samedi 31 mars 2012

Amusant... quoi que

Hier, dans un colloque plein de "beaux esprits", j'ai été surpris d'entendre ces derniers discuter des dangers terribles des pesticides, de la consommation de lait (!), etc. par des personnes qui -je m'en suis assuré publiquement par des questions que je leur ai posées- ne savaient pas ce qu'était un composé, un "produit chimique", quelle était la différence entre un composé et une molécule !
Comment prendre une décision citoyenne, responsable, dans ces conditions ?

Mon intervention a été vigoureuse, et je crois que seule la rhétorique de cette prise de parole a conduit à ce que ces mêmes personnes en viennent ensuite (succès!)  à venir, avec moins d'assurance qu'initialement, dire : "Mais où trouver de l'information ?".
Oui, c'est bien la question : où trouver de l'information pour sortir de l' "ilchimisme", cette ignorance de la chimie (de même que l'illettrisme est l'ignorance de la langue écrite) ?
Un texte que j'avais publié dans la revue Pour la Science, déjà, avait montré la difficulté : alors que les experts de l'European Food Security Agency faisaient état -factuellement- des accidents résultant de la consommation de plantes, des sites (les plus consultés, quand on tape le nom de ces plantes) en conseillent l'utilisation pour plein de raisons (mauvaises, évidemment) !
La Toile n'est pas une source d'information pour les citoyens, non pas que l'information ne s'y trouve pas, mais surtout parce que la "bonne monnaie" est mêlée indistinctement à la mauvaise ! Il faut donc non pas légiférer, mais plutôt bâtir des sources d'informations fiables, réputée telle, progressivement. L'Etat ne peut plus faire l'impasse sur ce type de sites, car c'est de la bonne prise de décision en matière d'alimentation, notamment, dont il est question.

Bref, il est urgent de créer un site destiné aux citoyens (tous, surtout ceux qui ne savent pas la différence entre un composé et une molécule, entre un corps pur et un élément, entre un composé de synthèse et un composé artificiel) afin de les aider à ce que nous prenions collectivement des décisions éclairées. La "qualité" du monde que nous laissons à nos enfants en dépend ; ne laissons pas des "marchands de peur" leur ménager une vie angoissée... alors qu'elle est de plus en plus sûre !

jeudi 29 mars 2012

Hier, l'Académie d'agriculture de France faisait une séance publique sur le thème : Qualité et sécurité des aliments : des exigences sources d’innovation

Patrice Robichon, Correspondant national de l'Académie et Conseiller scientifiquePernod-Ricard en faisait la conclusion :


"L’introduction de cette séance et les présentations qui l’ont suivie ont montré comment la mise en place du « Paquet Hygiène », depuis le 1er janvier 2006, contribue à renforcer la qualité et la sécurité microbiologique des aliments en accentuant les exigences vis-à-vis des producteurs et des metteurs en marché. Ceux-ci doivent appliquer une démarche préventive, l’HACCP, qui consiste en l’analyse détaillée et validée des dangers, et en des actions pour la maîtrise de ces dangers en certains points critiques de contrôle.
Ces exigences ont été sources d’innovation en recherche-développement au niveau national, dotant les opérateurs de la filière alimentaire de différents outils d’expertise et de démarches (test de croissance, microbiologie prévisionnelle, analyse quantitative des risques) ; leur permettant d’être précurseur en Europe et de répondre sur justification scientifique à la législation.
Le résultat de ces démarches convergentes permet aux industriels de garantir la sécurité sanitaire des denrées alimentaires qu’ils fabriquent et mettent sur le marché, tout en préservant les qualités sensorielles et nutritionnelles des produits, de mieux répondre aux attentes des consommateurs pour des produits sains et naturels, exempts de conservateurs, et donc de renforcer leur compétitivité.
Une écoute attentive des intervenants, qu’il faut remercier pour la qualité de leurs présentations, amène à tirer les conclusions suivantes:
Il s’agit d’obtenir un niveau élevé de protection du consommateur tout en tenant compte des enjeux économiques et culturels.
Tous les exploitants de la chaîne alimentaire sont concernés dans l’objectif de maîtriser chacun des maillons de la chaîne alimentaire, des agriculteurs jusqu’aux consommateurs auxquels il faudra rappeler, voire inculquer les bonnes pratiques d’hygiène domestique.
Le « Paquet Hygiène » harmonisé est suffisamment flexible pour s’adapter à tous les types de production qu’elle soit industrielle ou artisanales. Ce point est fondamental pour la préservation de notre patrimoine culinaire.
La méthode HACCP est actuellement une pratique plutôt empirique et surtout centrée sur les dangers. C’est une approche qualitative de la sécurité microbiologique des aliments. Cela entraîne que les mesures de maîtrise retenues ne sont pas optimales. L’expérience plutôt qu’une démarche scientifique reste souvent la base des décisions prises par les exploitants du secteur alimentaire.
Le projet Quant’HACCP, soutenu par l’ANR, a permis de faire évoluer cette pratique vers une démarche quantitative utilisable par les entreprises, fondée sur la modélisation des risques pour la santé publique : l’HACCP quantitative permet de relier les objectifs de sécurité sanitaire au moment de la consommation (FSO) avec les valeurs limites opérationnelles en usine, et de modéliser l‘évolution des propriétés physiques et microbiologiques des produits en cours de procédé et pendant leur durée de vie pour estimer l’efficacité de chaque mesure de maîtrise.
Les exemples qui ont été présentés illustrent la capacité des nouveaux outils à s’adapter à différentes exigences et à aider les gestionnaires du risque comme les professionnels à choisir sur des bases plus objectives parmi les différentes options qui se présentent à eux pour la maîtrise de la sécurité microbiologique des aliments.
Les outils de microbiologie prévisionnelle, couplés à une connaissance fine des étapes du procédé de fabrication du produit et du comportement du germe d’intérêt dans celui-ci, sont employés pour prévoir la concentration du germe étudié et ce, à diverses étapes de la vie du produit. En tant que président du GIS Sym’Previus, je m’en réjouis.
La détermination de la durée de vie microbiologique doit intégrer de nombreux facteurs. En effet, l’aliment est une matrice complexe dans laquelle le comportement des micro-organismes doit être évalué en prenant en compte un ensemble de sources de variabilités de terrain, variabilités liées aux micro-organismes, à la composition de l’aliment, à son environnement de production, aux procédés d’élaboration, de stabilisation et de conditionnement, et aux conditions raisonnablement prévisibles de stockage, de distribution et de consommation.
Les modélisations doivent tenir compte de cette complexité.
Il convient de continuer à développer notamment la modélisation de l’impact des procédés (contamination par les surfaces, par l’air…), l’impact de l’atmosphère contrôlé des emballages (projet ANR en cours), l’effet du potentiel d’oxydo-réduction (projet ANR en cours),et d’une manière générale, de mieux caractériser l’environnement de aliment (procédé /atelier), l’impact de l’aliment (caractéristiques physico-chimiques au niveau micro-local) dans un objectif de mieux modéliser les modes de contamination et le comportement des pathogènes dans l’aliment.
Finalement, même si des progrès sont toujours possibles et même souhaitables, jamais le système de production et de commercialisation des aliments n’a été aussi sûr.
Il reste à en convaincre les consommateurs car nombreux sont ceux (60%) qui estiment que l’alimentation est de moins en moins sûre. Les scientifiques se doivent d’y contribuer. Ils n’ont pas plus raison que leurs concitoyens, mais il est de leur responsabilité de faire partager leur connaissances, les faits, ce qui est vrai, ce qui est faux, ce qui est douteux ou encore inconnu. Puisse cette noble institution les y encourager !

vendredi 23 mars 2012

Pizzas et autres

Un correspondant, ce matin, me pose des questions auxquelles je réponds.
Cependant, la personne étant pizzaiolo, je lui donne cette idée : des pizzas à la farine torréfiée.
J'ai publié l'idée il y a des années, notamment sur le site de mon ami Pierre Gagnaire : il s'agit de griller de la farine à sec... pour qu'elle soit cuite.
Puis, on l'incorpore dans des pâtes... qui se trouvent cuites avant de l'être, si l'on peut dire ;-)

Et selon le degré de cuisson, on a un goût de champignon, de chocolat, etc.

Donc, pour les pizzas, pas de problème. Il reste à faire la croûte.

dimanche 18 mars 2012

Défenseur ? Non, elle n'est pas attaquée...

Je fais feu de tout bois. Cet après midi, m'arrive une autre belle question, que voici :

J'aimerais vous poser une question au sujet de la cuisine note à note, dont vous êtes devenu un fervent défenseur pour l'après cuisine moléculaire.
Pourquoi pensez-vous qu'elle pourrait être la cuisine de demain? Quels sont ses avantages?
Connaissez-vous des chefs qui appliquent déjà cette cuisine?
Et voici ma réponse : il est donc question de "cuisine note à note". Très bien. 
En suis je un ardent défenseur ? Ardent, oui. Défenseur, non, parce qu'elle n'est pas attaquée. J'espère être un ardent propagateur, pour l'instant, et c'est de toute façon une très mauvaise stratégie que la défense ! Les cavaliers sont plus intelligents : agir, céder, résister, et l'on recommence, avec beaucoup d'énergie (donnée les jambes). 

D'autre part, mon ami Pierre Gagnaire m'a fait observer que la transition technique qu'est la cuisine moléculaire n'était pas terminée, et que je ne devais pas passer trop vite à la suite. Il a sans doute raison : il faut continuer à proposer la modernisation de la cuisine classique, tout en développant progressivement la cuisine note à note. 

Pourquoi la cuisine note à note sera-t-elle la cuisine de demain ? Parce qu'il y aura bientôt neuf milliards d'êtres humains sur la Terre, et qu'il faudra les nourrir. Dans les podcasts du Cours 2012 de gastronomie moléculaire, on voit bien, sur les courbes présentées par mon collègue Pierre Combris, remarquable économiste, que le modèle classique sera intenable pour tous les êtres humains. 
D'autre part, la crise de l'énergie qui commence (le litre d'essence à deux euros fait aujourd'hui une bonne partie des débats électoraux et des manchettes de journaux : 
Or transporter des fruits, des légumes, des viandes... quand ces ingrédients culinaires sont principalement faits d'eau, et que cette eau les rend propres à la détérioration, n'est-ce pas un handicap terrible ? Et puis, réduire un bouillon pour faire un fond, en chauffant, en gaspillant l'énergie alors que des méthodes modernes de filtration sont bien plus économiques ? 

Enfin, il y a la question de la praticité et de la nouveauté artistique ! La tendance vers la cuisine note à note est là depuis longtemps : quand on utilise du sucre plutôt que du miel, quand on utilise de la gélatine en feuilles ou en poudre plutôt que du pied de veau, quand on utilise du sel plutôt que de l'eau salée, quand on utilise des colorants (le vert d'épinard, qui, rappelons-le, date du Moyen Âge) pour colorer, quand on utilise de l'eau de fleur d'oranger ou de l'aromatisant amande... 
La cuisine note à note se présente ainsi comme une évolution évidente, en quelque sorte.

Des chefs qui pratiquent cette cuisine ? J'ai publié ici des travaux de chefs qui ont fait cette cuisine. J'espère qu'il y en aura de plus en plus.

samedi 17 mars 2012

L'iode colore l'amidon en bleu


Jean-Jacques Colin (1784-1865)
« En mars 1814, Colin, démonstrateur à Polytechnique, soumit à la Première Classe de l’Institut un mémoire sur certains composés nouveaux de l’iode (Annnales de chimie, 91, 1814, 252-272). Le mois de mars suivant, Colin et Gaultier de Claubry étudièrent les réactions entre l’iode et plusieurs substances organiques (Annnales de chimie, 90, 1814, 87-100). C’est au cours de cette recherche qu’ils découvrirent la couleur bleue produite par l’amidon et l’iode, réaction qui, depuis, sert à révéler la présence de l’amidon ou de l’iode. » (Gay-Lussac, savant et bourgeois, Maurice Crosland, Editions Belin, Paris, 1991, p. 127).

jeudi 15 mars 2012

Cadeau du matin, entrain

Ce matin, une élève de 1ere me demande  :

La cuisine moléculaire "risque"-t-elle de "détrôner" la cuisine "traditionnelle" ?

Merveilleuse question, qui me permet de donner des explications utiles.

D'abord, il y a la "cuisine moléculaire" : sa définition est, en gros, cuisiner avec des outils modernes, des outils rénovés, de notre temps, au lieu de cuisiner péniblement avec des casseroles vieilles de plusieurs siècles, lourds au point que seuls des colosses peuvent travailler en cuisine (avez vous déjà serré la main d'un cuisinier professionnel?)

De cette définition, je conclus que... risque ? Ce serait plutôt une chance, si l'on peut faire les mêmes plats facilement, non ? Donc pas de "risque", mais une opportunité. De sorte que l'on pourrait maintenant poser à nouveau la question :
La cuisine moléculaire pourrait-elle, par chance, détrôner la cuisine traditionnelle?

Mais là encore, puisque tout tient dans les outils, de quoi parle-t-on ? De l'acte de cuisiner, ou bien des mets, des plats ? Si ce sont les actes, oui, on a vu qu'il fallait absolument que le remplacement se fasse. C'est la modernisation technique visée, depuis le début.
Pour les résultats, on peut utiliser un nouvel outil pour faire la même chose que par le passé, donc pas de risque : et cela est expliqué dans mon livre "Cours de gastronomie moléculaire N°1". Pour faire de nouvelles choses ?

C'est là le sens réel de la question de notre jeune amie : avec de nouveaux outils, ferons-nous des choses qui remplaceront les mets traditionnels.

Détrôner ? Oui notre cuisine traditionnelle est souvent sur un trône. Mais de quel bord sommes nous : de Louis XVI et d'une aristocratie qui n'a parfois eu que la peine de naître avec une cuiller en argent dans la bouche, ou bien de ceux qui ont construit la démocratie (qui a quand même des inconvénients) ?
Et puis, pourquoi toujours vouloir mettre l'un au-dessus de l'autre ? Ne pourrait-il pas y avoir la cuisine traditionnelle et la cuisine moléculaire ?

Ce qui nous conduit à "traditionnelle" : j'ai souvent expliqué que la tradition n'est pas une garantie de qualité. L'esclavage fut longtemps traditionnel ! Et les plats "traditionnels" ne sont pas toujours bon : un bon cassoulet est bon mais un mauvais cassoulet, c'est mauvais.
Ce qui est terrible, dans toute cette histoire, c'est que, primates équipés de la "néophobie alimentaire", nous ne pouvons que très difficilement aimer ce que nous n'avons pas connu petits. Souvent, la cuisine traditionnelle, c'est celle de notre enfance. De notre propre enfance, idiosyncratique, illégitime au regard de l'ensemble de la collectivité.
Si notre grand-mère (par exemple) nous a fait manger des viandes trop cuites, elles sont (peut-être) devenues ce que nous préférons.


Bref, une belle question, qui méritait (je crois) d'être bien décodée. Manger, c'est quoi, au juste ?

samedi 10 mars 2012

La cuisine note à note et les questions qu'elle pose !

ACADÉMIE ROYALE
des sciences, des lettres & des beaux-arts
DE BELGIQUE
COLLEGE BELGIQUE
La cuisine note à note, et les questions qu’elle
pose
Par Hervé This, membre de l’Académie royale de
Belgique
Le Collège Belgique
Le Collège Belgique, mis en place en janvier 2009 à l’initiative de l’Académie royale des
Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, organise des cycles de cours-
conférences de haut niveau, adressés à un large public éclairé, entre autres et en priorité
aux doctorants.
Les enseignements, sélectionnés parmi de nombreuses propositions, portent sur des sujets
peu explorés, aux confins de différentes disciplines, et peu ou pas traités par le programme
des universités et écoles doctorales.
L’accès aux conférences est gratuit et sans inscription ; il donne droit à des crédits pour les
doctorants.
La cuisine note à note, et les questions qu’elle pose
ARGUMENT GENERAL
L'activité culinaire oublie souvent un présupposé important, qui se résume par la belle phrase
de Jean de la Fontaine : « En toutes choses, il faut considérer la fin ».
Dans ce cours, on reprend l'analyse de l'activité culinaire, non plus selon la grille du lien
social, de l'art et de la technique, mais en examinant les caractéristiques des cuisines du
passé, à travers la loupe des la chimie physique. Des recettes essentielles du passé sont
analysées, afin de communiquer une perspective nouvelle de cette activité.
Au passage, on explique le maniement du « formalisme des systèmes dispersés », et l'on
dégage des idées essentielles. On évoque la « cuisine note à note », appelée à remplacer la
« cuisine moléculaire ».
Palais des Académies, Rue Ducale 1, B-1000 Bruxelles
ACADÉMIE ROYALE
des sciences, des lettres & des beaux-arts
DE BELGIQUE
PROGRAMME
Mercredi 25 avril 2012, de 17 à 19 heures
Adresse :
Bruxelles, Palais des Académies
Rue Ducale 1, B-1000 Bruxelles
Accès gratuit et sans inscription
préalable
De plus amples informations sont
disponibles sur le site Internet de
l’Académie
à
l’adresse
www.academieroyale.be.
Si des modifications devaient
intervenir dans le programme, elles
seraient également publiées sur ce site, comme toute autre actualité.
Avec le soutien de la Présidence du Gouvernement wallon
Palais des Académies, Rue Ducale 1, B-1000 Bruxelles

Une liste (peut-être) à jour :

Le site de l’INRA comporte une section consacrée à la gastronomie moléculaire, avec des liens vers de nombreux sites où figurent des travaux :
http://www.agroparistech.fr/Les-con…
http://www.inra.fr/la_science_et_vo…

On y trouve notamment la liste des conférences prévues (presque à jour) avec des contacts :

13 mars 2012 : Formation Agreenium
Contact : Stéphane Guilbert, mireille.mourzelas@agreenium.org

14 mars 2012 : Festival de cinéma scientifique, Liège, Belgique
Contact : présidence de Gembloux AgroBioTech

16 mars 2012 : Conférence à Limours
contact : Etienne Guyon, parizot.lycee@gmail.com

18 mars 2012 : Ouverture du Salon Egast, Strasbourg
Contact: Maurice Roeckel

19 mars 2012 : Groupe d'étude des précisions culinaires, Ecole supérieure de cuisine française, Centre Jean Ferrandi de la Chambre de commerce de Paris, 16 à 18 heures.
Contact : herve.this@paris.inra.fr

22 mars 2012 : Congrès des sciences séparatives
contact : Didier Thiébaut, didier.thiebaut@espci.fr

24 mars 2012 : Cité des sciences, Paris
Contact : Julie.Biron@rmngp.fr

30 mars 2012 : Colloque Sceaux
contact ; Pr Jean-Paul Branlard

5 avril 2012 : Ajaccio
Contact : François Casabianca, fca@corse.inra.fr

15 avril 2012 : Conférences Anniversaire de l'Université McGill, Montréal, Canada.
contact : 25years.foodscience@mcgill.ca

16 avril 2012 : Conférence et cocktail Note à note à l'Institut technique d'hôtellerie du Québec, Montréal
Contact : Paul Caccia, caccia-paul@ithq.qc.ca

19 avril 2012 : Conférence au CRDA de Saint-Hyacinthe
contact : Véronique Fournier, veronique@initia.org

25 avril 2012 : Cours au Collège Belgique, Bruxelles
Contact : Collège Belgique,

12 mai 2012 : Conférence à l'Université populaire,  avec Pierre Gagnaire
Contact : MIchel Onfray

15 mai 2012 : Conférence Université de Montpellier
contact : Isabelle Lefebvre-Tournier, tournier@univ-montp2.fr

21 mai 2012 : Groupe d'étude des précisions culinaires, Ecole supérieure de cuisine française, Centre Jean Ferrandi de la Chambre de commerce de Paris, 16 à 18 heures.
Contact : herve.this@paris.inra.fr

24 mai 2012 : Concours Science & Cuisine, Nantes
Contact : Ponan

29 mai 2012 : Conférence CRPP Bordeaux
Contact : Patrick Snabre, snabre@crpp-bordeaux.cnrs.fr

31 mai 2012 : Conférence Opera des sciences, Centre INRA Paris, 147 rue de l'Université, 75007
contact : Patricia Watenberg

18 juin 2012 : Groupe d'étude des précisions culinaires, Ecole supérieure de cuisine française, Centre Jean Ferrandi de la Chambre de commerce de Paris, 16 à 18 heures.
Contact : herve.this@paris.inra.fr

11 juillet 2012 : EOF Dublin, la Cuisine Note à Note
Contact : Claude Detrez, ambassade de France.

10 octobre 2012 : Conférence pour les enseignants : Ateliers expérimentaux du goût et Ateliers science & cuisine, AgroParisTech, Paris (fête de la science 2012)
contact : Marie Claude Mombet, marie-claude.mombet@ac-paris.fr

11 octobre 2012 : Conférence pour les élèves "Fête de la science",   AgroParisTech, Paris
contact : Marie Claude Mombet, marie-claude.mombet@ac-paris.fr

12 octobre 2012 : Année de la gastronomie, Bruxelles, Belgique
Contact : nteughel@vub.ac.be

15 octobre 2012 :
Groupe d'étude des précisions culinaires, Ecole supérieure de cuisine française, Centre Jean Ferrandi de la Chambre de commerce de Paris, 16 à 18 heures.
Contact : herve.this@paris.inra.fr

16 octobre 2012 : Cours de gastronomie moléculaire, Hautes Etudes du Goût
Contact : Edwige Sibille

19 novembre 2012 : Groupe d'étude des précisions culinaires, Ecole supérieure de cuisine française, Centre Jean Ferrandi de la Chambre de commerce de Paris, 16 à 18 heures.
Contact : herve.this@paris.inra.fr

17 décembre 2012 : Groupe d'étude des précisions culinaires, Ecole supérieure de cuisine française, Centre Jean Ferrandi de la Chambre de commerce de Paris, 16 à 18 heures.
Contact : herve.this@paris.inra.fr

jeudi 8 mars 2012

Quel livre pour qui ?




Pardonnez-moi de ne jamais faire de « tome 2 », de ne pas vouloir surfer opportunistement sur la vague d'un succès, de ne pas faire de feuilletons...
Ayant de l'estime pour mes amis qui me lisent, je ne me résous pas à leur livrer des textes conçus comme des savonettes, en série ; je vois chaque livre nouveau comme un petit travail d'orfévrerie, qui touche une fibre particulière de nous-même.


► Le premier de mes livres, Les Secrets de la casserole (Editions Pour la Science), était une volonté de montrer aimablement qu'il y a lieu de se préoccuper de science, en vue de comprendre l'activité culinaire, dans sa composante technique.
Oui, un soufflé qui ne gonfle pas n'est pas un soufflé, mais un gâteau, ou une crêpe... et il y a lieu de se demander pourquoi un soufflé gonfle ou ne gonfle pas.
Sachant que la science répond à la question « comment ça marche ? », le livre est structuré par des questions, avec des réponses aussi courtes que possibles, sans concession à la rigueur scientifique. Enfin, rigueur... Le mot est mal choisi : j'aurais dû dire « justesse », « précisions », mais pas « rigueur », car la Gourmandise s'accomode mal de rigueur...



► Le deuxième livre, Révélations gastronomiques (Editions Belin), était une réponse (à ma manière) à la demande de « recettes ».
Sachant que j'ai le plus grand mépris pour des recettes données sous la forme de protocoles qui condamnent l'exécutant au rôle de machine, il s'agissait de donner des recettes... mais en explicitant le détail de chaque geste. Il y a donc des recettes, dans ce livre, mais des recettes qui font grandir, et, en réalité, le livre est plus une discussion à propos de recettes que de recettes proprement dites.





►  Le troisième livre, La casserole des enfants, aux Editions Belin, visait... les enfant que nous sommes tous, que nous le soyons vraiment ou que nous le soyons resté. J'avais en arrière-plan deux livres que je juge importants : le Tour de France par deux enfants, et les Aventures du Petit Nicolas. Le Tour de France par deux enfants est un ancien manuel de l'Education nationale, du temps où les instituteurs étaient des hussards noirs de la République, du temps où l'Alsace et la Lorraine venaient d'être prises par les Allemands, du temps où la Révolution industrielle faisait rage. L'histoire est celle de deux enfants, orphelins de mère, qui partent de Phalsbourg à la recherche de leur père, engagé dans l'armée française. Le lieu de départ est à la limite de l'Alsace et de la Lorraine, et, en faisant ainsi le Tour de France, à la recherche de leur père, les deux enfants, deux « bons petits gars courageux », découvrent de l'histoire naturelle, de la géographie, de l'histoire, de la science, de la technologie, de la technique... Chaque épisode est une occasion de découverte, et, n'était le racisme qui fait dire à l'auteur qu'il existerait des races humaines inférieures, l'ouvrage serait à mettre entre toutes les mains. Moral, mais quel bel outil pédagogique, dans le principe !
Pour les Aventures du Petit Nicolas, c'est un petit garçon qui raconte sa vie quotidienne, avec son langage, ses mots, ses idées. Amusant, cocasse...
Et la Casserole des enfants sa été voulue comme un mélange des deux : deux enfants sont laissés seuls le soir, pendant que leurs parents sortent, et ils doivent faire la cuisine. Leurs expériences les conduisent à faire des tas de découvertes... mais aussi à remettre en question des gestes classiques. Quel bonheur quand j'ai rencontré des enfants qui avaient « vécu », vibré avec mes deux héros ! Quel bonheur quand j'ai appris qu'un groupe de professionnels des métiers de bouche avaient acquis le livre, non pas pour leurs enfants, mais pour eux-mêmes. On le voit, la jubilation de la connaissance n'a pas d'âge.



► Puis est venu le Traité élémentaire de cuisine, aux éditions Belin, qui était la mise en livre d'une « théorie du goût » que je faisais circuler, en l'augmentant régulièrement, parmi mes amis cuisiniers ou gastronomes. Ce livre est arrivé au moment où j'ai contribué à réformer l'enseignement culinaire des lycées hôteliers, au moment où j'ai contribué à débarrasser cet enseignement de scories qui dataient d'un siècle environ, quand on avait commencé à rationnaliser la cuisine... en oubliant que, à cette fin, il fallait des explorations chimiques et physiques des phénomènes. Des « éducateurs » avaient progressivement ajouté des intuitions fausses, qui avaient fait école, et des notions fausses telles que la « concentration » ou l'  « expansion » des viandes étaient invoquées lors des examens. On confondait mousses et émulsions, on croyait à des idées introduites au hasard de l'empirisme culinaire. Le livre fut le livre de la réforme de l'enseignement culinaire, tout comme le Traité élémentaire de chimie, d'Antoine-Laurent de Lavoisier, avait été, à la fin du XVIIIe siècle, le livre de réforme de la chimie.



► Peu après, la revue Pour la Science me proposa de réunir sous la forme d'un livre les chroniques mensuelles que je rédigeais dans la revue : « Science et gastronomie ».
Le livre, intitulé Casseroles et éprouvettes (Editions Pour la Science), fut l'occasion d'une organisation, et, surtout, d'une bonne définition de la gastronomie moléculaire, la science qui cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors de la préparation et de la consommation des mets.


►  Un de mes livres est peu connu... parce qu'il est excessivement cher. J'espère qu'aucun de mes amis ne croira que j'ai voulu m'enrichir en faisant un tel livre ! Il s'agissait d'une proposition par un éditeur de livres d'art, Jane Otmezguine, qui avait voulu faire un « objet » : le livre avait l'apparence d'un très gros livre, tiré en nombre limité, pour des collectionneurs, et il contenait des objets et des lettres écrites à mon ami Pierre Gagnaire. Six lettres gourmandes : c'était d'ailleurs le titre.



►  Puis est venu mon livre préféré, La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique (Editions Odile Jacob) :
Le premier traité d'esthétique culinaire, à ma connaissance, dans l'histoire de la cuisine. Par « esthétique », on entend non pas l'apparence visuelle, mais le goût. En cuisine, le beau à manger, ce n'est pas le beau à voir, comme en peinture ou en sculpture, mais le bon !
Et comme un traité risquait d'être austère, je l'ai transformé en roman d'amour/policier, en l'agrémentant de « recettes » de Pierre Gagnaire. Je maintiens que ce livre, insuffisant d'un point de vue littéraire, un peu difficile (parce que l'esthétique est une branche de la philosophie), est un livre important, utile.



► Peu après, mon amie Marie-Odile Monchicourt m'interrogeais sur « ma vie, mon oeuvre »... mais peut-on imaginer que quelqu'un qui soutient que « le moi est haïssable » se laisse aller à raconter, page après page, de quelle couleur est sa brosse à dent, et autres poussières du monde ? Cette fois,  dans Construisons un repas (Edition Odile Jacob), je décidais de tout récrire, pour gommer cet aspect personnel sans intérêt, et, plutôt, pour poursuivre la discussion esthétique, mais de façon très simple, pratique. La cuisine, en effet, c'est une construction. Une construction des matières, une construction des mets, par assemblage de matières, et une construction/enchaînement des mets en repas.
Pour rester dans l'idée de Marie-Odile Monchicourt, je me suis efforcé de tout dire très simplement. Oui, ce livre, Construisons un repas, est une sorte de manifeste du « constructivisme culinaire », mais un manifeste à l'attention de tous.



► Pendant l'écriture des deux derniers livres, nous avions des rendez-vous reguliers avec mon ami Pierre Gagnaire, face à Jacques Merles, qui était équipé d'un magnétophone. Nous discutions, séance après séance, le merveilleux traité de cuisine de Nicolas de Bonnefons, cuisinier du roi Louis XIV, et ces discussions conduisirent au livre Alchimistes aux fourneaux (Edition Flammarion). Un « beau livre », un gros livre, avec d'extraordinaires photographies d'un photographe aussi « allumé » que Pierre Gagnaire ou que moi. Un livre où l'on trouve, de façon un peu baroque (une marque de fabrique H. This), le texte de Bonnefons, les commentaires de Pierre, mes observations, les photographies de Rip Hopkins.



►  Le mot « fourneaux », d'ailleurs, semble avoir été dans l'air, puisque la revue Pour la Science voulut publier de nouveaux textes de ma chronique Science et gastronomie, sous le titre De la science aux fourneaux :
Cette fois, le risque du tome 2 était grand ! Comment l'éviter ? Je décidais alors de construire un livre bien différent de Casseroles et éprouvettes, un livre qui doive tout à son organisation, et où les chroniques publiées dans la revue viendraient tenir leur partie dans une partition d'orchestre construite sans se fonder sur elles a priori.



► Un jeune éditeur, L'oeil Neuf,  avait alors publié un très beau livre, la Sagesse du bibliothécaire, et le succès de ce livre intelligent lui avait fait penser qu'une collection pouvait naître. Quelle belle idée que de rechercher à dégager la sagesse des métiers ! La sagesse du potier, du médecin, de l'archéologue... L'éditeur m'invita à préparer La Sagesse du chimiste. Et je me suis beaucoup amusé à écrire un tel livre. D'abord, parce que je n'ai en réalité aucune sagesse personnelle, mais, ensuite, parce que la chimie est une science si belle qu'elle méritait une sorte d'ode !
Ce qui est également merveilleux, c'est que, lors de l'écriture de ce livre, j'ai fini par comprendre que la chimie était aujourd'hui partagée -j'espère que cela ne durera pas- entre la science et la technologie. La science : lproduction de connaissance, recherche des mécanismes des phénomènes par la méthode « scientifique ». La technologie : amélioration des techniques par l'utilisation des résultats de la science.
Et puis, ce fut l'occasion de montrer qu'il n'y aura jamais de chimie en cuisine, que l'on ne mettra pas des « produits chimiques » dans les aliments, que nos sociétés souffrent d'une sorte d' « ilchemise », pendant chimique de l'illétrisme.



► D'ailleurs, ces idées, et bien d'autres, furent utiles pour la rédaction du Cours de gastronomie moléculaire N°1 : Science, technologie, technique (culinaires), quelles relations ?  (Editions Quae/Belin) :
Pour ce livre, il fallait faire bien davantage que ce qui avait été fait dans la Sagesse du chimiste. L'idée fut de présenter les quelque 150 inventions que j'avais offertes à mon ami Pierre Gagnaire, chaque mois depuis dix ans, sur son site, et d'expliquer comment, comprenant bien la différence entre science et technologie, on pouvait facilement faire autant d'inventions.
Notre monde bruit de « créativité », d' « innovation », maîtres mots de l'industrie, qui permettent à des gourous auto-proclamés de vendre des recettes, des formations... Je maintiens dans ce livre que tout est question de travail, de soin, et de méthode. Le livre est un manuel de technologie générale, tel que je rêve qu'il soit utilisé dans toutes les écoles d'ingénieurs, dans tous les instituts de technologie.



► Rapidement, est alors paru le Cours de gastronomie moléculaire N°2 : Les précisions culinaires (éditions Quae/Belin).
Je suis bien certain qu'aucun de mes amis ne me fera l'injure de penser que ce livre a été bâclé... parce que, en réalité, il réunit des précisions culinaires (dictons, adages, proverbes, tours de main...) réunis depuis le 16 mars 1980 ! Cela fait plus de 30 ans, donc, que je collectionne ces objets de culture, que je les teste, que je les discute, que j'y pense... Le Cours de gastronomie moléculaire que je donne annuellement à AgroParisTech a été une merveilleuse occasion de mettre de l'ordre dans tout cela, de chercher des méthodes pour explorer ce corpus unique dont je dispose, et que je voulais mettre à la disposition de tous. Pour autant, je ne me suis pas résolu à livrer des fleurs en vrac : j'ai voulu faire un bouquet !

On va finir par croire que je radote...

Oui, on va finir par croire que je radote, car la question de la comparaison resurgit souvent, trop souvent. Je réponds... mais en questionnant.

Tout est venu d'une question, arrivée par email   :


"Bonjour, je suis actuellement étudiant ingénieur à XXX. Je travaille sur un projet consistant à noter différentes recettes les unes par rapport aux autres.
N'ayant que peu d'experience dans ce domaine, je ne sais pas si des critères rudimentaires comme les quatre saveurs de base, la saveur umami, doux ou épicé,  peuvent suffire à élaborer une notation. Par notation je veux dire en fonction des goûts d'une personne en particulier.
Lors de mes recherches j'ai souvent vu apparaitre certains de vos ouvrages. Me recommanderiez vous un ouvrage en particulier pour orienter mes recherches?


Ma réponse n'étonnera pas ceux qui lisent parfois ce blog : 

Noter des recettes ? il faut d'abord un critère de notation. La théorie des quatre saveurs est complètement fausse, comme je l'explique dans plusieurs de mes livres, notamment Casseroles et éprouvettes ou De la science aux fourneaux.
Attention : le goût est multifactoriel, de sorte qu'il ne se mesure pas. Pire, il change avec l'état de satiété, en vertu du réflexion d'alliesthésie négative.
La recherche d'une notation semble bien difficile ! 

D'ailleurs, pourquoi noter des recettes les unes par rapport aux autres ? Prenons, par exemple, la choucroute. Elle n'existe pas, ou, plus justement, toutes les choucroutes particulières sont différentes. Alors laquelle noter ? Celle qui est trop salée, ou celle qui l'est moins? Celle qui est un peu acide, ou celle qui est plus douce ?

Bref, il vaut sans doute mieux s'intéresser à la question en amont de la demande qui était faite : pourquoi noter ?

Ah, j'allais oublier : il y a des jours où je préfère Bach, et d'autres où je préfère Mozart. 
Enfin, les goûts sont parfois intransitifs... ce qui rend les notations bien difficiles ;-)