorberont cette dernière et feront une préparation pâteuse comme une sauce blanche, qui donnera un peu plus de souplesse qu'avec le seul poisson, surtout s'il a été salé comme c'est le cas pour la morue.
L'ail, l'oignon, le piment, la cive ou le persil contribueront au goût, et, si l'on n'a pas mixé les ingrédients, ils pourront également donner un peu de variété dans la consistance de la pâte. Certaines recettes indique de les broyer, mais je me demande si l'on n'aurait pas intérêt à ne broyer que la moitié, et a conserver l'autre, en brunoise, pour faire ces variations de consistance.
Enfin il y a ce que certaines recettes nomment de la "levure", ou de la levure chimique, ou du bicarbonate. Tout cela n'est pas la même chose. La levure, c'est pour obtenir une fermentation assez longue, comme dans le pain : ce n'est pas souhaitable ici. En revanche, la poudre levante, fautivement nommée "levure chimique", produit un dégagement de gaz rapide quand elle est chauffée en présence d'eau. Ce qui est le cas pour les acras.
Le bicarbonate ? Personnellement, je trouve qu'il donne un goût savonneux désagréable, mais, surtout je vois qu'il est contre-indiqué dans les recettes qui contiennent du jus de citron ou du jus de citron vert, parce que parce que la réunion du bicarbonate et de l'acide provoque aussitôt une effervescence qui sera perdue si l'on laisse la pâte reposer avant la friture. Il vaut bien mieux la poudre levante, donc.
Et c'est ainsi que je n'ai guère besoin de recette pour faire la préparation.
Mais je ne veux pas terminer ce billet sans évoquer la cuisine note à note, cette cuisine de synthèse qui fait usage de composés purs au lieu des ingrédients classiques que sont les poisson, légumes, viande ou fruits.
Pour une recette note à note, apparentée aux acras de morue, on partira d'eau, de protéines thermocoagulables, d'amidon, on ajoutera de la poudre levante et des composés qui donneront de la saveur, de la couleur, de l'odeur, du piquant et du frais... On formera de petites masses de cette pâte, et, en faisant une friture classique, on obtiendra des objets qui s'apparenteront en tous poins à des acras de morue, à cela après que le goût sera tout à fait original et sur-mesure.
lundi 24 septembre 2018
Levures et poudres levantes
De quoi s'agit-il ?
La levure, tout d'abord, est connue depuis de nombreux siècles. Par exemple, dès 1419, on nomme leveure une « substance qui provoque la fermentation ». Jadis, on utilisait des mélanges d'herbes pour provoquer la fermentation de la bière, tout comme on utilise encore parfois aujourd'hui des mélanges de fruits secs ou des quartiers de pomme pour faire démarrer un levain.
Puis arriva Louis Pasteur, qui montra que ce ne sont ni les herbes, ni les fruits, ni l'opération du Saint Esprit qui provoquent les fermentations, mais bien plutôt des organismes vivants, présents tout autour de nous. Quand un fruit ou un légume dans un saladier se couvre de moisissures, c'est qu'un tel « micro-organisme » a été apporté par l'air. Ils sont partout, et leur nature, leurs espèces dépendent notamment de la température, de l'humidité, du soleil, du sol… D'où des vins particuliers selon les régions, d'où des fromages particuliers selon les régions, d'où des vinaigres, des salaisons particulières selon les régions… Par exemple, pour les bières lambics, qui sont ensemencées naturellement, on porte le brassain en haut des brasseries et l'on expose aux micro-organismes environnants : il a été montré que, de part et d'autre d'une colline, en Belgique, des bières différentes sont obtenues à partir des mêmes ingrédients. C'est cela, notamment, le terroir.
Quand Pasteur découvrit ainsi les micro-organismes, il permit aussi la domestication des « levures », des espèces particulières de micro-organismes. D'où une maîtrise des fermentations… qui s'assortit d'un changement de goût : pour du pain, il y a la même différence entre un pain levuré avec un levure domestique et un pain au levain, avec des levures sauvages, qu'entre un champignon de Paris et un champignon sauvage. Mais il est bon de savoir que des sociétés vendent aujourd'hui des micro-organismes de mille types différents, pour des goûts bien difféents.
Bref, les levures sont des micro-organismes, vivants : réduits à une « cellule » (comme un petit sac fermé), qui vit, parce qu'elle contient tout ce qu'il faut pour son développement et sa reproduction. Dès que les circonstances le permettent, c'est-à-dire en présence d'eau et de nutriments, à une température douce, une cellule unique de levure en engendre deux, qui chacune se divisent, et ainsi de suite de façon explosive. Comme, en plus, les levures « respirent », elles dégagent du dioxyde de carbone, qui fait gonfler les pains et pâtisseries, dont nos merveilleux kouglofs.
Les poudres levantes ? Rien à voir ! Cette fois, c'est de la chimie toute simple, comme quand on met du vinaigre blanc sur la carapace de crevettes : on voit apparaître des bulles, parce que l'acide acétique du vinaigre réagit avec le carbonate de calcium de la carapace, ce qui engendre le même dioxyde de carbone que précédemment. En perfectionnant un peu les réactifs, des fabricants ont appris à confectionner des mélanges de poudre qui, stables à sec, se mettent à réagir dans les appareils à gâteaux que l'on cuit, quand il y a à la fois de l'eau (souvent apportée par l'oeuf) et de la chaleur (de la cuisson). Ainsi les cakes, les muffins, les gâteaux…
Pourquoi bien distinguer les deux produits ? Parce que les dégagements gazeux ne sont absolument pas les mêmes, en termes de rapidité, et n'interviennent pas au même moment des recettes, ce qui conduit à des alvéolations bien différentes. De surcroît, la fermentation par les levures ne se réduit pas à un simple gonflement de la préparation : elle engendre aussi nombre de composés odorants ou sapides, qui contribuent au goût des préparations fermentées. Et le goût, c'est essentiel, non ?
C'est donc trompeur de parler de « levures chimiques » : les poudres levantes ne reproduisent qu'une des fonctions des levures.