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dimanche 2 juillet 2023

Antoine Augustin Parmentier : quel homme merveilleux !

 
L'histoire de Parmentier est souvent racontée avec beaucoup d'erreurs. 

La pire consiste à dire que Parmentier introduisit la pomme de terre en France. Cela n'est pas vrai, car la pomme de terre était cultivée et consommée bien avant qu'il s'y intéresse, dans l'est de la France. 

Une autre erreur consiste à dire que Parmentier fut le premier à séparer l'amidon de la pomme de terre, pour en faire divers usages. Cela était déjà fait depuis longtemps, l'amidon et le gluten ayant été séparés (du blé) dès 1728 par Jacobo Beccari, professeur de chimie à l'Université de Bologne. À ce sujet d'ailleurs, il reste  une incertitude  :  le texte  sur le blé de Beccari date de 1745, mais en 1728 il aurait fait une communication  à l'Académie des sciences de Bologne ;  or, pour l'instant, je n'ai pas trouvé trace de cette communication, pourtant décrite par quelques auteurs  qui ne donnent pas leur source... et l'Académie de Bologne n'a pas répondu à mon courrier où je demandais des précisions attestées, fiables, sûres. 

Parmentier est-il le premier à avoir cuisiné les pommes de terre ? Non plus. Alors qu'a fait Parmentier ? Dans ses Eléments chymiques des pommes de terre, Parmentier effectue diverses expérimentations  de lavage à différentes eaux, de traitements à l'acide, etc. sur des fractions de la pomme de terre,  afin de comprendre plusieurs des mécanismes observés quand on transforme les pommes de terre, et notamment des changements de couleur. 

De ce point de vue, Parmentier était bien dans la position d'explorer les mécanismes de ces phénomènes que sont, par exemple, les changements de couleur, il était bien en position de chercher à « lever un coin du grand voile ». 

Parmentier a donc fait une oeuvre scientifique, à propos de la pomme de terre. Etait-ce une œuvre de chimie ? Dans l'oeuvre « chymique » de   Parmentier, il n'y a guère de réarrangement atomique, de  transformations moléculaires, de réactions chimiques... Il y a surtout des fractionnements, de l'analyse, et si cette analyse vise à ranger dans des catégories différentes des fractions moléculaires différentes, ces molécules ne sont pas modifiées, de sorte que cette analyse est en réalité physique et non chimique. 

Ce point devrait nous ouvrir les yeux sur  la réalité de l'analyse chimique, et de ce que l'on nomme parfois abusivement la « chimie analytique ». 

 

Pour en revenir à Parmentier, il a donc fait un travail scientifique, mais il est également juste de lui reconnaître une activité  propagande soutenue, fondée sur une stratégie intelligente dont la composante  essentielle  semble avoir été précisément... cette activité soutenue, qui a conduit un nombre croissant de Français de l'époque à survivre aux famines qui affligeaient le pays, en consommant des pommes de terre. 

Ayant précisé les conditions de la culture et de l' utilisation, Parmentier fit une oeuvre remarquablement utile : une œuvre également technologique. 

Un point de détail amusant : pour introduire la pomme de terre en France, disons plutôt pour en augmenter l'usage, Parmentier dut combattre des préjugés sur la toxicité de ces solanacées, famille de plantes qui comprend  la belladone ou la mandragore, toxiques. 

Dans ces écrits, Parmentier ne cesse de dire combien de dire que la pomme de terre est saine... mais il est intéressant de savoir que des articles scientifiques récents montrent que la cuisine de rue, au Pakistan, qui utilise des pommes de terre non pelées, conduit à des accidents, en raison de la présence abondante des alcaloïdes présents dans les trois premiers millimètres sous la surface. Les tubercules de la pomme de terre contiennent, on l'a oublié, des alcaloïdes toxiques, et ce n'est pas une bonne pratique culinaire que de manger les pommes de terre avec leur peau. Ajoutons que pour la bonne bouche que les alcaloïdes de la pommes de terre résistent à des températures élevées, jusqu'à 285° C. 

 

Pelons donc les pommes de terre, et ayons une activité culinaire raisonnée, en mémoire de Parmentier !

samedi 11 février 2023

A propos de plantes "bonnes pour la santé" : de la mauvaise foi !

 La mauvaise foi, la mauvaise foi, la mauvaise foi

On se souvient que j'ai fait voeu de ne plus parler publiquement de nutrition ou de toxicologie... mais cela ne m'empêche pas de sourire, quand j'en entends parler.

Par exemple, je reçois un message d'une personne qui veut extraire un composé particulier de plantes, et qui me demande conseil.
 

Elle me dit que cette plante est riche en isothiocyanate... mais ça commence mal : je connais DES isothiocyanates, et leurs propriétés sont différentes.
Et puis, cette personne me parle d'une plante d'une grande famille végétale... mais quelle plante ? Je reste échaudé d'une discussion récente avec quelqu'un qui ignorait que, dans une des familles qu'il citait, il y  en avait de  toxiques... et  je dis donc à mon interlocuteur qu'il y a lieu de faire attention : https://pubs.acs.org/doi/10.1021/jf9805754 par exemple.
J'ajoute ensuite des indications sur les isothiocyanates, notamment l'isothiocyanate d'allyle, qui est présent dans le raifort, par exemple.
Et, en faisant un peu de bibliographie, je découvre qu'il se décompose avec formation d'une odeur aillée (https://academic.oup.com/bbb/article-abstract/33/3/452/5977562, https://pubs.acs.org/doi/full/10.1021/jf970488w?casa_token=oYXrX-Jh9TQAAAAA%3AEcNFf_0FKsU0mzoyExUkcFIIP-mK6TNigx4oRp8UOIDgfuetyAUTp1ppDLvukCYtdizyUITUzTaOThAN)
Mais rien ne dit que le composé auquel pense mon interlocuteur soir l'isothiocyanate d'allyle : ce pourrait être un itc de méthyle, ou d'autres.
https://img.perfumerflavorist.com/files/base/allured/all/document/2016/03/pf.9236.pdf

Et je termine en signalant que, en tout cas, il y a lieu d'être prudent avec des doses. Le mieux : https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.2903/j.efsa.2010.1943
 

Là, j'ai fait mon travail : je l'ai mis en garde, je l'ai mis sur des pistes, je l'ai alerté des dangers, afin qu'il puisse éviter les risques.

Et je reçois une réponse polie et amicale, des remerciements.
Très bien, mais j'apprends que l'utilisation de la plante en question donne lieu à des "pilules", des "gélules", des tisanes... et cela servirait à de la "détox".

Aie ! de la "détox" ? D'autant que je vérifie que la plante en question n'est pas nécessairement très "comestible". Mais on me connais : je me limite à citer à mon interlocuteur le compendium des plantes toxiques,  qui est essentiel  pour tous ceux qui utilisent des plantes : https://data.europa.eu/data/datasets/efsa-botanical-compendium?locale=fr
Et j'explique que, si j'ai bien compris, il y a un premier principe, selon lequel la dose est essentielle, puisque tout est poison, en quelque sorte... mais avec des exceptions pour les "perturbateurs endocriniens"... comme il y en a dans les plantes (la lavande, par exemple).
Bref, nous devons être très prudent, et surtout avec des préparations... d'autant qu'à  à côté des isothiocyanates, il y a peut être des composés  toxiques !
Et je termine en préconisant la consultation de vrais toxicologues compétents ! Sans croire ce qu'ont écrit des Hildegarde de Bingen et autres, qui n'avaient aucun moyen de connaître la toxicité des plantes (et qui, d'ailleurs, ont préconisé des plantes parfaitement toxiques).
Plus d'autres conseils techniques.

Mais mon interlocuteur, qui me remercie, s'accroche à cette idée selon laquelle
 la dose  fait le poison  : il oublie la deuxième partie de mon texte  !

D'autre part, il s'émerveille qu'une plante invasive ait des utilisations "bénéfiques" : c'est du mysticisme. Et il ajoute diverses indications justifiant que, oui, finalement, on peut utiliser la plante.

Là, ayant écrit un "traité de la mauvaise foi", je sais la reconnaître... Notre homme vend des préparations végétales, et il  cherche tous les moyens de continuer à le faire. Il veut ignorer que la pharmacie moderne se distingue des préparations des rebouteux par le fait que l'on extrait les principes actifs, qu'on les purifie, et qu'on les dose correctement, pour une prise raisonné, au lieu d'avoir des extraits aux concentrations incertaines.
Mais la cause est perdue  : notre homme continuera son activité. 



D'ailleurs, comme je lui dis tout cela amicalement, il me répond, et il me dit que tout va bien que "plusieurs facultés de pharmacie ont donne leur visa" (rien qu'une telle expression est injuste)... mais il ne répond pas à mes arguments.
La biblio, d'ailleurs, montre des documents d'une qualité toute relative, plus d'ailleurs des thèses que des publications scientifiques (pour ces dernières, quasiment rien, et dans des mauvaises revues).

Bref, la mauvaise foi est terrible !


mardi 12 juillet 2022

Faut-il vraiment accepter les modes hurluberlues ?

Je viens de nouveau de voir des individus (le mot n'est pas suffisamment péjoratif) qui préconisent de manger cru, en invoquant mille raisons aussi bizarres que fausses. Et ces personnes se disent "coach alimentaires"... alors que je les vois très ignorantes des questions chimiques qu'elles osent discuter publiquement : quelle impudence ! quelle malhonnêteté !


Mais, oublions ceux-là, et pensons à nos amis. Au fond, pourquoi préparer des ingrédients alimentaires avant de les cuire ?  La question est très générale,  et il est souvent bon de fixer les idées  par un exemple. 


Considérons des pommes de terre. Sorties de la terre, elles emportent un peu de cette dernière  avec elles, et, pour peu qu'elles aient été stockées pendant quelque temps, elles sont hérissées de petits bourgeons un peu vert. Appartenant à la famille des Solanacées, elles contiennent des alcaloïdes toxiques dans les deux à trois premiers millimètres sous la surface. Vertes ou pas ! Ces alcaloïdes ont évidemment une fonction, qui n'a rien à voir avec notre plaisir de manger des pommes de terre : ils assurant la protecction des tubercules contre les agresseurs du sol. De surcroît, les pommes de terre contiennent des pesticides naturels, ces derniers étant également là pour la protéger. 

Tiens, j'y pense : pour donner à mes amis la possibilité de vérifier ce que je dis, je les invite à consulter une publication toute récente à ce propos : 

Sebastian Baur, Nicole Bellé, Hans Hausladen, Sebastian Wurzer, Laura Brehm, Timo D. Stark, Ralph Hü cklhoven, Thomas Hofmann, and Corinna Dawid. Quantitation of Toxic Steroidal Glycoalkaloids and Newly Identified
Saponins in Post-Harvest Light-Stressed Potato (Solanum tuberosum
L.) Varieties, https://doi.org/10.1021/acs.jafc.2c02578

 

Prenons les choses à rebours : il faut peler la pomme de terre pour éliminer pesticides et alcaloïdes, mais aussi pour éliminer les bourgeons, également riches en tels composés, et, enfin,  pour éliminer la terre, qui porte avec elle des micro-organisems potentiellement pathogènes... sans compter qu'elle crisserait sous la dent de façon désagréable.
Il faut donc commencer par nettoyer et peler la pomme de terre,  mais cela est vrai pour l'ensemble  des ingrédients alimentaires : carottes, oignons, viandes, poissons. Dans certains cas, ce sont des composés de l'intérieur qui sont toxiques, telles les lectines hématoaglutinantes des haricots blancs, ou bien le manioc quand il n'a pas été bien traité, qui contient des glucosides cyanogéniques. Parfois, la toxicité est moindre que celle de l'acide cyanhydrique, tel le raffinose, sucre de la patate responsable de flatulences importantes.
Bref, les métabolites secondaires des plantes sont  bien hasardeux, et l'on se reportera donc avec intérêt à la séance publique, podcastée, que nous avions organisée à l'Académie d'agriculture de France le 9 décembre 2009.

On n'oubliera pas, enfin, que la cuisson tue les micro-organismes pathogènes éventuels, en même temps qu'elle change la texture et qu'elle donne du goût.

jeudi 28 avril 2022

Soyons prudents, pas craintifs

 

 

Je trouve intéressant de me souvenir que, au début des années 1990, alors que j'avais publiquement montré à la télévision, un mélange le basilic et de jus de citron vert, j'avais été interrogé des cuisiniers (pas des moindres) qui me demandaient si ce mélange n'était pas toxique.

J'avais été étonné de cette question, mais j'avais eu la réponse suivante : la cuisine traditionnelle a sélectionné des associations comestibles d'ingrédients, et tout nouveau mélange pouvait être soupçonné d'être toxique.

À l'époque, j'avais été pris au dépourvu, et je n'avais pas très bien répondu à mes amis, pas plus que je ne l'ai fait plus tard quand il était question de toxicité, pour des mélanges de composés individuellement faiblement toxiques : le fameux "effet cocktail" qu'on nous ressort périodiquement, et dont on ne sait guère à quoi il correspond, au-delà des mots (sans compter que, dans un cocktail, le plus dangereux, c'est l'éthanol ;-)).

Mais restons à la première question. Au fond, je comprends aujourd'hui que nos amis qui n'ont pas de connaissances de chimie sont très désemparés pour traiter de telles questions.

D'ailleurs il est bon de bien distinguer la physique et la chimie : dans un mélange physique, les molécules que l'on mélange se retrouvent finalement inchangées dans le mélange ; c'est seulement quand il y a une réaction chimique que les molécules finales sont différentes des molécules initiales.

Pour prendre un exemple visuel, la physique consisterait à mélanger des balles bleues et des balles rouges : on retrouverait les mêmes balles bleues et les mêmes balles rouges.
En revanche, s'il y a une réaction, un mélange de balles bleues et de balles rouges pourrait conduire à des balles toutes orange.

Quand on mélange deux ingrédients alimentaires, tel du basilic et du citron vert, on mélange d'abord essentiellement de l'eau, puisque les aliments sont majoritairement faits d'eau : plus de 90 pour cent pour le basilic, et plus de 99 pour cent pour le jus de citron vert.

Les goûts, eux, sont dues à des quantités infimes de de composés. Et oui, ils pourraient réagir, former de nouveaux composés, mais :
- c'est très rare
- rien n'indique que les composés formés seraient toxiques, et, d'ailleurs, s'il y a réaction, c'est un peu comme quand une bille est en haut d'une montagne : elle descend, et n'est plus en mesure de le faire ensuite ; cela revient à dire que les composés formés seraient moins réactifs -avec le corps humain- que les composés initiaux, capable de réagit.

Mais on aurait doit aussi considérer que le citron vert est très apparenté aux autres agrumes, le citron ou l'orange, tandis que le basilic est apparenté au persil, au gazon, à la ciboulette, à l'estragon. Apparenté, cela signifie que les composés présents sont les mêmes, dans des proportions parfois un peu différence.
Autrement dit, mélanger du basilic et du citron vert, c'est un peu comme mélanger du basilic et du citron : s'il y a des réactions, ce sont les mêmes en nature dans les deux cas.

De surcroît, imaginons le cas -très improbable donc- de réactions : elles se feraient donc entre deux quantités très faibles de composés initiaux, de sorte qu'elles ne pourraient conduire qu'à des quantités très faibles de produits finaux.

De sorte que s'il y a toxicité des produits finaux, c'est un danger plus qu'un risque, puisqu'il y a une infime exposition au danger.

D'ailleurs, il faut comparer la dangerosité EVENTUELLE des produits EVENTUELLEMENT formés à celle des composés toxiques naturellement présents dans les ingrédients.
Or je n'ai pas pris l'exemple du basilic ou de l'estragon au hasard : ces ingrédients culinaires classiquement utilisés contiennent des quantités de méthylchavicol, composé cancérogènes et tératogènes dont la dangerosité laisse tout le monde indifférent : ne voit-on pas, tout l'été, les salades pleines de basilic et d'estragon ?

D'ailleurs, toujours pendant l'été, ne voit-on pas nos concitoyens manger répétitivement des viandes cuites au barbecue, donc chargées en benzopyrènes cancérogènes ? Et là encore, personne ne s'en émeut.

Je crois finalement que la chimie fait peur à ceux qui la connaissent trop mal, avec des peurs qui s'apparentent à la crainte des revenants, dans l'ancien temps, et aux superstitions variées, de démons qui enverraient la foudre, la peste, etc.

Bref, l'ignorance est mère de la crainte, et il faut absolument que notre Education nationale développe les enseignements de chimie plus qu'elle ne le fait aujourd'hui : non pas à la marge, mais bien plus qu'aujourd'hui.

Car la connaissance du monde matériel est indispensable pour se comporter en citoyens !

Comment nos concitoyens pourraient-ils débattre sereinement de glyphosate, par exemple, s'ils ignorent ce qu'est une molécule ? Comment nos concitoyens peuvent-ils débattre d'OGM s'ils ignorent le fonctionnement génétique moléculaire des êtres vivants ? Comme nos concitoyens peuvent-ils avoir une approche rationnelle de la toxicité s'ils n'ont aucune connaissance des composés toxiques ?

Ce que je dis pour nos concitoyens vaut évidemment pour nos députés, et ces derniers mériteraient de recevoir, quand ils sont élus, une formation suffisante pour pouvoir juger des questions qui leur sont soumises. A en entendre certains, j'ai peur soit qu'ils n'aient pas d'informations suffisantes, soit, s'ils les ont, qu'ils tiennent des discours qu'ils doivent savoir mensonger.

Mais j'ai espoir, car il y a l'Ecole, avec des professeurs merveilleux, attentifs aux enfants. Mettons-nous entièrement à leur disposition, pour les aider dans leur mission !

mercredi 3 mars 2021

Aujourd'hui je vous présente la solanine et ses cousines.


Quand Augustin Parmentier explora la pomme de terre, voulant la faire consommer aux Français qui mouraient alors parfois être faim, juste avant la Révolution de 1789, il l'explora du point de vue physico-chimique et publia  le résultat des travaux dans un ouvrage scientifique. Dans ce livre, naturaliste au sens d'une chimie naturaliste,  il signale que les  décoctions de peaux de pomme de terre ont un goût brûlant.

Ce que Parmentier ne savais pas, c'est que ce goût brûlant et dû notamment à des composés qui ont pour nom solanine, solanidine, chaconine. Ces composé sont naturellement présents dans les peaux de pommes de terre, et ils sont toxiques.

Bien sûr, on dira que c'est la dose qui fait le poison, de sorte que la question est de savoir si ces composés sont, ou non,  en quantités excessives dans l'alimentation.

Mais restons d'abord sur les composés eux-mêmes. je vais pas rentrer dans le détail de la constitution moléculaire de chacun, mais je commence par observer que le nom "solanine" (ou solanidine) est bien apparenté au nom de la famille botanique à laquelle appartiennent les pommes de terre : les "solanacées".
Et cela est juste, car c'est bien dans les pommes de terre que l'on a découvert ces composés.

D'autre part, j'ajoute que les solanines et leurs cousines sont des "alcaloïdes", à savoir que leurs molécules ont notamment un  atome d'azote, et, comme la strychnine, la nicotine, etc., elles ont une action  pharmacologique ou toxique.

Le risque que font courir solanine et consorts ? Il dépend à la fois du danger, c'est-à-dire la toxicité intrinsèque, et de l'exposition.

Dès lors, il faut se demander combien on consomme de ces composés et savoir si l'on dépasse de la dose journalière admissible.

Observons tout d'abord que certains d'entre nous mangent très souvent des pommes de terre, et notamment dans des pays où les frites sont vendues dans les rues, comme ils le sont dans des enseignes françaises de restauration rapide.

Dans une étude assez récente, il a été montré que pour un pays où la restauration de rue laissait la peau des pommes de terre, alors la population dépassait la dose journalière admissible.

Et pour la France ? Cette fois, l'Agence nationale de sécurité des aliments a été récemment saisie,  car la solanine n'est pas présente seulement dans les pommes de terre, mais aussi dans les aubergines, par exemple, qui est de la même famille végétale que les pommes de terre. Il a aussi, il faut faire un peu attention et ne pas multiplier les consommations.
J'ai juste pour terminer  : la solanine, la solanidine, la chaconine ne doivent rien, absolument rien à l'intervention de l'être humain. Ce sont les plantes qui les produisent naturellement, quelles que soient les conditions de culture. La nature n'est pas bonne, et il y a du génie humain chaque fois que notre espèce parvient à prendre dans la nature ce qui lui faut sans s'exposer à tous ses dangers.

PS. Voici le résumé d'un avis de l'Agence européenne de sécurité des aliments  :
The European Commission asked EFSA for a scientic opinion on the risks for animal and human health related to the presence of glycoalkaloids (GAs) in feed and food. This risk assessment covers edible parts of potato plants and other food plants containing GAs, in particular, tomato and aubergine. In humans, acute toxic effects of potato GAs (a-solanine and a-chaconine) include gastrointestinal symptoms such as nausea, vomiting and diarrhoea. For these effects, the CONTAM Panel identifed a lowest-observed-adverse-effect level of 1 mg total potato GAs/kg body weight (bw) per day as a reference point for the risk characterisation following acute exposure. In humans, no
evidence of health problems associated with repeated or lon g-term intake of GAs via potatoes has been identifed. No reference point for chronic exposure could be identifed from the experimental animal studies. Occurrence data were available only for a-solanine and a-chaconine, mostly for potatoes. The acute dietary exposure to potato GAs was estimated using a probabilistic approach and applying processing factors for food. Due to the limited data available, a margin of exposure (MOE) approach was applied. The MOEs for the younger age groups indicate a health concern for the food consumption surveys with the highest mean exposure, as well as for the P95 exposure in all surveys. For adult age groups, the MOEs indicate a health concern only for the food consumption surveys with
the highest P95 exposures. For tomato and aubergine GAs, the risk to human health could not be characterised due to the lack of occurrence data and the limited toxicity data.

lundi 16 novembre 2020

A propos des alcaloïdes des peaux de pomme de terre

J'ai fait la promesse publique de ne plus parler de toxicologie et de nutrition, parce que, d'une part, je ne suis pas spécialiste de ces disciplines (même si je suis attentivement les publications scientifiques, avec plusieurs alertes dans des journaux de bonne qualité), et, d'autre part, je crains que ce soit un peu inutile   : je ne suis pas sûr que mes interlocuteurs changent de comportement quand ils ont des données juste qui contrarient leurs opinions alimentaires personnelles.
Voici ce que j'avais écrit : https://hervethis.blogspot.com/2019/10/ni-nutrition-ni-toxicologie.html.

De ce fait je suis vraiment embarrassé quand on m'interroge sur des questions de toxicologie ou de nutrition, et la seule chose que je puisse faire est de donner des informations.
En l'occurrence, aujourd'hui, on m'interroge sur la solanine des pommes de terre et, chimiste, je peux commencer par observer que ce composé, cet alcaloïde, n'est pas le seul qui soit présent dans la peau des pommes de terre  : il y a également la chaconine et la solanidine,k notamment.
Ces composés ont des toxicités (comme tous les composés) qui sont  connues depuis longtemps, puisque déjà, Parmentier avait observé un goût brûlant quand il avait consommé une décoction de peau de pomme de terre (voir mon article sur Parmentier à l'Académie de Pharmacie).
À l'époque, on ignorait tout de ces alcaloïdes, mais on en sait plus aujourd'hui et je renvoie mes amis vers l'immense masse de publications scientifiques à ce propos : il suffit d'ouvrir Google Scholar et de taper "potatoes alcaloïds" : https://scholar.google.com/scholar?hl=fr&as_sdt=0%2C5&q=potatoes+alcaloids&btnG=.

Mais je veux quand même signaler plusieurs points que j'ai relevés dans les publications que j'ai lues.
Tout d'abord, les alcaloïdes de la pomme de terre se trouvent dans les trois premiers millimètres sous la peau.
Ensuite, ils résistent à des température de 285 degrés Celsius, de sortes qu'ils ne sont pas détruit par la cuisson.
Il y a, en ligne, une publication qui a considéré la quantité d'alcaloïdes des pommes de terre consommé dans les nourriture de rue au Pakistan  : les frites sont faites à partir de pommes de terre qui n'ont pas été pelées... et la "dose journalière admissible" est dépassée (Aziz et al., Journal of Food Science ! Vol. 77, Nr. 3, 2012).
Enfin l'Agence européenne de sécurité des aliments, l'Efsa, vient de publier un rapport que j'invite tous mes amis à consulter  : Risk assessment of glycoalkaloids in feed and food, in
particular in potatoes and potato-derived products, doi: 10.2903/j.efsa.2020.6222.
Et voici le résumé :

Abstract
The European Commission asked EFSA for a scientific opinion on the risks for animal and human health related to the presence of glycoalkaloids (GAs) in feed and food. This risk assessment covers edible parts of potato plants and other food plants containing GAs, in particular, tomato and aubergine. In humans, acute toxic effects of potato GAs (a-solanine and a-chaconine) include gastrointestinal symptoms such as nausea, vomiting and diarrhoea. For these effects, the CONTAM Panel identified a lowest-observed-adverse-effect level of 1 mg total potato GAs/kg body weight (bw) per day as a reference point for the risk characterisation following acute exposure. In humans, no evidence of health problems associated with repeated or long-term intake of GAs via potatoes has been identified. No reference point for chronic exposure could be identified from the experimental animal studies. Occurrence data were available only for a-solanine and a-chaconine, mostly for potatoes. The acute dietary exposure to potato GAs was estimated using a probabilistic approach and applying processing factors for food. Due to the limited data available, a margin of exposure (MOE) approach was applied. The MOEs for the younger age groups indicate a health concern for the food consumption surveys with the highest mean exposure, as well as for the P95 exposure in all surveys. For adult age groups, the MOEs indicate a health concern only for the food consumption surveys with the highest P95 exposures. For tomato and aubergine GAs, the risk to human health could not be characterised due to the lack of occurrence data and the limited toxicity data. For horses, farm and companion animals, no risk characterisation for potato GAs could be performed due to insufficient data on occurrence in feed and on potential adverse effects of GAs in these species.

vendredi 1 mai 2020

Questions de toxicité

Chers amis
Cette fois-ci, il faut que je vous parle de quelque chose qui sort de mon domaine. Cela ne signifie pas que je n’y connaisse rien, puisqu’il sera question de chimie, mais les matières évoquées ne font pas l’objet de mes travaux personnels. Je lis les « bons auteurs », dans des « revues sérieuses », afin de bien comprendre les faits, et d’en tenir compte dans mes études, mais mon intérêt est ailleurs.

Cette précaution prise, permettez-moi de commencer en évoquant le cas extraordinaire de la controverse entre deux cuisiniers espagnols : Santi Santamaria (décédé) et Ferran Adria.
Les faits d’abord, avant les interprétations :  Santamaria, qui se disait fils de paysan et attaché au « terroir » (qu’entendait-il par ce terme ?), avait attaqué la cuisine moléculaire par voie de presse, en accusant Ferran Adria de servir à ses clients plusieurs grammes de méthylcellulose et d’autres additifs néfastes pour la santé. L’attaque était grave : en gros, Adria et les cuisiniers moléculaires auraient été des empoisonneurs. On a fait des procès retentissants pour moins que cela.
Les interprétations, maintenant, avant que je ne fournisse les données pour savoir si, oui ou non, il y a des dangers à utiliser des additifs, comme cela est périodiquement dit par des factions variées. Mon interprétation principale est la suivante : je trouve troublant que Santamaria ait fait cette attaque au moment même où il publiait un livre. N’est-ce pas le meilleur moyen de se faire une extraordinaire publicité (et ça  a marché : la preuve, nous en sommes à en parler) et de vendre son livre ?
Effaçons vite de notre esprit la pensée de personnages que je n’estime pas en raison de leurs actes que je condamne, pour examiner la question passionnante de la toxicité, en cuisine. Oui ou non les additifs sont-ils mauvais pour la santé ? Et, inversement, y a-t-il des aliments « bons pour la santé », comme une certaine industrie ne cesse de nous le dire ?


La question des additifs
Commençons par la méthylcellulose : c’est un additif alimentaire autorisé par l’Union européenne, sous le numéro E 461. C’est une poudre blanche, qui forme un liquide visqueux et qui gélifie à chaud. D’où sort-elle ? L’industrie qui la fabrique part de cellulose, matière qui se trouve dans toutes les plantes et qui, à l’état pur, forme le coton hydrophile. C’est une matière qui n’est pas assimilables par les êtres humains, parce que ceux-ci ne sont pas des ruminants, dont les micro-organismes intestinaux fermentent le produit. On dit que c'est une "fibre".
Toutefois, la cellulose n’est pas soluble dans l’eau. Aussi, l’industrie a-t-elle appris à rendre la cellulose soluble (mais toujours non assimilable) en la modifiant moléculairement. Oui, moléculairement : est-ce grave ? Nous y reviendrons.
La méthylcellulose est sans danger, au point que l’industrie pharmaceutique la préfère aujourd’hui à la gélatine, pour faire ses enrobages. En outre, les quantités nécessaires pour faire des gels sont infimes, parce que c’est un très bon agent gélifiant. Les gels obtenus sont amusants, culinairement parlant : à l’inverse de la gélatine, ils prennent à chaud, et se défont à froid.
Et si l’Union européenne considère la méthylcellulose comme utilisable par l’industrie alimentaire, c’est que la méthylcellulose a passé un grand nombre de tests de toxicologie, et qu’elle les a passés avec succès… comme les autres additifs.
Additifs ? J’ai déjà évoqué le code E 461 de la méthylcellulose ; c’est un cas particulier d’une liste qui comprend tout aussi bien des gélifiants que des colorants, des agents antioxygène, des conservateurs… Bref, de ces produits que les « gens du terroir » (à nouveau, de quoi s’agit-il ?) détestent, parfois par méfiance, par prudence dirons-nous en étant charitable, parfois par idéologie (ces produits sont souvent utilisés par l’industrie alimentaire, laquelle, pour certains, est un démon capitaliste à abattre, avec des multinationales tentaculaires), parfois par conviction, parfois…
Sans prendre parti, pour l’instant, explorons la liste. Elle est très hétérogène, puisqu’elle comprend par exemple le caramel (E 150), ou le rocou (E 160b), colorant alimentaire largement utilisé en Amérique du sud, le lycopène (E 160d), qui est le colorant des tomates, le dioxyde de titane (E 171), colorant blanc utilisé par les pâtissiers… De même, dans la catégorie des conservateurs et agents antioxygène, on trouve l’acide benzoïque (E 210) à côté du métabisulfite de sodium (E 223), de l’acide lactique (E 270), de l’acide ascorbique (E 300), qui n’est autre que la vitamine C… Les agents de texture ? L’amidon fluide (E 1400) est dans cette catégorie, à côté du tartrate de calcium (E 354, les cristaux au fond des bouteilles de vin), de l’agar-agar (E 406), de la gomme adragante (E 413), qui était préconisée dans les livres de cuisine du 19e siècle comme fixateur de la crème chantilly…
Au total, ce qu’il faut remarquer, c’est que les composés sont très divers. Certains sont d’usage classique et courant, en restauration ou en cuisine domestique. D’autres sont inhabituels et pourraient le devenir. D’autres encore n’ont pas de raison de figurer.


Ne jamais chercher à convaincre

Au total, ces produits sont-ils dangereux ? Ne comptez pas sur moi pour le dire, ni pour dire l’inverse, car je ferais alors quelque chose d’inutile. L’expérience m’a montré qu’il est complètement inutile, inefficace, idiot même, de vouloir convaincre ceux qui ne veulent pas l’être. Par exemple, cela fait des années que, questionné à propos d’OGM, je réponds la chose suivante : soit mon interlocuteur et moi-même les jugeons sans danger, ou les jugeons dangereux, et cela ne sert à rien d’en parler ; soit l’un de nous les trouve dangereux et l’autre les trouve admissibles, et une réponse de ma part ne convainc pas, mais me fait perdre un ami. Alors, à quoi bon ?
Pour la question des additifs, il en va de même. Si j’en prenais le parti, je perdrais des amis sans convaincre personne. D’ailleurs, pourquoi en prendrais-je le parti ? Parmi ces produits, certains sont intéressants et d’autres sont inutiles ! Par exemple, il est connu que le métabisulfite de sodium, pourtant utilisé par nombre de vignerons, n’est pas aussi anodin que l’agar-agar. Je n’ai aucune raison de préconiser son usage en cuisine… mais les vignerons me diront souvent que les vins blancs sont fragiles, microbiologiquement, et que l’emploi du produit s’impose. D’ailleurs, il est amusant de voir certains partisans de la biodynamie refuser à tout prix ce produit… et mécher les tonneaux avec du soufre ! Le soufre qui brûle engendre le dioxyde de soufre, qui a la même toxicité que le métabisulfite de sodium, mais il est bien plus difficile à doser.
Donc je ne prendrais pas inutilement le parti de tous les additifs, car cela me vaudrait une fois de plus d’être considéré comme un suppôt de l’industrie chimique, ce que je ne suis pas. Je ne cherche pas à convaincre : je cherche seulement à distribuer des connaissances pour que chacun se détermine personnellement, pour que chacun fasse des choix éclairés.


La nature n’est pas une garantie


Par exemple, je trouve insensé que certains cuisiniers utilisent des huiles essentielles avec si peu de discernement. Par exemple, autant l’estragon est utilisable en cuisine, autant l’usage d’une huile essentielle d’estragon serait critiquable, parce que l’estragole que contient l’estragon, tératogène (il engendre des malformations des fœtus) et cancérogène, concentré dans l’huile essentielle, est alors dangereux. De même pour des huiles essentielles de noix muscade, de laurier, mais aussi de bien d’autres plantes.
La concentration est-elle la caractéristique qu’il faut redouter ? Non : j’ai récemment rencontré un cuisinier qui faisait des infusions de grappes de tomate. Oui, l’odeur est plaisante, fraîche, mais je préfère ne jamais manger dans le restaurant de ce professionnel. Ce serait la même chose pour quelqu’un qui abuserait des peaux de pomme de terre, des haricots verts crus, des haricots blancs crus…
L’origine « naturelle » des produits n’est pas une sécurité : pensons à la cigüe, à l’amanite phalloïde. Renseignons-nous bien avant de faire manger des produits nouveaux, dont nous ignorons la toxicité.
Et je répète que les additifs ont été testés et retestés : l'Académie d'agriculture de France a organisé une séance publique, l'an passé, pour discuter cette question, présenter publiquement les méthodes et les résultats.


La tradition n’est pas une garantie


Si l'on craignait ou si l'on craint les additifs, faut-il alors se réfugier dans la tradition ? Hélas, ce refuge n’est pas sûr ! N’oublions pas que nos ancêtres ne savaient rien des effets à un peu long terme des produits. Ils voyaient bien si quelqu’un était aussitôt malade en consommant des produits, mais ils n’avaient aucun moyen épidémiologique pour estimer l’influence à long terme des consommations alimentaires.
Par exemple, il a fallu de nombreuses études pour montrer que le fumé est dangereux… au point que les populations nordiques, qui mangent plus d’aliments fumés que les autres Européens, ont plus de cancers digestifs. Là, il n’y a pas de doute : les benzopyrènes qui viennent se déposer sur les viandes ou poissons fumés sont cancérogènes de façon certaine ! Le danger est, pardonnez-moi d’y revenir, considérablement plus grand que celui de la méthylcellulose. Il est avéré, certain, mesuré, étudié…et nous continuons de consommer des viandes grillées au barbecue. Et le risque est réel.  Au fond, nous sommes bien hypocrites : quand cela nous arrange, nous refusons la consommation de produits, mais nous n’hésitons pas à manger du sucre, du saumon fumé, des grillades au feu de bois…


Que manger ? Que cuisiner ? Je crois que la profession a besoin d’informations qu’elle n’a pas suffisamment. C’est un des objectifs de la Fondation Science & Culture Alimentaire que de mettre en ligne, pour le monde culinaire, des informations fiables, sur ces questions. Il ne s’agit pas de convaincre, mais d’informer.

mardi 21 janvier 2020

Un souvenir amusant.



 Interviewé par une télévision coréenne, je me souviens soudain d'un épisode cocasse, lors d'un tournage pour la télévision française, vers Noël, il y a environ 30 ans : il s'agissait de faire un sorbet à l'azote liquide, ce qui était neuf pour l'époque, mais ce n'est pas là la question qui m'intéresse aujourd'hui. Ce qui m'intéresse, c'est que ce sorbet était au  jus de citron vert et au basilic.
Quoi, basilic et citron vert ? Et alors ? Aujourd'hui, cette association paraît parfaitement naturelle,  mais à l'époque, c'était véritablement révolutionnaire   : je me souviens d'ailleurs d'amis  cuisiniers qui m'avaient interpellé en me demandant si, avec une telle préparation, je n'allais pas empoisonner tout le monde.
Empoisonner tout le monde avec du basilic et du citron vert ? Oui, ajoutait-il : ce mélange n'avait jamais été fait, et on avait aucune certitude qu'il n'empoisonnerait pas, contrairement aux mélanges traditionnels, éprouvés.
Avec le recul, on a bien vu que je n'ai empoisonné personne, mais je continue de m'étonner d'une telle crainte :  pourquoi  du basilic et du citron vert auraient-ils empoisonné ? La question ne vaut pas pour ces deux ingrédients en particulier, mais pour toutes les combinaisons qui n'ont jamais été testées. D'ailleurs, si l'on avait été vraiment prudent, après la découverte de l'Amérique, nous n'aurions ni tomates, ni pomme de terre, ni aubergine... D'ailleurs, la question des pommes de terre est intéressante, car précisément leur peau contient des composés toxiques, et Parmentier avait bien vu que des bouillons de peau de pomme de terre avaient un goût brûlant,   dû précisément à la toxicité de ces composés de la peau. On a bien appris à peler les pommes de terre, surtout quand elles sont vertes mais pas seulement.
On a appris progressivement à identifier nombre de produits qui ont des toxicités comme certains composés de la muscade, et d'autres.
Mais je vois une vraie différence entre le danger et sa perception. Au fond, la nouveauté fait peur à beaucoup, et il faut leur reconnaître qu'ils ont raison d'être prudents... mais il ne faut pas tomber dans l'excès d'être timoré.
Et, rétrospectivement, il est quand même amusant que l'on ait eu peur d'un mélange de basilic et citron vert, alors que nos amis boivent de l'alcool (l'éthanol est un poison), fument, utilisent de la noix muscade, ne pèlent plus les pommes de terre... et vont, pour certains,  jusqu'à macérer des grappes de tomates grappes dans de l'huile pour en faire une huile qui a qui a beaucoup de goût... et de toxicité.

Décidément, les incohérences de l'être humain n'ont pas fini de m'étonner !

samedi 19 octobre 2019

Les aliments traditionnels sont-ils sûr ?


Les aliments traditionnels sont-ils sûr ? Hier encore, j'entendais un collègue dire (de façon erronée, disons-le immédiatement) que les aliments traditionnels étaient sûrs :  il en prenait pour preuve que ces aliments avaient été consommés depuis très longtemps.
Ne peut-on dire, au contraire, que cette ancienneté est signe de péremption ? Expliquons-le à partir d'une observation  : je propose que nous croisions le traité d'Hildegarde de Bingen, qui propose l'usage de plantes variées pour des applications alimentaires, thérapeutiques ou cosmétiques, avec  le Compendium des plantes toxiques publiés par l'Agence européenne de sécurité sanitaire des aliments (Efsa). Il est tout à fait extraordinaire de voir que les plantes recommandées par Hildegarde de Bingen sont très souvent à l'origine d'intoxications qui conduisent les consommateurs dans les centres anti-poison, mais il y a pire :  certaines plantes qui sont utilisées en infusion pour soigner divers petits désagréments (vertiges, nausées, maux de tête,  etc.)  provoquent des cancers dix ans plus tard. En réalité, les  ingrédients alimentaires traditionnels n'ont jamais été testés toxicologiquement, et l'on peut supposer que beaucoup serait retoqués aujourd'hui s'ils étaient évaluées par les test que l'on fait passer aux "novel food". Autoriserait-on la noix muscade ? Je ne crois pas. La cannelle ? Les choux, même ? Ou encore les pommes de terre ?

Pour ce qui concerne la médecine, je dis souvent que les médecines, traditionnelles, anciennes, sont surtout périmées, mais je propose que nous soyons, avec les aliments, plus prudents que mon collègue évoqué en début de billet !

mardi 23 avril 2019

About the toxicity of potato peels, I was asked to give references, and here are some, with abstracts :


Regulatory Toxicology and Pharmacology 41 (2005) 66–72Potato glycoalkaloids and adverse eVects in humans: an ascending dose study, par Tjeert T. Mensinga et al. :

Glycoalkaloids in potatoes may induce gastro-intestinal and systemic eVects, by cell membrane disruption and acetylcholinesterase inhibition, respectively. The present single dose study was designed to evaluate the toxicity and pharmacokinetics of orally administered potato glycoalkaloids ( -chaconine and -solanine). It is the Wrst published human volunteer study were pharmacokinetic data were obtained for more than 24 h post-dose. Subjects (2–3 per treatment) received one of the following six treatments: (1–3) solutions with total glycoalkaloid (TGA) doses of 0.30, 0.50 or 0.70 mg/kg body weight (BW), or (4–6) mashed potatoes with TGA doses of 0.95, 1.10 or 1.25 mg/kg BW. The mashed potatoes had a TGA concentration of nearly 200 mg/kg fresh weight (the presently recognised upper limit of safety). None of these treatments induced acute systemic eVects. One subject who received the highest dose of TGA (1.25 mg/kg BW) became nauseous and started vomiting about 4 h post dose, possibly due to local glycoalkaloid toxicity (although the dosis is lower than generally reported in the literature to cause gastro-intestinal disturbances). Most relevant, the clearance of glycoalkaloids usually takes more than 24 h, which implicates that the toxicants may accumulate in case of daily consumption.


Perishables Handling Newsletter Issue No. 87, August 06,
A Review of Important Facts about Potato Glycoalkaloids
by Marita Cantwell
I give only the conclusion :
To avoid toxic levels of glycoalkaloids, potato cultivar selection is very important. However, improper postharvest handling conditions are the main cause of toxic levels in potatoes. To keep glycoalkaloid content low, store potatoes at lower temperatures, such as 7°C(45°F), keep potatoes away from light, market in opaque plastics films and paper bags, and rotate frequently on retail displays.


And also :
Current Research in Nutrition and Food Science   
A Review of Occurrence of Glycoalkaloids in Potato and Potato Products
DUKE GEKONGE OMAYIO et al

There has been increasing consumption of potato products such as French fries and crisps in most countries as a result of lifestyle change in both developed and developing countries. Due to their generally pleasurable taste and texture, they are appreciated by a high number of consumers  across the world, with the younger members of the population mostly those in the urban areas having
a higher preference. The hard economic situations have also driven many people to their consumption as they are affordable. Moreover, these products are convenient for the younger generation who do not prepare their own food. However, there have been food safety concerns that have been linked
in the past to glycoalkaloids in the raw potatoes that are used for processing. Potatoes are known to accumulate glycoalkaloids (GAs) during growth and postharvest storage. Some potato varieties have been shown to have high glycoalkaloids. These toxicants have been found to bioaccumulate
in the body especially if daily consumption of foods containing the glycoalkaloids are consumed. Glycoalkaloids lead to intestinal discomfort, vomiting, fever, diarrhea and neurological problems and can lead to human or animal deaths in cases of acute toxicity. Transportation, handling, poor
storage and exposure to sunlight during marketing of potatoes exposes consumers to potential risk of glycoalkaloids due to injury and greening which lead to increased levels of glycoalkaloids. Glycoalkaloids are quite stable and therefore, freeze-drying, boiling, dehydration or microwaving have got limited effect and thus persist through the processing conditions into the final products with the levels being proportional to the concentrations in the raw materials used. This current review focuses on the occurrence of glycoalkakloids in potato and potato products that are commonly consumed.


And there are hundreds of others saying the same !

dimanche 13 janvier 2019

Je vous présente l'acide oxalique

Wikipedia est la meilleure et la pire des choses. Dans certains cas, les informations, qui ont bénéficié de la contribution d'internautes parfois très savants, sont merveilleuses, et parfois, on trouve des trucs pourris... qu'il faut se hâter de corriger.
Ici, puisque je dois présenter l'acide oxalique, je propose de commenter l'article wikipedia français.

L'acide oxalique de structure HOOC-COOH, est  l'acide éthanedioïque d'après la nomenclature officielle.
Oui, il existe une organisation internationale de nomenclature, avec un "Gold book", que l'on trouve en ligne : l'IUPAC. N'hésitez pas à le consulter, en cas de doute.
 
C'est le plus simple des acides dicarboxyliques aliphatiques : oui.

Le produit commercial est un dihydrate, HOOC-COOH,2H2O. 
Pas de problème, mais cela doit alerter les élèves et étudiants qui doivent calculer, dans des exercices où figurent l'acide oxalique : il faut tenir compte de la masse de l'eau.

Grâce à la liaison entre les deux groupes carboxyles, il est l'un des acides organiques les plus utilisés (pKA1 = 1,27 et pKA2 = 4,27) car il se décompose facilement en gaz (CO2, CO). Les anions de l'acide oxalique ainsi que les sels et esters sont connus sous le nom d'oxalates.


Moi, j'aurais dit "groupes acide carboxylique", mais j'observe avec intérêt et approbation que cet article parle de groupe (ce qui est juste) et non de "groupement" (ce qui serait mauvais).

 Encore appelé sel d'oseille, on le trouve à l'état naturel sous forme d'oxalate de potassium ou de calcium dans les racines et rhizomes de nombreuses plantes telles que l'oseille, la rhubarbe, la betterave et les plantes de la famille des oxalis. 
Absolument. Et il est alors "naturel".
 
 Le terme oxalis, d'origine grecque, signifie oseille.  
Le composé chimique pur est isolé en 1776 par le chimiste suédois Carl Wilhelm Scheele à partir d'oseille ou de rhubarbe, par une méthode analogue à celle qu'il a déjà utilisée pour extraire d'autres acides. En 1784 il démontre qu'il s'agit du même acide que celui qu'on appelait alors acide du sucre ou acide saccharin.
Et là, c'est merveilleux, on a même des références !

Friedrich Wöhler synthétise l'acide oxalique en 1824. Cette première synthèse chimique d'un produit naturel (j'aurais écrit reproduction d'un produit naturel par synthèse chimique), est une étape essentielle vers l'abandon des doctrines vitalistes, qui séparaient autrefois le règne minéral du règne végétal ou animal.
Hélas, ces théories ont encore largement cours ! Et je ne crois pas que nous soyons si près de les éradiquer !
 
L'oxydation des glucides les plus communs, en particulier l'amidon, voire la sciure de bois, donne l'acide oxalique, qui était souvent transformé autrefois sous forme de sels de potassium, d'où le nom de sel d'oseille. Les différents procédés d'autrefois comportaient la fusion alcaline de la cellulose. On pouvait aussi obtenir l'acide oxalique avec le monoxyde de carbone et la soude à 300 °C. Un autre procédé équivalent consiste à chauffer le formiate de sodium.
RAS

L'acide oxalique et les oxalates sont des substances toxiques au-delà d'une certaine dose, mais présentes dans de nombreuses plantes (produit terminal du métabolisme de l'acide ascorbique et de l'acide glyoxylique)18,19, dont :
#     le cacao et donc le chocolat
#     les noix
#     les noisettes
#     les baies
#     les fraises
#     les agrumes
#     la carambole
#     la rhubarbe
#     les épinards
#     le céleri
#     la carotte
#     les blettes
#     certaines salades, comme la roquette
#     d'autres chénopodiacées
#     les figues sèches
#     les groseilles
#     les framboises
#     les prunes
#     quelques produits à base de soja
#     le thé
#     le café lyophilisé
#     le son (dans le pain gris)
#     certaines graines dont :
#     les haricots verts
#     les haricots secs
#     l'oseille
#
# Plante     Acide oxalique
# (mg/100 g, masse sèche)
# cladodes de platyopuntia     13 000
# Feuilles de betterave     >12 000
# Cacao     4500
# Thé     3700
# Épinards     460 – 3200
# Rhubarbe     500 – 2400
# Blette     690
# Oseille     300 – 500
# Betterave     340
# Persil     190


L'acide oxalique est un solide cristallin, incolore et inodore. La forme dihydratée translucide (poudre blanche) est soluble dans l'eau, soit 12,5 % en masse à 25 °C. Il présente une faible solubilité dans les solvants organiques. La forme anhydre est très soluble dans l'alcool, très peu dans l'éther, et insoluble dans le benzène et le chloroforme.
Tout cela va bien, avec références

Toxicité et biologie
L'acide oxalique provoque des irritations locales importantes : l'absorption aisée par les muqueuses et la peau provoque des troubles de la circulation sanguine et des dommages rénaux.
Oui, mais tout est une question de dose ! Ne nous effrayons pas inutilement !

Cet acide peut irriter la voie œsophagienne ou gastrique lors de son ingestion et provoquer des dommages rénaux (calculs, oligurie, albuminurie, hématurie).Il est mortel à forte dose ; chez l'humain, la dose orale LDLo (lowest published lethal dose) est de 600 mg/kg.
Il faut quand même observer que 600 mg/kg, c'est beaucoup ! L'eau aussi, est mortelle, à haute dose !

Les individus en bonne santé peuvent sans problème manger des aliments contenant de l'acide oxalique ou des oxalates, mais on recommande aux personnes atteintes de certains types de calcul rénaux, de goutte ou d'arthrite d'éviter leur consommation.
À cause de sa capacité à se lier à certains minéraux tels que le calcium, le fer, le sodium, le potassium ou le magnésium, la consommation d'aliments à forte dose en acide oxalique peut provoquer des carences alimentaires.
C'est exact.

Bref, beaucoup de choses excellentes, dans cet article... et des références pour aller plus loin !

mercredi 8 août 2018

Amusant

Le miel ? Forcément bon, n'est-ce pas ? Puisque c'est fait par des abeilles, qui sont des insectes pollinisateurs, d'une part, et puisque, d'autre part, c'est un "produit naturel"... sans compter qu'il est sucré.
Mais il y a bien mieux : on me signale hier le miel de Manuka, qui provient de l’arbre de manuka, qui ne pousse que dans certaines régions de Nouvelle-Zélande et d’Australie. Vous pensez : si c'est rare, c'est donc que c'est encore mieux. Je lis d'ailleurs en ligne : "A en croire les producteurs, aucune comparaison n’est possible : le miel de manuka est bien supérieur aux autres. Selon eux, il combat des infections bactériennes, y compris résistantes, et guérit mieux des plaies, même ulcérées"... mais il faudrait croire les producteurs, qui n'ont sans doute pas fait les études poussées que l'on fait pour le moindre médicament. Ou bien encore "Cousin de l’arbre à thé, dont est extraite l’huile essentielle antibactérienne du même nom, le manuka garantit un miel d’exception, au prix certes élevé, mais aux promesses alléchantes." Oui, un prix élevé  : je le vois à 100 euros les 250 grammes !



Que  penser de tout cela ? Une petite recherche me montre que les "propriétés" ou "vertus" de ce miel seraient dues au méthylglyoxal. Ah, cette fois, je tiens un fil... et, quand je tire dessus, je trouve immédiatement ceci (je traduis) :



"Le glucose est la principale source d'énergie du cerveau. Des nombreuses études ont montré que le profil métabolique des cellules nerveuses, pour ce qui concerne l'utilisation du glucose et la vitesse de glycolyse n'est pas homogène, avec une activité glycolytique supérieure dans les astrocytes, par rapport aux neurones. Le méthylglyoxal, un composé dicarbonylé très réactif, est inévitablement formé lors de cette glycolyse. Le méthylglyoxal est un précurseur des produits de glycation avancés, associés à plusieurs maladies telles que le diabète, le vieillissement ou des neurodégénérescences.
Dans des situations normales, les cellules sont protégées de la toxicité du  méthylglyoxal par divers mécanismes, et notamment par l'enzyme glyoxalase, encore mal connue : du fait des besoins énergétiques importants du cerveau (besoins en glucose, donc), on peut espérer que la glyoxalase cérébrale est capable de gérer la toxicité du  méthylglyoxal."


Tout cela est tiré d'un article intitulé "Methylglyoxal, the dark side of glycolysis" (Front Neurosci. 2015; 9: 23).
Ajouté à ce que je sais de la réactivité chimique du méthylglyoxal, je vais donc m'abstenir de consommer trop de ce miel et d'en servir à mes amis et à ma famille.
Et, j'y pense, en supposant qu'il soit bon, pourquoi ne pas ajouter à des miels moins contestables, dépourvus de méthylglyoxal, les composés odorants qui feraient son goût ?

mercredi 27 décembre 2017

Pour des confitures

Cet après midi, d'un correspondant :

Cherchant des informations sur l'intérêt des casseroles en cuivre, je découvre votre article sur le site espace-sciences  : http://www.espace-sciences.org/archives/bassines-en-cuivre-et-confiture. 
Malheureusement, il me laisse un peu perplexe, surtout votre dernière proposition d'expérience : faire deux confitures avec dans l'une un apport de sulfate de cuivre qui provoque le gel de la confiture, ce qui amène à la conclusion que le cuivre favorise la prise des confitures.
Je me demande plus particulièrement :
- quelle est la participation du souffre apporté par le sulfate ? (en dehors de probablement rendre la confiture immangeable ?  ;-) )
- est-ce que le cuivre joue un rôle de catalyseur (et donc se retrouve intégralement en fin d'expérience, par exemple après décantation), ou nécessite-t-il d'être dissous dans la confiture ? Votre phrase "le cuivre a réuni ces molécules" me laisse penser que nous serions dans le second cas, mais alors est-il raisonnable de penser que la cuisson dans une bassine en cuivre arracherait suffisamment de cuive aux parois pour participer efficacement à la prise ?

Merci à notre ami de me donner l'occasion d'apporter des précisions.

Oui, l'expérience décrite est merveilleuse, et je la redonne : on prend deux récipients en pyrex (pour lesquels il n'y aura pas d'échange avec le contenu), et l'on y chauffe, par exemple au four à micro-ondes, des quartiers d'orange avec un peu d'eau  et de sucre (c'est une expérience, pour l'instant). Puis, on ajoute une cuillerée de sulfate de cuivre (surtout ne pas le consommer !) dans un récipients, on chauffe alors à nouveau  les deux récipients, et on laisse refroidir.
On obtient alors, quand les quantités ont été bien choisies, des résultats parfaitement différents : quand on n'a pas de sulfate de cuivre, la préparation reste coulante, mais, avec le sulfate de cuivre, on a un gel ferme (et bleu  ; surtout ne pas le consommer !).
Cette expérience montre que des "ions divalents" comme le cuivre peuvent "ponter" les pectines (imaginons des fils qui flottent dans l'eau apportée par l'orange), ce qui renforce le réseau, contribue à la fermeté du gel.

Cela étant, pour répondre à notre ami, ce n'est pas tant le soufre qui est dangereux que le sulfate de cuivre, et sans doute plus l'ion cuivre que l'ion sulfate. Pour expliquer un peu, partons du sulfate de cuivre : il se présente sous la forme de cristaux d'un joli bleu.
 Résultat de recherche d'images pour "sulfate de cuivre"

Quand on met ces cristaux dans de l'eau, ils se dissolvent, libérant des atomes de cuivre (Cu) qui ont perdu deux de leurs électrons (raisons pour laquelle on les nomme des ions Cu2+), et des groupes faits d'un atome de soufre (S) lié à quatre atomes d'oxygène (O), plus deux  électrons ; ce sont ces derniers qui sont les ions sulfate (SO4 2-).



Les pectines, elles, sont des molécules dont on peut simplifier la description en indiquant qu'elles sont faites par la répétition, des milliers de fois, d'un sucre particulier qui est nommé acide galacturonique. Et ces molécules portent des groupes "acide carboxylique" faits d'un atome de carbone (C), lié à deux atomes d'oxygène, dont un est lié à un atome d'hydrogène (H).
Selon l'acidité du  milieu, ces groupes peuvent ou non se repousser, mais pour que les pectines se lient et forment l'architecture de la gelée, il faut que ces groupes n'aient pas perdu leur atome d'hydrogène (d'où l'ajout utile de jus de citron dans les confitures, par exemple)... ou bien que des ions "divalents", comme l'ion cuivre, pontent les pectines.



 

Cela étant, j'avais fait l'expérience décrite plus haut parce que j'avais également vu, dans une bassine en cuivre bien propre, où des framboises avaient été laissées quelques dizaines de minutes, que le cuivre avait été considérablement attaqué. Il passe donc du cuivre en solution, quand on cuit dans des bassines en cuivre, ce que l'on savait sans doute dans le temps, puisque l'on recommandait formellement de ne jamais laisser séjourner les confitures dans les bassines en cuivre.
Mais, surtout, je propose de remplacer les ions cuivre par d'autres ions divalents... et le calcium fait l'affaire ! Oublions le cuivre en cuisine !

Le cuivre joue-t-il un rôle de catalyseur ? Un catalyseur est un corps qui déclenche une réaction, mais se retrouve non consommé par la réaction, quand celle-ci a eu lieu. Ici, le cuivre participe à la réaction : il est "consommé" dans le pontage des pectines, de sorte que non, ce n'est pas un catalyseur. Donc oui, mon correspondant a raison de penser que le cuivre est dans la confiture... hélas, puisque le cuvire est toxique !






Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)