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mercredi 7 juin 2023

Parlons le plus souvent de beaux ingrédients, plutôt que de beaux produits

Les ingrédients culinaires sans goût sont-ils utiles ? 

 

Cette question se rapproche de celle dont nous avions fait un débat public, et qui s'intitulait "Qu'est-ce qu'un beau produit?". 

Mais nous sommes au 21e siècle, alors que la cuisine note à note se développe, après une cuisine plus classique et s'impose alors de reprendre ces deux questions dans ce double cadre, et non pas seulement dans le cadre classique. 

Pour le cadre classique, notre débat nous avait fait conclure que des ingrédients sont jugés "beaux" quand ils sont appropriés au travail culinaire : des pommes de terre ou des lentilles qui se défont à la cuisson ne font pas de bonnes salades, mais, inversement, cette caractéristique est un atout quand on fait des purées ; ou encore, des viandes à braiser font de bons braisés, mais de mauvaises grillades, et vice versa. 

Tout cela étant posé, il reste que telle grosse crevette, avec une consistance inimitable, est "belle", que telle moule charnue de Galicie a des vertus que de petites moules maigres n'ont pas, que tel basilic au goût original sera mieux qu'un basilic sans goût, que telle viande bien rassise aura une consistance merveilleuse, que telle crème des Vosges qui monte en une dizaine de secondes, avec un goût de terroir, sera mieux qu'une crème pasteurisée au goût "cuit"... 

 

Bref, il y a effectivement de beaux produits, et ces produits sont aussi ceux qui ont du goût : on pense à des tomates qui, sans être parfaitement rondes, ont une chair qui ne laisse presque pas de place au liquide, avec un goût puissant. L'huile ? La farine ? Pourquoi supporter des ingrédients sans goût, puisque, finalement, il faudra que les mets aient du goût. Bien sûr, on peut imaginer de monter une émulsion à partir d'un blanc d'oeuf insipide et d'une huile également insipide, pour ensuite donner le goût que l'on veut à l'émulsion produite... mais souvent, le goût des ingrédients s'impose, quitte à devoir le conjuguer avec art. 

 

Pour la cuisine note à note, la question est bien différente, puisque le goût est entièrement construit : on part d'une forme, d'une consistance, on ajoute de la couleur, mais vient ensuite la construction de la saveur, de l'odeur, des aspects trigéminaux (piquants, frais...). 

Il semble, cette fois, que chaque ingrédient soit ce qu'il est, sans qu'il y ait des qualités supérieures. Voire... Par exemple, le cis-hexénol, ce composé qui a une merveilleuse odeur d'huile d'olive vierge ou d'herbes fraîchement coupée, ne s'utilise qu'en dilution dans de l'huile. Cette huile peut rancir, avec le temps, et l'on aura des notes rances qui s'ajouteront à l'odeur voulue : un tel ingrédient ne serait pas beau. 

Autre exemple, pour des pectines, ou des gélatines, il y a des qualités différentes, et des gélifications également différentes, qui conduiront à des consistances plus ou moins réussies. Par exemple, pour la gélatine : cette matière est produite à partir du traitement par de l'eau acidifiée ou basicifiée de tissus animaux ; selon le traitement thermique appliqué, on aura des molécules plus ou moins longues, qui imposeront des doses différentes du gélifiant. Sans compter que les molécules ont des caractéristiques variables, qui leur permettront de faire gélifier des liquides plus ou moins acides. Idem pour les pectines, qui, elles, sont extraites de tissus végétaux. 

 

Bref, oui, il y a des ingrédients mieux que d'autres !

mercredi 14 octobre 2020

La cuisine n'est pas l'épicerie

 
 J'ai discuté dans un autre billet cette théorie simpliste selon laquelle les choses seraient bonnes quand elles ont le goût de ce qu'elles sont.

Ici, je veux discuter d'une idée voisine, selon laquelle les cuisiniers devraient utiliser des "bons produits".

Dans le monde culinaire professionnel, il y a cette tendance qui n'est pas nouvelle d'avoir ce que les cuisiniers nomme des "beaux produits". Et rien que cette expression est symptomatique, parce qu'elle montre que les cuisiniers considèrent les produits comme... des produits. En réalité, ces "produit" sont plutôt des ingrédients,  car certes,  ce sont les produits de l'élevage, de l'agriculture, de la chasse, de la pêche,  mais certainement pas les produits de la cuisine.

Et, d'ailleurs, je dénonce ici une espèce de travail culinaire simpliste qui consiste à chercher ses ingrédients particuliers, ce qui conduit tous les cuisiniers à identifier les mêmes fournisseurs ; et nous, de l'autre côté, à retrouver toujours les mêmes d'huîtres, toujours le même beurre, toujours les mêmes légumes... dans tous les restaurants !

Je n'ai pas besoin de donner les noms de ces fournisseurs, car ils sont connus de tous
Mais, surtout, s'il est vrai que ces fournisseurs font des ingrédients de belle qualité, ce n'est pas là le nec plus ultra  culinaire ! Car la cuisine ne consiste pas à aller chercher des ingrédients et à les traiter de façon minimale, ce que certains disent "respecter le produit", expression idiote : nous devons respecter des hommes et des femmes, pas des carottes ou des navets !

Bien sûr, il faut faire attention aux productions des bons producteurs, et ce serait du gâchis que de secouer des fruits, entre la ferme et la cuisine ; ou de mal stocker des poissons et des viandes, par exemple.

Mais c'est en cuisine que le travail de cuisine commence, et c'est là que le cuisinier doit montrer son savoir ou son art.

Je répète que je peux, tout aussi bien qu'eux, me fournir chez de bons fournisseurs d'ingrédients, mais je réclame à des artistes culinaires... qu'ils fassent de l'art culinaire, qu'ils fassent du bon, à partir de ces ingrédients qui s'apparentent aux touches du piano pour le pianiste.

D'ailleurs, la comparaison est juste : oui, le piano doit être accordé, ce qui signifie que les ingrédients culinaires doivent être justes, frais, de belle qualité.
Mais, ensuite, c'est le musicien qui fait surgir la musique, et c'est sa manière particulière de jouer du piano qui fait exister une musique ! La touche seule est bête !

vendredi 20 octobre 2017

Huiles essentielles ?

Hier, la revue New Scientist publiait un texte qui signalait que des tisanes à base de plantes contenaient des composés qui engendraient des cancers du foie. Ce qui est grave, c'est que ces tisanes sont parfaitement classiques, parfaitement admises... et parfaitement dangereuses.
Et, coup de chance, ces tisanes sont des "solutions diluées" : dans un bol, la partie qui n'est pas de l'eau est extrêmement réduite. Mais imaginons que l'on utilise des huiles essentielles des plantes à l'origine de ces tisanes ! Cette fois, l'on a en forme pure, infiniment concentrée donc, les composés parfaitement toxiques.
Et quand je pense huiles essentielles, je pense inmanquablement à ces huiles essentielles d'estragon et de basilic que j'ai vues en vente dans une pharmacie de la rue Royale, à Paris : du méthylchavicol quasi pur, lequel est parfaitement cancérogène et tératogène !
Mais, ce qui est étonnant, c'est que l'on ait du "goût" pour ces produits très dangereux. Huiles essentielles ? Il faut s'en méfier comme de la peste, parce que, si l'on a bien compris que c'est la dose qui fait le poison, on doit conclure que ces produits sont très dangereux... sauf si l'on sait les diluer.
Ne devrait-on pas recommander, donc, que ces produits ne soient vendus que dilués ?

J'en viens donx aux composés odorants pour la cuisine note à note : cette fois, il s'agit de composés parfaitement définis, parfaitement connus, pour leurs propriétés biologiques, et l'on  ne va certainement pas s'amuser à utiliser des composés dangereux ! D'autre part, ces composés doivent être dilués, pour être utilisés. Je décommande formellement l'emploi des composés purs... sauf par ceux qui sauront faire les dilutions appropriées.
Et pourtant, je sais aussi que les mêmes qui se bourrent de tisanes ou d'huiles essentielles toxiques hésiteront devant des dilutions de composés purs. Paradoxe !

vendredi 16 novembre 2012

Encore des commentaires

Un ami-correspondant m'envoie un texte d'Ali-Bab (Henri Babinsky), qui mérite d'être discuté. Ci dessous, je donne le texte et des commentaires.


Etat actuel de la gastronomie
Le texte date de 1928. 

[…] Tout en m’efforçant d’éviter de louanger les temps passés, travers dans lequel on tombe facilement, il me semble franchement qu’au point de vue gastronomique, comme à beaucoup d’autres, nous sommes en train de traverser une crise.
Oui, il y a toujours le vieux mythe de l'âge d'or, qui traine. 
Une crise ? Le mot pourrait être prononcé aujourd'hui... et je crois que, pour certains de nous, tout va toujours mal. Pour d'autres, dont je suis, il y a bien peu de changements... et tout va donc toujours (plutôt) bien : la Terre ne s'est pas arrêtée de tourner.

L’élevage, les procédés modernes de culture, la préparation des conserves ont certainement augmenté la quantité de nourriture disponible ; 
Oui, et c'est ainsi que les pays industrialisés ont aujourd'hui à suffisance ! L'amélioration de la production d'un côté, et les progrès dans la conservation, de l'autre, ont été essentiels !

le développement des moyens de transport, l’emploi du froid ont permis de répandre cette nourriture partout ; 
 Partout et toute l'année

et la famine, cet horrible fléau, est désormais impossible dans les pays civilisés, à moins d’un cataclysme. 
 Ici, une idée importante : nous sommes la première génération à ne pas avoir connu de famine (1928, c'est avant la Seconde Guerre mondiale, pendant laquelle il y a eu du rationnement).

Mais si, au point de vue général, ces conditions nouvelles de la vie ont incontestablement une influence heureuse, en est-il de même au point de vue purement gastronomique ?
On a effectivement le droit de poser la question.

Aujourd’hui les éleveurs, en gavant les animaux, produisent couramment des viandes trop grasses ;
 Méfions-nous des généralisations. Tous les éleveurs ? Gaver un boeuf ? 

 la culture intensive modifie le plus souvent dans un sens défavorable la qualité des produits du sol. 
 Et pourquoi, défavorable ? Et pourquoi la culture intensive nuirait-il à  la qualité ? Et d'abord, qu'est-ce que la "qualité" ? 

Il nous suffira de citer comme exemple la pomme de terre que l’on ne peut plus avoir parfaite qu’en la cultivant exprès et sans la forcer, dans des terrains sablonneux, comme on le faisait autrefois. 
 Il y a de remarquables pommes de terre, tomates, oignons, etc. parce que la sélection variétale a fait d'immense progrès, et que l'agronomie a considérablement progressé.

Les châssis et les serres fournissent en toute saison des légumes et des fruits merveilleux d’aspect, mais dépourvu de saveur ; on n’est pas encore parvenu à remplacer le soleil. 
 Oui, il faut de l'énergie (solaire, par exemple) pour faire des fruits de haut goût... mais on est parfaitement parvenu à remplacer le soleil. La question, c'est une question d'argent : combien veut-on consacrer à éclairer les plantes ? Où les cultive-t-on ? Combien veut-on payer les denrées alimentaires ?
On n'en aura jamais que pour son argent ! 

L’industrie des conserves provoque l’accaparement des produits alimentaires naturels, frais, au moment où ils sont le meilleur marché ; 
 Allons allons... Soyons un peu raisonnable. On aura des produits frais si on les paye.

les chemins de fer drainent de partout ce qu’il y a de meilleur, au profit de consommateurs souvent incapables de l’apprécier et ils en privent les habitants des pays producteurs, parmi lesquels se recrutaient autrefois les gourmets les plus raffinés. 
 Et là encore : cela devient lancinant, ce "tout fout le camp ma bonne dame" !
De toute façon, les citoyens (mot que je préfère à "consommateur") habitent aujourd'hui dans des villes... parce qu'ils jugent préférable de faire ainsi.

On cueille les fruits avant leur maturité pour pouvoir les transporter loin, de sorte que peu de personnes sont actuellement à même de manger des fruits vraiment à point ; 
 Non, on cueille ce que l'on veut. On mange des fruits à point si on accepte de les consommer rapidement, parce que c'est cela la question : si on achète à point, on ne pourra pas conserver. Or nous sommes souvent bien paresseux.

on n’a plus de lait à la campagne ; 
 Mais si. Faites donc un petit effort (d'optimisme, notamment)

il devient difficile de se procurer du poisson au bord de mer ; 
 Allons, soyons sérieux ! N'importe qui, avec une ligne dans un port, trouve du mulet. Et n'importe quelle ligne trainée derrière un petit bateau rapporte de merveilleux maquereaux tout frais !

il est presque impossible d’obtenir un bon bifteck dans un pays d’élevage ; en un mot nous vivons un peu comme dans le manoir à l’envers
 Ca continue... Décidément, la carricature fait perdre toute crédibilité...

La falsification des aliments, très ancienne à la vérité puisque les Romains s’en plaignaient déjà, mais qui se pratiquait jadis sur une échelle relativement petite, constitue aujourd’hui, par suite des progrès de la chimie, une branche de l’industrie ; 
 Oui, la falsification, la sophistication, le frelatage, la fraude, la malhonnêteté sont de tous temps. Du temps des Romains comme du temps d'aujourd'hui. La malhonnêteté est -elle plus répandue aujourd'hui ? Pourquoi le serait-elle ? Et je préfère l'usage de conservateurs bien ciblés à celui de sulfure de mercure dans le pissala ! Quand à la pratique de la cuisson sur le feu, qui charge de benzopyrènes les viandes, elle est bien pire que toutes les chimies de la terre!  

les procédés à employer pour atteindre ce but sont discutés dans des congrès officiels et leurs auteurs, au lieu d’être pendus sont décorés !
 Et c'est juste  ! D'ailleurs, ceux qui ne veulent pas des produits de l'industrie alimentaire ne sont pas obligés de les acheter. Moi, je préfère un monde où l'espérance de vie augmente d'un trimestre tous les ans ! !

Il devient incontestablement difficile de bien manger ; 
 Non, il suffit de cuisiner, d'apprendre à cuisiner, de comprendre ce qu'est "cuisiner".

cependant la chose est encore possible, mais plus que jamais indispensable de s’occuper soi-même de sa nourriture. 
 Non, rien n'a changé ; oui, c'est possible (voir plus haut). 

En province, dans certains milieux où l’on ne se désintéresse pas de la question, on sait encore faire bonne chère. On pense à la cuisine ; on discute d’avance les menus ; on s’adresse pour chaque produit à des fournisseurs que l’on connait et qui savent eux-mêmes à qui ils ont affaire ; enfin, la préparation de tous les plats est l’objet des soins les plus minutieux.
 Mais mon bon monsieur, en ville aussi, on peut être gourmand ! En ville aussi, on peut discuter des menus, chercher de bons fournisseurs, apporter du soin à la production culinaire !

Mais à Paris, où l’on vit trop vite, où l’on est toujours pressé, peu de gens consentent à consacrer quelques moments à ces questions ; 
 Une généralisation, idiote, donc. 

aussi l’art culinaire y est manifestement en décadence. 
 Mais oui, mais oui... Tout fout le camp, on a compris !

Pourtant il semble que bien manger devrait intéresser tout le monde, car personne n’oserait soutenir qu’il soit différent de consommer des aliments bien ou mal préparés. 
 Et pourquoi cela intéresserait-il "tout le monde" ? N'a-t-on pas le droit de faire autrement ?
La gastronomie s’adresse à toutes les classes de la société et il n’est nullement nécessaire d’avoir de la fortune pour bien se nourrir. 
 Là, d'accord. 

Le repas le plus simple, quelque modeste qu’il soit, peut être meilleur qu’un repas très couteux, et l’on aura toujours bien mangé si ce qu’on a mangé était de bonne qualité et bien préparé.
 Parfaitement d'accord.

Malheureusement, ce qu’on recherche avant tout aujourd’hui c’est paraître. 
 Qui cherche cela ? "On" ?

Le modeste bourgeois d’autrefois, recevant des amis à sa table, ne leur donnait pas plus de trois plats, simples mais soignés, préparés sous la direction effective et jalouse de la maitresse de maison. 
 Bof : parmi les bourgeois, il y avait des prétentieux, des modestes, des honnêtes, des malhonnêtes... Donc non !
Quant au mythe de la "bonne maîtresse de maison", ne soyons pas naïf !

Le bourgeois de nos jours se croirait déshonoré s’il ne présentait pas à ses convives des menus somptueux, au moins en apparence, qu’il est hors d’état de faire exécuter chez lui.
 Encore une ânerie.

Aussi commande-t-il ses repas priés au dehors, chez des entrepreneurs qui les lui envoient tout prêts, avec des domestiques d’occasion pour les servir.
 Et ca continue.

Les aigrefins peuvent donner à dîner dans des appartements vides, loués à l’heure pour la circonstance ; 
 De tous temps. Jadis, naguère, aujourd'hui : pas de changement.

des agences leur fournissent à forfait la nourriture, la boisson, la vaisselle, le linge et s’ils le désirent, elles leur procurent même, moyennant un petit supplément, quelques invités décoratifs et décorés destinés à impressionner le gogo naïf, auquel le mirage d’un intérieur familial cossu inspire toute confiance. Paraître, tout est là !
 Là encore. 

Quant aux parvenus, ils rivalisent de faux luxe. 
 Cela n'a jamais changé, depuis les débuts de l'humanité. 
Au fait, c'est quoi le "vrai luxe" ?

Pour avoir l’air de ne pas regarder la dépense, ils font bourrer tous leurs plats de truffes et de foie gras, de sorte que tout finit par avoir le même goût, et bien des dîners, dans des maisons où l’on devrait pouvoir manger convenablement, deviennent aussi odieux que des repas de table d’hôte auxquels, d’autre part, ils ressemblent souvent par l’assemblage hétéroclite des invités.
 Oui, cela se nomme du gongorisme, en peinture. Et cela a toujours existé. 

L’une des industries les plus florissantes aujourd’hui est celle de la confection de mets à emporter. 
 Mais, pourquoi cela serait-il mal ?

Partout on vend des plats tout faits et nombre de femmes ont une tendance fâcheuse à se désintéresser de leur intérieur. 
 Et alors ? Veut-on les cloitrer ?

Les unes ont  l’excuse des nécessités de la vie, qui les obligent à travailler dehors ; d’autres courent les magasins et les five o’clock à la recherche du bonheur. 
 N'ont-elles pas le droit ?

L’idéal pour tous les étages, ce qui permettrait de supprimer les cuisines, en attendant la fameuse pilule synthétique entrevue par certains savants.
 La pilule nutritive est un fantasme, que j'ai dénoncé en bien d'autres endroits. Cessons d'agiter ce spectre idiot. 

En ce qui concerne les établissements publics, on voit se multiplier des gargotes à prix fixes ; 
 Et aussi de bons restaurants à prix fixes. Il y a du progrès, donc.

les bons restaurant se transforment ou ferment successivement leurs portes et je serais véritablement embarrassé pour citer à Paris plus de quatre ou cinq maisons où l’on soit assuré d’être toujours bien traité à tous les égards.
 Non, tout va bien, merci. Et je tiens à votre disposition bien plus de quatre ou cinq maisons !
En supposant que son pessimisme soit justifié, il y aurait donc un indéniable progrès !

L’internationalisme mal compris se développe d’une façon inquiétante, et ses progrès, déplorables à bien des points de vue, sont désastreux au point de vue gastronomique ; 
 Allons, encore de l'inquiétude, du désastre...

si l’on n’y prend garde, ils auront bientôt amené à un même niveau peu élevé la cuisine de tous les pays.
 Or, ce que l'on voit, c'est que, au contraire, des pays naguère culinairement faibles ont considérablement progressé. Tout va bien, donc ! 

Au commencement du siècle dernier, un grand maitre d’ l’université était tout fier de pouvoir dire : «  Aujourd’hui, à cette heure, tous les élèves des toutes les classes de seconde de tous les lycées de France font le même thème grec ».
 Le grec a disparu. Ite missa est

 Les syndicats internationaux d’aubergistes qui nourrissent les voyageurs des deux hémisphères soumis à leur régime, paraphrasant le mot du ministre, peuvent dire : « Du far-West à l’extrême orient, du pôle nord au pôle sud, depuis le 1er janvier jusqu’à la saint sylvestre tous nos clients font les mêmes repas ».
 Ce n'est pas neuf. Il y a des modes en cuisine. 
D'autre part, cela a été un fantasme de croire que des cuisines rapides vendraient la même chose dans tous les pays : la volonté de faire plaisir à leurs clients a contraint les enseignes à varier les offres. Je ne dis pas que tous les plats proposés soient merveilleusement intéressants... mais il n'y a pas de drame ! Le vrai drame, ce sont les "marchands de peur" !


Et, en effet, que ce soit en bateau, en chemin de fer ou dans les hôtels, partout ces malheureux sont condamnés à la même invraisemblance barbue sauce hollandaise, au même aloyau braisé jardinière à la même inévitable poularde.
 Les pauvres ! Condamnés à de la barbue sauce hollandaise. Alors qu'une partie du monde meurt de faim ? C'est quand même terrible !

Quand on pense que ces gens paraissant à peu près équilibrés, dont une partie voyagent soi-disant par plaisir, consentent à absorber tous les jours de pareilles atrocités, c’est à désespérer du genre humain.
 Et si, au lieu de courir le monde, ils restaient chez eux et cuisinaient ?

Je veux croire cependant que ce n’est qu’une crise que nous traversons et j’espère sinon un réveil général du gout ce qui serait trop beau au moins un soulèvement des estomacs comme au temps de Lycurgue.
 Oui, cela a eu lieu. 

En attendant cette révolution pacifique, que les gastronomes ne se découragent pas, leurs efforts ne seront pas stériles. 
 On a compris que tout cela est de la rhétorique un peu faible, pour une littérature médiocre.

Orientés avec méthode, ces efforts persévérants finiront par faire de l’art culinaire purement expérimental tel qu’il est aujourd’hui une science exacte. 

En précisant dans des formules rigoureuses les connaissances que l’on possède, on fait plus  que perpétuer des recettes, on accumule des matériaux d’où se dégageront un jour les lois de la gastronomie, qui seront la base indestructibles de la science du bon.
La "science du bon" ? Au fait, le bon, c'est quoi ? Je propose de penser qu'il n'existe pas. Ce qui est bon, c'est que j'aime. Aucun intérêt général !

mardi 30 octobre 2012

Une merveilleuse nouvelle !

Ce matin, au courrier, ce message :


Bonsoir M This,

je suis professeur de cuisine à xxx et j’anime avec une professeur de physique-chimie un atelier sur la cuisine et les sciences. De plus, je commence à aborder la cuisine note à note avec mes élèves et même si au début je trouvais cela un peu prématuré d’aborder cela avec des jeunes étudiants, je me suis ravisé et j’ai décidé de voir cela avec eux. Je cherche des fournisseurs vers lesquels m’adresser pour obtenir certains composants.

Je vous remercie d’avance pour les renseignements que vous pourrez me fournir, mais également pour l’ensemble de vos travaux qui éclairent grandement notre travail et de cuisinier et d’enseignant


Si on enseigne la cuisine note à note, mon combat pour son développement est gagné !