Les sciences de la nature sont merveilleuses, dans leur objectif comme dans le moindre pas que l'on fait vers cet objectif. Et puisqu'il est impossible d'enseigner (alors que, je le répète, il est possible pour les étudiants d'apprendre), j'ai proposé que ceux qui accompagnent les étudiants sur le chemin de leurs études soient soit des tuteurs, soit des professeurs. Les tuteurs veillent, protègent, guident. Les professeurs, eux, professent, à savoir que, étymologiquement, ils "parlent devant". Pour dire quoi ? Tout ce qui donnera de l'énergie, de l'envie, de l'enthousiasme, mais aussi, pourquoi pas, tout ce qui éclairera les études. Dans mon cas, je limite les "informations" (que l'on trouve n'importe où) pour me concentrer sur les notions et concepts, les méthodes, les valeurs et des anecdotes. Et c'est à ce titre que je discute souvent le calcul de l'aire de la gaussienne.
Expliquons.
La "gaussienne" est une courbe en forme de cloche, et le calcul de son aire, disons de l'aire de la surface entre elle et une ligne droite horizontale sur laquelle reposerait la cloche, est quelque chose qui s'impose de façon assez élémentaire, quand on marche sur le chemin de la science ou de la technologie.
Il y a bien des précisions à donner, pour qui ne connaît pas beaucoup de mathématiques. Et tout d'abord la forme particulière de la "cloche" : on peut en produire plein de différentes, mais la gaussienne est particulière, parce qu'elle est définie par la "courbe de Gauss", du nom de ce génie des mathématiques (on l'a surnommé : le prince des mathématiciens) que fut le mathématicien allemand Carl Friedrich Gauss (1777-1855).
C'est une fonction "exponentielle", qui croit et décroit très vite, et que l'on rencontre sans cesse en mathématiques, et aussi en statistique. Par exemple, quand on examine un phénomène "bruité", elle survient aussitôt. Un phénomène bruité ? Peser une masse sur une balance, alors qu'il y a des courants d'air.
Bref, se pose la question de calculer la surface sur la courbe, et ce qui est passionnant, dans cette affaire, c'est que les méthodes élémentaires de calcul des "primitives" utilisées pour ce type de travail ne fonctionnent pas.
En réalité, il a fallu l'acharnement et l'intelligence du mathématicien Pierre Simon de Laplace (1749-1827) pour trouver la première solution au problème... et cette solution est merveilleuse : il s'agit non pas de calculer directement la primitive, mais le carré de la primitive (la primitive multipliée par elle-même). Alors des manipulations permettent de se ramener à un calcul possible de façon élémentaire ; puis on prend la racine carrée du résultat.
Cette façon de contourner un mur est déjà merveilleuse, mais, surtout, c'est le détail de la seconde transformation qui est merveilleux, parce que l'on comprend alors, quand on fait les calculs, que la méthode proposée se fondait sur une bonne connaissance des "symétries" : en gros, si l'on fait tourner la courbe autour de son axe central de symétrie, on obtient une cloche de symétrie cylindrique. Et alors il y un rayon et un angle par rapport à une direction. Mais j'aurais du mal à en dire plus pour qui n'entre pas dans le détail du calcul. Ce n'est pas bien difficile... et voici une invitation à apprendre.
Bref, il y a lieu de s'émerveiller... et une invitation à découvrir les beautés du calcul.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
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lundi 10 septembre 2018
dimanche 28 juillet 2013
Dimanche 28 juillet 2013. Les connaissances et les compétences.
On
me connait : je répète que je ne suis pas assuré de mes
certitudes. Alors, de mes incertitudes...
En
revanche, j'ai la naïveté, le courage (je vois déjà quelques
commentaires que je n'afficherai pas ; pardon, mais le ton doit
rester mesuré), l'inconscience de discuter d'enseignement. Et pis,
je le fais au mépris de la règle qui réclame une saine recherhe
bibliographique en préalable aux discussions « scientifiques »
(ici, j'écris le mot dans l'acception « savoir général »,
et pas « sciences quantitatives »). Plus spécifiquement,
de la différence entre les connaissances et les compétences.
Il
me semble que les compétences sont plus difficiles à obtenir que
les connaissances. Ces dernières peuvent se transmettre par des
« récits », tandis que les compétences mettent
étudiants en situation d'autonomie, souhaitable si l'on veut qu'il
devienne secouer le carcan du « Maître ».
Un
exemple, l'utilisation de l'expression de l'entropie en fonction du
nombre d'états microscopiques (une merveilleuse loi qui s'exprime
par S = k ln Ω, où S représente l'entropie, k la constante de
Boltzmann, égale à 1,3806488 × 10-23 m2 kg
s-2 K-1, ln la fonction logarithme
népérien, et Ω le nombre de configurations microscopiques
associées à un état macroscopique).
La
connaissance, dans ce cas, n'est pas compliquée, puisqu'elle se
réduit à une définition que même un âne finira par apprendre par
coeur pourvu qu'on lui donne carottes et bâton, mais c'est la
compétence que l'on doit viser, à savoir que les étudiants,
connaissant bien la loi, doivent finir par avoir le quasi réflexe de
chercher à l'appliquer, chaque fois qu'ils sont en présence d'un
nombre de configurations microscopiques et qu'ils envisagent les
questions d'énergie, dont l'entropie (oui : multipliée par la
température et avec un signe moins) est une composante.
Rien
de difficile, dans cette affaire, mais il faut de la familiarité, et
éviter que les étudiants considèrent que l'apprentissage de ces
notions est une « peau d'âne », dont ils doivent se
débarrasser le plus vite possible après l'examen. D'ailleurs,
ajoutons que ce type de connaissances/compétences sont très
« locales », et méritent évidemment être placées dans
un cadre explicatif plus général. Pour dire les choses très
simplement, la plus simple des « lois de la nature »
(pensons à U = R . I si l'on a les compétences scientifiques du
lycée) doit être apprise dans les conditions de son application (la
loi d'Ohm précédente n'est valable que tant que le courant est
limité, sans quoi le conducteur chauffe et fond, de sorte que la loi
ne s'applique plus). Bref, il n'est pas interdit de réfléchir,
quand on apprend.
Il
y a quelques jours, dans notre « étincelle scientifique du
matin » (une réunion du Groupe INRA/AgroParisTech comme il y
en a tous les matins, et où l'on discute des points scientifiques,
des molécules, des livres), nous avons ainsi vu comment calculer la
pression de Laplace : en substance, dans une bulle d'air, au
sein d'une mousse, il y a une pression d'autant plus grande que la
bulle est petite ; et cette pression conduit à la rupture des
mousses, les petites bulles, sous forte pression, se vidant au profit
des grosses bulles, où la pression est moindre).
La
démonstration que les étudiants ont suivie, et qui établissait
l'expression mathématique de la pression de Laplace, relevait des
connaissances, et l'application au calcul de la hauteur de montée
capillaire (qui en résulte), elle, peut en devenir une simple
application. Lors de cette application, on s'aperçoit qu'il faut
savoir des faits simples, à savoir la variation de pression en
fonction de la hauteur dans un liquide, ou le fait qu'à la surface
d'un liquide, la pression est égale à la pression atmosphérique.
Il y a donc un exercice à proposer pour passer de la force à la
hauteur de montée capillaire.
Supposons
que, face à ce travail opposé, les étudiants « sèchent ». Que
faut-il faire ? Bien sûr, aujourd'hui, ils trouveront en ligne la
solution de l'exercice, mais s'ils se contentent de lire cette
solution, ils resteront du côté de la connaissance, et ne passeront
pas du côté de la compétence. La compétence, c'est donc un
travail personnel qui, dans ce cas particulier, consiste à mettre en
oeuvre les connaissances.
D'où
la question : une compétence est-elle toujours la capacité de
mettre en oeuvre des connaissances ?
Note :
il y a des cours qui se font par des excercices. On en évidemment
conduit à penser que, si ces cours sont bien faits dans le détail,
ils seront efficaces, n'est-ce pas ?
Note
de la note : à condition que les étudiants n'aillent pas trop
vite, ne sautent pas des étapes pourtant bien organisées, dans les
cours bien faits.
Note
de la note de la note : on n'oublie pas, dans toute cette
discussion, que, suivant l'exemple de Michel Eugène Chevreul, je
cherche à devenir un jour le doyen des étudiants de France !
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