Affichage des articles dont le libellé est morue. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est morue. Afficher tous les articles

jeudi 16 janvier 2020

Réussir les brandades de morue


On m'interroge ce matin à propos de brandade de morue. 


La question s'apparente à celle qui portait sur les terrines, car il y a encore de la chair -ici de poisson, là d'animal terrestre- qui est travaillée et cuite, avec ajout de matières grasse.
Mais il y a des différences importante, et notamment le fait que, pour la brandade de morue, la chair n'est pas hachée, mais seulement cuite longtemps, avec le fait que le poisson contient très peu de tissu collagénique, contrairement à la viande, de sorte que  les fibres musculaires se séparent facilement les unes des autres.
Enfin il y a pas le fait que si les terrines peuvent être grasses, en raison de la gorge de porc (par exemple) que l'on utilise, la brandade, elle, comporte parfois une quantité d'huile considérable. 


Reprenons les choses pratiquement 

Nous partons de poisson, et ce poisson est chauffé avec un peu de lait,  de sorte que les fibres musculaires, tuyaux très fin juxtaposé en faisceaux par peu du collagène,  se séparent progressivement les unes des autres. C'est cela, le poisson qui s'émiette quand on le travaille dans la casserole avec une cuillère en bois.
L'ail ?  Il est là pour donner du goût, mais il est vrai qu'il apporte également de quoi "émulsionner" l'huile, comme quand on fait un aïoli, à partir d'olive que l'on disperse dans l'ail pilé. D'ailleurs, le fait de beaucoup travailler la brandade en ajoutant l'huile permet de faire exactement comme pour une mayonnaise, à savoir que le filet d'huile est divisé en gouttelettes qui se dispersent dans ce que l'on nomme la phase aqueuse  du plat, l'eau ayant été apportée soit par le lait, soit par le poisson puisque les fibres musculaires contiennent de l'eau, soit par l'ail.
Oui, les brandade de morue sont des systèmes émulsionnés, un peu comme des mayonnaises où les gouttes d'huile sont dispersées dans l'eau par le fouet.

Et l'on comprend à la fois les conditions de réussite et les raisons des échecs.

Pour réussir, il faut bien disperser l'huile, ce qui impose un travail mécanique notable :  l'émulsion ne se fait pas en claquant des doigts.
On comprend que l'on puisse échouer quand les conditions d'une émulsion ne sont pas réunies, c'est-à-dire :
- soit quand on a pas assez travaillé l'huile,  donc,
- mais aussi quand on a pas assez d'émulsifiant, ce qui signifie en pratique que l'on a pas assez travaillé le poisson pour libérer les protéines qui vont  émulsionner l'huile,
- soit quand il y a trop peu d'eau, parce que c'est une bonne règle pratique de toujours penser que dans une émulsion,  il faut un minimum de 5 pour cent d'eau par rapport à l'huile.



PS. Bien sûr, on peut ajouter de la pomme de terre, si l'on veut ! Et l'on peut frire des croquettes de brandade, notamment après les avoir passé dans de l'oeuf battu


vendredi 17 mai 2019

La (grave !) question des acras de morue


J'ai fait une petite exploration des recettes de d’acras de morue, car je cherchais à me retrouver dans l'ensemble des possibilités données les recettes : parfois il y a de l'oeuf, parfois il y a  de la fécule de maïs, parfois il y a de la farine, parfois il y a de la pomme de terre... Évidemment les proportions sont extrêmement variables d'une recette à une autre, et la seule constante est peut-être la présence de morue, de cive, de persil, d'oignons, d'ail, de piment.






Prenons un peu de recul et observons qu'il s'agit surtout de poisson émietté, éventuellement additionné d'amidon et d'oeuf que l'on assaisonne, que l'on forme en boulettes que l'on  frit. Autrement dit, il s'agit de préparations en tout point analogues à des boulettes frites de poisson,  ce que l'on pourrait nommer des croquettes aussi, et l'on voit bien que l'on pourrait varier le poisson, que la morue n'est indispensable que dans des acras de morue. Les croquettes et les boulettes de poisson ont été largement explorées par les cuisiniers professionnels occidentaux (français surtout), et l'on peut chercher dans leurs productions  des indications pour varier la recette d’acras des îles.
Mais on peut aussi raisonner,  et observer que le poisson contient des protéines susceptibles de coaguler, comme dans les terrines évoqués dans un billet précédent (https://hervethis.blogspot.com/2019/05/les-terrines.html). Bien sûr, on peut ajouter de l'oeuf, le blanc apportant des protéines qui aideront à tenir les masses, tandis que le jaune apportera également des protéines, mais surtout du goût.
La farine, la fécule, l'amidon, quand ils seront chauffés en présence d'eau, absorberont  cette dernière et feront une préparation pâteuse comme une sauce blanche, qui donnera un peu plus de souplesse qu'avec le seul poisson, surtout s'il a été salé comme c'est le cas pour la morue.
L'ail, l'oignon, le piment, la cive ou le persil contribueront au  goût, et, si l'on n'a pas mixé les ingrédients, ils pourront également  donner un peu de variété dans la consistance de la pâte. Certaines recettes indique de les broyer,  mais je me demande si l'on n'aurait pas intérêt à ne broyer que la moitié, et a conserver l'autre, en brunoise, pour faire ces variations de consistance.

Enfin il y a ce que certaines recettes nomment de la "levure", ou de la levure chimique, ou du bicarbonate. Tout cela n'est pas la même chose. La levure, c'est pour obtenir une fermentation assez longue, comme dans le pain : ce n'est pas souhaitable ici. En revanche, la poudre levante, fautivement nommée "levure chimique", produit un dégagement de gaz rapide quand elle est chauffée en présence d'eau. Ce qui est le cas pour les acras.
Le bicarbonate ? Personnellement, je trouve qu'il donne un goût savonneux désagréable, mais, surtout je vois qu'il est contre-indiqué dans les recettes qui contiennent du jus de citron ou du jus de citron vert, parce que parce que la réunion du bicarbonate et de l'acide provoque aussitôt une effervescence qui sera perdue si l'on laisse la pâte reposer avant la friture. Il vaut bien mieux la poudre levante, donc.

Et c'est ainsi que je n'ai guère besoin de recette pour faire la préparation.



Mais je ne veux pas terminer ce billet sans évoquer la cuisine note à note, cette cuisine de synthèse qui fait usage de composés purs au lieu des ingrédients classiques que sont les poisson, légumes, viande ou fruits.
Pour une recette note à note, apparentée aux acras de morue, on partira d'eau, de protéines thermocoagulables, d'amidon, on ajoutera de la poudre levante et des composés qui donneront de la saveur, de la couleur, de l'odeur, du piquant et du frais... On formera de petites masses de cette pâte, et, en faisant une friture classique, on obtiendra  des objets qui s'apparenteront en tous poins à des acras de morue, à cela après que le goût sera tout à fait original et sur-mesure.