On
me connait : je répète que je ne suis pas assuré de mes
certitudes. Alors, de mes incertitudes...
En
revanche, j'ai la naïveté, le courage (je vois déjà quelques
commentaires que je n'afficherai pas ; pardon, mais le ton doit
rester mesuré), l'inconscience de discuter d'enseignement. Et pis,
je le fais au mépris de la règle qui réclame une saine recherhe
bibliographique en préalable aux discussions « scientifiques »
(ici, j'écris le mot dans l'acception « savoir général »,
et pas « sciences quantitatives »). Plus spécifiquement,
de la différence entre les connaissances et les compétences.
Il
me semble que les compétences sont plus difficiles à obtenir que
les connaissances. Ces dernières peuvent se transmettre par des
« récits », tandis que les compétences mettent
étudiants en situation d'autonomie, souhaitable si l'on veut qu'il
devienne secouer le carcan du « Maître ».
Un
exemple, l'utilisation de l'expression de l'entropie en fonction du
nombre d'états microscopiques (une merveilleuse loi qui s'exprime
par S = k ln Ω, où S représente l'entropie, k la constante de
Boltzmann, égale à 1,3806488 × 10-23 m2 kg
s-2 K-1, ln la fonction logarithme
népérien, et Ω le nombre de configurations microscopiques
associées à un état macroscopique).
La
connaissance, dans ce cas, n'est pas compliquée, puisqu'elle se
réduit à une définition que même un âne finira par apprendre par
coeur pourvu qu'on lui donne carottes et bâton, mais c'est la
compétence que l'on doit viser, à savoir que les étudiants,
connaissant bien la loi, doivent finir par avoir le quasi réflexe de
chercher à l'appliquer, chaque fois qu'ils sont en présence d'un
nombre de configurations microscopiques et qu'ils envisagent les
questions d'énergie, dont l'entropie (oui : multipliée par la
température et avec un signe moins) est une composante.
Rien
de difficile, dans cette affaire, mais il faut de la familiarité, et
éviter que les étudiants considèrent que l'apprentissage de ces
notions est une « peau d'âne », dont ils doivent se
débarrasser le plus vite possible après l'examen. D'ailleurs,
ajoutons que ce type de connaissances/compétences sont très
« locales », et méritent évidemment être placées dans
un cadre explicatif plus général. Pour dire les choses très
simplement, la plus simple des « lois de la nature »
(pensons à U = R . I si l'on a les compétences scientifiques du
lycée) doit être apprise dans les conditions de son application (la
loi d'Ohm précédente n'est valable que tant que le courant est
limité, sans quoi le conducteur chauffe et fond, de sorte que la loi
ne s'applique plus). Bref, il n'est pas interdit de réfléchir,
quand on apprend.
Il
y a quelques jours, dans notre « étincelle scientifique du
matin » (une réunion du Groupe INRA/AgroParisTech comme il y
en a tous les matins, et où l'on discute des points scientifiques,
des molécules, des livres), nous avons ainsi vu comment calculer la
pression de Laplace : en substance, dans une bulle d'air, au
sein d'une mousse, il y a une pression d'autant plus grande que la
bulle est petite ; et cette pression conduit à la rupture des
mousses, les petites bulles, sous forte pression, se vidant au profit
des grosses bulles, où la pression est moindre).
La
démonstration que les étudiants ont suivie, et qui établissait
l'expression mathématique de la pression de Laplace, relevait des
connaissances, et l'application au calcul de la hauteur de montée
capillaire (qui en résulte), elle, peut en devenir une simple
application. Lors de cette application, on s'aperçoit qu'il faut
savoir des faits simples, à savoir la variation de pression en
fonction de la hauteur dans un liquide, ou le fait qu'à la surface
d'un liquide, la pression est égale à la pression atmosphérique.
Il y a donc un exercice à proposer pour passer de la force à la
hauteur de montée capillaire.
Supposons
que, face à ce travail opposé, les étudiants « sèchent ». Que
faut-il faire ? Bien sûr, aujourd'hui, ils trouveront en ligne la
solution de l'exercice, mais s'ils se contentent de lire cette
solution, ils resteront du côté de la connaissance, et ne passeront
pas du côté de la compétence. La compétence, c'est donc un
travail personnel qui, dans ce cas particulier, consiste à mettre en
oeuvre les connaissances.
D'où
la question : une compétence est-elle toujours la capacité de
mettre en oeuvre des connaissances ?
Note :
il y a des cours qui se font par des excercices. On en évidemment
conduit à penser que, si ces cours sont bien faits dans le détail,
ils seront efficaces, n'est-ce pas ?
Note
de la note : à condition que les étudiants n'aillent pas trop
vite, ne sautent pas des étapes pourtant bien organisées, dans les
cours bien faits.
Note
de la note de la note : on n'oublie pas, dans toute cette
discussion, que, suivant l'exemple de Michel Eugène Chevreul, je
cherche à devenir un jour le doyen des étudiants de France !