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mercredi 14 octobre 2020

La cuisine n'est pas l'épicerie

 
 J'ai discuté dans un autre billet cette théorie simpliste selon laquelle les choses seraient bonnes quand elles ont le goût de ce qu'elles sont.

Ici, je veux discuter d'une idée voisine, selon laquelle les cuisiniers devraient utiliser des "bons produits".

Dans le monde culinaire professionnel, il y a cette tendance qui n'est pas nouvelle d'avoir ce que les cuisiniers nomme des "beaux produits". Et rien que cette expression est symptomatique, parce qu'elle montre que les cuisiniers considèrent les produits comme... des produits. En réalité, ces "produit" sont plutôt des ingrédients,  car certes,  ce sont les produits de l'élevage, de l'agriculture, de la chasse, de la pêche,  mais certainement pas les produits de la cuisine.

Et, d'ailleurs, je dénonce ici une espèce de travail culinaire simpliste qui consiste à chercher ses ingrédients particuliers, ce qui conduit tous les cuisiniers à identifier les mêmes fournisseurs ; et nous, de l'autre côté, à retrouver toujours les mêmes d'huîtres, toujours le même beurre, toujours les mêmes légumes... dans tous les restaurants !

Je n'ai pas besoin de donner les noms de ces fournisseurs, car ils sont connus de tous
Mais, surtout, s'il est vrai que ces fournisseurs font des ingrédients de belle qualité, ce n'est pas là le nec plus ultra  culinaire ! Car la cuisine ne consiste pas à aller chercher des ingrédients et à les traiter de façon minimale, ce que certains disent "respecter le produit", expression idiote : nous devons respecter des hommes et des femmes, pas des carottes ou des navets !

Bien sûr, il faut faire attention aux productions des bons producteurs, et ce serait du gâchis que de secouer des fruits, entre la ferme et la cuisine ; ou de mal stocker des poissons et des viandes, par exemple.

Mais c'est en cuisine que le travail de cuisine commence, et c'est là que le cuisinier doit montrer son savoir ou son art.

Je répète que je peux, tout aussi bien qu'eux, me fournir chez de bons fournisseurs d'ingrédients, mais je réclame à des artistes culinaires... qu'ils fassent de l'art culinaire, qu'ils fassent du bon, à partir de ces ingrédients qui s'apparentent aux touches du piano pour le pianiste.

D'ailleurs, la comparaison est juste : oui, le piano doit être accordé, ce qui signifie que les ingrédients culinaires doivent être justes, frais, de belle qualité.
Mais, ensuite, c'est le musicien qui fait surgir la musique, et c'est sa manière particulière de jouer du piano qui fait exister une musique ! La touche seule est bête !