samedi 11 février 2023

A propos de plantes "bonnes pour la santé" : de la mauvaise foi !

 La mauvaise foi, la mauvaise foi, la mauvaise foi

On se souvient que j'ai fait voeu de ne plus parler publiquement de nutrition ou de toxicologie... mais cela ne m'empêche pas de sourire, quand j'en entends parler.

Par exemple, je reçois un message d'une personne qui veut extraire un composé particulier de plantes, et qui me demande conseil.
 

Elle me dit que cette plante est riche en isothiocyanate... mais ça commence mal : je connais DES isothiocyanates, et leurs propriétés sont différentes.
Et puis, cette personne me parle d'une plante d'une grande famille végétale... mais quelle plante ? Je reste échaudé d'une discussion récente avec quelqu'un qui ignorait que, dans une des familles qu'il citait, il y  en avait de  toxiques... et  je dis donc à mon interlocuteur qu'il y a lieu de faire attention : https://pubs.acs.org/doi/10.1021/jf9805754 par exemple.
J'ajoute ensuite des indications sur les isothiocyanates, notamment l'isothiocyanate d'allyle, qui est présent dans le raifort, par exemple.
Et, en faisant un peu de bibliographie, je découvre qu'il se décompose avec formation d'une odeur aillée (https://academic.oup.com/bbb/article-abstract/33/3/452/5977562, https://pubs.acs.org/doi/full/10.1021/jf970488w?casa_token=oYXrX-Jh9TQAAAAA%3AEcNFf_0FKsU0mzoyExUkcFIIP-mK6TNigx4oRp8UOIDgfuetyAUTp1ppDLvukCYtdizyUITUzTaOThAN)
Mais rien ne dit que le composé auquel pense mon interlocuteur soir l'isothiocyanate d'allyle : ce pourrait être un itc de méthyle, ou d'autres.
https://img.perfumerflavorist.com/files/base/allured/all/document/2016/03/pf.9236.pdf

Et je termine en signalant que, en tout cas, il y a lieu d'être prudent avec des doses. Le mieux : https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.2903/j.efsa.2010.1943
 

Là, j'ai fait mon travail : je l'ai mis en garde, je l'ai mis sur des pistes, je l'ai alerté des dangers, afin qu'il puisse éviter les risques.

Et je reçois une réponse polie et amicale, des remerciements.
Très bien, mais j'apprends que l'utilisation de la plante en question donne lieu à des "pilules", des "gélules", des tisanes... et cela servirait à de la "détox".

Aie ! de la "détox" ? D'autant que je vérifie que la plante en question n'est pas nécessairement très "comestible". Mais on me connais : je me limite à citer à mon interlocuteur le compendium des plantes toxiques,  qui est essentiel  pour tous ceux qui utilisent des plantes : https://data.europa.eu/data/datasets/efsa-botanical-compendium?locale=fr
Et j'explique que, si j'ai bien compris, il y a un premier principe, selon lequel la dose est essentielle, puisque tout est poison, en quelque sorte... mais avec des exceptions pour les "perturbateurs endocriniens"... comme il y en a dans les plantes (la lavande, par exemple).
Bref, nous devons être très prudent, et surtout avec des préparations... d'autant qu'à  à côté des isothiocyanates, il y a peut être des composés  toxiques !
Et je termine en préconisant la consultation de vrais toxicologues compétents ! Sans croire ce qu'ont écrit des Hildegarde de Bingen et autres, qui n'avaient aucun moyen de connaître la toxicité des plantes (et qui, d'ailleurs, ont préconisé des plantes parfaitement toxiques).
Plus d'autres conseils techniques.

Mais mon interlocuteur, qui me remercie, s'accroche à cette idée selon laquelle
 la dose  fait le poison  : il oublie la deuxième partie de mon texte  !

D'autre part, il s'émerveille qu'une plante invasive ait des utilisations "bénéfiques" : c'est du mysticisme. Et il ajoute diverses indications justifiant que, oui, finalement, on peut utiliser la plante.

Là, ayant écrit un "traité de la mauvaise foi", je sais la reconnaître... Notre homme vend des préparations végétales, et il  cherche tous les moyens de continuer à le faire. Il veut ignorer que la pharmacie moderne se distingue des préparations des rebouteux par le fait que l'on extrait les principes actifs, qu'on les purifie, et qu'on les dose correctement, pour une prise raisonné, au lieu d'avoir des extraits aux concentrations incertaines.
Mais la cause est perdue  : notre homme continuera son activité. 



D'ailleurs, comme je lui dis tout cela amicalement, il me répond, et il me dit que tout va bien que "plusieurs facultés de pharmacie ont donne leur visa" (rien qu'une telle expression est injuste)... mais il ne répond pas à mes arguments.
La biblio, d'ailleurs, montre des documents d'une qualité toute relative, plus d'ailleurs des thèses que des publications scientifiques (pour ces dernières, quasiment rien, et dans des mauvaises revues).

Bref, la mauvaise foi est terrible !


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