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jeudi 22 août 2024

Le 6 septembre : la finale du 12e concours de cuisine note à note

 
Le vendredi 6 septembre matin, nous aurons la finale du concours de cuisine note à note. Nous en sommes au 12e concours, et 30 à 40 concurrents ont soumis des recettes sur le thème de l'énergie. 

Nos concurrents sont de tous les pays. Ce sont souvent des étudiants du Master International Food Innovation and Product Design, mais pas seulement. 

Il est amusant d'observer que leurs propositions sont soit des recettes qui ont été faites avec un minimum d'énergie, soit des recettes qui ont été faites avec des systèmes à bon rendement énergétique, tel que le four à micro-ondes, soit des recettes métaphoriques, c'est-à-dire qui représentent le soleil, l'énergie nucléaire, la durabilité, et cetera. 

Pour ce concours, nous avons un jury de chefs prestigieux tel que Jean-Pierre Lepelletier, Pierre Dominique Céciillon ou Patrick Terrien, de l'Association  Toque blanche internationale,  ou encore Philippe Clergue et Éric Briffard de l'Institut Cordon bleu. . Nous avons aussi des soutiens tels que la société Louis-François, la revue Pour la science, ou  KitchenLab, qui, aujourd'hui, vend des composés odorants très originaux.
 

C'est la 12e édition de ce concours de cuisine de synthèse, ou cuisine note à note... mais quelle est la différence entre ces deux terminologies ? La première désigne la technique, et la seconde  le style artistique.
Cuisine de synthèse désigne le type de technique, à savoir confectionner des plats à partir de composés aussi purs que possible : eau, sucres lents ou rapides, protéines, lipides, et cetera.
Avec cela on peut faire mille choses,  mais on voit bien apparaître un nouveau style et c'est ce style qui maintenant prend le nom de cuisine note à note. En anglais, cela devient synthetic cooking, pour la technique,  et note by note cuisine pour le style.

Rendez vous le 6, en présentiel ou en visio !

vendredi 24 mai 2024

"Produits végétaux" et cuisine de synthèse

 Je reçois le message suivant : 


Bonjour monsieur This,

Cela fait longtemps que je ne vous avais pas contacté avec mes questions naïve. J’espère que vous accepter toujours de répondre aux questions d’amateurs de cuisine, de chimie et de vos travaux.

Ma femme m’a “converti” ces derniers temps aux produits de substitution a la viande tels que steaks hachés végétaux, bacon ou saucisses végétales…
Je mange toujours de la viande (plus rarement mais aussi de meilleure qualité) mais j’ai adapté certaines recettes pour intégrer ces nouveaux aliments et parfois je trouve qu’on arrive à des résultats plaisants (je ne dis pas “meilleurs” hein).

Je ne peux pas m’empêcher de voir dans ses produits une route vers votre cuisine note à note mais je me demande ce que vous en pensez ? Acceptez-vous la filiation? Ou les objectifs vous semblent trop éloignés des votres ?
Je pense parfois avec envie à l’éventualité d’un projet dans lequel vous participeriez…
 
 
 Et ma réponse est la suivante. 

1. Répondre à des questions ? Bien volontiers, car je sais qu'elles sont souvent partagées, et que si je peux apporter des réponses, je me rends utile. 

2. "steaks hachés ou bacon végétaux" : attention, l'usage des mots de la viande pour des reproductions végétales est maintenant interdit par décret, et cela me semble parfaitement bien, car il faut de la loyauté dans les transactions à propos des produits alimentaires (notamment). Un steak, c'est un steak. Mais une galette végétale, ce n'est pas un steak. Et une expression comme "steak végétal" est aussi incongrue que "carré rond". 

3. les produits végétaux seraient-ils apparentés à la cuisine note à note ? Pour répondre, il faut reprendre la définition de la cuisine note à note, version artistique de la "cuisine de synthèse" : cuisiner avec des ingrédients qui sont des composés. 
Or souvent, les fabricants de produits végétaux ne font rien d'autre que de la cuisine, avec des produits végétaux. Certains s'approchent de la cuisine de synthèse, mais pas tous. Bref, c'est du cas par cas. 
Des exemples ? Imaginons que l'on parte de féverole, que l'on sépare l'amidon et les protéines, avant d'obtenir un résidu végétal (majoritairement des fibres) ; on peut effectivement composer une sorte de galette que l'on cuira comme un steak. Dans un tel cas, l'amidon est fait de seulement deux sortes de composés, à savoir des molécules d'amylose et des molécules d'amylopectine, tandis que les protéines sont... des protéines (de plusieurs sortes) ; pour les fibres, il y a des celluloses, des hémicelluloses, des pectines. Bref, ce n'est pas "purement" note à note, mais on n'en est pas loin.

4. un "projet" auquel je participerais ? Je participe à mille travaux (plutôt que projets) ;-). Mais je suppose que mon interlocuteur pense à un projet de construction d'aliments dont les ingrédients sont des produits végétaux... ce que j'ai fait souvent, bien que ma mission soit la recherche scientifique, bien plus utile à la collectivité que l'application, que d'autres peuvent faire.

mercredi 20 septembre 2023

Classique et moderne : marions les

 
Le saucisson brioché, un plat difficile à préparer ? Pas du tout, mais il est vrai qu'il vaut mieux avoir des idées saines sur la fermentation. 

Dans la recette, il y a d'abord la question du saucisson qu'il vaut mieux avoir dégraissé : rien de pire que ces saucissons briochés au gras vulgaire suintant. On aura donc mis le saucisson, quelle que soit son origine (saucisse de Lyon, saucisse de Morteau, saucisse fumée alsacienne, boudin blanc, boudin noir....) dans de l'eau frémissante, et, après avoir piqué la pièce, on l'aura cuite afin que le gras s'élimine partiellement dans la casserole. Pour un saucisson lyonnais, on compte 30 à 50 minutes à l'eau frémissante, par exemple. 

Après cuisson, la peau aura été éliminée délicatement, et le morceau aura refroidi. 

Parallèlement, on aura préparé une pâte fermentée, que l'on aura obtenue en mêlant de la farine, du beurre, des œufs, un peu de lait, du sel, de la levure. La levure, ce sera évidemment de levure, et non pas de la poudre levante : un groupe de petits organismes vivants et non pas un mélange de réactifs qui forment un gaz lors de la cuisson.
Cette levure aura été d'abord placée au contact d'eau tiède (ou du lait), et l'on aura attendu la formation d'une légère écume, preuve que les cellules ont commencé à se réveiller et à former du dioxyde de carbone.
Puis elle aura été ajoutée à l'appareil, et l'on aura attendu quelques heures, que la pâte « pousse ». 

Une fois levée, on la met dans le moule de cuisson, on pose délicatement la saucisse dessus, on couvre, et l'on fait pousser une seconde fois. 

Puis on cuit, pendant 50 minutes à 180 °C. 

 

Difficile ? Certainement pas ! 

Mais, j'y pense : il faut une sauce ! Je vous propose donc une sauce « wöhler », que l'on obtient en chauffant un verre d'eau, trois cuillerées de glucose, un quart de cuillerée de polyphénols de syrah, un peu d'acide tartrique, sel, pipérine, six feuilles de gélatine et un verre d'huile, émulsionnée à gros bouillons. Si vous disposez, de surcroît, d'un peu de 1-octène-3-ol, ce sera le bonheur... du mariage de la cuisine la plus traditionnelle et de la cuisine la plus moderne : la cuisine note à note !

lundi 11 septembre 2023

Changement de nom pour la cuisine note à note

 

En 1994, quand j'ai eu l'idée de la cuisine de synthèse, je m'étais dit que j'étais fou. Et j'en ai eu confirmation quand a été publié l'article où je présentais cela, internationalement, dans l'ensemble des éditions de la revue Scientific American.
Puis, en 1999, voyant les craintes du public face au possible Bug de l'An 2000, j'ai cessé de présenter cette idée, jusqu'en 2006, quand je me suis dit que ce n'était pas au public de décider ce qui est juste. Mais, pour ne pas brusquer, j'ai surnommé cela "cuisine note à note", avec une référence artistique à la musique.
Et c'est sous ce nom qu'a été publié mon livre où je présente la cuisine de synthèse, sous ce nom que Pierre Gagnaire a servi (à Hong Kong) un plat que je l'avais aidé à composer, sous ce nom que cette cuisine s'est développée depuis.

Les mentalités ayant changé, on peut avancer, aujourd'hui.

Et c'est ainsi que je vois maintenant la distinction :

- par "cuisine de synthèse", on désigne cette technique qui consiste à produire des plats à partir d'ingrédients qui ne sont plus les ingrédients classiques (fruits, légumes, viandes, poissons, etc.) mais plutôt des composés : eau, cellulose, pectines, sucres, protéines, lipides, etc.)
- par "cuisine note à note", on désigne le courant artistique qui consiste à utiliser cette technique.

jeudi 7 septembre 2023

Cuisine de synthèse ("note à note"à contre cuisine traditionnelle : qui gagne ?

Samedi, à des amis qui venaient dîner, j'ai servi (notamment) deux plats qui contenaient les sauces d'apparence voisine : dans les deux cas, une couleur sombre, d'un rouge puissant, tirant fortement vers le violet... 

La première était une sauce wöhler, une sauce de cuisine note à note obtenue par mélange d 'eau, de glucose, de polyphénols de syrah, d'acide tartrique, de sel, de gélatine le tout émulsionné avec de l'huile neutre ; un arômatisant artificiel était ajouté en fin cuisson. Cette sauce était servie avec quelques crevettes rapidement revenues et des lamelles d'oignon cru. 

La deuxième sauce était faite d'un roux léger, cuit dans les règles de l'art, auquel j'avais additionné un fond de volaille et une bouteille de vin (cépage syrah) ; après une cuisson d'une journée, la sauce avait été dépouillée et montée au beurre. Le jugement fut sans appel : tous les convives ont préféré la sauce note à note ! 

 

J'enregistre, je me réjouis, mais je dois quand même avouer que la comparaison n'était pas fair play : en effet, dans la sauce note à note, j'avais ajouté des arômes artificiels de truffe. Artificiels, certes, mais si bien faits que des cuisiniers professionnels s'y trompent. D'autre part, il y avait la question de l'ordre de présentation des deux sauces, et la première était si puissante que la deuxième a dû en souffrir. Il y avait aussi le plat que les sauces accompagnait : des crevettes et des oignons frais dans le premier cas, un boudin blanc brioché dans le second. 

La comparaison était donc injuste... à cela près qu'il est facile de dire la chose a posteriori, car je peux témoigner que, avant l'essai, sans avoir goûté les deux sauces, je craignais vivement que la seconde sauce ne soit préférée à la première. Finalement, il reste les faits: tous les convives ont préféré la sauce note à note, qui m'a pris quelques dizaines de secondes à préparer.

jeudi 24 août 2023

Les questions qui fâchent, courageusement !


Je préfère souvent poser des questions épineuses, parce que c'est le moyen d'être vraiment honnête, et de ne pas céder à cette mauvaise foi qui contribue à notre humanité. 

En matière de cuisine note à note, la tentation est forte de nous réfugier dans un traditionnel confortable, routinier, acquis dès l'enfance, rassurant. Mais je veux ici poser la question de fond : 

A-t-on vraiment besoin de la cuisine note à note ?

 

 Il est essentiel que, proposant cette cuisine, je ne cherche pas à me convaincre moi-même que la cuisine note à note est importante et que, au contraire, j'examine publiquement les faits. 

Les faits sont notamment ces dix milliards d'êtres humains en 2050, cette crise de l'eau et cette crise de l'eau qui sont annoncés. Devons-nous y croire ? Il faut examiner la question, mais le fait que ces prévisions soient faites par des organismes indépendants doit nous inciter à un peu de confiance. D'ailleurs, soyons honnêtes : ce ne sont pas dix milliards d'être humains sur la Terre, qui sont annoncés, mais, plus justement, entre 8 et 11 milliards. Oui, j'ai arrondi. 

C'est un autre fait que l'Union européenne a annoncé dans ses programmes de recherche, lancés en avril 2014, un appel d'offre sur le remplacement des protéines animales par des protéines végétales. L'Union européenne ne lancerait pas des appels d'offres, avec des millions d'euros à la clef, pour des travaux inutiles ! 

C'est un fait, encore, que l'économiste Pierre Combris, de l'INRA à Vitry, a modélisé que les protéines animales ne seront pas à suffisance pour l'humanité, et que ce remplacement des protéines animales par des protéines végétale s'impose rapidement. Or si l'on dispose de protéines végétales, il faudra les cuisiner, et l'emploi de protéines végétales ne se fera que par l'ajout à des végétaux classiques à ou à des fractions de ces derniers. Dans le premier cas, on n'a pas une cuisine note à note véritable, mais, dans le second cas, nous y sommes en plein. 

Une référence ? La voici : http://www.academie-agriculture.fr/seances/la-cuisine-note-note-questions-nutritionnelles-toxicologiques-economiques-politiques

 

Si l'on met de côté, pour quelques années, ces questions qui s'imposeront un jour, la cuisine note à note présente-t-elle un intérêt ? 

Sur le marché de l'art (car il faut admettre, d'une part, qu'il y a art culinaire, et, d'autre part, qu'il y a un marché, les « chefs artistes » ne pouvant exercer leur art que s'ils ont une clientèle), des nouveautés sont nécessaires. Pour certains, il s'agit de la nouveauté pour la nouveauté, tant il est vrai que la nouveauté capte l'être humain : c'est ainsi que les journaux, les radios, les télévisions, une partie d'internet, vendent leurs nouvelles d'autant mieux qu'elles sont plus fraîches. De ce point de vue, la cuisine note à note s'impose absolument, puisque c'est la seule nouveauté technique des dernières années (je parle de vraie nouveauté, pas de détail nouveau). 

D'autres artistes culinaires cherchent à partager des émotions, plus sincèrement, et, à cette fin, ne comptent que les moyens techniques qui permettront d'exprimer ces émotions. Il y a là des questions de mode, de tendance, d'air du temps... 

La cuisine note à note étant dans l'air du temps, elle est sans doute un atout pour ces cuisiniers. Pas complètement essentielle, mais certainement dans le champ des nouveaux possibles. Puis il y a la question technique. Et là, la cuisine note à note a des atouts : n'avons nous pas fait un soufflé d'une belle couleur en moins de deux minutes, avec les « Etoilés d'Alsace », à la fin du mois de février 2014 ? La sauce wöhler, que Pierre Gagnaire sert notamment avec du homard rôti, n'est-elle pas d'une simplicité technique extrême, d'une rapidité d'exécution parfaite, à défaut d'être d'une facilité artistique totale, puisque tout est dans le dosage des ingrédients ?
Pour la recette, voir http://www.pierre-gagnaire.com/fr#/pg/pierre_et_herve/travaux_precedents/50 

Là, il faut s'arrêter un peu : avec la cuisine note à note, on peut effectivement préparer des mets en quelques secondes, mais c'est également le cas quand on grille un steak. On peut aussi y passer des heures, tout comme en cuisine classique. Ce n'est donc pas la rapidité d'exécution qui impose la cuisine note à note ; il faut le dire. 

Inversement, et j'en arrive au sujet du jour, il y a la question de la précision technique du goût, qui est, cette fois, essentielle pour l'art culinaire. Imaginons que l'on veuille donner un peu de violence à un plat, car nous savons tous bien qu'il en faut : un peu de piquant, un peu d'amertume, d'astringence, d'acidité... Classiquement, pour le piquant, le cuisinier a la ressource des poivres, des piments et de quelques autres ingrédients (wasabi, roquette, cresson...). Toutefois l'usage d'un poivre apporte non seulement le piquant désiré, mais aussi des goûts, des odeurs, des saveurs. C'est comme si un chef d'orchestre, voulant faire entendre un sol n’avait d'autre ressource que d'utiliser une trompette, avec son timbre très particulier. Dans nombre de circonstances, la trompette est hors sujet, même bien jouée, car c'est la hauteur du son qui importe et non l'instrument. De même, l'artiste culinaire peut avoir besoin d'un piquant, et d'un piquant très particulier, qui est celui du poivre, et il ne veut pas de l'odeur et du goût du poivre. 

Alors la solution s'impose évidemment : la cuisine note à note a l'avantage de proposer l'usage de la pipérine, qui est le piquant du poivre sans l'odeur, sans la saveur, sans l'astringence, sans l'amertume du poivre. C'est un avantage car les cuisiniers ont bien observé que le poivre mis plus de huit minutes dans une préparation chaude donne de l'amertume et de l'astringence déplacés. La pipérine, elle, ne produit pas ces sensations, car ces dernières sont données par les composés phénoliques, qui accompagnent la pipérine dans le poivre, et sont absents quand on utilise de la pipérine pure. 

Au fait, la pipérine ? C'est un composé présent dans les poivres, et c'est même le principal composé piquant des poivres. Comment cette pipérine se retrouve-telle finalement dans des bocaux à l'usage des cuisiniers ? Le plus simple est de l'isoler à partir de matière végétale, notamment à partir des grains de poivre. Alors la préparer ? Ne suffisait -il pas d'utiliser du poivre ? On a déjà répondu à la question, mais ajoutons que le poivre fraîchement préparé renferme des composés qu'il n'a plus quand il est stocké longtemps. Or le poivre ne se produit pas à Paris, comme le croient les petits marquis nés la cuiller en argent dans la bouche, mais dans des pays lointain, de sorte que la préparation de la pipérine à partir du poivre, dans ces pays, conduira à une meilleure valorisation de la production végétale de ces pays. C'est un peu comme avec les haricots verts et les petits pois appertisés : si la transformation est bien faite, leur contenu en chlorophylles, par exemple, est souvent bien supérieur à celui de ces légumes, bio ou pas, qui traînent sur les étals parisiens, après un long voyage. Pour insister encore un peu, on dira qu'il est bien dommage de payer cher du poivre qui aurait perdu ses qualités, piquantes notamment, parce que ces propriétés ont été perdues pendant les stockages et transport. Ajoutons que l'on pourrait aussi synthétiser chimiquement de la pipérine, c'est-à-dire partir de composés élémentaires, et produire des molécules de pipérine, en réorganisant les atomes des réactifs. Est-ce gênant ? La pipérine produit des deux façons, à partir du poivre ou par synthèse, est toujours la pipérine. Cela signifie que toutes les molécules du produit sont identiques, sont toutes des molécules faites des mêmes atomes, organisés de la même façon, avec exactement les mêmes propriétés sensorielles. Personnellement, je ne verrais donc aucun intérêt à ce que l'on me dise que la pipérine soit de synthèse ou d'extraction, puisqu'il s'agit de la même matière. La seule différence pourrait résider dans les « impuretés » qui accompagneraient les molécules de pipérine de mon flacon. Et, là, il n'est pas dit que la pipérine végétale soit supérieure à la pipérine de synthèse, car l'extraction aurait sans doute laissé, avec les molécules de pipérine, des molécules de biens d'autres composés d'origine végétale. 

Qui sait si ces composés ne seraient pas toxiques ? Qui sait si ces composés ne seraient pas des perturbateurs endocriniens naturels ? Là, j'admets que je souris : il y a des mots si souvent utilisé par les marchands de peur qu'il est vraiment trop facile de les employer dans une argumentation. D’ailleurs pour continuer à être parfaitement honnête, il faut dire que la synthèse aussi apporte des composés qu'il faudra séparer. Il y a donc match nul, et c'est le soin de la préparation de la pipérine qui déterminera la qualité de cette dernière. Il faut dire que la pureté absolue n'existe pas dans le monde moléculaire, et nos outils d’analyse modernes permettent de trouver des perturbateurs endocriniens dans n’importe quelle matière, et cela fait le beau jeu des marchands de peur. Mais cela ne fait pas le véritable risque. 

L'utilisation de pipérine est-elle politiquement critiquable ? Voilà la vraie question, celle qui motive bien des combats publics d'aujourd'hui, des petits commerces contre les grandes surfaces, des artisans contre les grosses sociétés. Pardonnez-moi d'être insuffisant, de ce point de vue, mais, s'il vous plaît, ne laissez pas des individus encore plus insuffisant que moi prendre la parole avec trop de prétention. Il faut réfléchir, d'abord, envisager des conséquences multiples, imbriquées : « Ces choses là sont rudes... ». 

Enfin, ajoutons que la pipérine n'est pas le seul composé piquant des poivres, mais c'est le composé principal, de même que le do est le principal son de l'accord de do majeur, fait de do, mi, sol ; la pipérine est le principal composé piquant du poivre, de même que la vanilline est le composé principal de la vanille, sans être le seul. Ai-je été assez honnête ?

mardi 22 août 2023

Acclimatons les composés : l'acide citrique.


L'acide citrique, de quoi s'agit-il ? 

Citrique, citron :  il y a la même racine, et l'on pressent une parenté. Mais la terminologie est insuffisante pour répondre à la question "qu'est-ce que l'acide citrique ?".  

Partons donc de citron, puisque la piste étymologique est juste, ici. Pressons un citron, et  récupérons  le jus : c'est une solution légèrement jaune, et  acide, citronnée.
Si nous évaporons ce jus, c'est de l'eau qui s'échappe, comme on peut s'en apercevoir en mettant  un verre froid  dans la fumée qui s'élève :  la vapeur  qui se condense sur le verre n'a ni odeur saveur ; c'est de l'eau. Au fond du récipient, il reste finalement un solide cristallisé. C'est un mélange, bien sûr, car il est rare que les produits naturels soient complètement purs. Toutefois, la majorité de ce produit est de l'acide citrique (environ 6 grammes d'acide citrique pour 100 grammes de jus de citron), et l'on pourrait poursuivre la purification pour obtenir de l'acide citrique pur.
On aura alors des cristaux blancs, blancs comme du sel, ou du sucre par exemple. Des cristaux qui n'ont pas odeur, mais qui ont une forte acidité, une forte saveur acide. Mieux, cette acidité est  citronnée,  contrairement à celle de l'acide acétique, par exemple, celle du vinaigre. 

C'est cela, l'acide citrique, utilisé notamment par les industriels dans les bonbons au citron, et aussi par quelques pâtissiers. Le citron ne se réduit pas l'acide citrique, mais l'acide citrique est une composante importante du jus de citron. Utilisons en cuisine (note à note) de l'acide citrique (je vous recommande un sorbet fait d'eau, d'acide citrique, une pincée de sel, du glucose et du saccharose : vous m'en direz des nouvelles).

samedi 19 août 2023

On me demande un plat note à note...

Ce matin, deux jeunes filles m'écrivent : 

 

Bonjour monsieur, Nous sommes élèves en classe de seconde, et nous avons choisi de faire un dossier de sciences et laboratoire sur le thème des transformations culinaires avec la cuisine note à note. Nous avons acheté votre livre, et aimerions avoir quelques informations supplémentaires. Pouvez vous nous aider en nous expliquant : le travail des molécules, et comment est-ce possible de faire s'assembler des molécules et ensuite consommer des produits chimiques; de plus pouvez vous nous donner une recette de cuisine simple a faire devant nos camarades en laboratoire afin de leur expliquer cette formation d'aliments. Nous vous remercions, en espérant une réponse qui pourrait fortement nous avancer dans notre projet. Cordialement.

 

Ma réponse : 

 

Bonjour 

1. Je ne comprends pas bien ce que vous voulez dire par "le travail des molécules". 

2. Pour "comment assembler des molécules, là encore j'ai un doute : quand vous faites cristalliser du sel, vous provoquez bien l'assemblage des ions sodium et chlorure, non ? Et quand vous faites une émulsion, en fouettant de l'huile dans de l'eau, à l'aide de gélatine comme tensioactif, vous faites bien une organisation moléculaire. 

3. Consommer des produits chimiques ? J'ai bien peur qu'il y ait une confusion, entre molécules, composés, produits, produits chimiques. Supposons que les "produits chimiques" soient des produits synthétisés. La cuisine note à note ne se fonde pas sur de tels produits (elle peut les utiliser sans difficulté du moment qu'ils sont sains), mais sur l'usage de "composés purs". Le saccharose, l'amylose, l'amylopectine, etc. 

4. Pour une recette, il y en a plein en fin de livre, mais vous pourriez faire la suivante : 

- prendre 20 g d'eau

- ajouter 5 g de protéines d'oeuf (principalement de l'ovalbumine)

- émulsionner 200 g d'huile (triglycérides)

- ajouter 50 g de sucre (saccharose)

- ajouter une pincée de sel

- ajouter colorant (si possible de synthèse ;-) )

- ajouter une goutte d'arôme amande (supermarché : c'est du benzaldéhyde en solution)

- cuire  au four à micro-ondes jusqu'à gonflement bien net (pas plus)

- démouler, servir.

 

Ce plat se nomme un "dirac"
Bon appétit 




vendredi 23 juin 2023

Savoir lire, c'est savoir relire

J'ai (re)lu pour vous le petit  livre consacré à l'art contemporain d'Anne Gauquelin 

Pardon pour le paradoxe : alors que je propose de relire un livre, j'ai en tête cette phrase  « Savoir lire, c'est savoir relire »... mais je ne sais plus où, récemment encore, je l'ai... relue... 

Peu importe, parce que la vérité est en question en sciences quantitative (observez que je me suis bien gardé de dire que la vérité était l'objectif!), et parce que d'un tel concept platonicien, on passe vite à celui du beau, je relis machinalement le petit traité d'art contemporain d'Anne Gauquelin. 

L'auteur tourne autour de la phrase  « ce n'est pas de l'art »  que certains profèrent devant les tableaux dont ils ne comprennent pas le sens, en entendant des musiques dont ils ne saisissent pas la structure, le phrasé... 

Vous me voyez venir, avec ma cuisine note à note ? Je ne veux pas  paraphraser ici le livre, et je me contenterai de rappeler qu'il y eut une bataille entre les Anciens et les  Modernes à propos d'une oeuvre aujourd'hui classique intitulée Hernani

A la fin de la guerre, de même, ceux qui entendaient du jazz disaient « Ce n'est pas de la musique ». Plus tard, ceux qui étaient nés avec le jazz et l'aimaient beaucoup disaient à propos du rock « ce n'est pas de la musique ». 

Une fois que l'on a bien repéré ce processus, il devient facile de l'identifier et de s'apercevoir que, bien souvent, le « c'est beau » ou le « c'est bon » ne signifient rien d'autre que « j'aime ». Un individu particulier aime, ou n'aime pas ? On s'en moque : une appréciation personnelle, un jugement de valeur n'a aucune portée générale... en général;-). 

Récemment, lors d'une présentation de plats de cuisine note à note, des amis, pourtant gastronomes éclairés, ont ainsi jugé certains plats en les critiquant, mais le fait qu'ils ne les aient pas aimés n'a aucun intérêt. De toute façon, dans un demi siècle, leurs réticences auront été balayées... par leur mort ! Qui d'entre eux aura laissé une trace sur la terre ? En quoi leur opinion personnelle aura-t-elle été importante, pour l'histoire de l'humanité ? De ce fait, je ne suis pas prêt à entendre des « c'est bon », lors de nos tentatives qui, elles, sont vraiment historiques, et s'impose alors une réflexion approfondie sur la qualité d'une oeuvre culinaire. Il n'est guère utile d'être complètement ignorant, et l'on serait bien avisé de savoir que cette question a été largement discutée par des artistes, plasticiens, peintres, musiciens... 

 

Pour en finir, la cuisine note à note est un mouvement de l'art culinaire qui suscite donc des « ce n'est pas de l'art ». Balayons-les aussitôt, et cherchons immédiatement à dépasser les jugements à l'emporte-pièce, pour appliquer des critères d'évaluation plus intéressants.

mercredi 7 juin 2023

Parlons le plus souvent de beaux ingrédients, plutôt que de beaux produits

Les ingrédients culinaires sans goût sont-ils utiles ? 

 

Cette question se rapproche de celle dont nous avions fait un débat public, et qui s'intitulait "Qu'est-ce qu'un beau produit?". 

Mais nous sommes au 21e siècle, alors que la cuisine note à note se développe, après une cuisine plus classique et s'impose alors de reprendre ces deux questions dans ce double cadre, et non pas seulement dans le cadre classique. 

Pour le cadre classique, notre débat nous avait fait conclure que des ingrédients sont jugés "beaux" quand ils sont appropriés au travail culinaire : des pommes de terre ou des lentilles qui se défont à la cuisson ne font pas de bonnes salades, mais, inversement, cette caractéristique est un atout quand on fait des purées ; ou encore, des viandes à braiser font de bons braisés, mais de mauvaises grillades, et vice versa. 

Tout cela étant posé, il reste que telle grosse crevette, avec une consistance inimitable, est "belle", que telle moule charnue de Galicie a des vertus que de petites moules maigres n'ont pas, que tel basilic au goût original sera mieux qu'un basilic sans goût, que telle viande bien rassise aura une consistance merveilleuse, que telle crème des Vosges qui monte en une dizaine de secondes, avec un goût de terroir, sera mieux qu'une crème pasteurisée au goût "cuit"... 

 

Bref, il y a effectivement de beaux produits, et ces produits sont aussi ceux qui ont du goût : on pense à des tomates qui, sans être parfaitement rondes, ont une chair qui ne laisse presque pas de place au liquide, avec un goût puissant. L'huile ? La farine ? Pourquoi supporter des ingrédients sans goût, puisque, finalement, il faudra que les mets aient du goût. Bien sûr, on peut imaginer de monter une émulsion à partir d'un blanc d'oeuf insipide et d'une huile également insipide, pour ensuite donner le goût que l'on veut à l'émulsion produite... mais souvent, le goût des ingrédients s'impose, quitte à devoir le conjuguer avec art. 

 

Pour la cuisine note à note, la question est bien différente, puisque le goût est entièrement construit : on part d'une forme, d'une consistance, on ajoute de la couleur, mais vient ensuite la construction de la saveur, de l'odeur, des aspects trigéminaux (piquants, frais...). 

Il semble, cette fois, que chaque ingrédient soit ce qu'il est, sans qu'il y ait des qualités supérieures. Voire... Par exemple, le cis-hexénol, ce composé qui a une merveilleuse odeur d'huile d'olive vierge ou d'herbes fraîchement coupée, ne s'utilise qu'en dilution dans de l'huile. Cette huile peut rancir, avec le temps, et l'on aura des notes rances qui s'ajouteront à l'odeur voulue : un tel ingrédient ne serait pas beau. 

Autre exemple, pour des pectines, ou des gélatines, il y a des qualités différentes, et des gélifications également différentes, qui conduiront à des consistances plus ou moins réussies. Par exemple, pour la gélatine : cette matière est produite à partir du traitement par de l'eau acidifiée ou basicifiée de tissus animaux ; selon le traitement thermique appliqué, on aura des molécules plus ou moins longues, qui imposeront des doses différentes du gélifiant. Sans compter que les molécules ont des caractéristiques variables, qui leur permettront de faire gélifier des liquides plus ou moins acides. Idem pour les pectines, qui, elles, sont extraites de tissus végétaux. 

 

Bref, oui, il y a des ingrédients mieux que d'autres !

dimanche 21 mai 2023

Dans la série des questions que pose la cuisine note à note, il y a celles qui sont relatives à l'odeur des aliments.

Jusqu'à présent, les composés odorants étaient dans les ingrédients de base, et l'on opérait évidemment quelques transformations, mais, comme pour la couleur dont je parle ailleurs, il avait surtout trois options : soit on conserve les composés odorants présents, soit on en crée de nouveaux, soit on en ajoute. 

 

Par exemple, la troisième façon correspond à l'utilisation des épices et des condiments. Le couvercle est une manière d'obtenir que les composés odorants demeurent dans les aliments. Pour la production de composés odorants, il y a la cuisson, notamment, ou les fermentations. 

 

La cuisson, elle, est très mal maîtrisée, et la chimie qui se fait reste très mal connue. On se débarrasse du problème en parlant de caramélisation, de réactions de Maillard, mais, au fond, le milieu est si complexe que l'on ignore complètement ce que l'on fait, sauf par une habitude des résultats. D'ailleurs, une habitude très approximative, car les ingrédients changent, les conditions de cuisson sont très mal maîtrisées, de sorte que l'on est bien en peine de savoir ce qu'il adviendra de l'odeur de l'aliment cuit. Les amis poètes me feront observer que c'est très bien ainsi, et je n'en disconviens pas, mais j'observe quand même les faits. Le « c'est très bien ainsi » est une manifestation de mauvaise foi, une manière de se justifier, au fond, si l'on est honnête intellectuellement ; une manière de vivre, d'encaisser les coups que le monde nous porte... 

 

Revenons à la question de mettre des composés odorants dans un plat de cuisine note à note. C'est très simple : il suffit de les mettre ! Comment ? C'est ce que l'industrie alimentaire, alliée à l'industrie des préparations odoriférantes (nommée fautivement industrie des arômes : un arôme, c'est l'odeur d'une plante aromatique, un point c'est tout !) a bien appris à faire. 

"Bien appris" ? Disons seulement "appris", avec toutes les limitations que l'industrie rencontre aujourd'hui. Il ne s'agit pas ici de dénoncer l'industrie alimentaire, car celle-ci est confrontée à des problèmes redoutables, tel le stockage des produits avant l'achat. La préservation des caractéristiques d'un aliment sur une longue durée est d'une difficulté considérable, et l'on doit aussi reconnaître honnêtement que l'industrie alimentaire doit non seulement donner l'odeur aux aliments, mais donner une odeur durable, ce qui conduit à des méthodes très particulières, qui ne sont pas celles de la cuisine.

 

Revenons donc encore à la cuisine note à note : en pratique, puisque l'on n'a pas ces problèmes de conservation en vue, il suffit d'ajouter à un aliment que l'on construit les composés odorants que l'on choisit. Cela semble simple, mais... mais on ne va quand même pas se fatiguer à faire des mélanges de  composés odorants afin de reproduire des odeurs connues ! Sans quoi l'utilisation d'extraits, d'oléorésines, de concrètes, d'absolues, de résinoïdes … répond entièrement à la question. 

Non, avec la cuisine note à note de nouvelles questions se posent. Par exemple la suivante, élémentaire mais non résolue : imaginons que, dans un aliment, nous mettions à la fois de l'octénol, composé à odeur de sous bois ou de champignon, et du citral, odeur de peau d'agrumes. Qu'obtiendrait-on ? Ce mélange ne se rencontre pas, à ma connaissance, dans des ingrédients alimentaires connus, de sorte que je ne sais pas le résultat qui sera obtenu, quelles que soient les proportions des deux produits. Sentirons-nous le champignon ? Ou l'agrume, ou bien une troisième odeur apparaîtra-t-elle, comme quand on met une goutte de pastis dans un fond de tasse à café et qu'une odeur de réglisse survient, ou comme quand on ajoute de l'eau de fleur d'oranger à des fraises et qu'un goût de fraises des bois survient ? Décidément, la question est passionnante. Comment prévoir l'odeur d'un mélange de deux ou plusieurs composés odorants ?

samedi 20 mai 2023

Si vous voulez vous lancer dans la cuisine note à note (et je n'ai aucun intérêt financier)

 

Qui anime KITCHEN LAB ? Il s’agit de Pasquale Altomonte & Dao Nguyen.

Pasquale est chef-entrepreneur et artiste culinaire. Il a participé à plus de 40 concours (Bocuse d’Or, Trophée Passion, Cuisinier d’Or, Swiss Finger Food, etc.). Dao est docteure en sciences pharmaceutiques et passionnée de cuisine. Coachée par Pasquale, elle a participé à l’émission MasterChef en réalisant un plat 100% œuf. Ensemble, ils ont remporté le concours international de cuisine Note à Note en 2022.


Que propose KITCHEN LAB ?

Des formations intensives en sciences & cuisine pour permettre d’explorer et d’approfondir un large éventail de techniques scientifiques utilisées en cuisine, afin de créer des plats innovants et multisensoriels !

Des notes alimentaires pour créer des cocktails hors du commun, des plats extraordinaires et pour sublimer les mets. Quinze notes alimentaires sont disponibles : amande, lard, banane, riz basmati, concombre, fleur, herbe coupée, citron-cola, champignon, pêche, ananas, popcorn, pomme de terre, pluie, fumée.


Contact

Il suffit d’envoyer un courriel à kitchenNlaboratory@gmail.com


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Who is behind KITCHEN LAB? This is Pasquale & Dao.

Pasquale is a chef-entrepreneur and culinary artist. He has participated in more than 40 competitions (Bocuse d'Or, Trophée Passion, Cuisinier d'Or, Swiss Finger Food, etc.). Dao is a doctor in pharmaceutical sciences and passionate about cooking. Coached by Pasquale, she participated in the MasterChef show by making a 100% egg dish. Together, they won the international contest for Note by Note Cooking in 2022.


What does KITCHEN LAB offer?

Intensive training in science & cooking to explore and deepen a wide range of scientific techniques used in the kitchen, in order to create innovative and multi-sensory dishes!

Food notes to create extraordinary cocktails, extraordinary dishes and to sublimate dishes. Fifteen cooking notes are available: almond, bacon, banana, basmati rice, cucumber, flower, cut grass, lemon-cola, mushroom, peach, pineapple, popcorn, potato, rain, smoke.


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Just email kitchenNlaboratory@gmail.com

lundi 15 mai 2023

A propos de saveurs

 Aujourd'hui, il sera question de la saveur, pour la « cuisine note à note ». 

 

Une précision d'abord : la saveur est bien rarement perçue indépendamment du goût total, car les récepteurs des papilles sont souvent stimulés en même temps que les récepteurs olfactifs, notamment, puisque, lors de la mastication d'une bouchée, les molécules odorantes remontent par les fosses rétronasales, à l'arrière de la bouche, pendant que l'aliment est mastiqué, et que les composés sapides, libérés dans la salive, migrent lentement vers  leurs récepteurs des papilles. 

Un élément important, d'autre part  : cela fait maintenant des décennies que l'on sait parfaitement qu'il n'existe pas quatre saveurs, ni cinq (merci d'oublier ce fautif « umami », qui n'est pas une saveur élémentaire identifiée), ni six, mais sans doute une infinité, ce qui rend en la question de la construction des saveurs d'un aliment note à note  bien plus difficile, et donc bien plus intéressante. Cette fois, la question est ainsi posée : nous construisons un aliment note à note, et nous supposons pour commencer que l'ajout de composés sapides ne modifie pas la consistance qui était construite par ailleurs. 

 

La vraie question est la suivante : dans quel stock de composés allons nous choisir ? 

 

Bien sûr nous pouvons choisir parmi les sucres, les acides aminés, les sels minéraux, tous composés qui ont une saveur, mais puisque des composés qui n'appartiennent pas à cette catégorie sont également sapides, cela prouve que l'univers où nous choisissons doit être d'abord balisé, exploré. 

Par exemple, l'acide glycirrhizique, responsable d'une saveur particulière de la réglisse, n'est ni salé, ni sucré, ni acide ni amère... 

Alors ? D'un point de vue moléculaire, ce n'est pas un sucre, ce n'est pas un acides aminés,  ce n'est pas un sel minéral ; il appartient donc à une autre catégorie, mais laquelle ? 

On le voit, pour cette question des saveurs, non seulement le mélange de plusieurs composés sapides a une saveur que l'on ne sait pas prévoir, mais, de surcroît, on ne sait même pas, aujourd'hui, dans quel univers choisir les ingrédients que nous allons utiliser ! 

Il y a donc beaucoup à travailler. Ce qui est  merveilleux, de surcroît, c'est que les découvertes ne sont pas taries. Par exemple, on a récemment identifié une saveur du calcium, très spécifique. Et, un peu avant, on avait identifié une sensation due aux  acides gras à longue chaîne insaturée, dont on ne sait même pas si c'est une saveur ou une autre modalité sensorielle... La question des saveur de la cuisine note à note est  merveilleuse, totalement ouverte.

jeudi 4 mai 2023

Une question à propos du concours international de cuisine de synthèse ("note à note") :

Je reçois un email d'un cuisinier qui veut s'inscrire à l'International Contest for Note by Note Cooking, et je lui réponds en l'invitant à soumettre des recettes quand il sera prêt.

Et, évidemment, il m'interroge, car il est vrai que ma réponse était trop succincte :

Merci de votre réponse rapide. Avant de valider mon inscription, serait-il possible d'obtenir plus d'informations concernant le déroulé du concours, car je n'ai pu en obtenir que via un article sur le site des Nouvelles gastronomiques. J'ai vu que le concours aurait lieu en septembre, mais quel est le calendrier d'ici là ? En quoi consiste l'épreuve exactement ? (durée de l'épreuve, panier imposé ou non, pour combien de couverts, comment est composé le jury, certaines préparation comme des fermentations peuvent-elles être réalisées en avance, etc.) ?  Et qu'entendez vous par "recettes de cuisine de synthèse" celà n'était pas mentionné dans l'article que j'ai lu.

 

En réalité, j'aurais dû diriger notre ami vers  le site où les conditions de participations sont présentées :
- en anglais   : https://icmpg.hub.inrae.fr/international-activities-of-the-icmpg/note-by-note-cooking/note-by-note, et plus spécifiquement ici : https://icmpg.hub.inrae.fr/international-activities-of-the-icmpg/note-by-note-cooking/int-contests/cnan11
- en français : https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/cuisine-note-a-note, et encore plus précisément ici : https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/cuisine-note-a-note/cnan-11-fr


Mais tout cela peut appeler des commentaires plus développés, que voici.

Commençons par la cuisine de synthèse, que j'ai introduite en 1994 et que j'ai rapidement surnommée "cuisine note à note".
Comme pour la musique de synthèse, où l'on n'utilise ni violon, ni flûte, ni trompette et cetera, la cuisine de synthèse n'utilise ni carotte, ni oignons, ni viandes, ni poisson, et cetera.
En revanche, il s'agit d'utiliser les composés présents dans ces ingrédients alimentaires pour construire des plats.
Cela est notamment expliqué dans les pages du site du Centre international de gastronomie moléculaire, mais aussi dans de nombreuses pages internet et dans mon livre intitulé La cuisine note à note en 12 questions souriantes




À partir de composés, donc (eau, lipides, sucres, protéines, etc.), on construit la consistance, la couleur, la saveur, l'odeur, et cetera.
Pour le concours lui-même, il n'est pas obligatoire de faire des plats 100 % note à note, mais il faut quand même savoir que l'on est noté sur la proximité avec l'idée de cuisine de la note parfaitement pure, sans aucun ingrédient complexe.
Et je dois ajouter que les étudiants ont beaucoup progressé grâce notamment à nos enseignements  : ils sont aujourd'hui capables de faire des choses absolument remarquables comme on le verra par exemple en considérant les résultats du concours note à  note de l'année dernière, ou comme on le verra dans des masterclass que j'ai faites à l'Institut Cordon bleu :   https://www.youtube.com/watch?v=6zf666XE0Do
https://www.youtube.com/channel/UCbYp0JiKFB74NELb2d3KIYw


À propos du déroulé, c'est tout simple : il suffit de se mettre à chercher des recettes qui satisfont au thème de l'année, le gaspillage et les pertes. Je dois d'ailleurs ajouter que ce thème est un peu humoristique,  puisque, avec la cuisine de synthèse, il n'y a aucun gaspillage et aucune perte ! Il va donc falloir trouver une idée pour mettre en œuvre ce thème. Après, c'est tout simple :  on réalise la recette, on la photographie et on envoie ces documents à icmg@agroparistech.fr.
Il y a une présélection, fin août, et nous retenons des finalistes qui présentent leurs recettes lors de la finale. Il n'y a pas d'obligation de la réaliser lors de la finale, d'autant que certaines participants sont à l'autre bout du monde.  
Le jury est composé de personnalités qui sont soit des cuisiniers, soit des technologues, soit des scientifiques, soit des enseignants comme on le verra en regardant le jury de l'an passé.
L'épreuve donc consiste simplement en la présentation la recette, son explication avec un powerpoint ou un film. Cela dit, par le passé, certains cuisiniers ont exécuté la recette et l'on fait goûter au jury.
Pour le panier, il est libre et chacun se fournit là où il veut, des ingrédients qu'il veut, mais évidemment tout cela doit être spécifié dans la recette qui est proposée. Et de ce fait, il n'y a aucun problème à effectuer une fermentation par exemple.

Je reste à la disposition de tous les concurrents pour répondre à leurs questions : icmg@agroparistech.fr

samedi 22 avril 2023

Des questions, à propos de cuisine de synthèse

Des questions, il peut y en avoir de sciences ou de technologie. 

Aujourd'hui je propose que l'on s'interroge d'abord sur la nature des questions qui sont posées, sur le champ dont elles relèvent. 

 

Partons de de la  cuisine de synthèse, surnommée "cuisine note à note", cette cuisine qui, au lieu d'utiliser des fruits, des légumes, des viandes et des poissons, utilise des composés purs. 

Ce billet est une sorte d'introduction à toutes les questions que pose la cuisine note à note. 

 

Puisque les plats de cuisine note à note doivent avoir une consistance, une odeur, une saveur, une couleur, des piquants, des frais, etc., s'imposent une série de questions relatives à chacune de ces modalités. Comment construire les consistances ? Lesquelles viser ? Pourquoi ? Comment construire les  couleurs ? Lesquelles choisir ? Comment construire les saveurs ? Et là encore, lesquelles choisir et pourquoi ? Les piquants, et les frais... 

Supposons maintenant que cette cuisine note à note s'impose  quotidiennement, pour mille  raisons  primordiales, telle  une population croissante dans le monde, une crise de l'énergie, une crise de l'eau. Comment manger quotidiennement note à note. 

Oui, la nutrition  (je veux dire la science de la nutrition, et non pas son application,  pour laquelle on devrait réserver le nom de "diététique") a progressivement appris l'importance des diverses catégories de nutriments, des macronutriments, des  micronutriments, l'importance des vitamines... On se dit donc  que l'on commence à connaître le contenu de ce que l'on doit manger, mais …  est-ce  vrai ? Un être humain qui mangerait tous les jours note à note, exclusivement de la cuisine note à note, serait-il en bonne santé ? en mauvaise santé ? ou en santé améliorée par rapport à l'état actuel ? La  toxicologie  : là encore, il y a beaucoup de faire. Il y a beaucoup de découvrir...  car de nombreux composés  que nous consommons aujourd'hui dans les tissus végétaux ou animaux ont des toxicités connues, avérées, établies (pensons aux hydrocarbures aromatiques polycycliques des viandes grillées, à l'estragole de l'estragon ou du basilic, à l'acrylamide formé lors de la cuisson du pain, etc.). Souvent, les toxicités n'apparaissent pas, ou, du moins, pas considérablement, et l'on peut vraiment se demander quoi manger, pour manger "sainement". 

Il va donc falloir apprendre, progressivement, à répondre à toutes ces questions. Quel bonheur !

mardi 17 janvier 2023

Demain, il y aura la cuisine de synthèse, surnommée "cuisine note à note"

Classiquement, la musique fait usage d'instruments (violons, flûtes, trompettes...) et de la voix humaine. Avec la musique électroacoustique, qui remplace les instruments par les ordinateurs ou les synthétiseurs, lesquels assemblent des ondes sonores pour faire des sons nouveaux et des mélodies nouvelles, des musiques  nouvelles, que devient la voix humaine ?
 

Tout d'abord, on peut déformer une voix, mais on peut aussi synthétiser des voix. Je sais que quelques amis chanteurs ont le plus grand mépris pour le travail effectué en vue du film Farinelli, mais il n'en demeure pas moins que ce film a fait entendre une voix humaine qui était "de synthèse", tout comme on peut  obtenir un "violon de synthèse". L'auditeur entendait un voix, mais elle était synthétique.
 

Est-ce grave ? Après tout les facteurs  d'orgues ont toujours cherché à produire de nombreux instruments différents à partir d'un seul. Mais la question  est : pourquoi la voix humaine est-elle particulière parmi les divers instruments de musique? Et la réponse est évidente  : c'est notre premier instrument, celui de référence, en quelque sorte. Même quand les violons auront été brûlés, les flûtes et les trompettes fondues, les pianos remisés, il restera la voix ! De sorte qu'il est légitime, en quelque sorte, que, dans une musique moderne, on ait du synthétiseur et de la voix. 


Et en cuisine note à note, qui est l'équivalent pour la cuisine de la musique électroacoustique ? Que serait l'équivalent de la voix humaine pour la musique ? Les produits végétaux et animaux sont cet équivalent, parce que, même si nous avons des composés extraits ou synthétisés, avec lesquels nous synthétisons des  aliments, il n'en restera pas moins que nous vivons dans un monde empli de plantes et d'animaux... que nous consommons. Demain, nous aurons encore ces derniers.
De sorte que la conclusion s'impose : dans la cuisine de demain, il y aura des viandes, des poissons, des légumes et des fruits... plus des composés.

vendredi 16 septembre 2022

Note to note: the question of reproduction of the old


I think it is useful to discuss, for note-to-note cooking, the question of reproduction.

Note-to-note cooking, to begin with, is that form of synthetic cooking that uses pure compounds rather than fruits, vegetables, meat or fish. These compounds that are used can be pure or simple mixtures as in oil, or starch. But let's keep the idea of pure compounds.

With our compounds, what to do?

Many people are tempted to reproduce old ingredients or dishes: coq au vin, sauerkraut, applesauce, etc. Their argument is that the guests will not feel the same way.

Their argument is that the guests will find it easier to find their way around, with preparations they know. That "the public does not want anything new". And other similar arguments. But... is all this true?

On the other hand, there is the essential pitfall that a copy is generally compared unfavorably to the original.

For example, let's imagine that we produce a system that reproduces an apple: we will almost systematically be told that this "apple" is not crunchy enough, or not juicy enough, etc. But this is pure bad faith.

But this is pure bad faith, because to which particular apple is our particular production compared? Not all apples are crisp like green apples, juicy and sweet like golden apples, etc.

Moreover, real apples, even of a particular variety, do not all have the same acidity, the same sweetness, the same fiber... More generally, all apples are different, not only in terms of variety but also in terms of maturity within the same variety and on the same tree.

In other words, if it is intellectually interesting to make such a reproduction of an apple, one should be aware of the limits of the exercise.

Yes, it is interesting to make a reproduction, because the particular consistency of a Granny Smith apple, for example, has virtues that are easy to identify, this noise that the teeth make when they bite into the apple, this particular juiciness that is released when one bites, etc. And then, do we really need to do what already exists?

There are many answers to this question, starting with the fact that, perhaps, our synthetic productions will one day become more durable than natural ones.

On the other hand, our reproduction work leads us to explore particular characteristics of traditional products, which imposes specific work, and therefore specific, unexpected results.

Beauty is certainly in the way.

lundi 25 juillet 2022

Le fractionnement, c'est quoi ?

 

On m'interroge à propos du "fractionnement"... et je m'aperçois que j'ai beaucoup évoqué la chose, sans toujours l'expliquer.

Commençons par le plus simple : l'expérience faite au 18e siècle par Jacoppo Beccari et Johannes Kesselmeyer, et qui a pour nom "lixiviation du gluten" (je devrais mettre des guillemets supplémentaires à "gluten", mais bon, c'est une autre affaire).

On part de farine, on ajoute de l'eau, et l'on travaille pour faire une boule de pâte.
Puis, quand la pâte est bien dure, élastique, on le met dans une bassine d'eau claire, et on triture doucement : cela fait sortir une poudre bien blanche, tandis que ne reste entre les doigts qu'un chewing-gum jaune, qui est ce que l'on a nommé "gluten".
Là, on  a fractionné la farine en amidon et gluten : on a fait deux fractions.

Le même type de procédés peut être appliqué à l'amidon, et il conduirait à deux fractions : les amyloses, d'une part, et les amylopectines, de l'autre. Idem pour le gluten, que l'on pourrait fractionner par l'éthanol, par exemple.

Bref, dans tous les cas, il s'agit de préparer des "substances" à partir d'une matière initiale.

Industriellement, cela est fait pour le lait, notamment avec des procédés "membranaires" : une filtration, qui sépare l'eau du reste, par exemple. Cela est fait à partir du blé, avec le son, différentes fractions de la farine. Et ainsi de suite.

Evidemment, il y a un lien entre le fractionnement et l'analyse, car, souvent, les procédés modernes de fractionnement sont fondés sur des procédés d'analyse (chimique).

Ai-je expliqué assez ?

dimanche 24 juillet 2022

"La cuisine note à note respecte-t-elle une démarche éco-responsable ?"

 

La cuisine note à note respecte-t-elle une démarche responsable ?

Débarrassons-nous tout d'abord de la question : que signifie "éco-responsable" ? Et je lis dans un dictionnaire :
"Qui cherche à intégrer des mesures de protection de l'environnement dans ses activités, ses principes, etc."

Sur cette base, sans aller plus loin pour l'instant dans l'analyse de cette définition, je comprends maintenant que la question qui est posée ressemble à celle que j'ai préalablement traitée à propos de la responsabilité de la science  : la science n’est responsable de rien, et ce sont les individus qui sont responsables. Ici, dans la question, il n’est pas question de responsabilité mais de “respect” :  la science ne respecte rien et elle n'a rien à respecter parce que ce sont les individus qui peuvent éventuellement respecter quelque chose. Ici, idem  : la cuisine ne peut rien respecter, parce que ce n’est pas une personne, et c’est seulement le cuisinier, la cuisinière qui peuvent “respecter” (d’ailleurs, quand je lis le mot “respect”, je m’interroge toujours sur son sens dans le contexte considéré, sur la pertinence d’utiliser le mot, notamment).

Bref, ici, il n'y a pas lieu de répondre à la question qui est posée car la cuisine note à note, n'étant pas une personne, ne respecte rien. Plus exactement, cela n'a pas de sens de dire qu'elle puisse respecter ou non quelque chose.

Il faut donc transformer la question et, par exemple, se demander si, quand on cuisine note à note, on est plus éco-responsable que si l'on cuisine de façon classique.

Et là encore, il n'est pas possible de donner une réponse parce qu'il y a mille cuisiniers différents, mille façons de cuisiner de façon classique et mille façons de cuisiner note à note.

Par exemple, si l'on produit une bouillie, une galette de blé noir ou un cassoulet, si l'on rôtit un poulet, si l'on consomme des crudités... Qui me dira l’effet précis sur le climat ou sur l’avenir du Globe ? Personnellement, je n’ai pas ces données. Chacune de ces pratique, pourtant, a sans doute un effet particulier… A moins que la question, encore, ne soit mal posée : des crudités faites de végétaux cultivés localement sont-elles plus “éco-responsable” (le terme de mon interlocuteur) que des crudités venues de plus loin ? D’autant que “cultivées localement” n’a sans doute pas de sens non plus : deux maraîchers peuvent avoir des pratiques très différentes !

Et les conséquences de la cuisine sont innombrables: en termes d’énergie, de déchets, de déchets valorisables ou non, de consommation de biens accessoires (casseroles, etc.) dont la confection et le transport a aussi un effet, de production de gaz à effet de serre (flatulences), etc. La question est vraiment très compliquée !

De même pour la cuisine note à note ! Car on pourra utiliser des protéines végétales (celles de soja n’ont pas les mêmes effets que celles de chanvre ou de pois, par exemple) ou animales, des polysaccharides d'origines variées, de plantes ou d'algues par exemple, de phénols très divers, etc. Et selon la façon dont on cuisinera note à note, on aura des effets variés sur le climat, par exemple.

Bref, cuisiner a une foule de conséquences qu'il serait bon de détailler plus explicitement que par cette expression « démarche éco-responsable » que je ne comprends pas très bien. Plus exactement, n'étant pas spécialiste de ces questions, j'ignore la totalité des types d'effets que nos actions ont sur… sur quoi au fait ?

dimanche 8 mai 2022

A propos de cuisine note à note

 

Ce matin, des questions :

Avec une camarade, nous avons commencé à étudier la cuisine note à note pour notre sujet de tipe à mener en vue des concours de deuxième année.
Nous avons déjà prévu d'extraire un arôme de fruit. C'est pourquoi nous sommes maintenant à la recherche de composés tels que des protéines que nous pourrions extraire d'aliments comme des fruits ou des légumes afin de continuer notre étude.
Nous nous demandons avec ma camarade si vous pourriez nous donner des idées sur des composés que vous savez utiliser en cuisine note à note.

 

J'ai évidemment félicité ces étudiantes de s'intéresser à la cuisine note à note, plutôt qu'à la cuisine moléculaire, bien plus ancienne.
Mais, ensuite, je me suis posé des questions, stratégiques tout d'abord.

Tout d'abord faut-il faire l'extraction soi même ? En gros, la production ou la cuisine ?

Oui, mes interlocutrices ont pour projet de faire l'extraction d'un "arôme de fruit" (je discute plus loin les guillemets que j'ajoute), me disent-elles, mais cela est un sujet en soi, et ce travail ne serait pas de la cuisine, mais de la production d'ingrédients pour la cuisine.
La question est d'être bien clair avec le sujet du travail :
- soit c'est de faire de la "cuisine note à note", et il faut alors se procurer les ingrédients, et s'intéresser à la constitution des mets note à note ; en gros, le musicien de synthèse ne construit pas son synthétiseur, mais il l'utilise, et cela impose d'ailleurs beaucoup de compétences
- soit le travail consiste à préparer des ingrédients de la cuisine note à note, et ce n'est plus de la cuisine.
Bien sûr, on peut hybrider, mais nos interlocutrices y gagneront à avoir un projet bien clair, qu'elles exposeront en introduction, afin qu'elles soient évaluées sur le travail fait en réponse à la question posée. Oui, décidément, toujours bien poser la question centrale en introduction, bien définir l'objectif.


Le mot "arôme"

J'en arrive à un détail... important. Oui, la question terminologique qui était posée par mes guillemets, à "arôme de fruit" est un détail, par rapport à l'objectif, mais ce "détail" est important, parce que le grand Antoine Laurent de Lavoisier avait mille fois raisons de dire que la pensée et les mots vont ensemble.
Ici, on gagne a répéter que le mot "arôme", en français, signifie "odeur des plantes aromatiques". Il y a donc l'arôme du thym, du romarin, de la sauge... mais pas d'arômes de viande ni de poisson, par exemple. Pour les fruits, on peut hésiter.
Un des avantages de bien utiliser le mot "arôme", c'est que l'on évite la confusion avec l'odeur, d'une part, et avec les aromatisants, d'autre part.

Bref, nos deux interlocutrices veulent extraire des composés odorants de fruits. Et il y a mille façons d'obtenir des fractions odorantes... qui ne seront jamais, d'ailleurs, la totalité de l'odeur du fruits, soit parce que l'on n'aura pas extrait tous les composés, soit parce que l'on aura des proportions différentes des divers composés.
Mais... Au fait, la cuisine note à note vise à utiliser des composés purs pour construire les mets : pourquoi ne pas utiliser plutôt quelques composés purs, plutôt qu'un ensemble ?
En musique, quand on fait de la musique de synthèse pure, on utilise des ondes sonores pures, n'est-ce pas ?
Bien sûr, il n'y a pas de loi qui impose de faire de la cuisine note à note pure, plutôt que de la cuisine note à note pratique.
Mais, en tout cas, l'extraction de fractions odorantes des fruits est peut-être déjà un sujet de travail en soi.


Des composés ?

Vient alors la question des composés. Quels sont-ils ? Des protéines, des glucides, des lipides, des composés minéraux, et ainsi de suite.
Comme indiqué dans la fiche d'annonce du concours note à note, ces composés se trouvent facilement.
Les protéines : soit en pâtisserie, soit dans des boutiques diététiques, soit chez des sociétés telles que Louis François.
Les lipides : on prendra simplement de l'huile, puisque c'est quasiment réduit à des triglycérides.
Les glucides : la fécule de maïs, c'est de l'amylopectine quasi pure ; la cellulose, c'est le résidu solide obtenu par centrifugation de végétaux, puis lavage ; la pectine, c'est ce que l'on utilise pour faire des confitures, en plus du sucre ; d'ailleurs, à côté des polysaccharides, il y a des mono-, di- et oligo saccharides tels que glucose, fructose, saccharose, maltose, lactose, etc. ; des sels minéraux, pas difficile ; et ainsi de suite ; pour les colorants, on pendra des colorants alimentaires (bien sûr) ; pour les composés odorants, il y a des composés purs vendus par la société Iqemusu (en ligne : iqemusu.com).


Participer au concours ?

Et pendant que nous y sommes, pourquoi le travail de nos deux interlocutrices ne feraient-ils pas d'une pierre deux coups : pourquoi ne participeraient-elles pas au concours international de cuisine note à note, dont le thème, cette année est "des cubes salés avec des fibres" ? Les documents d'information et d'inscription sont là : http://www2.agroparistech.fr/The-10th-International-Contest-for-Note-by-Note-Cooking-is-announced.html