À la réflexion, je suis étonné que tant de discours théorique soit donné avec tant d'aplomb... mais si peu de bases solides.
Je considère par exemple l'amollissement des légumes lors d'une cuisson. La théorie stipule que les échauffement (la "cuisson") dégradent les molécules de pectine, qui seraient comme des cordages entre les fibrilles de cellulose.
Pourquoi pas, mais cherchons qui a établi cela ? On découvre alors qu'il existe des travaux sur la réaction de "bêta élimination" des pectines, mais cela a été fait en milieu basique et, et non pas en milieu acide, ce qui est le cas général des aliments.
Cela étant, les pectines sont des polysaccharides avec une liaison O-glycosidique, dont on sait qu'elle peut se faire en milieu acide. Bref, il y a des hydrolyses par des mécanismes différents, et, à ma connaissance, on n'a pas regardé ce qui se passait vraiment, mécanistiquement, dans les carottes que l'on cuit.
Sans compter que je réclame des études quantitatives, et non pas seulement de vagues descriptions : de combien les pectines sont-elles hydrolysées, en pratique culinaire ? Ces polymères que sont les pectines sont composés de centaines ou des milliers de résidus, et il faut savoir après combien de temps on obtient des monomères.
Bref, ce tableau que
l'on avait brossé rapidement et négligemment est bien plus passionnant
qu'il n'y paraissait, et il faut être honnête, et reconnaître que l'état de que nos connaissances est bien plus
embryonnaire que les publications ne le laissaient penser.
Il y a lieu de consacrer de nombreux travaux à cette question. Et il faut ajouter que ce n'est pas un cas isolé et que par exemple, je répète depuis des années voire des décennies qu'il est paradoxal que nous ayons des milliers d'articles consacrés au thé, à ses différents goûts selon les variétés, l'environnement, etc., mais je ne connais aucun article consacré au mécanisme par lesquels les composés qui forment le goût du thé sont libérés dans l'eau à partir des feuilles.
Je cite deux cas, mais il y en a une infinité : toutes nos connaissances sont dans cet état très rudimentaire et c'est pour cette raison que la gastronomie moléculaire et physique s'impose absolument, urgemment : à un moment où l'on ne cesse de nous parler d'innovation, il y a vraiment lieu de comprendre ce que l'on fait pour faire différemment, et mieux.