mercredi 26 juin 2013

Samedi 30 juin 2013. Vive les sciences quantitatives : la réfutation



A propos de réfutation, on ne saurait omettre de mentionner le nom de Karl Popper, ce philosophe des sciences qui dégagea si bien cette caractéristique essentielle du travail scientifique : la réfutation. D'ailleurs, la réfutabilité semble être un critère suffisant pour distinguer les sciences des fausses sciences, ou, plus exactement, les sciences quantitatives des élucubrations, car je me résous difficilement à accorder le nom de sciences ou de savoir, même précédé de « pseudo », à des tromperies, à des fraudes, à des délires...
Oublions donc la fange, la boue intellectuelle, et consacrons-nous à nos merveilleuses sciences quantitatives. Nous avons vu qu'elles produisent des théories, regroupement d'explications, de mécanismes, des phénomènes initialement isolés, en vue de leur étude. Ces théories sont fondées sur des lois, qui expriment les mécanismes de façon quantitative, et on peut même considérer qu'un résultat scientifique est à la fois la théorie et les lois dont la théorie découle. Ces deux groupes font corps.
Vient alors l'étape de la réfutation, la tentative de réfutation. Il s'agit de partir des théories, d'en chercher des conséquences qui n'ont pas été examinées auparavant. On se souvient que l'induction est un mécanisme essentiel de la troisième étape de la méthode des sciences quantitatives, et que, par conséquent, ces inductions nous conduisent en des endroits qui n'ont pas été validés, qui ont pas été explorés, même. Il y a donc lieu d'aller voir de plus près. C'est cela que l'on cherche à faire ; on teste la théorie dans des parties qui ont été induites, et non déduites. N'est-ce pas légitime ?
Le statut de ces explorations réfutabilistes est extraordinaire, car il y a bien du chemin entre le test d'une loi en des points (en nombre infini) ou cette loi n'a pas été testée, et les tests de la théorie dans des champs de conditions particuliers, par exemple près de zéro, ou près de l'infini, ou à côtés des lois...
Il y a donc beaucoup d'intelligence à mettre dans la recherche des réfutations à envisager. Une fois de plus, la science n'est pas l'application automatique d'une méthode, mais, au contraire, un travail d'une finesse constante, du début à la fin... Et nous verrons plus loin que cette fin existe pas...

Vendredi 28 juin 2013. Vive les sciences quantitatives. La troisième étape en de la méthode scientifique, la réunion des données en lois.



La troisième étape de la méthode des sciences quantitatives consiste à faire bon usage de ces innombrables données qui ont été réunies lors de la deuxième étape, à savoir la quantification du ou des phénomènes sélectionnés initialement.
Nous avons vu que la deuxième étape consistait à caractériser quantitativement les phénomènes. Les mesures ont conduit à des données nombreuses, généralement, et il faut imaginer avoir devant soi d'immenses tableaux de nombres. C'est immangeable ! Comment faire ? Les « lois » en sont des choses merveilleuses, puisqu'elles résument, qu'elle synthétisent, de très nombreux résultats de mesures, de résultats expérimentaux.
Par exemple, nous avons vu que, à propos d'électricité, le physicien allemand Georg Simon Ohm s'était illustré en mesurant la différence de potentiel électrique et l'intensité du courant qui passe dans un fil conducteur. Il fit de nombreuses mesures, pour de nombreux conducteurs particuliers, mesurant chaque fois la différence de potentiel appliquée et l'intensité du courant, et il découvrit que le rapport de ces deux grandeurs est constant, pour un conducteur donné : c'est la résistance électrique. Dans un tel cas, on a une égalité toute simple entre dans la différence de potentiel, d'une part, et le produit de la résistance du conducteur par l'intensité du courant, d'autre part. C'est une loi, une relation que l'on établit à partir des données d'expérience, de mesures, et dont on propose une généralisation. On clame au monde, en quelque sorte, que cette loi reste vraie même pour des valeurs particulières des paramètres qui n'ont pas été mesurées ; on propose de penser que cette loi est vraie en tous temps et en tous lieux (sauf indication du contraire, bien sûr). Les lois sont d'une puissance inimaginable, d'une audace extraordinaire, puisqu'on leur prête la capacité de s'appliquer à des cas qu'on n'a pas envisagés en pratique.
Bien sûr, la loi d'Ohm n'est qu'un des exemples les plus simples, simpliste même, et il y aurait lieu d'examiner plus en détail des exemples plus complexes. Toutefois cela ferait un gros traité, et je propose plutôt de considérer le livre La science et l'hypothèse du mathématicien Henri Poincaré pour comprendre que derrière tout le travail d'établissement des lois, il y a toujours de l'induction, plutôt que de la déduction. Autrement dit, comme pour la première étape de la méthode des sciences quantitatives, comme pour la deuxième étape de la méthode des sciences quantitatives, il faut beaucoup d'intelligence pour mener à bien la troisième étape des sciences quantitatives.

Jeudi 27 juin 2013. Vive les sciences quantitatives, qui quantifient !



Dans la méthode des sciences quantitatives, la deuxième étape est une quantification des phénomènes sélectionnés, des phénomènes que l'on a décidé d'explorer, des phénomènes dont on a décidé de chercher des mécanismes. Cette deuxième étape découle de la définition même des sciences quantitatives : quantifier, nombrer comme disait Bacon, mesurée. Autrement dit, il s'agit de caractériser quantitativement les divers aspects des phénomènes considérés. Là, le travail peut évidemment être infini. Pensons un soufflé qui gonfle, par exemple : on peut mesurer la température en ses différents points, la pression, la couleur et ses changements, la composition chimique, la structure physique... Il y a donc lieu de travailler judicieusement et de sélectionner intelligemment les paramètres que l'on veut mesurer, l'identification que l'on veut faire. Dans le cas du soufflé, puisque le gonflement résulte d'un échauffement, il semble raisonnable de s'intéresser à la température, au volume, à des caractéristiques macroscopiques. De même, pour comprendre pourquoi une montagne se dresse, on a lieu d'utiliser les connaissances préalablement établies, notamment sur la dérive des continents, laquelle conduit à la surrection des montagnes. Toutefois on peut aussi se demander si cette montagne n'est pas plutôt dans un volcan, auquel cas le mécanisme de formation est différent.
Bref, en science quantitative, se pose la question difficile de la sélection des quantifications à faire. Une question bien difficile et qui, à ma connaissance, n'a guère été considérée par les épistémologues, les philosophes des sciences. On ne fait pas de sciences bêtement, automatiquement, et il y a lieu de mettre en oeuvre toutes les ressources de notre intelligence pour parvenir à des résultats dignes de notre ambition.

Vive les sciences quantitatives : l'identification d'un phénomène


Vive les sciences quantitatives : l'identification d'un phénomène
Dans la méthode des sciences quantitatives, la première étape est la sélection d'un phénomène. L'existence d'une montagne, le bleu du ciel, le vert du feuillage, le gonflement des soufflé... Ce sont là des phénomènes courants, quotidiens, manifestes, mais il en existe de plus cachés, qui ne se révèlent que lors d'expérimentation : par exemple la déviation d'un faisceau d'atomes d'argent, dans le vide, lorsque l'on applique un champ magnétique ; par exemple, l'effet photoélectrique, déjà considéré dans un précédent billet ; par exemple, le fait que les réactions dites d'addition, en chimie, ne se fassent pas pour ce composé étrange qu'est le benzène...
Quel phénomène est-il judicieux de sélectionner ? Les phénomènes, les particularités du monde, sont en nombre infini, et les scientifiques ont évidemment intérê à apprendre à n'en sélectionner que quelques-uns. Lesquels ? Selon quels critères ? Il semble logique de penser que les critères de sélection doivent être appropriés à l'objectif général de la science, c'est-à-dire trouver les mécanismes des phénomènes. Toutefois, on voit que, pour les exemples précédemment considérés, de simples observations ne suffisent pas à définir un vrai critère. Il semble admis, il est peut-être justifiable, que les phénomènes les plus « fréquents » soient ceux que les scientifiques ont intérêt à sélectionner, puisque l'élucidation du mécanisme s'appliquera à un grand nombre de cas. Le gonflement de soufflés ? On peut le voir comme un phénomène particulier relevant de la catégorie du gonflement des produits alimentaires. On peut le voir aussi comme un cas particulier du gonflement de systèmes colloïdaux, alimentaires ou non ; par exemple une mousse non alimentaire que l'on chauffe... Toutefois, nous avons des raisons de craindre que les explorations expérimentales et scientifiques qui seront consacrés à un tel phénomène ne conduiront qu'à des mécanismes déjà connus, auxquels car le travail scientifique est un peu inutile. Il ne conduira pas à un changement de paradigme, à une rénovation générale du savoir sur la nature.
C'est la raison pour laquelle de nombreux physiciens du XXIe siècle se consacrent plutôt à l'exploration des particules subatomiques, à la recherche d'objets tels que le boson de Higgs, dans ces gigantesques accélérateurs de particules que l'on construit dans quelques rares endroits du monde, tel le CERN, à Genève.
Doit-on penser qu'il n'y a point de salut scientifique hors de ces recherches coûteuses ? Le prix Nobel qui fut attribué à Pierre Gilles de Gennes il y a moins de dix ans était, au contraire, la reconnaissance, par le comité du prix Nobel, de la possibilité d'explorations de systèmes physico-chimiques à notre portée, et c'est ainsi que grandit l'exploration de la « matière molle ». Il n'est pas inutile de rappeler que Pierre Gilles de Gennes avait également étudié les cristaux liquides, objets également à notre portée, la supraconduction, qui concernent des matériaux que l'on fabrique avec de simples poudres minérales...
Il y a donc lieu en de ne pas baisser les bras si nous travaillons ailleurs que dans un centre de physique des particules. Il y a lieu de s'étonner du moindre phénomène, et de faire du travail scientifique une oeuvre d'une intelligence telle qu'elle puisse être sans rougir mise en regard de celle de Pierre Gilles de Gennes.

mardi 25 juin 2013

Mardi 25 juin 2013. La connaissance par la lorgnette de la gourmandise. La gastronomie moléculaire concerne tous les pays, toutes les cultures.




La gastronomie moléculaire ne concerne-t-elle que la cuisine française ? Non, bien sûr !
Une partie de cette discipline scientifique vise à étudier les « précisions culinaires », c'est-à-dire les trucs, astuces, tours de main... Par exemple, les blancs neiges montent-ils mieux  quand ils sont vieux ? Obtient-on un résultat différent quand on cuit un poisson sur son arête ? Les questions se posent par dizaines de milliers, pour la seule cuisine française, la seule que j'ai examinée un peu correctement.
Toutefois les questions abondent aussi pour les autres pays, pour les autres cultures. Par exemple, allons au Brésil  : avant le repas, on nous offre un apéritif (la caipirinha) fait de  citron vert, de sirop de sucre de canne et de cachasa. Si l'on interroge les cuisiniers ou les barman qui préparent cet apéritif, on les entend nous dire qu'il faut absolument enlever la peau du citron sur la partie centrale. Pourquoi ? Ils répondent que cela donne l'amertume. Pourquoi pas... mais faisons l'expérience. Et l'expérience, à ce jour, n'a montré aucune différence d'amertume.
Je ne doute pas que toutes les cultures du monde, toutes les cuisines du monde ont leurs propres précisions culinaires : dictons, tours de mains, trucs, astuces, proverbes... Et je crois que la science nommée gastronomie moléculaire a bien des raisons de s'intéresser à ces objets culturels. Premièrement les personnes qui détiennent ces savoirs populaires vont mourir, et l'on risque de perdre avec elles  une foule d'information, d'idées, justes ou fausses peu importe, qui concernent cette activité merveilleuse qu'est la cuisine. D'autre part, il y a question de l'enseignement : peut-on imaginer de transmettre des données fausses à nos successeurs ? Non : alors il faut faire les tests expérimentaux de ces idées, ne transmettre que les bonnes, mettre les autres au musée, bien conservées ; il faudra essayer de comprendre, aussi, comment les idées justes sont apparues, comment les idées fausses aussi sont apparues. Pourquoi ?
Et puis il y a des raisons scientifiques et techniques : parfois, les praticiens ont fait des observations remarquables, merveilleuses, incomprises de la science ; là, il faudra comprendre, faire des travaux scientifiques pour explorer les phénomènes, identifier leurs mécanismes...

Et c'est ainsi que la gastronomie culinaire est une science éblouissante, merveilleuse, remarquable, amusante, passionnante, à la portée de tous, au moins pour les tests expérimentaux.

lundi 24 juin 2013

Mer isch was mer mocht

Lundi, jour du "Nous sommes ce que nous faisons". En alsacien, il y a une phrase bien connue pour le dire... preuve (;-)) que l'idée est importante.

Bref, cette semaine, le ralentissement du monde extérieur commence, et il n'y aura plus que du travail de laboratoire ou des réunions. Les conférences ne sont pas arrêtées, mais moins nombreuses.

Et puis, dans les réunions, il y en a de stratégiques. Par exemple, demain matin, formation de chefs étoilés à la cuisine note à note. Une formation gratuite, privée, où je prends de mon temps précieux (j'ai de la science à faire, et je suis payé pour cela) pour aller leur montrer des produits nouveaux, de nouvelles façons de faire.

Et c'est ainsi que la cuisine note à note ne s'introduira pas immédiatement, mais le terrain sera préparé, pour quand l'énergie aura augmenté, que la crise de l'eau frappera, que la population augmentera jusqu'à avoir faim.

vendredi 21 juin 2013

Vendredi 21 juin 2013. Des questions : Comment perfectionner la vulgarisation ?



Pour expliquer pourquoi la vulgarisation ne fait pas parfaitement son travail, prenons un exemple : la loi d'Ohm. Au XIXe siècle, le physicien allemand Georg Simon Ohm mesure des différences de potentiel associé des intensités de courant, en faisant passer divers courants dans un même conducteur, et il découvre que le rapport, le quotient, de la différence de potentiel par l'intensité du courant est constant, pour un même conducteur : c'est la résistance électrique de ce conducteur particulier.
Jusque là, la vulgarisation-récit se tient. Et puis, pour expliquer la découverte, il a suffi d'imposer aux interlocuteurs une simple division.
Pourquoi la loi d'Ohm ? Pour arriver aux mécanismes qui sont derrière la loi, il faut maintenant discuter la notion d'électrons et leur propagation dans les conducteurs. Présenter des électrons ? On pourra encore recourir à une expérience : celle d'un tube de Crookes, par exemple, un tube où l'on fait le vide, et où l'on met une différence de potentiel électrique entre deux électrodes, placées aux extrémités du tube. Un récit. Et pour décrire le propagation des électrons dans un conducteur ? n pourra sans doute se limiter à une description en mots.

Toutefois, qui nous prouve que ces récits sont exacts ? Que ce ne sont pas de fantasmagoriques élucubrations, comme le sont les récits des pseudo-sciences ? Les sciences quantitatives ont cela de merveilleux que ce sont pas des récits au hasard, que ce ne sont pas des divagations : parmi l'ensemble des possibilités de mécanisme, c'est l'adéquation des mesures à la théorie qui conduit à la sélection d'un ou de plusieurs mécanismes admissibles.

Passons au second exemple : l'effet photoélectrique, étudié par Albert Einstein. On place deux plaques métalliques en vis-à-vis, à l'intérieur d'un tube en verre où l'on a fait le vide, et l'on applique une différence de potentiel modérée entre les deux plaques. Rien ne se passe.
Puis on éclaire une des plaques, à l'aide d'une lumière de longueur particulière, par exemple du rouge. Rien ne se passe. On augmente l'intensité de la lumière, ce qui correspond à une énergie de plus en plus grande, et rien ne se passe. Puis on change de longueur d'onde de la lumière, passant du rouge au bleu, par exemple et soudain, pour une longueur de particulière, le courant se met à passer.
Jusque là, on a expliqué le phénomène, par un recours à l'expérience, mais comment expliquer le phénomène ? Le calcul, dans ce cas n'est pas difficile ; il est à la portée d'un étudiant de baccalauréat. Mais c'est le calcul qui dit tout ! Bien sur on aurait pu « expliquer » que la lumière est faite de « grains » nommés photons, chacun porteur d'une énergie particulière. Mais comment expliquer l'effet photoélectrique ? Seul le calcul en donne une explication, et ce n'est pas la transcription du calcul avec des mots du langage naturel qui aide à comprendre, au contraire même : les phrases deviennent très longues, les notions s'enchaînent les unes aux autres, et l'on découvre à cette occasion que le calcul formel, où des idées comme l'énergie, la masse... sont remplacés par les lettres, M, E..., est bien est bien plus efficace pour la compréhension que la description avec des mots.
La description avec des mots ne donne pas de compréhension des phénomènes, et seul le calcul - très simple- permet de comprendre combien le travail d'Albert Einstein, dans ces circonstances, était mervielleux. La vraie tâche de la vulgarisation, c'est donc, dans ces cas-là, d'expliquer les calculs !
Comment la vulgarisation s'y prendra-t-elle pour s'améliorer ?

jeudi 20 juin 2013

Jeudi 20 juin 2013 : Les beautés de la RMN



Dans un billet précédent, nous avons examiné la nécessité de mesurer les fréquences de résonance, pour avoir une vue précise. La spectroscopie de résonance magnétique nucléaire est précisément une méthode précise, parce qu'elle met l'idée en oeuvre.
Lisons les mots : il s'agit de résonance magnétique nucléaire. Résonance, nous savons ce dont il s'agit. Magnétique, maintenant : c'est effectivement une méthode utilise un aimant très puissant pour aligner les aimants microscopiques que sont certaines particules subatomiques. Nucléaire : cette fois, nous ne craignons pas les isotopes radioactifs, car il n'en est pas fait usage ici ; non, ici, le mot « nucléaire » se rapporte au noyau des atomes, car les particules subatomiques, c'est-à-dire plus petites que les atomes, sont les particules du noyau des atomes, d'où le mot "nucléaire ».
En gros, dans la RMN (en abrégé), il s'agit donc d'utiliser un champ magnétique puissant pour commander le mouvement de ces minuscules aimants que ce sont les noyaux de certains atomes. Par exemple, le noyau de l'atome d'hydrogène, lequel se réduit à un proton.
En gros, la méthode aligne tous les protons d'un échantillon de matière, par exemple de l'eau : puisque les noyaux des atomes d'hydrogène se comportent comme de petits aimants, en les plaçant au contact d'un gros aimant, ces petits aimants s'alignent. Ensuite, on utilise un autre aimant pour les les perturber, ce qui est l'analogue de pousser une balançoire, et l'on observe à quelle fréquence ces petits aimants nucléaires reviennent à leur position initiale. On mesure une fréquence : il y a donc une grande précision.
Ce qui est surtout extraordinaire, dans cette méthode, c'est que les ingrédients techniques sont réduits à un gros aimant et à un aimant perpendiculaire au premier. Bien sûr, il faut un ordinateur pour enregistrer et traiter les signaux. Ainsi, des fréquences enregistrées, on déduit la façon dont les atomes sont liés entre eux dans les molécules. Oui ! Un aimant, de l'intelligence, et l'on voit apparaître sur un écran d'ordinateur (qui fait tous les calculs) un spectre, où des singaux particuliers révèlent la constitution atomique des molécules. Quelle technique extraordinaire !

mercredi 19 juin 2013

A propos de relativisme

Maurice Clavelin, la philosophie naturelle de Galilée, Albin-Michel, 1968 :

« Pas plus qu'un mode d'approche purement érudit, un mode d'approche purement sociologique ne peut hisser l'histoire des sciences à  la hauteur de son objet. Il va de soi qu'un auteur appartient à  son époque, de même qu'il est tributaire d'un certain équipement conceptuel et technologique, et l'oublier ne peut que conduire à  de périlleux anachronismes. Il est probable aussi que la science comporte toujours, quoi que en proportions variables, une part d'idéologie. Le fait néanmoins que, malgré ses liens peu niables avec le milieu, la science de la nature s'impose par son caractère à la fois universel et cumulatif suffit  à démontrer la vanité du relativisme. Soutenir que, dans le contexte socioculturel, se trouve la clé des problèmes et des concepts dont dépend le développement de la science, c'est donc à  nouveau demeurer sur ses marges ; c'est en même temps revenir à  un usage passablement obscur de l'explication causale, et, pour finir, diluer la connaissance scientifique parmi les autres formes de l'activité humaine».







On saurait difficilement mieux dire !

Mercredi 19 juin 2013 : L'Académie d'agriculture de France



Vous avez bien vu : j'ai parlé de l'Académie d'agriculture de France et pas de l'Académie d'agriculture.
De France ! Cela signifie qu'il s'agti d'une institution reconnue par l'ensemble des citoyens, français en l'occurrence. D'agriculture : jadis, l'agriculture était simplement... l'agriculture, mais le monde a changé, et il devient bien difficile de parler d'agriculture sans parler d'alimentation ou d'environnement. L'Académie d'agricuture de France s'intéresse donc à l'agriculture, à l'alimentation, à l'environnement.
« S'intéresse » : cela pourrait faire penser à une assemblée de vieillards qui occuperaient des loisirs en s'intéressant à l'agriculture, à l'alimentation, à l'environnement. Cette idée est complètement fausse. D'abord parce que l'Académie d'agriculture de France compte un petit nombre de membres, qui deviennent émérites quand ils vieillissent. Ensuite, parce que l'on ne devient pas membre de l'Académie d'agriculture de France par l'argent ou par le pouvoir. Les membres sont élus, après une période de probation pendant laquelle ils sont correspondants. Ils sont élus par les membres qui eux-mêmes ont été élues, de sorte que l'on obtient un groupe réduit de personnes choisies très spécifiquement pour être au-dessus de leurs intérêts personnels. Il n'y a pas de membres qui travailleraient pour une société industrielle et qui jugeraient des matières en fonction d'intérêts commerciaux ou financiers. Au contraire, il y a des individus au service de tous les citoyens, qui prennent sur leur temps pour analyser les évolutions du monde, qui essaient de voir les avancées des sciences et des techniques, mais aussi les évolutions des société, des groupes humains, en vue d'anticiper les modifications profondes de l'agriculture, de l'alimentation, de l'environnement.
Ces personnes qui ont été choisies, élues pour des compétences très spécifiques et un état d'esprit également très particulier (être au service des citoyens), ne cessent de se préoccuper des autres, et leurs travaux (il s'agit bien de travaux, pas de passer du temps dans un club, pas d'aller rejoindre des amis dans une association) font état de leurs occupations. Ce n'est pas une élite qui voudrait distribuer un savoir prétentieux, mais plutôt des individus qui savent reconnaître la petitesse de leur savoir personnel, l'immensité de leur ignorance, qui ont un réseau suffisant pour identifier des personnalités ayant des compétences utiles à tous, des compétences qu'eux-mêmes n'ont pas.
Et c'est ainsi que l'Académie d'agriculture de France se préoccupe du futur de l'agriculture, de l'alimentation, de l'environnement. L'académie des cultures est au service...

mardi 18 juin 2013

Mardi 18 juin 2013. La connaissance par la gourmandise : Histoire de soufflé



Quels rapports peuvent exister entre la science quantitatives et les techniques et sciences ? Je ne me prends pas pour Jésus qui parlait en paraboles, car ce serait blasphéme, mais l'histoire de l'étude des soufflés répond bien à la question posée.
Partons de la cuisine et demandons nous pourquoi les soufflé gonflent ? Dans les années 1980, la théorie était que les soufflé gonflent, parce que les bulles d'air qui sont présentes (apportées lors du battage des blancs en neige) se dilatent à la chaleur, faisant augmenter le volume du soufflé. Voilà une « théorie » ; or les sciencitifique savent que toutes les théories sont fausses, disons insuffisantes.
En quoi cette théorie était-elle fausse ? Pour le savoir, il fallait mettre en oeuvre la méthode scientifique classique, qui consiste à chercher une conlusion de la théorie, une conséquences, puis à la tester expérimentalement. Pour chercher cettte conséquences, il suffit de penser à cette merveilleuse particularité de la méthode des sciences quantitatives, qui veut que tous les phénomènes soient nombrés, quantifiés, mesurés. En l'occurence, la théorie considérait l'expansion thermique, la dilatation d'un de l'air. Pour décrire ce phénomène, il existe des lois plus ou moins approchées, mais qui, quand même, donnent des résultats merveilleusement proches du résultat réel, pratique. L'une des lois élémentaires qui décrivent le résultat est ce que l'on nomme la « loi les gaz parfaits ». Elle stipule le produit de la pression par le volume est proportionnel à la température. Je vous épargne les calculs (ils sont amusants, mais leur exposé nous ralentirait dans la discussion ici proposée) : ils conduisent à prévoir une augmentation de volume de 20 à 30 pour cent seulement... alors que les soufflés peuvent gonfler de 200 pour cent... Si l'on améliore les calculs en tenant compte de la pression, c'est plutôt pire, ce qui signifie que les meilleures lois conduiraient à penser que le gonflement des soufflés est très faible par rapport à celui qui est dû à la dilatation thermique.
Il fallait donc en conclure qu la théorie était très insuffisante, très fausse.

Mais alors, pourquoi les soufflés gonflent-ils ? C'est une chose amusante, rétrospectivement, que d'observer que, à l'époque, on en avait aucune idée ! Il a fallu en des centaines de mesures de pressions ou de la température dans des soufflés pour finalement arriver à la conclusion qu'un autre phénomène que la dilatation thermique était à l'oeuvre.
Ce phénomène est apparu parce que des soufflés avaient été pesés avant et après la cuisson. Pesés ! Là encore, il s'agissait de suivre les traces des grands anciens, en l'occurence Antoine Laurent de Lavoisier, pour qui la balance était l'outil essentiel. Or quand on pèse un soufflé, avant et après cuisson, on découvre qu'il perd environ 10 grammes. Dix grammes ? Dix grammes de quoi ? Analysons : un soufflé est fait majoritairement de farine, d'eau, de protéines, de graisses. De sorte que, puisque les protéines, la graisse et la farine ne sont pas évaporables à la chaleur, c'est l'eau qui est perdue. Et, effectivement, c'est naturel, car la température dans le four, environ 200 °C, est supérieure à la température d'ébullition de l'eau.
Il faut donc conclure que c'est l'eau qui fait gonfler les soufflés, parce qu'elle s'évapore. Tout s'éclaire alors : la présence de la croûte, qui est une partie sans eau, les bulles que l'on voit monter et crever à la surface, si l'on regarde dans un four dont la porte est transparente...
Et puis, il y a le fait que 10 grammes d'eau font environ 10 litres de vapeur ! Pourquoi n'obtient-on alors pas des soufflés de dix litres ? Parce que les bulles sont perdues à la surface.
Au total, on n'aura pas de prix Nobel avec cette découverte, mais on aura la satisfaction de voir une saine application de la méthode de sciences quantitatives conduire à une bonne compréhension des phénomènes.
Mais je n'oublie pas que ce billet particulier est destiné à parler de gourmandise, c'est-à-dire de soufflés plutôt que des mécanismes de son gonflement. Et, là, le résultat scientifique a des implications immédiates. Puisque c'est l'évaporation de l'eau, et non la dilatation des bulles d'air, qui est le mécanismes essentiel de gonflement, pourquoi battre des blancs neiges ? De fait, dans un séminaire de gastronomie moléculaire, nous avons comparé un soufflé avec des blancs battus et un soufflés avec des blancs qui n'étaient pas battus mais qui était chauffé par le fond. A la stupéfaction de tous les participants du séminaire, les deux soufflés ont gonflé de la même manière ! Et c'est ainsi que la gourmandise éclairée des travaux scientifiques.

lundi 17 juin 2013

Lundi 17 juin 2013 : à venir cette semaine

Cette semaine, le billet du lundi est facile à faire, parce qu'il faut annoncer :
- le séminaire de gastronomie moléculaire : cet après midi, à 16 heures, sur le thème des bouillons et de la qualité de l'eau utilisée pour les faire

- une conférence à l'Ecole des Mines, 60 boulevard St Michel, 75005, demain à 19.00, dans le cadre de ParisTech

- une conférence jeudi, à 18.00, dans l'Ecole doctorale de François Taddei et M. Waquet, à
Faculté de Médecine Paris Descartes
24 rue du faubourg Saint Jacques
75014 Paris


Bonne semaine à tous

dimanche 16 juin 2013

Dimanche 16 juin 2013 : Vive la technologie ! Les crêpières ont-elles raison de dire que la pâte à galette doit être bien battue ?


La technologie ? C'est souvent une étape intermédiaire entre la technique et la science : c'est en posant des questions technologiques que l'on fait surgir des phénomènes scientifiques que la science quantitative peut ensuite explorer.
Les crêpières disent que la pâte à galette doit être bien battue, parce que, alors, les crêpes collent moins au bilic. Vrai ou faux ?
J'ai rencontré cette question il y a bien longtemps, alors que je travaillais dans une créperie bretonne. Je faisais la pâte à galette. J'utilisais  alors une grande bassine en plastique bien propre, j'y mettais de la farine de blé noir, du lait, du sel. Pas d'oeufs, car la tradition bretonne n'utilise pas d'oeufs dans la pâte à galette (elle en met dans la pâte à crêpes).
Je mélangeais donc les ingrédients, à la main (propre), et les crêpières me disaient que ma pâte à galette collait moins au bilic  quand la pâte était bien battue.
Battue ? Nous avions identifié que le geste à faire  pour obtenir des galettes qui ne collaient pas consistait a soulever la pâte à pleines mains, et à la jeter  dans la bassine, répétitivement.

Personnellement, j'avais  observé que ce geste qu'on me prescrivait de faire conduisait à l'apparition de bulles d'air, de grosses bulles d'air.  De sorte que je me posais la question depuis longtemps : l'introduction d'air dans une pâte à galette a-t-il un effet sur la confection des galettes de blé noir ? Passons sur le pléonasme « galettes de blé noir », car il est vrai que les galettes sont  toujours obligatoirement de blé noir, sans quoi ce sont des crêpes. Ce qui restait, c'est la question : l'introduction d'air dans la pâte change-t-il quelque chose aux résultats ?

Il m'a fallu des années, des décennies mêmes !,  pour avoir l'occasion de faire l'expérience correctement. Cela s'est fait au Salon de l'agriculture, en public, où nous avons introduit de l'air non pas la main, mais avec un batteur électrique. Une pâte à galette été divisée en deux moitiés, une moitié fortement aérée et l'autre moitié non. Puis des galettes ont été produites à partir de ces deux par dans la même poêle, sur le même feu...
Le résultat a été spectaculaire : oui il y a une différence considérable entre les galettes dont la pâte a été bien aérée et les galettes qui n'ont pas été battues. Pourquoi ? Je n'en sais toujours rien, mais je sais que l'expérience nous a fait progresser ; après des décennies d'incertitude, nous avons maintenant un résultat assez bien établi : il y a une différence entre des galettes à la pâte bien aérée, et des galettes dont la pâte n'a pas été battue. Je compte sur ceux  qui me suivront pour faire le travail d'analyse de ces deux résultats, et mieux comprendre le phénomène d'adhérence au bilic, pour des galettes bien aérées.
À vous...

samedi 15 juin 2013

Samedi 15 juin 2013 : Les beautés du calcul (suite et pas fin)


On n'a pas assez dit combien l'outil informatique était merveilleux, pour les sciences et pour l'enseignement des sciences.
Ici je voudrais faire état d'un  constat et d'une proposition.

Le constat, d'abord : il y a une trentaine d'années, des calculettes sont apparues ; à l'époque elles coûtaient le prix d'une mobylette, elles étaient grosses comme un téléphone, et faisaient seulement les quatre opérations : addition, soustraction, multiplication, division. Les  quatre opérations avec une dizaine de chiffres significatifs et en un clin d'oeil, alors que jusqu'à présent, on était réduit à poser l'opération sur une feuille de papier, à se tromper souvent,  à utiliser une règle à  calcul un ou une table logarithme... Les opérations à la main étaient laborieuses, et sans beaucoup d'intérêt, passé celui de la découverte du principe de la règle à calcul ou de la table  de logarithme.  Les calculettes furent un progrès immense !

Toutefois, je me souviens qu'à l'époque certains enseignants se lamentaient, disant que les étudiants qui utiliseraient des calculettes deviendraient incapables de calculer. L'expérience a prouvé qu'il n'en a  rien été.
Puis, quand la fonction « extraction de racines carrées » est apparue sur ces calculatrices, les enseignants ont à nouveau redouté la disparition des capacités de calcul des étudiants, quand on a supprimé l'enseignement à la main de ces extractions de racines carrées. Pourtant, avec le recul, je ne vois pas pourquoi, le jeu étant un peu sans intérêt.

En physico-chimie, nous sommes aujourd'hui dans le même type de  transition, avec des logiciels de calcul formel comme Maple (mon préféré), Mathematica, Matlab, etc. Quand on utilise de tels logiciels, les calculs sont justes, et le nombre de décimales affichées est aussi grand que l'on veut : 50, 100, 1000...  Dans ces conditions  je crois qu'il est utile de reprendre  l'enseignement du calcul, et notamment le calcul du pH des solutions aqueuses.

Pour faire de tels calculs,  il y a des faits chimiques qu'il faut connaître.

Par exemple,  la conservation de la masse dans un équilibre chimique : si on ajoute, par exemple, de l'acide acétique à de l'eau, certaines molécules d'acide acétique perdront un proton, formant un ion acétate ; la quantité totale ajoutée est alors égale à la quantité dissociée et à la quantité non dissociée.
D'autre part,  il y a la conservation de la charge électrique, c'est-à-dire que la solution est à tout moment  électriquement neutre. Là encore, cela conduit à une équation qu'il n'est pas difficile d'écrire.
Et puis il y a  la conservation de l'énergie, que j'aurais dû indiquer  en premier, parce que  l'énergie est la notion essentielle pour décrire les transformations du monde.  Là encore, on obtient une équation.
Et c'est ainsi que, dans les cas les plus simples, l'analyse chimique du problème conduit à trois ou quatre équations. Pour des cas plus compliqués, on a plus d'équations.

Vient donc le moment où il faut quitter l'analyse des phénomènes pour faire les calculs, résoudre les équations.
Jusqu'à présent, l'enseignement de cette chimie des solution était laborieux, les étudiants avaient du mal... parce qu'ils étaient gênés par les calculs. Les enseignants passaient l'essentiel du temps à enseigner à résoudre les équations, ce qui était du calcul, pas de la compréhension des phénomènes chimiques. Aujourd'hui, les logiciels de calcul formel font les résolutions en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, de sorte que ce qui était laborieux est supprimé !

Il faut donc, sans doute, modifier profondément l'enseignement des calculs de pH.

Les étudiants perdront-ils des compétences ? Je crois que non, et, de toutes  façons,  il faut vivre avec son temps. Profitons-en donc pour considérer des notions plus modernes : la chimie quantique, par exemple, puisqu'elle est la clé de la compréhension des nouveautés conceptuelles des sciences quantitatives !

vendredi 14 juin 2013

Luttons contre les indications déloyales sur les emballages des aliments



Je viens de finir la lecture des inscriptions qui figuraient sur un paquet contenant un produit alimentaire. C'est un immense baratin !
On y parle de nature, de produit naturel, alors que le produit contenu dans le paquet a été fabriqué, et que le naturel, c'est ce qui n'a pas fait l'objet d'une intervention par l'être humain. Rien de ce qui sort des mains de l'industrie alimentaire n'est naturel, et je propose que nous militions contre l'usage déloyal de ce mot par l'industrie alimentaire. Pas seulement par elle, d'ailleurs : il faut ajouter que rien de ce qui sort de la casserole d'un cuisinier domestique ou de restaurant n'est naturel, puisque, là encore, les ingrédients ont été transformés : chauffés, coupés, broyés... On ne fera pas croire que cela est naturel, et j'ai invite tous mes amis honnêtes à militer très activement contre l'usage du mot « naturel » quand il est mal approprié. Il en va de l'honnêteté !
Tant que nous y sommes, sur ce paquet, il y avait bien des inscriptions confuses, et là, deux possibilités : soit l'être humain qui les a proposées pensait mal, soit il avait la volonté de tromper. Prenons, par exemple, les mots que j'ai vus sur ce paquet : goût, saveurs, arômes... Dans les textes qui figuraient, à vrai dire très métaphoriques, tout était confus, mélangé : le goût, les goûts, la saveur, les saveurs, l'arôme, les arômes... Quel charabia ! Là, faut-il que le législateur y mettre bon ordre ?
C'est évidemment ce que je propose, car à laisser écrire des âneries ou des tromperies, on n'aide guère la communauté à grandir. J'invite donc des amis des associations de consommateurs, mes amis industriels, mes amis des ministères, en charge des produits alimentaires, mes amis engagés dans l'action politique, mes amis engagés dans l'éducation, à revendiquer plus de loyauté dans les paquets de produits alimentaires, sinon pour nous-mêmes au moins pour nos enfants. Il faut un grand ménage.
Le goût ? Il n'est pas nécessaire d'avoir fait de longues études pour être en mesure de dire que quand on mange un aliment, il a du goût. Par exemple, quand on mange une banane, on perçoit un goût de banane. Voilà pour le groupe : une sensation synthétique, qui englobe la perception de la consistance, les saveurs, des odeurs... Les saveurs ? Ce sont les sensations qui sont données par les cellules réceptrices dans les papilles, réparties sur la langue.
C'est un autre débat que de dire que ces saveurs ne sont pas au nombre de quatre, mais sans doute en nombre infini. Je préfère me consacrer ici à l'emploi du mot « arômes ». L'arôme, cela a toujours été l'odeur d'un aromate, d'une plante aromatique. Une viande n'a donc pas d'arôme, pas plus qu'un fromage... Qu'ont-ils ? Une odeur, tout simplement. Il y a l'odeur de la viande, il y a l'odeur des fromages, mais il y a l'arôme de la ciboulette et... le bouquet du vin, car pour certains produits alimentaires, un mot existe, et c'est ce mot que je propose utiliser justement, parce qu'il n'est pas trompeur, parce qu'il est loyal. Non pas pour nous-mêmes, mais pour nos enfants, je propose que le législateur fasse un grand ménage, et interdise l'emploi du mot arômes pour tout autre produit que ceux qui sont qui contiennent des plantes aromatiques.
Et c'est ainsi que la cuisine peut grandir, honnêtement, sans mensonge, sans confusion...

jeudi 13 juin 2013

Viande pour végétariens

Je dois à un correspondant  la possibilité de répondre à la question :

En tant que végétarien récent ex amateur de bonnes viandes, je voudrais vous demander s'il y a des recherches de substituts au niveau du goût dans ce domaine.

La question est passionnante, car :

1. Si l'on est végétarien (récent ou ancien, quel qu'en soit la raison), pourquoi veut-on manger de la (bonne) viande ?
Notons que cette question a deux facettes : manger de la viande, et bonne viande.

2. Evoquons d'abord le "bonne" viande : qu'est-ce que le bon ? L'être humain est codé pour reconnaître comme bon ce qu'il a appris à manger quand il était jeune. D'ailleurs, j'ai écrit "reconnaître".
En effet, dans l'immensité des comestibles (boeuf, carotte, escargot, grenouilles, criquets, cervelle de singe, durian, munster...), nous sélectionnons généralement ce qui appartient à notre culture.
Le bon en soi n'existe sans doute pas : il y a ce que nous aimons.
 De ce fait, il n'est pas certain qu'un substitut de viande sera considéré comme "bon", puisque ce ne sera pas l'objet auquel nous sommes acculturé. A preuve que les substituts sont souvent nommés des ersatz, avec un relent de privations, de guerres, de mauvaise reproduction.

3. Ce qui nous conduit à la reproduction de la viande. C'est une question terrible, car que veut-on reproduire, d'une part, et, d'autre part, une reproduction n'est pas l'original.
Par exemple, aucune copie de la Joconde ne vaudra le prix de la Joconde... parce que les reproductions ne sont pas l'original. Imaginons même que la Joconde soit un tableau minable, la copie ne serait pas "aussi bien" que l'original.
Or si nous reproduisons de la viande, notre produit sera toujours comparé à la viande.

4. Au fond, pourquoi manger de la (bonne) viande ?
D'abord, il y a la question des "beaux produits", pour laquelle nous avons tenu un débat public, filmé, en podcast sur le site d'AgroParisTech. Il semble que, en partie au moins, un beau produit alimentaire est un produit adapté à son usage. Une viande à griller est "bonne à griller", et mauvaise à braiser, et vice versa.

5. Que serait de la viande "artificielle" ? La viande, c'est majoritairement de l'eau et des protéines, comme du blanc d'oeuf concentré. On peut donc faire de la viande artificielle avec de l'eau et des protéines végétales, par exemple.
OK, cela n'a pas le "goût de la viande". Mais alors, on peut très facilement acheter une composition odoriférante viande, et l'ajouter.
Cela dit, la viande, c'est aussi un paquet de fibres alignées : c'est cette observation qui a conduit à mon invention ancienne des "fibrés". Et cela, on peut le reproduire de mille façons différentes. L'intérêt, c'est alors la "jutosité" : les fibres résistent quand on mastique, puis, quand elles cèdent, elles libèrent du jus. Cela n'est pas difficile à reproduire : n'est-ce pas un peu ce que l'on a avec le surimi (sauf que c'est du poisson, pas de la viande) ?
On peut aussi faire des fibrés avec du goût viande. On peut aussi cultiver des cellules musculaires, on peut aussi... faire mille choses !

6. Mais pourquoi le faire ? Il faut d'abord se demander ce qui nous plaît dans les viandes, puis on cherchera le moyen de le reproduire. Mais j'ai bien peur que la question ne puisse pas être bien posée... de sorte que la réponse ne pourra pas être donnée, non pas par insuffisance de la technique, mais plutôt parce que la question n'est pas posée.

7. Au fait, pourquoi manger de la viande, ou ne pas manger de la viande ? Dans les discussions qui entourent la "cuisine note à note" (voir La cuisine note à note en 12 questions souriantes, Editions Belin), chaque fois que j'évoque la suppression du poulet rôti (par exemple), je reçois la même réponse "Pourquoi supprimer le poulet rôti"... à laquelle j'oppose un "mais pourquoi manger du poulet rôti ?", question à laquelle je n'ai qu'un "j'aime cela". Ce n'est pas avec des arguments si faibles que l'on fera avancer la discussion. J'aime, je n'aime pas... Et alors ? 

Jeudi 13 juin 2013 : Nous sommes ce que nous faisons.


Dans la règle que je me suis fixée, la rubrique « nous sommes ce que nous faisons » arrive le lundi. Et nous sommes jeudi !  Suffit-il de dire que les règles sont faites pour être violées ? C'est ce que fit Michel de Montaigne quand il évoquait ses contradictions,  mais pour moi qui me passionne pour la mauvaise foi, ce serait trop facile. Il vaut mieux admettre  que le week-end dernier a été troublé par des événements familiaux, qui ont dérangé ma stricte et belle organisation de labeur. Et donc, je me rattrape, ou, du moins, j'essaye de me rattraper.

Le lundi, donc, début de la semaine officielle de travail pour le reste du monde, je dois donc afficher les travaux à venir. Il se trouve que, cette semaine, les travaux ont lieu principalement au laboratoire, à l'exception de quelques réunions privées, telle la réunion de la Section « alimentation humaine » de l'Académie d'agriculture de France, dont il n'est pas utile de faire étalage ici, du moins aujourd'hui. Autrement dit, je suis toute la semaine au laboratoire, de 7h30 à 19h00 environ.

Quel bonheur ! Oui, quel bonheur, car il y a du travail : des étudiants en stage à accompagner sur le chemin de l'autonomie, de la réflexion méthodologique, laquelle, dans un stage, est fondée sur un travail de recherche scientifique.
Quel bonheur,  que la rédaction de publications, qui permettent de diffuser au monde  les quelques résultats que nous avons obtenus.
Quel bonheur, et quel confort :  rester dans le laboratoire, sans devoir prendre le vélo, le train, l'avion, pour aller à l'autre bout du monde... faire tourner des ballons sur son nez. Non,  il faut que je me reprenne, car précisément,  comme je n'aime guère faire tourner des ballons sur mon nez, je profite de toutes les conférences à l'extérieur du laboratoire pour partager des idées, susciter des collaborations, transmettre l'enthousiasme, puisque, selon le mot de Voltaire, l'enthousiasme est une maladie qui se gagne.

Toutefois, cette semaine, la transmission de l'enthousiasme se fera d'une autre façon : par des articles, par des billets, par des notes...  Et puis, il y aura aussi le bonheur immense des calculs, le vrai travail, cette exploration du monde qui n'est pas d'abord une communication, mais une véritable exploration où le calcul remplace les outils de l'explorateur : bottes, machettes, sac à dos...
J'invite tous ceux qui ont la chance  de rester à travailler tranquilles de profiter de cette chance. Aucun travail (honnête) n'est meilleur qu'un autre ; n'est-ce pas à nous d'avoir l'intelligence d'y mettre... de l'intelligence ?

mercredi 12 juin 2013

J'ai lu pour vous...


Il y a des jours où il n'est pas nécessaire d'aller chercher très loin les idées. Notamment quand on veut partager de l'enthousiasme que l'on a soi même.
Une proposition : le livre de Bernard Joly, Histoire de l'alchimie, chez Vuibert. Un livre clair, bien documenté, facile à lire. Remarquable !

lundi 10 juin 2013

Lundi 10 juin 2013. La fierté


On dit que la vertu est  sa propre récompense. Voilà une belle idée... mais il y a quand même les faits :  pour certains, il est agréable d'être reconnu ;  un regard bienveillant, encourageant est apprécié, de surcroît, car il est vrai, aussi, que nous sommes des êtres sociaux, sensibles à notre entourage. Pourquoi bouder le plaisir de recevoir des compliments, quand ils viennent de  personnes de qualité, qui  reconnaissent en connaissance de cause la qualité de notre travail ? Pourquoi bouder les médailles, les prix...  Evidemment, il ne faut pas tomber dans le travers qui consiste à courir après le compliment, la médaille, le prix, les « hochets de la vanité », mais pourquoi verserait-on nécessairement dans cette perversion ?

Lors des manifestations de reconnaissance-publique- d'accomplissement, le mot « fierté »  est parfois prononcé. Fierté ? Voilà une notion bien compliquée pour quelqu'un dont le bonheur et de faire ce qu'il n'a pas encore fait. A quoi bon être fier, si le bonheur est dans la production, le travail, le « faire » ?

J'ai posé la  question  il y a quelques années, et l'on m'a répondu, assez justement, que  la question était la même que pour les prix et les médailles : il ne s'agit pas d'en tirer vanité, mais de contribuer à l'embellissement de nos groupes. Faire l'éloge public de quelqu'un qui a fait un beau travail, c'est aussi montrer à d'autres, aux jeunes en particulier, qu'il y a possibilité de faire quelque chose de bien, de grand. Et c'est ainsi que si la vertu est sa propre  récompense, la récompense publique  contribue à l'amélioration de nos sociétés.

dimanche 9 juin 2013

Les beauté de la mesure

Cette fois, le billet du jour a été mis sur http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2013/06/samedi-9-juin-2013-les-beautes-de-la.html, parce qu'il s'agissait d'un billet technique : comment faire une mesure précise.

samedi 8 juin 2013

Dans la série "je déteste"

Bien que d'un optimisme forcené, j'ai parfois le nez sur des idées, des livres, des personnages bien nauséabonds.
Depuis quelque temps, il y a des livres tendancieux qui paraissent. Tiens, sans le citer (car cela lui ferait de la publicité), j'en ai un sous la main qui écrit : "Les sciences se présentent souvent comme le coeur de tout progrès et de tout savoir".

Les sciences se présentent ? Les sciences ne sont pas des personnages, et ce sont des personnages qui peuvent présenter les sciences comme source de progrès, pas les sciences.
D'autre part, des phrases telles que celles-ci tombent dans la catégorie des généralités... une grave faute intellectuelle. Est-ce à dire que tous les scientifiques avancent que les sciences seraient le coeur de "progrès" et de "savoir" ?

Décidément, c'est tout mal. Méfions-nous du toc intellectuel ! Vive les sciences quantitatives bien conduites !

Vendredi 7 juin : des questions... à propos de l'estragon et du basilic


L'un des belles questions scientifiques que je connais concerne l'estragon et le basilic. Ces plantes (et d'autres) contiennent en abondance (relative) un composé nommé estragole, qui est cancérogène et tératogène, même à de petites concentrations. Un article de 2010 montre ainsi que le composé, appliqué à des hépatocytes de rat, provoque la transformation cancéreuse de ces cellules. Toutefois, l'application d'estragon, contenant autant d'estragole que lors de la première expérience, ne provoque pas de transformation cancéreuse. Et l'application de la plante avec le composé isolé réduit la toxicité de ce dernier de dix fois environ.
On n'y comprend rien !

Qui élucidera ce mystère ?

Un changement pour mes blogs

Chers Amis

Vous savez que j'ai deux blogs en français :

- celui-ci, qui concerne la gastronomie moléculaire : http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/
- un blog plus personnel, plus politique, aussi, qui brasse des sujets plus vastes : http://hervethis.blogspot.fr/

Il y a quelques semaines, l'INRA m'avait proposé de poster des billets sur le site national INRA, et j'ai donc, depuis plus d'un mois, testé l'idée d'un billet quotidien, typé selon le jour :

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Lundi : Nous sommes ce que nous faisons, voici l'agenda
Mardi : La Connaissance par la lorgnette de la gourmandise
Mercredi : J'ai lu/vu pour vous...
Jeudi : La beauté est dans l'oeil de celui qui regarde
Vendredi : Des questions
Samedi : Vive les sciences quantitatives ! 
Dimanche : Les merveilleuses applications des sciences


Je me suis tenu à cette merveilleuse hygiène, qui consiste à partager de l'émerveillement du monde... mais les problèmes techniques ne sont pas réglés, sur le site INRA, de sorte que je me vois dans l'obligation de changer. 
C'est donc sur le blog Hervé This que je continuerai de poster ces billets, et le blog gastronomie moléculaire redevient un blog plus "technique", plus centré sur cette merveilleuse discipline qu'est la gastronomie moléculaire.

mardi 4 juin 2013

Prochain séminaire de gastronomie moléculaire : le 17 juin

Chers Amis
notre dernier séminaire de l'année universaitre 2013 se tient le 17 juin de 16 à 18 heures.
Les participants du séminaire de mai ont voté pour le thème qui nous réunira :

La qualité de l'eau utilisée pour un bouillon de volaille est-elle importante ?

Au plaisir de vous retrouver au 28 bis rue de l'abbé Grégoire, 75006 Paris (ESCF, Centre Jean Ferrandi)


Vive la physico-chimie !  (voir http://hervethis.blogspot.fr/2013/02/quest-ce-que-la-chimie-suite.html)