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dimanche 2 juillet 2023

Cela me frappe d'un coup, en relisant la biographie de Justus von Liebig, par Brock (Justus von Liebig, the chemical gatekeeper).

 

Liebig était parti à Paris, faire ses études avec Louis Joseph Gay-Lussac, notamment, et sa thèse en Allemagne lui avait été donnée sans qu'il la passe vraiment, sur la base de ses travaux parisiens, afin de lui permettre d'enseigner la chimie, de former le corps technique et scientifique dont le Duché de Hesse-Darmstadt avait besoin. 

Brock écrit que Paris avait mis Liebig en relation avec les vraies racines de la chimie moderne :  les élèves de Lavoisier. Liebig resta toujours attaché à Gay-Lussac, et son premier élève étranger à Giessen, en 1833, fut le fils Jules de Gay-Lussac. Quand Gay-Lussac publia ses méthodes titrimétriques ou volumétriques pour l'analyse de l'argent, Liebig traduisit les textes en allemand. 

Paris donna aussi à Liebig la possibilité de fréquenter des scientifiques européens parmi les plus grands, et la thèse qui lui fut donné par l'universiité d'Erlangen, anisi que la présentation qu'il fit à son retour, devant l'Académie des sciences, le firent connaître d'autres personnages célèbres tel que Berzelius, Oersted, Döbereiner... Grace à Humbolt et à Kastner, le fils d'un commercant, âgé de 21 ans, fut transformé en professeur de chimie. 

Le coût, pour ses parents et l'état (plus de 5000 gulden) fut au bénéfice de la chimie européenne, et éleva Liebig de la classe laborieuse respectable à une intelligentsia bourgeoise. 

 

Nous y sommes : pour Brock, comme pour beaucoup dans ce monde, on s'élève par l'argent. 

Et si l'on considérait enfin, au contraire, que l'argent n'achète jamais le talent ? Laurent de Médicis pourra payer tous les artistes qu'il voudra, il ne saura jamais peindre ! Et Bill Gates pourra dépenser des millions de dollars qu'il ne maitrisera jamais la méthode des développements asymptotiques de Wong, au voisinage du point singulier d'un col ! 

Je propose de considérer que le talent soit la véritable échelle sociale. Cela nous évitera beaucoup de vulgarité !

samedi 1 septembre 2018

Education et instruction

Cela fait déjà un certain temps que je tourne autour des mots "éducation" et "instruction".  La question terminologique est difficile, parce que les acceptions sont nombreuses et que ces deux mots ont été un peu ballottés cours des siècles.
Voici ce que j'ai glané de mieux dans les dictionnaires :

Education : art de former une personne, spécialement un enfant ou un adolescent, en développant ses qualités physiques, intellectuelles et morales, de façon à lui permettre d'affronter sa vie personnelle et sociale avec une personnalité suffisamment épanouie. Empr. au latin classique educatio « action d'élever (des animaux et des plantes); éducation, instruction, formation de l'esprit »
 

Instruction : action d'instruire quelqu'un; résultat de cette action. Action de former l'esprit, la personnalité de quelqu'un par une somme de connaissances liées à l'expérience, à la vie, aux événements; résultat de cette action. Étymologie et Histoire 1. a) 1320 « ordre, directive donnés par un supérieur à ses subordonnés »

Toutefois je crois finalement que l'on peut retenir des définitions issues de l'étymologie, à savoir qu'éducation, c'est faire "sortir du chemin", alors que l'instruction a eu initialement le sens d'ordres  donnés aux ambassadeurs.
Oui l'éducation fait sortir du chemin : elle fait sortir l'enfant du chemin de son naturel vers le chemin culturel, l'équipant des codes de la vie en société. L'instruction transmet des informations, connaissance ou compétences, savoir être. De sorte que, si l'on admet ces acceptions, il semble raisonnable de penser que l'éducation revient aux parents et l'instruction au système d'études.
Et c'est un bien grave débat politique que d'accepter de nommer éducation ce que nous attribuons à l'école, au collège, à l'université, car cela suppose que les parents soient désaisis de leur autorité au profit de la collectivité. Je ne me prononce pas ici sur le bien ou le mal  fondé de cette possibilité, et je me contente de l'évoquer, car tous les sujets qui fâchent doit être discutés ouvertement, sur la base les avantages et les inconvénients que l'on trouvera dans les différentes options que l'on discute.




lundi 27 août 2018

A propos de pédagogie inversée… ou pas




Dans un billet précédent, je parlais de pédagogie inversée, que je citais comme un des exemples du fait que l' « enseignement » a changé. Il faudra discuter les termes de cette phrase, mais, auparavant, j'en reviens au fait : à signaler qu'un ami internaute, à l'expression « pédagogie inversée », commente  « Pas vous ! », en 'assortissant toutefois cette remarque d'éloges. Il y a lieu de lui répondre ici.



Commençons par cette question terminologique que j'ai vaguement esquissée, en utilisant notamment le mot « enseignement », un terme auquel fait écho le mot « pédagogie ». Ce mot-là ne me convient pas quand il s'agit d'études supérieures, parce que la pédagogie concerne les enfants ; or nos étudiants sont souvent majeurs, et ce ne sont plus des enfants. Enseignement ? Le mot ne me convient pas non plus, car il fait l'hypothèse que l'on peut enseigner, et le mot « instruire » qu'il fait également l’hypothèse que l'on peut transmettre quelque chose à quelqu'un. Je crois cela bien impossible, et je crois surtout à la vertu des « études », avec des « étudiants » qui se procurent leur propre savoir ; pour comprendre quelque chose, pour l'apprendre, il ne peut y avoir autrui, qui vous l'apprend ou vous le fait comprendre, mais un travail, un effort personnel, qui, seul, permet l'apprentissage ou la compréhension. Aristophane disait bien que, dans ces relations particulières, le professeur n'est pas en train d'emplir des cruches. Et la question terminologique est terrible, parce que si le mot « étude » me convient bien, je ne sais pas nommer en français le travail d'accompagnement que font les professeurs. Certes, ils professent, ils « parlent devant ». Professorat ? J'ai peur de mettre cet acte-là avant l'étude, ou, plutôt, non, je n'ai pas peur mais je récuse absolument l'idée qu'il y ait un professeur, un maître, un tuteur… avant l'étudiant. Dans le mot « étude », il y a les études en toute première place, et cela me convient. Et c'est ainsi que j'accepte bien volontiers de parler d'études élémentaires, d'études supérieures…



Mais revenons à la « pédagogie inversée » en oubliant cette histoire d'enfants qui figure dans l’étymologie du mot. Il y a des débats didactiques sans fin à propos des rénovations de l' « enseignement » (on devrait dire « des études »), et je sais parfaitement que la terminologie « pédagogie inversée » correspond à un type particulier d'activités qui est peut-être même breveté, comme l'a été il y a quelques années la « culinologie » : il y en a toujours qui cherchent à faire de l'argent. Mais comme je ne vends rien et que je refuse l'appropriation indue de terminologie, je vais continuer ici de parler de « pédagogie inversée » en prenant une acception un peu large qui n'entre pas dans les détails… pédagogiques. En réalité, je me moque de la pédagogie inversée, et mon discours tient tout entier dans cette idée que je mets au centre des études : l'étudiant, son activité de compréhension, d'apprentissage de savoirs, d'acquisitions de compétences, de travaux en vue d'obtenir de nouveaux « savoir-être ».

Avec ce mot « études », pas besoin d'aller très loin dans la didactique jargonnante : il suffit de penser que les étudiants sont au centre du dispositifs et que nous sommes à leur service pour les aider à obtenir connaissances, compétentes, savoir-être… Je rappelle que, naguère, mes « cours » étaient des exercices d'enthousiasme partagé où l'on discutait la question des informations (sans beaucoup d'intérêt puisqu'elles sont en ligne), des notions et concepts (qui sont des joyaux forgés par nos prédécesseurs les plus admirables), les méthodes, qui sont essentielles, les valeurs (qui sont une des principales raison d'être des professeurs) et, enfin, des anecdotes, qui font la vie plus douce, plus souriante. Rien de tout cela ne servait directement à « enseigner », mais ce professorat (au sens littéral de « parler devant ») avait pour principal objectif de donner à nos amis étudiants le goût, l'envie, l'énergie d'étudier.

On voit que mes amis internautes peuvent être rassurés : je ne verse pas dans les vétilles, mais, au contraire, je reste très proche des noyaux durs de cette activité qui revient entièrement aux étudiants : étudier !

mercredi 18 juillet 2018

Du réalisme pour l'instruction

Dans mes propositions de rénovation de l'enseignement supérieur, je fais l'hypothèse qui les étudiants sont capables de travailler tout seul, quand un but leur est fixé  ou, mieux, quand ils ont identifié leur propre but. La question m'est toutefois posés par des collègues d'un certain réalisme, comme ils disent,  à savoir que les étudiants ne seraient pas capables de ce travail autonome. Je ne suis pas d'accord avec eux : il y a des étudiants qui en sont capables et d'autres qui n'en sont pas capables. Pour les premiers, on retrouve l'idée de Richard Feynman selon laquelle l'initiative qui avaient conduit à ces merveilleux Cours de physique  était inutile. Pour les autres, on pourrait être tenté de penser que, puisqu'ils ne sont pas capables, ils n'ont pas leur place à l'université...  mais on peut aussi faire l'hypothèse plus positive que le déclic viendra plus tard (quand ? ) et partir sur la base du fait que tout étudiant doit avoir sa chance.

Bref, je propose en conséquence de ne pas traiter tous les étudiants de la même façon, de donner de l'autonomie à ceux qui en sont capables et d'épargner ainsi du temps pour ceux qui ont besoin de soutien, d'accompagnement.
Pour autant, mon postulat initial reste vrai : il est bien impossible d'apprendre à la place de quelqu'un,  et c'est la raison pour laquelle je pense que l'enseignement est une tâche impossible... à moins que l'on ne désigne ainsi l'activité qui consiste organiser le travail d'apprentissage, à organiser les études. Pour les étudiants du premier groupe, on peut être un interlocuteur, et, pour les autres, on doit organiser leurs études, avec des rendez vous bien plus courts, en s'assurant qu'ils arrivent à rester focaliser. Certes, ces étudiants ont le droit de vote, ils sont adultes, mais pourquoi se fatiguer s'ils ne montrent aucun intérêt ?
 Je vois ainsi un système d'instruction (on observe que je ne dis plus "éducation") qui proposerait à chaque étudiant  une série d'étapes successives, avec des distances inter étapes déterminées  d'après la capacité de chaque étudiant à faire seul le chemin proposé. Et je vois ainsi, bien plus clairement, que   les étapes doivent être de plus en plus longues à mesure que l'on avance dans les études supérieures. Ce qui n'est pas sans nous rappeler la pratique des thèses à l'École normale supérieure : le doctorant rencontre une fois son directeur de thèse, qui lui donne un sujet, et il part ensuite travailler pendant 3 ans pour revenir avec le résultat de son travail. Bien sûr, il est pas interdit de venir parler entre-temps, de demander des conseils, de discuter des orientations, et c'est là que le directeur de thèse mérite véritablement son nom,  et non pas en transformant le doctorant en de la main d'oeuvre pour ses propres travaux.

On se souvient  que j'ai rappelé que la fin de la deuxième année de master marque la fin des études et le commencement du  travail scientifique ou technologique responsable. Non pas nécessairement entièrement autonome ou indépendant, mais responsable. Bien sûr, on on comprend que certains jeunes scientifiques puissent avoir besoin de plus de conseils que d'autres : les  doctorants les moins autonomes  sont en réalité moins "bons" que ceux qui sont entièrement autonome,  parce que, même si une certaine mode insuffisamment réfléchie propose que l'interaction et la collaboration soient des panacées, il n'en reste pas moins que des Albert Einstein n'avaient besoin de personne pour révolutionner la physique, pas plus que des Faraday, des Boltzmann, des Dirac, des Andrew Wiles en mathématiques. Wiles ? Pour s'attaquer à la conjecture de Fermat, il s'est retiré du monde pendant trois ans, sans jamais aller au laboratoire. Il n'était disponible pour aucune de ces chronophages "réunions de laboratoire", de ces grands messes de laboratoire, d'unité, de département, que sais-je? Et c'est bien lui qui a réussi où les autres, plus empoussiérés du monde, avaient échoué.
Bref, il est intéressant que voir que les plus grandes réalisations scientifiques ont si souvent été le fait de chercheurs isolés, et non pas en constante interaction comme cela est proposé aujourd'hui. Pour la recherche comme pour l'enseignement, il faut laisser ceux qui en sont capables travailler sans perdre de temps.

Mais je reviens à cette question des études pour observer, donc, qu'il y a des cas très différents et qu'il est idiot de mettre tout le monde dans le même sac. Si l'école élémentaire parvient à faire des classes où les professeurs suivent chacun, pourquoi l'université n'y parviendrait-elle pas ? Et a fortiori les grandes écoles ? J'ajoute que je ne méconnais pas les initiatives de nombreux collègues de l'université, qui n'ont pas attendu pour remplacer les cours magistraux par le dispositif plus personnalisés. Des cours magistraux ? Ceux-ci  sont peut-être inutiles à moins que le professeur ne donne une toute autre perspective que le reste du dispositif : professer,  parler devant, ce n'est pas remplir des cruches, mais allumé des brasier. Et l'on se reportera à mes discussions précédentes  sur la question de la responsabilité du professeur à ce propos, qui doit éviter de transmettre sa propre maladie pour plutôt conduire chaque étudiant à découvrir sa propre voix.

On le voit l'instruction supérieure (puisque je me refuse à parler d'éducation) est une invitation à l'indépendance, à l'autonomie, et surtout à l'étude éclairée.

dimanche 11 février 2018

Pourquoi les marchands de peur sont des êtres détestables

Nous vivons dans un monde qui réunit des individus variés : il y a les plus entreprenants, ceux qui souffrent physiquement, ceux qui ne souffrent pas, ceux qui sont gais, ceux qui sont tristes, ceux qui ont peur, ceux qui sont indifférents... Il y a des individus qui ont une religion, d'autres qui n'en ont pas. Certains veulent un monde meilleur après la mort, d'autres le veulent dès demain.

Bref, il y a beaucoup de diversité, mais c'est notre capacité à la surmonter pour faire une société cohérente, sereine, qui est notre seule chance de vie heureuse. Banissons le drame, la lutte, la guerre  si nous voulons vivre dans la paix, la sérénité, le bonheur.

Et c'est donc la raison pour laquelle je déteste les marchands de peur, qui veulent nous faire croire que notre alimentation est empoisonnée.
Certains de ceux-là proposent l'existence de "complots" : du grand capital, de l'industrie, que sais-je. Souvent, ils oublient... ou ne veulent surtout pas reconnaître que nous n'avons jamais si bien mangé, que nous sommes la première génération à ne pas avoir connu la famine, que notre espérance de vie qui s'allonge est en réalité la cause d'une démographie galopante qui engendre notamment la pollution. Souvent, ils oublient, ou ne veulent surtout pas admettre, que les vraies causes importantes de risque sont le tabac ou l'alcool, l'automobile, l'obésité, la grégarité, les accidents... Bien sûr, dans des statistiques de décès, on trouve des cancers ou des maladies cardio-vasculaires, mais de quels facteurs découlent-ils ?

Surtout, je déteste les marchands de peur ou, plus exactement, je ne veux pas leur faire l'honneur de les détester, mais je propose de les fuir, parce qu'ils abusent de la peur des plus faibles d'entre nous. Je vois peu de différence entre un journaliste qui vend de la peur et un marabout qui vend une guérison qu'il ne peut en réalité pas obtenir.

Je propose de renforcer l'éducation et l'instruction, qui sont notre meilleure arme contre le mensonge, la peur, l'intolérance.

dimanche 24 septembre 2017

Evaluations numériques

Un journaliste écrit "J'étais chez une pote prof d'anglais qui corrigeait des DM. Je l'ai aidée à trouver les url des copier-coller. Avalanche de zéros. On a ri."

Il a ri, cet homme ? Et pourquoi ? Parce que, au fond, que demandait le devoir ? Des choses justes. Qu'ont fait les élèves ? Produit des choses (possiblement) justes, en utilisant des sources. Or qu'ont fait les universitaires depuis toujours ? La même chose. Les élèves auraient-il dû mélanger des sources pour faire quelque chose de "personnel" ? Et pourquoi, si le mélange arrive à moins bien ?

Tout cela me rappelle des réunions pédagogiques où étaient discutés des logiciels anti-plagiat : j'avais alors dit bien clairement que je ne voulais certainement pas de personnel, pour des travaux scientifiques autres qu'expérimentaux : je voulais des phrases tirées d'articles récents, de bonne qualité, assorties de références. De sorte que j'aurais plutôt utilisé les logiciels anti-plagiat... pour l'inverse de leur nom : plus un document aurait été plagié, moins il y aurait eu de personnel, et plus l'évaluation aurait été bonne.
Et puis, "personnel"... Croit-on vraiment que cela ait beaucoup d'intérêt ? Assez avec ce culte de la petite personne ignorante qui étale ses certitudes avec une complaisance veule. Nous ferions mieux de revendiquer que les élèves se donnent la peine aillent chercher des informations de bonne qualité, qu'ils apprennent à citer leurs sources avant toute chose, qu'ils apprennent à évaluer ces sources, puisque chacun écrit n'importe quoi sur internet (mais nous sommes d'accord, il y a également toujours eu de mauvais écrits, des auteurs minables et des éditeurs pourris, à côté d'auteurs remarquables et d'éditeurs responsables).

Prenons un peu de recul. Que peuvent chercher des élèves ?
Des informations : sans beaucoup d'intérêt, puisqu'on les trouve dès qu'on les cherche.
Des notions et des concepts : ce sont des outils de la pensée, et il me semble que les études doivent conduire à les découvrir, à en connaître l'existence à défaut d'en donner le maniement, puisque ce sera difficile de les chercher si on ne sait pas qu'ils existent.
Des méthodes : elles sont essentielles, comme je l'ai répété dans d'innombrables billets. Et j'appelle de mes voeux la création d'une "base de méthodes", notamment pour la science (cela se distingue un peu des "bonnes pratiques" que je discute régulièrement sur http://www.agroparistech.fr/-Les-bonnes-pratiques-scientifiques-.html).
Des anecdotes : un peu de chair autour des os, cela met de la joie.
Des valeurs : essentiel, n'est-ce pas ? C'est le sens de tout ce travail des études, la raison d'être des professeurs qui ne se réduisent pas à ces "enseignants" dont je ne veux pas entendre parler.

 Terminons sur une note très positive : l'avènement du numérique est un espoir extraordinaire, parce que nous avons la possibilité de changer des méthodes pédagogiques pour le mieux. Nous avons la possibilité de faire disparaître ces tableaux noirs qui conduisent le professeur à tourner le dos aux élèves; nous avons la possibilité d'aider nos jeunes amis à apprendre par eux-mêmes ; nous avons la possibilité de migrer vers des relations différentes, entre les professeurs et les étudiants, centrées sur le but essentiel de toute cette affaire : la question n'est pas pour des enseignants d'enseigner leur savoir toujours insuffisant, mais bien plutôt d'aider les étudiants à apprendre.
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dimanche 23 avril 2017

Comment enseigner, si les étudiants apprennent ?

 Une fois que l'on a dit que la question n'est pas d'enseigner pour les enseignants, mais d'apprendre, pour les étudiants, quelle activité proposer aux enseignants ? Sont-ils mis entièrement sur la touche ? L'expérience prouve que non : beaucoup de nos jeunes amis ont besoin d'être guidés dans leur apprentissage.
Par exemple, c'est un fait que beaucoup d'étudiants ne sont pas déterminés, quant à leur choix professionnel. Dans quelle voie s'engager ? Là, il y a une réponse à donner, mais pas une réponse en terme de descriptions abstraites : rien ne vaut de croquer dans une pomme afin de savoir le goût qu'elle a. Et le professeur se trouve alors à sélectionner des activités dont il peut proposer l'exercice aux étudiants.
Puis, en vue d'une activité particulière, déterminée,  il y a des idées porteuses,  des idées périmées, des idées sans intérêt autre qu'historique... Ne pourrions-nous considérer que c'est du ressort du professeur que de mettre tout cela en perspective, afin que l'étudiant se détermine, en vue d'apprendre ce qu'il a judicieusement décidé d'apprendre ? D'ailleurs, toujours dans cette vision d'une activité ultérieure bien déterminée, il y a des connaissances et des compétences indispensables. Là encore, le professeur est utile.
Et puis, il y a des expositions à faire, afin que les étudiants puissent apprendre : si l'on souhaite que les étudiants se débrouillent pour trouver en ligne les éléments de cours dont ils ont besoin, il faut quand même que de tels éléments soient en ligne. Qui peut les faire sinon les professeurs ? Sans compter que, parfois, certains étudiants ont des difficultés : il arrive qu'une aide opportune fasse gagner beaucoup de temps.

D'ailleurs, gagner du temps : si l'on prend la métaphore d'une montagne du savoir, patiemment érigée,  il faut aussi considérer que les étudiants n'auront pas le temps nécessaire pour refaire tout le chemin de la science du passé. Ils gagneront à être conduits au sommet le plus rapidemnet possible. Là encore, ils trouveront utile d'avoir à portée de main un... professeur.
Un professeur? Puisque ce dernier n'enseigne plus, mais guide, pourquoi le nommer ainsi ?
La terminologie "enseignant" est mauvaise, tout d'abord. On rappelle qu'elle s'est introduite à la faveur d'une rénovation de l'Education nationale, où l'on a voulu plus d'"égalité" entre les corps enseignants (et dans une vision enseignante que je récuse ici), pour des raisons idéologiques et financières. Mais les mots correspondant aux notions, et la notion d'enseignement étant néfaste, il faut considérer que cette réforme  était elle-meme néfaste ! Il est temps de mettre cela à plat, et je propose de bien reconsidérer l'idée des "professeurs". Un professeur professe, littérallement il "parle devant".
De quoi parle-t-il, s'il laisse les étudiants apprendre ? Il peut parler de valeurs, tout d'abord : c'est le socle sur lequel s'érige le savoir, ainsi que les compétences. Avant d'apprendre, il faut avoir des raisons profondes d'apprendre, et c'est ce que peut discuter un professeur. D'autre part, un professeur peut discuter, de méthodes, de concepts, de notions, d'informations. Non pas qu'il ait à les transmettre aux étudiants, mais surtout qu'il doit les "discuter", les mettre en perspective, donner un contexte.
On le voit, si l'"enseignant" disparaît, en raison d'un statut néfaste, le professeur s'impose absolument. Il nous faut des professeurs des écoles, des professeurs de collège, de lycée, des professeurs d'université.

Tiens, un détail, puisque l'apprentissage supérieur (je refuse de parler d'"enseignement supérieur") m'intéresse : faut-il des "maîtres de conférence" ? Pour qu'il y ait maître de conférence, il faut qu'il y ait conférence, que le contenu d'apprentissage soit centré sur des discussions. De telles discussions sont-elles utiles ? Et faut-il des "maîtres de conférence", ou bien des professeurs moins avancés que des professeurs plus assurés ? J'aurais tendandce à préférer la dénomination anglo-saxonne des "assistant professors", professeurs adjoints, en proposant d'organiser des rencontres didactiques entre les deux corps, dans l'hypothèse -juste par principe à défaut de l'etre toujours- que les professeurs les plus avancés auront à coeur d'aider les plus jeunes à améliorer leur travail.

On le voit, un vaste chantier très indispensable, très urgent !

jeudi 20 avril 2017

Bannissons le mot "enseignement

Posons d'abord  l'idée selon laquelle la question essentielle est que les étudiants apprennent. La possibilité, pour les enseignants, d'enseigner, est secondaire, n'est-ce pas ? En effet, on ne paye pas les enseignants pour qu'ils enseignent, mais pour que les étudiants obtiennent progressivement des connaissances, ou, bien mieux, des compétences. Et le choix de ces dernières est guidé par un objectif supérieur, qui peut être d'avoir un métier, par exemple, ou bien d'être éclairé par de la connaissance en vue d'une citoyenneté... éclairée.
Bref, il faut d'abord que les étudiants apprennent. Comment nommer cette activité ? Pas "enseignement", on le voit. Pas "pédagogie" non plus, car les étudiants de l'université ne sont plus des enfants, mais des adultes qui ont le droit de vote et, en contrepartie de ce droit, on le devoir de se comporter en (bons) citoyens.
Alors "éducation" ? Il y a l'étymologie ex ducere, conduire hors du chemin : mais là encore, l'étudiant est considéré comme être passif, que l'on manipule.
Le terme d'"apprentissage" est mieux, ou "étude". De sorte que l'on devrait sans tarder changer des terminologies néfastes comme "enseignement supérieur" en "apprentissage supérieur", ou "études supérieures". Cela sonne bizarre ? Ne nous en faisons pas : après quelque temps, cela nous paraîtra tout naturel... et tellement plus juste !

vendredi 29 août 2014

Si la notion de molécule est inconnue du public, comment celui-ci pourra-t-il décider raisonnablement de l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés ?


Dans un billet précédent, je discutais ce fait essentiel : les « petits marquis » (on pourrait dire aussi « les intellectuels coupés du reste du monde ») que sont certains d'entre nous doivent être conscients que, en première approximation « le monde » ne comprend pas ce qu'ils font. Je ne dis pas, évidemment, avec morgue ou supériorité, que le public est ignorant, mais je dis qu'il ne connaît pas les sciences. Il a pourtant d'autres connaissances. Par exemple, un confiseur sait parfaitement le degré exact de changement de la matière qu'il travaille, quand il fait un fondant... mais il ne sait pas résoudre des équations ; et, inversement, un physicien serait bien incapable de faire un feston en sucre filé. De même pour un ébéniste, un garagiste...
Toutefois c'est un fait que notre monde est plein de techniques avancées, pour lesquelles des choix doivent être faits collectivement. Et c'est un fait que les objets techniquement avancés ne sont « compréhensibles » que si l'on dispose de connaissances scientifiques que peu ont, malgré les efforts admirables de l'Education nationale.

Bref, le public connaît mal les sciences et les technologies : c'est un fait. Or, dans un billet précédent, j'avais pris l'exemple de la différence entre composé et molécule, très généralement incomprise en dehors du cercle des chimistes. Nous devons tirer les conséquences de l'observation selon laquelle cette différence n'est pas comprise/connue : si le public ignore ce qu'est une molécule, comment pourrait-il comprendre ce qu'est l'ADN ? Du coup, comment peut-il comprendre ce que sont les OGM ?
Et si le public ne « comprend » pas ce que sont les OGM, comment peut-il rationnellement refuser une technique qu'il ignore (car beaucoup « refusent » l'utilisation des OGM, ou des PGM (plantes génétiquement modifiées)) ?
Soyons plus positifs : comment expliquer à notre entourage ce qu'est l'ADN, afin que les décisions prises collectivement le soient en connaissance de cause  ?

L'ADN étant une molécule dans une cellule, l'expérience semble devoir montrer qu'il faut d'abord expliquer ce qu'est une cellule. Je ne suis pas certain  (on aura compris qu'il s'agit là d'une figure de rhétorique) que l'ensemble de nos concitoyens savent que les levures (pas les poudres levantes !) sont des cellules, de petits sacs vivants ! Vivants ? L'explication est difficile mais on n'aurait pas tort, je crois, de commencer par dire que la possibilité d'une reproduction est essentielle. Évidemment je n'utiliserais pas le mot « reproduction » si je veux me faire comprendre, parce qu'il a plus de trois syllabes, et je préfère me contenter de dire qu’une cellule est un objet petit, visible au microscope et qui, à la bonne température et en présence de nutriments (là, il faut expliquer), grossit, grossit encore, puis se divise en deux objets identiques au premier. Mieux encore, je ne crois pas inutile de montrer, encore et encore, des images de cette division ou, mieux, des films ! Par exemple, j'ai trouvé ceci : www.snv.jussieu.fr/vie/images_semaine/imagealaune_38/imagealaune_38.html

Cela étant fait, sans oublier notre objectif (expliquer ce qu'est l'ADN), pourquoi ne pas nous limiter, dans un premier temps, à interroger nos amis -au lieu de leur déverser des connaissances ex cathedra-  en leur demandant comment la division qu'on leur a montrée a pu avoir lieu ?
La notion de molécule étant acquise (voir le billet antérieur), ne pourrait-on alors indiquer (OK, le chemin est long) comment un simple bricolage permettrait de construire une cellule, par exemple à l'aide de ces molécules de lécithine, dont on pourrait faire une vésicule ? Puis, d'autre part, à partir  de l'idée de molécules, ne pourrions-nous pas arriver à celle d'ADN, et, mieux encore, à celle d'ADN auto reproducteur ? Il resterait alors à mettre un ADN auto reproducteur dans une vésicule auto reproductrice et l'on aurait...  l'objet que  je rêve de voir un jour, à savoir une cellule vivante artificielle.
Je sais qu'un tel exploit ne réfutera pas le vitalisme, mais en associant la présentation de cette réalisation à des idées sur le mouvement moléculaire d'origine thermique, je crois que nous aurions avancé.

dimanche 28 juillet 2013

Dimanche 28 juillet 2013. Les connaissances et les compétences.




On me connait : je répète que je ne suis pas assuré de mes certitudes. Alors, de mes incertitudes...
En revanche, j'ai la naïveté, le courage (je vois déjà quelques commentaires que je n'afficherai pas ; pardon, mais le ton doit rester mesuré), l'inconscience de discuter d'enseignement. Et pis, je le fais au mépris de la règle qui réclame une saine recherhe bibliographique en préalable aux discussions « scientifiques » (ici, j'écris le mot dans l'acception « savoir général », et pas « sciences quantitatives »). Plus spécifiquement, de la différence entre les connaissances et les compétences.

Il me semble que les compétences sont plus difficiles à obtenir que les connaissances. Ces dernières peuvent se transmettre par des « récits », tandis que les compétences mettent étudiants en situation d'autonomie, souhaitable si l'on veut qu'il devienne secouer le carcan du « Maître ».

Un exemple, l'utilisation de l'expression de l'entropie en fonction du nombre d'états microscopiques (une merveilleuse loi qui s'exprime par S = k ln Ω, où S représente l'entropie, k la constante de Boltzmann, égale à 1,3806488 × 10-23 m2 kg s-2 K-1, ln la fonction logarithme népérien, et Ω le nombre de configurations microscopiques associées à un état macroscopique).
La connaissance, dans ce cas, n'est pas compliquée, puisqu'elle se réduit à une définition que même un âne finira par apprendre par coeur pourvu qu'on lui donne carottes et bâton, mais c'est la compétence que l'on doit viser, à savoir que les étudiants, connaissant bien la loi, doivent finir par avoir le quasi réflexe de chercher à l'appliquer, chaque fois qu'ils sont en présence d'un nombre de configurations microscopiques et qu'ils envisagent les questions d'énergie, dont l'entropie (oui : multipliée par la température et avec un signe moins) est une composante.
Rien de difficile, dans cette affaire, mais il faut de la familiarité, et éviter que les étudiants considèrent que l'apprentissage de ces notions est une « peau d'âne », dont ils doivent se débarrasser le plus vite possible après l'examen. D'ailleurs, ajoutons que ce type de connaissances/compétences sont très « locales », et méritent évidemment être placées dans un cadre explicatif plus général. Pour dire les choses très simplement, la plus simple des « lois de la nature » (pensons à U = R . I si l'on a les compétences scientifiques du lycée) doit être apprise dans les conditions de son application (la loi d'Ohm précédente n'est valable que tant que le courant est limité, sans quoi le conducteur chauffe et fond, de sorte que la loi ne s'applique plus). Bref, il n'est pas interdit de réfléchir, quand on apprend.
Il y a quelques jours, dans notre « étincelle scientifique du matin » (une réunion du Groupe INRA/AgroParisTech comme il y en a tous les matins, et où l'on discute des points scientifiques, des molécules, des livres), nous avons ainsi vu comment calculer la pression de Laplace : en substance, dans une bulle d'air, au sein d'une mousse, il y a une pression d'autant plus grande que la bulle est petite ; et cette pression conduit à la rupture des mousses, les petites bulles, sous forte pression, se vidant au profit des grosses bulles, où la pression est moindre).
La démonstration que les étudiants ont suivie, et qui établissait l'expression mathématique de la pression de Laplace, relevait des connaissances, et l'application au calcul de la hauteur de montée capillaire (qui en résulte), elle, peut en devenir une simple application. Lors de cette application, on s'aperçoit qu'il faut savoir des faits simples, à savoir la variation de pression en fonction de la hauteur dans un liquide, ou le fait qu'à la surface d'un liquide, la pression est égale à la pression atmosphérique. Il y a donc un exercice à proposer pour passer de la force à la hauteur de montée capillaire.
Supposons que, face à ce travail opposé, les étudiants « sèchent ». Que faut-il faire ? Bien sûr, aujourd'hui, ils trouveront en ligne la solution de l'exercice, mais s'ils se contentent de lire cette solution, ils resteront du côté de la connaissance, et ne passeront pas du côté de la compétence. La compétence, c'est donc un travail personnel qui, dans ce cas particulier, consiste à mettre en oeuvre les connaissances.
D'où la question : une compétence est-elle toujours la capacité de mettre en oeuvre des connaissances ?


Note : il y a des cours qui se font par des excercices. On en évidemment conduit à penser que, si ces cours sont bien faits dans le détail, ils seront efficaces, n'est-ce pas ?

Note de la note : à condition que les étudiants n'aillent pas trop vite, ne sautent pas des étapes pourtant bien organisées, dans les cours bien faits.

Note de la note de la note : on n'oublie pas, dans toute cette discussion, que, suivant l'exemple de Michel Eugène Chevreul, je cherche à devenir un jour le doyen des étudiants de France !