vendredi 29 août 2014

Si la notion de molécule est inconnue du public, comment celui-ci pourra-t-il décider raisonnablement de l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés ?


Dans un billet précédent, je discutais ce fait essentiel : les « petits marquis » (on pourrait dire aussi « les intellectuels coupés du reste du monde ») que sont certains d'entre nous doivent être conscients que, en première approximation « le monde » ne comprend pas ce qu'ils font. Je ne dis pas, évidemment, avec morgue ou supériorité, que le public est ignorant, mais je dis qu'il ne connaît pas les sciences. Il a pourtant d'autres connaissances. Par exemple, un confiseur sait parfaitement le degré exact de changement de la matière qu'il travaille, quand il fait un fondant... mais il ne sait pas résoudre des équations ; et, inversement, un physicien serait bien incapable de faire un feston en sucre filé. De même pour un ébéniste, un garagiste...
Toutefois c'est un fait que notre monde est plein de techniques avancées, pour lesquelles des choix doivent être faits collectivement. Et c'est un fait que les objets techniquement avancés ne sont « compréhensibles » que si l'on dispose de connaissances scientifiques que peu ont, malgré les efforts admirables de l'Education nationale.

Bref, le public connaît mal les sciences et les technologies : c'est un fait. Or, dans un billet précédent, j'avais pris l'exemple de la différence entre composé et molécule, très généralement incomprise en dehors du cercle des chimistes. Nous devons tirer les conséquences de l'observation selon laquelle cette différence n'est pas comprise/connue : si le public ignore ce qu'est une molécule, comment pourrait-il comprendre ce qu'est l'ADN ? Du coup, comment peut-il comprendre ce que sont les OGM ?
Et si le public ne « comprend » pas ce que sont les OGM, comment peut-il rationnellement refuser une technique qu'il ignore (car beaucoup « refusent » l'utilisation des OGM, ou des PGM (plantes génétiquement modifiées)) ?
Soyons plus positifs : comment expliquer à notre entourage ce qu'est l'ADN, afin que les décisions prises collectivement le soient en connaissance de cause  ?

L'ADN étant une molécule dans une cellule, l'expérience semble devoir montrer qu'il faut d'abord expliquer ce qu'est une cellule. Je ne suis pas certain  (on aura compris qu'il s'agit là d'une figure de rhétorique) que l'ensemble de nos concitoyens savent que les levures (pas les poudres levantes !) sont des cellules, de petits sacs vivants ! Vivants ? L'explication est difficile mais on n'aurait pas tort, je crois, de commencer par dire que la possibilité d'une reproduction est essentielle. Évidemment je n'utiliserais pas le mot « reproduction » si je veux me faire comprendre, parce qu'il a plus de trois syllabes, et je préfère me contenter de dire qu’une cellule est un objet petit, visible au microscope et qui, à la bonne température et en présence de nutriments (là, il faut expliquer), grossit, grossit encore, puis se divise en deux objets identiques au premier. Mieux encore, je ne crois pas inutile de montrer, encore et encore, des images de cette division ou, mieux, des films ! Par exemple, j'ai trouvé ceci : www.snv.jussieu.fr/vie/images_semaine/imagealaune_38/imagealaune_38.html

Cela étant fait, sans oublier notre objectif (expliquer ce qu'est l'ADN), pourquoi ne pas nous limiter, dans un premier temps, à interroger nos amis -au lieu de leur déverser des connaissances ex cathedra-  en leur demandant comment la division qu'on leur a montrée a pu avoir lieu ?
La notion de molécule étant acquise (voir le billet antérieur), ne pourrait-on alors indiquer (OK, le chemin est long) comment un simple bricolage permettrait de construire une cellule, par exemple à l'aide de ces molécules de lécithine, dont on pourrait faire une vésicule ? Puis, d'autre part, à partir  de l'idée de molécules, ne pourrions-nous pas arriver à celle d'ADN, et, mieux encore, à celle d'ADN auto reproducteur ? Il resterait alors à mettre un ADN auto reproducteur dans une vésicule auto reproductrice et l'on aurait...  l'objet que  je rêve de voir un jour, à savoir une cellule vivante artificielle.
Je sais qu'un tel exploit ne réfutera pas le vitalisme, mais en associant la présentation de cette réalisation à des idées sur le mouvement moléculaire d'origine thermique, je crois que nous aurions avancé.

dimanche 17 août 2014

La loi n'est pas la fin de la science



L'avantage, quand on est « insuffisant », c'est que l'on a la possibilité de s'améliorer. L'avantage, quand on n'a pas de maître, c'est que, certes, on fait des erreurs qu'il nous aurait peut être évitées, mais que, si l'on traque le « symptôme », on peut progresser.
Je me souviens ainsi d'un jour où je lisais un manuscrit d'article scientifique qu'une revue m'avait demandé de « rapporter ». Je lisais donc d'abord l'introduction, m'assurant que la question posée était claire, que la bibliographie avait été bien faite. Puis je regardais attentivement la partie « Matériels et méthodes », afin de m'assurer que les informations étaient suffisantes, que toutes les précautions méthodologiques avaient été bien prises par les auteurs. Je passais aux résultats, et m'assurais que rien d'exagéré n'était produit, que les résultats correspondaient donc bien aux méthodes mises en œuvre, que le traitement statistique était bien fait. Puis je lus la discussion, pour voir si tout était cohérent.
Tout allait bien. Certes, il y avait des détails à corriger, mais rien de bien grave... sauf que je trouvais l'article médiocre.
Logiquement, j'aurais dû dire à l'éditeur que l'article était acceptable, mais quelque chose me retenait. Quoi ? Je ne savais pas. De sorte que je décidais de lire une fois de plus, et je ne retrouvais que bien peu de choses supplémentaires à corriger. Je mis le manuscrit dans mon cartable, et décidai de laisser passer la nuit.
Le lendemain matin, dans l'autobus, je le sortis de mon cartable, je le relus... et tout s'éclaira ! Les auteurs avaient caractérisé un phénomène, et ils n'avaient en réalité pas considéré les mécanismes compatibles avec les lois qu'ils avaient dégagées ! Ce n'était donc pas un travail scientifique, en quelque sorte, mais seulement une étape sur le chemin scientifique.
A la réflexion, ma réaction était injuste* : tout ce qui figure sur le chemin de la science (observation de phénomènes, caractérisation quantitative, réunion des mesures en lois synthétiques, recherche de mécanismes, prévision théorique, test expérimental de ces prévisions) est un bout de science, et mérite donc publication, parce que cela fait avancer le travail.


* En réalité, pas complètement : ajuster des données par une fonction, comme les auteurs l'avaient fait, nécessite d'avoir une raison de choisir cette fonction particulière !


vendredi 15 août 2014

Quelle est la question à laquelle je ne pense pas ?


Quand  on effectue des travaux scientifiques, la question posée en titre s'impose à nous à chaque instant.

Un exemple récent : un étudiant en stage au laboratoire devait utiliser de l'acétaldéhyde pour une expérience. Il avait prévu de peser une certaine quantité d'acétaldéhyde, de la mêler à une certaine quantité d'eau en vue d'une expérience ultérieure.
Tout cela semble bien anodin, mais quand on manipule des quantités aussi petites que des milligrammes, ce qui est à peine pesable sur des balances de grande précision, tout ce complique. En particulier, notre ami ignorait que l'acétaldéhyde peut s'évaporer,  de sorte que la quantité finalement présente au cours de l'expérience  pouvait différer notablement de  celle qu'il voulait utiliser. 
Je lui ai donc conseillé de faire une expérience préalable, qui consistait à poser un verre de montre sur une balance de précision, à déposer une goutte d'acétaldéhyde, et à peser à intervalles réguliers.

A ce stade, on voit déjà qu'une certaine culture s'impose, pour faire l'expérience : qui ignore que l'acétaldéhyde s'évapore rapidement, surtout en été,  quand il fait chaud dans le laboratoire, n'aurait pas eu l'idée d'aller faire cette expérience préliminaire. Bien sûr, une bonne méthodologie peut nous aider. Par exemple l'emploi de l'acétaldéhyde doit être précédé de la lecture des fiches de sécurité lesquelles ne montrent pas de toxicité particulière, mais signalent les inflammabilités, des pressions de vapeur saturante, etc. Une lecture critique de ces données aurait pu faire penser que l'acétaldéhyde s'évaporait,  et qu'il valait donc mieux en suivre l'évaporation, afin, ultérieurement , de connaître les phénomènes pouvant survenir lors de l'expérience.

L'étudiant fit donc l'expérience, et, consciencieusement, il releva les masses au cours du temps. Pourtant, tout était faux, encore une fois par ignorance (j'insiste : ce n'est pas une faute, seulement une caractéristique universelle que nous pouvons nous efforcer de combatttre) : voulant bien faire, il utilisa une balance placée sous une hotte aspirante, afin d'éviter la toxicité de ce composé organique. Toutefois les balances de précision sont très sensibles aux courants d'air, et celle-ci étant placée dans un courant d'air constant, elle marquait une valeur constamment fausse. Notre ami aurait été alerté si la balance avait divagué... mis elle divaguait de façon invisible.  Il fallait arrêter l'aspiration pendant la mesure, et la réarmer juste après.

Toutes précautions prises, notre ami observa une diminution rapide de la masse, dans un premier temps, avant une diminution plus lente.
Il se mit à imaginer mille phénomènes compliqués... omettant la possibilité que le petit volume enclos dans la balance (il y a des portes en verre que l'on ferme pour éviter les courants d'air) pouvait se saturer de vapeur d'acétaldéhyde. Une fois la pression de vapeur saturante établie, l'évaporation devait ralentir, le liquide étant en équilibre avec la vapeur. Autrement dit, notre ami ne mesurait pas l'évaporation libre de l'acétaldéhyde, mais plutôt l’établissement de l'équilibre entre le liquide et la vapeur. Il aurait fallu garder la balance ouverte, afin que les vapeurs soient éliminées, et, mieux, utiliser un léger courant d'air pour entraîner les vapeurs afin qu'elles ne modifient pas l'évaporation.

Cette fois, notre ami aurait-il pu dénicher le diable caché dans les détails expérimentaux ? Là encore, il fallait connaître la pression de vapeur saturante, et analyser le système. L'analyse n'est pas le plus difficile pour un esprit clair, mais la connaissance de pression de vapeur saturante s'invente difficilement, et, surtout, elle aurait imposé de retracer le chemin de nombreux grands scientifiques du passé. L’enseignement scientifique sert précisément à cela : nous mettre, nains, sur les épaules de géants.

Finalement, la question « quelle est la question à la quelle je ne pense pas », est une question terrible, puisqu'elle nous renvoie à notre culture scientifique, puisqu'elle nous dit que nous ferions bien de ne rien ignorer des travaux de ceux qui nous ont précédés. Nous pouvons avoir confiance dans notre esprit analytique,  mais cela est insuffisant, et nous serions bien avisés de compter sur les forces de la collectivité, celle de notre temps comme celle du passé, celle des différents laboratoires du monde, pour parvenir à des expérimentations fiable.
Dans les publications scientifiques, le rôle des rapporteurs est essentiel, puisqu'il permet parfois de  pointer ainsi les taches aveugles que nous avions. Bien sûr, nous avons intérêt à grandir, mais pourquoi nous priver du bonheur de collaboration  avec des collègues remarquables ?

Procès

Il faudra que les journalistes commencent à se méfier : le "quatrième pouvoir" n'a pas la liberté d'écrire n'importe quoi :


‘Pink Slime’ Defamation Suit Subpoenas Hit Food JournalistsFive food journalists have been subpoenaed by Beef Products in its defamation lawsuit against ABC News over its reporting about the meat product referred to as “lean, finely textured beef” by industry but dubbed “pink slime” in the popular press.

Naturel ? Du commerce !

Dans le Washington Post, un artible de Roberto A. Ferdman (24 juin 2014) :

The word “natural” helps sell $40 billion worth of food in the U.S. every year—and the label means nothing


 Je traduis : rien ne fait autant vendre aux Américains que le mot fabuleusement ambigu "naturel". Parmi les 35 propositions santé ou alimentation, il y a des mots tels que "naturel", "bio", "sans graisse", "écologiquement responsable"... Ces indications permettent de vendre pour plus 377 milliards de dollars d'articles aux Etats-Unis, pour la seule dernière année (source Nielsen).

L'industrie alimentaire américaine vend pour 41 milliards de dollars, chaque année, d'aliments dont l'étiquetage porte ce mot, et le mot n'a pas de définition par la Food and Drug Administration. Cette dernière indique sur son site : "D'un point de vue scientifique, il est difficile de définir un produit "naturel", parce que l'aliment a certainement été transformé, et qu'il n'est plus le produit de la terre.

Bref, tous les pays reconnaissent que l'industrie alimentaire ne fait pas bien, de ce point de vue.

Il faut le dire  : aucun aliment n'est naturel !

mercredi 13 août 2014

On n'a pas assez enseigné la micro-chimie.


Les travaux pratiques de chimie ? Il y en a autant de sortes que d'établissement... mais je m'étonne du résultat : sans sourciller, les étudiants qui ont été formés par ces séances utilisent des expériences qui utilisent des grammes ou des dizaines de grammes de réactifs, et des centaines de grammes de solvants. Tout cela est très fautif !
En quoi ?
D’abord, les réactifs coûtent parfois extraordinairement chers, de sorte qu'il y a une indécence économique à procéder sur de telles quantités. D'autre part, les solvant doivent être recyclés, ou jetés, ce qui pose des problèmes de pollution, mais, aussi, ils exposent les expérimentateurs à des vapeurs dangereuses, d'autant plus dangereuses que les volumes de solvant ont été grands. Et puis il y a le risque d'explosion et d'intoxication, toujours présent, et qu'il faut réduire autant que possible : alors qu'un milligramme de produit ferait une explosion anodine, un gramme suffit à endommager un bâtiment, à mettre des vies en danger !
Il est donc tout à fait anormal de faire des expériences qui utilisent des quantités de produit du même ordre de grandeur que celle qui sont utilisées lors de trop nombreux travaux pratiques. Des travaux pratiques qui font manipuler des quantités de l'ordre du gramme sont de la mauvaise formation, en plus des risques que l'on fait courir aux étudiants. Bien sûr, on peut choisir des expériences pour lesquelles le danger est limité, mais elles ne préparent alors pas aux véritables travaux de chimie. Dans la vraie vie, dans la vraie vie scientifique au quotidien, on ne manipule pas de telles quantités, et si les étudiants n'ont pas appris à manipuler de très petites quantités, alors ils ne sont pas préparés.
Une des raisons pour lesquelles la chimie physique s'est dotée d'appareils d'analyse capables d'identifier les produits en très petite quantités est précisément la nécessité de réduire les quantités à utiliser lors des expériences. La conclusion s'impose : les enseignants de chimie ou de chimie physique ne doivent pas proposer aux étudiants en travaux pratiques d'utiliser des quantités notables de produits ou de solvant.
Évidemment, au lieu de dénoncer des fautes, nous ferions mieux d'encourager la communauté tout entière à apprendre la microchimie aux étudiants. Cela passe par une rénovation des matériels, car il est vrai que les ballons où l'on manipule des milligrammes sont bien différents de ceux où l'on manipule des grammes.

Dans les laboratoire de chimie, chassons les verreries susceptibles de contenir plus que quelques grammes au total !

dimanche 10 août 2014

Le moment où le vert des feuilles change presque de jour en jour...



Le printemps est le moment où l'on s'aperçoit que le vert change, le moment où nous prêtons attention à ces changement, parce que le vert apparaît sur des branches jusque là dénudées. L'été est le moment où l'on voit que le vert des feuilles change, parce que le chaud alterne avec l'humide. L'automne est le moment où l'on s'intéresse à la couleur des feuilles, parce que le vert cède la place à d'autres teintes. En réalité, le vert des feuilles change sans cesse, comme l'analyse suivante permet de le comprendre.
Le vert des feuilles, c'est leur contenu en pigments que sont les chlorophylles et les caroténoïdes, notamment. Pour certains feuillages, il peut y avoir aussi des composés phénoliques, mais le raisonnement serait le même que celui que nous allons faire. Chlorophylles et caroténoïdes, donc. Dans les feuillages, les chlorophylles sont les chlorophylles a, a', b, b', et les caroténoïdes ont pour nom carotène, lutéine, violaxanthine... Chacun de ces composés a un spectre d'absorption particulier, ce qui signifie qu'il absorbe des rayonnements particuliers du spectre de la lumière visible. La lumière du jour arrive donc sur la feuille ; une partie est absorbée et le reste est réfléchi. Plus les pigments sont nombreux, et plus leurs absorptions sont différentes, plus la feuille paraît sombre.
Imaginons que les feuilles ne contiennent que la chlorophylle a : on aurait une certaine couleur. Puis imaginons que les feuilles contiennent de la chlorophylle a et du carotène bêta : la couleur serait différente.
Or les feuilles qui croissent synthétisent les pigments, mais elles ne les synthétisent pas tous à la même vitesse, parce que les voies métaboliques sont différentes pour les divers pigments. La proportion de chlorophylle a, par exemple, change avec le temps, de sorte que la couleur change, puisque tout est affaire de proportion.
Et voilà pourquoi il n'est pas étonnant que la couleur des feuilles change avec les jours qui passent, du premier jour où elles apparaissent, jusqu'au jour où telles tomberont.

J'ai dit « il n'est pas étonnant », mais je me reprends, car une telle expression banalise le phénomène, qui est bien mystérieux et merveilleux pour qui n'est pas chimiste. Au contraire, ces changements de couleur sont très étonnants ! La preuve : il a fallu que les sciences viennent donner l'analyse précédente pour que l'on y voie plus clair. Sans les éclaircissements des sciences, les mystères tels que les verts changeants des feuillages sont de ceux qui ont conduit l'humanité à imaginer des dieux, des elfes, des lutins, des feux follets. Naguère, ce type de phénomène appelait des puissances imaginaires, et chacun pouvait ajouter sa voix à la grande cacophonie publique des mythes, des légendes.
Aujourd'hui la chimie physique a-t-elle mis fin à cet « enchantement » ? Je ne crois pas, car la théorie scientifique, bien plus fiable que l'imagination, est toujours « insuffisante » par principe (faut-il dire « incomplète » ?), de sorte que, jour après jour, notre compréhension du monde s'embellit. Ce serait une erreur de croire que la chimie physique de la couleur des feuilles a dit son dernier mot, au contraire. La science n'a pas de fin parce qu'elle perfectionne à l'infini ses théories, ses explications, qu'elle améliore ses mécanismes, en vue de produire un discours toujours plus approprié. Il est là, l'enchantement du monde.
Et puis, il faut quand même s'étonner de ces synthèses différentielles des chlorophylles et des caroténoïdes. Il y a de quoi s'émerveiller de la constitution moléculaire des molécules de ces composés qui absorbent la lumière visible.
Les chlorophylles ? Des molécules qui sont construites autour d'un noyau « tétrapyrrolique », avec des atomes qui forment une sorte de « plaquette », et un atome de magnésium au centre, des électrons étant répartis (on dit « délocalisés ») sur tout le plan du noyau. Les caroténoïdes ? Des molécules également remarquables, mais différemment : elles ont un long squelette fait d'atomes de carbone, avec des liaisons simples et des liaisons doubles qui alternent, ce qui permet, à nouveau, la délocalisation des électrons, laquelle permet l'absorption de la lumière visible.
Dans les deux cas, il y a un mécanisme analogue, et très remarquable. Ordinairement, quand il n'y a pas de délocalisation des électrons, les molécules n'absorbent que des rayonnements très énergétiques, ultraviolets par exemple. En revanche, quand les électrons de doubles liaisons sont ainsi délocalisés, ils sont moins « tenus » par le squelette moléculaire, et interagissent plus facilement avec les rayonnements, de sorte qu'ils peuvent absorber ces derniers, avant de revenir à l'état initial, souvent par réémission de rayonnement invisible, infrarouge par exemple.
Je m'arrête là : j'avais juste esquissé la suite du récit afin de montrer qu'il y a lieu de s'étonner chaque seconde... de la couleur changeante du vert des feuilles.

vendredi 8 août 2014

Il doit me manquer des gènes


Le monde s'enflamme pour la coupe du monde (je suppose que c'est la coupe du monde) de football... mais ce serait pour moi l'enfer que d'être obligé de regarder un match à la télévision. Il doit me manquer le gène du football.
De même pour les voitures : je ne vois que de la mauvaise foi (je n'ai pas dit de la malhonnêteté : seulement des justifications très personnelles qu'ils donnent) dans le discours de mes amis qui en sont amateurs. Là encore, un gène doit me manquer.
Mais il y a pire : au jardin du Luxembourg, des groupes assis dans l'herbe au soleil. Que peuvent-ils donc bien faire, pendant tout ce temps ? Il doit encore me manquer le gène du groupe au soleil.
J'en vois qui sont étudiants, et qui ont un polycopié à la main, de sorte qu'ils pourraient être en train d'apprendre des cours, mais, quand je m'approche, je les entends parler d'une soirée qui s'est tenue la veille. Est ce vraiment une méthode efficace pour apprendre ? Là, quel est le gène ?
Sur un banc, au soleil, je vois une jeune femme très bronzée, allongée, qui ne fait rien. Elle n'a pas l'air fatiguée, de sorte qu'il est douteux qu'elle ait besoin de se reposer, et elle n'a sans doute pas pu éviter les messages des dermatologues signalant que le soleil est mauvais pour la peau. Pourquoi son comportement ?
Je passe maintenant devant la terrasse d'un bistrot, sans soleil cette fois, mais en plein air, juste devant la rue. Il y a à peine de quoi s'asseoir, les clients se gênent et les voitures sont bruyantes. Quel plaisir ont-ils ?
Un autre jardin public, un homme qui semble en parfaite santé est assis, sans lire, sans écrire, sans rien faire, à l'ombre. Que fait-il ?
Plus loin, une dame plus âgée fait des mots croisés. A quoi bon ? Ce type de questions me vaudra évidemment la rancune de mes amis cruciverbistes, mais je répète : à quoi bon ? Il s'agit d'une occupation, au sens d'occuper un vide, et la question n'est pas de savoir si elle élève l'esprit ou non, mais de se demander à quoi bon ? L'être humain revendique à chaque seconde de changer de condition, mais le fait est que beaucoup se contentent d'occuper leur temps, et leurs revendications ne sont donc guère que des gesticulations.
Une étudiante qui ne réussit pas particulièrement ses études me dit que, en réalité, elle est moins intéressée par la chimie physique que par « écrire ». A-t-elle déjà écrit ? Non. A-t-elle déjà pris du temps pour apprendre à écrire ? Non : ses compétences se limitent à celles qu'elle a eues lors de ses cours de français du collège ou du lycée... Cours où, m'avoue-t-elle, ses notes étaient médiocres. Comment peut-elle croire qu'elle gagnera sa vie alors que lui manquent, au minimum, des compétences, lesquelles ne s'obtiennent pas par des claquements de doigts ? Mon incompréhension d'une telle... naïveté (inconséquence ? Inconscience ?).
Un étudiant me dit avoir deux heures de transport en commun, touts les jours, pendant lesquelles il écoute de la musique ? Pourquoi ne fait-il rien ? Ses réponses sont toutes de mauvaise foi (et, à nouveau, j'ai beaucoup de sollicitude). Ce qui est avéré, c'est que son seul profit est du « plaisir ».
Je passe devant un petit jardin, et je vois une personne que je connais, directeur de société, qui cultive des tomates, carottes, choux... Je l'interroge sur son activité, et il me répond qu'il produit ainsi assez pour produire sa famille. Dont acte, mais l'efficacité de cette culture ? Au temps passé, elle est nulle, et la qualité de ses produits reste inférieure à celle des plus beaux fruits et légumes de la place. Financièrement, c'est nul. De sorte qu'il faut conclure que seul son « plaisir », son  « envie », sa compulsion le guident. Pourquoi ce plaisir ? Cette envie ? Pourquoi rester cassé en deux au soleil, dans le froid, sous la pluie ?
Dans la rue, une femme marche difficilement perchée sur des talons aiguilles immense. A quoi bon ?

On aura compris que la liste de mes incompréhension est longue. Souvent, quand j'interroge ceux et celles dont je ne comprends pas le comportement, je ne reçois que la réponse « j'aime ». Je n'ai évidemment aucun droit à discuter leur goût, mais quelle étrange chose que ce « plaisir », qui conduit à des comportements extraordinaires, souvent irrationnels !