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vendredi 14 juillet 2023

Etienne Guyon nous a quitté : un physicien qui aimait la physique !

 Je collige des souvenirs :

J'ai notamment  :


Etudiant à l'ESPCI, j'avais été fasciné par son cours d'hydrodynamique physique, fourmillant d'exemples merveilleux... au point de ne pas comprendre que c'était seulement une amorce qui devait me conduire à étudier la matière par moi-même.

Puis je m'en souviens comme m'interrogeant presque chaque mois, notamment parce qu'il préparait des livres de vulgarisation, à propos de physique et de chimie présentes dans des phénomènes culinaires.

Quand il était directeur de l'Ecole normale supérieure, il m'avait invité à faire une conférence où étaient présent quelques ministres : tout s'était très bien passé... mais, avant la conférence, j'avais mis de l'iode imbibé d'ammoniac sur l'arrière de l'estrade où je me trouvais à faire des expériences pendant ma conférence, de sorte que, parfois, quand je reculais, il y avait une explosion : tout le monde a cru que, selon les règles de l'Ecole, on m'avait fait un canular des élèves.

Pour mon Habilitation à diriger des recherches, il était du jury, avec Guy Ourisson, Xavier Chapuisat, Pierre Gagnaire, Armand Lattes, Alain Fuchs, Georges Bram.

Et tout récemment, il me questionnais encore à propos de l'étalement des huiles de table sur l'eau, et la présence, dans l'huile, de composés autres que des triglycérides.

Un jour, un homme marchait rue Vauquelin, en lisant. Reconnaissant Etienne, je le rattrape et lui demande ce qu'il lit : "Je vais en forêt avec des amis de l'Ecole, ce week end, alors j'apprends des poèmes pour leur réciter, comme on apporte un plat à un pique-nique".

Et bien d'autres...




dimanche 7 mai 2023

Rue Vauquelin, à Paris

  Nous sommes rue Claude Bernard, et nous tournons à droite dans une petite rue : la rue Vauquelin. Elle porte le nom d'un chimiste pré-lavoisien, antérieur à Antoine Laurent de Lavoisier. Parcourons cette rue. 

Au fond sur la gauche, un bâtiment pas joli, en briques rouges. C'est l'École supérieure de physique et de chimie de la ville de Paris, aussi nommée Escpi Paristech. Ces briques ne disent rient de l'histoire de l'école, et, en particulier, du fait que c'est là que Pierre Curie et Marie Curie découvrirent le radium. Ils se faisaient livrer d'énormes sac d'un minerai nommé pechblende et, dans d'immenses chaudrons, ils extrayaient progressivement un nouvel élément chimique, qui avait la particularité d'être extrêmement radioactif. 

Aujourd'hui encore, il reste des pièces où un compteur Geiger crépite, notamment quand on l'approche près des cahiers de notes des deux physico-chimistes que furent Pierre et Marie Curie. 

Cela, d'ailleurs, n'est qu'une toute petite partie de l'histoire de l'école, qui abrita ou forma nombre d'ingénieurs ou de savants exceptionnels. On pourrait citer Picard, qui fut un pionnier de la détection par les ultrasons, ou Georges Claude, qui liquéfia des gaz (et créa la société aujourd'hui nommée L'Air liquide), ou encore Pierre Langevin, ou encore... 

Plus récemment, l'école a abrité deux lauréats du prix Nobel de physique : Pierre-Gilles de Gennes, qui dirigea d'ailleurs longtemps l'école, et Georges Charpak, qui perfectionna les détecteurs de particules. Aujourd'hui, l'Ecole abrite des laboratoires, formes des étudiants, s'est donnée pour mission de faire de la diffusion du savoir scientifique. 

 

Tout cela derrière un affreux mur de briques rouges!

vendredi 16 décembre 2022

Les extractions

 

À propos d'extractions,  nous avons considéré précédemment la distillation, que j'ai dit être un procédé de séparation physique, plutôt que chimique, car les molécules présentes au début sont les mêmes que les molécules présentes à la fin.
Les atomes ne se sont pas réorganisés en molécules différentes, parce que l'énergie n'était pas suffisante pour produire ce résultat.

Dans nombreux procédés d'extraction, il en va de même.

Par exemple, quand on sépare le gluten et l'amidon, par cette expérience de lixiviation qui date du 18e siècle, les molécules qui étaient présentes dans la farine sont les mêmes que celles qui sont présentes à la fin de la séparation, soit dans le gluten soit dans l'amidon. Mais elles ne sont pas organisées la même façon.

De la de même, si l'on broie une feuille de laitue, on peut filtrer et récupérer de l'eau, composée de molécules d'eau.
Cette eau se trouvait déjà dans la feuille sous forme de molécules d'eau et il n'y a pas eu création de nouvelles molécules d'eau, ni d'ailleurs disparition de molécules d'eau initialement présentes. Ce sont les mêmes molécules d'eau avant et après le broyage, suivi de la filtration, opérations qui ne sont donc pas chimiques mais physiqus.

Je rappelle à nouveau  que, pour qu'il y ait chimie, il faut que des chimistes étudient des réorganisation d'atomes en molécules différentes.

Testons notre définition sur un cas différent :  la récupération de sel à partir d'eau salée.
Si l'on chauffe de l'eau salée, on récupère une vapeur, que l'on peut recommencer pour former de l'eau,  et il restera du sel solide quand toute l'eau initiale aura été évaporée.
Initialement dans l'eau salée, il y avait des molécules d'eau, des atomes de sodium et des atomes de chlore. C'est exactement ce que l'on retrouve en fin de séparation : des molécules d'eau dans l'eau, et des atomes de chlore et des atomes de sodium pour former les grains de sel.
L'évaporation de l'eau de mer ne s'accompagne pas de réactions, mais seulement d'une séparation des molécules.

Évidemment, j'ai simplifié pour bien faire comprendre, mais je dois y revenir pour donner une précision à propos du broyage de la feuille de laitue  : quand on broye une feuille de laitue, en réalité, on dégrade les structures cellulaires mais on libère aussi des composés qui se trouvaient dans les feuilles, tel des phénols et des protéines nommées des phénol oxydases (ce sont des protéines d'une cagégorie particulière : celle des enzymes).
Lors de cette libération, les  enzymes modifient les phénols et provoquent le brunissement de la couleur initialement verte. Il y a donc bien une réaction, mais les quantités concernées sont très faibles par rapport  aux quantité d'eau qui ont été libérées puisque je rappelle qu'une laitue, c'est 99 pour cent d'eau.
Et voilà pourquoi je me suis permis de ne pas considérer cette réaction biochimique dans ma première description.

D'ailleurs, dans la distillation que j'ai considéré dans un précédent billet, il en va de même :  il y a peut-être quelques modifications de molécules, lors de la distillation, mais pas assez pour fausser la description initiale que j'ai donnée.

Plus généralement, dans les extractions, dans les séparations, et cetera,  on cherche d'ailleurs le plus souvent à ne pas opérer de transformations moléculaires, et il est considéré comme favorable de respecter au mieux les composés initialement présent, puisque ce sont eux que l'on veut extraire.

Je ne dis pas que l'on ne peut pas concevoir des opérations où l'on effectue une extraction et aussi des transformation moléculaires, mais il y a lieu de bien comprendre ce que l'on veut, de bien définir l'objectif et de bien comprendre ensuite comment le procédé que l'on met en œuvre nous conduit à l'objectif initialement fixé.

vendredi 9 décembre 2022

 La décantation



La décantation ? C'est une opération physique et non chimique.

La décantation est un procédé utilisé en cuisine depuis longtemps. Par exemple, si l'on réunit de l'eau et de l'huile dans un récipient, nous savons tous bien que l'huile viendra flotter à la surface de l'eau.
Il suffit donc d'incliner doucement le récipient contenant l'eau et l'huile pour que s'écoule d'abord l'huile, et que l'on ne conserve que l'eau dans le récipient.
La séparation est une décantation.

De même, quand il y a des particules qui sédimentent au fond d'un liquide, on peut effectuer une décantation, en inclinant le liquide pour récupérer le liquide qui surnage.

La décantation est un procédé très ancien qui, dans la mesure où l'on chauffe pas, ne s'accompagne pas de réarrangement d'atomes en molécules nouvelles : les molécules initialement présentes, d'eau d'une part et d'huile d'autre part,  dans le premier des exemples considérés, restent des molécules d'eau ou des molécules d'huile.
Il y a à la fin, en deux groupes séparés certes, les mêmes molécules qu'au début.
De même pour l'exemple de la décantation du liquide avec les particules solides : les molécules du liquide ne changent pas au cours du procédé, et les particules solides, également, restent identiques à elles-mêmes.

Car on a dit il y a juste titre que la chimie est la "science du feu" : cela signifie que les modifications qui ont lieu lors de réactions étudiées par la chimie sont d'une énergie comparable à celle d'un chauffage.

Et il est vrai que si l'on chauffe du sucre, ou du fer réduit en poudre, ce que l'on nomme de la limaille de fer, alors il y a des rangements des atomes : le sucre caramélise, parce que les atomes des molécules de saccharose du sucre se réorganisent. Et, dans le deuxième cas, le dioxygène de l'air vient réagir avec les atomes de fer pour former des oxyde de fer : le dioxygène a été transformé, le fer aussi. Et c'est cela qu'étudient les chimistes, raisons pour laquelle on peut parler de "réactions chimiques" (mais quand les chimistes n'étudient pas les réactions, ce sont seulement des réactions moléculaires, ou des réarrangements d'atomes).

mardi 6 décembre 2022

La distillation, c'est une séparation physique, pas de réaction chimique

Au premier ordre, la distillation est une opération de physique et pas de chimie.

J'ai expliqué que les matières alimentaires étaient le plus souvent fait de molécules, très petits objets de différentes sortes  :  molécule d'eau dans l'eau, molécule de triglycérides dans les huiles, molécules de saccharose dans les cristaux de sucre....

La chimie est cette science qui explore les transformations des molécules.
Par exemple, quand on chauffe énergiquement du sucre, alors il se transforme comme chacun sait quand on fait du caramel : on part de cristaux transparents, et l'on obtient une matière brune, avec une saveur moins sucrée, un peu amère, et une belle odeur de caramel.

Lors de cette transformation qu'est la caramélisation, les objets tous identiques qui étaient les molécules de saccharose du sucre sont cassés, et certains morceaux se ré-associent de sorte que finalement on obtient des molécules différentes de celles du saccharose initial.

Il n'y a pas de "molécule de caramel" au sens d'une seule sorte de molécules, mais des molécules de tas de sortes différentes avec des noms qui n'ont pas d'intérêt ici.

Dans d'autres cas, il n'y a pas de réorganisation des molécules  (brisure, morceaux qui se lient, etc.), mais simplement une séparation.

C'est le cas de la distillation.

Partons par exemple de vodka, qui est faite de 60 pour cent d'eau et de 40 pour cent (en volume, mais c'est un détail) d'un alcool que l'on nomme éthanol : avec un super microscope ,on verrait environ 6 molécules d'eau pour 4 molécules d'éthanol.

Et tout cela grouille en tous les sens, car la vodka est liquide à la température ambiante.

Si l'on chauffe cette vodka, alors les molécules d'éthanol partent les premières du liquide, formant une vapeur  (invisible) qui s'élève au-dessus du récipient qui contient la vodka chauffée.
Cette vapeur, à ce stade, est faite quasi exclusivement de molécules d'éthanol. Et, à ce stade, la température, du liquide, comme celle de la vapeur, est alors d'un peu moins de 80 degrés.

Mais quand toutes les molécules d'éthanol sont parties sous la forme de vapeur, il ne reste presque que des molécules d'eau dans le liquide.
Si l'on chauffe alors d'avantage, alors la vapeur qui s'échappera sera constituée de molécules d'eau.

La vodka, c'est donc un mélange de deux sortes de molécules : des molécules d'eau, et des molécules d'éthanol.

Et la distillation consiste à chauffer pour évaporer, puis refroidir les vapeur pour qu'elles se "recondensent", qu'elles forment un liquide.
Et c'est ainsi que le liquide obtenu d'abord, c'est de l'éthanol bien plus concentré, tandis que l'eau reste dans le liquide.

La distillation, qui ne casse pas les molécules, n'est pas une transformation moléculaire, ce n'est pas de la chimie, mais de la physique, comme ces opérations que la filtration, le broyage, la décantation...



samedi 12 mars 2022

Les "réactions" ?


Aujourd'hui, on m'interroge sur ce qu'est une "réaction chimique",  et je vais essayer de répondre simplement, sans trop insister qu'une réaction est une réaction est "chimique" quand elle est étudiée par la chimie, que c'est un réarrangement d'atomes.

Le plus simple, c'est peut-être de partir du sucre, le sucre de table, qui se présente souvent sous la forme de petits cristaux blancs.

On ne le voit pas à l'oeil nu, mais ces cristaux sont des empilements réguliers, dans les trois directions de l'espace, comme un jeu de cubes bien assemblés, d'objets que l'on nomme des molécule de saccharose.

Ces molécules sont toutes constituées de la même façon, avec des atomes de carbone, d'hydrogène et d'oxygène, mais nous n'avons pas besoin pour l'instant de rentrer plus en détail dans cette construction. Qu'il nous suffise de dire que les molécule de saccharose sont empilées régulièrement.

Quand on chauffe du sucre, on le voit fondre d'abord, c'est-à-dire former un liquide, mais bientôt, il brunit, et une odeur de caramel apparaît. Cette caramélisation correspond non pas une seule réaction, mais à beaucoup, ce qui signifie que les molécule de saccharose sont modifiées par la chaleur de diverses façons. Par exemple, certaines sont divisées en deux moitiés  ; d'autres perdent des petits morceaux, etc.

Surtout, on voit que les assemblages d'atomes (les molécules) que  l'on récupère finalement ne sont pas les molécules que l'on avait initialement.

Cette modification des molécules est bien différente de la transformation que l'on aurait quand on chauffe un glaçon. Un glaçon est un solide, fait par un empilement régulier de molécules d'eau ;  quand on  le chauffe, le glaçon fond, ce qui signifie  que les molécules d'eau se séparent... mais elles ne se modifient pas !  La meilleure preuve, c'est que, quand on refroidit l'eau liquide, elle ressemble de la glace. Il y avait les mêmes molécules avant et après :  dans ce cas-là, il n'y a pas de réaction "chimique".

En cuisine, il y a des réactions nombreuses, qui font des couleurs, des saveurs, des odeurs nouvelles.
Que l'on pense au brunissement d'un steak, à la caramélisation déjà évoquée, au brunissement de haricots verts...
Chaque fois qu'il y a l'emploi de la chaleur sur des composés un peu délicats, on est presque sûr qu'il y a eu des réactions qui ont modifié les molécules présentes.

vendredi 11 mars 2022

A quoi bon indiquer à des amis la présence d'un aldéhyde particulier dans un aliment particulier, cet aldéhyde particulier étant essentiel dans le goût de cet aliment ?

 

A quoi bon indiquer à des amis la présence d'un aldéhyde particulier dans un aliment particulier, cet aldéhyde particulier étant essentiel dans le goût de cet aliment ?

La question peut-être prise sous deux angles :
- tout d'abord, à quoi bon savoir quelque chose ?
- et ensuite en quoi savoir ce quelque chose peut-il être utile en pratique ?

 

 

Comparons la connaissance sur la présence d'un aldéhyde spécifique à la connaissance de la loi d'Ohm, qui décrit le passage d'un courant électrique dans un conducteur.
Dans les deux cas, l'intérêt scientifique était d'explorer les mécanismes des phénomènes : de même qu'un courant électrique passe d'une façon particulière dans un fil conducteur, de même des composés particuliers sont responsables du goût d'un aliment.

Jusque-là, tout vas bien, et il n'y a pas lieu de chercher plus loin : la science (physique d'un côté, chimique de l'autre) a fait son travail, qui est d'explorer les mécanismes des phénomènes, et elle procure des informations sur le monde.

Mais je sais bien que beaucoup de nos concitoyens réclament une utilité pratique. Ils ont sans doute raison, mais il ne faut pas demander cela à la science, mais à la technologie, qui est précisément l'application des travaux scientifiques à l'amélioration des techniques.

Pour la loi d'Ohm, qui décrit le passage du courant électrique, il y a des applications pratiques, quotidiennes, dès qu'on fait un peu d'électricité.
Pour la présence d'un composé particulier dans un aliment, il en va exactement de même, car les aromaticiens et parfumeurs ont absolument besoin de cette connaissance pour travailler.

Autrement dit, pour l'instant, je vois tout à fait identiques la connaissance de la présence d'un composé particulier dans un aliment particulier et la connaissance de la loi d'Ohm.

Là où se présente une différence, c'est que l'éthanal, par exemple, est raccroché à cette catégorie moléculaire qui est celle des aldéhydes. À quoi bon ? Je crois avoir donné la réponse ailleurs, à savoir que, dans l'immensité des composés existants, on y voit plus clair si l'on segmente, si l'on catégorise.
On peut faire cette catégorisation de bien les façons : du point de vue toxicologique, nutritionnel, physique, biologique ou moléculaire. Toutefois on n'oubliera pas d'abord que les aldéhydes ont été identifiés par les chimistes, et il me semble que la première caractérisation devrait être la connaissance moléculaire de l'objet.

Autrement dit il n'est pas anodin de savoir que l'éthanal est un aldéhyde, car cela le rapproche d'autres aldéhydes, tels le méthanal ou le propanal, avec des propriétés communes, notamment de réactivité.

Après ? A chacun de chercher des applications !

mercredi 19 janvier 2022

Chimie vs Physique ? Non, il y a de la Science (de la nature)

 
Avec un ami physicien, je joue depuis longtemps à un jeu de "posture", lui physicien, moi chimiste : il dit mépriser la chimie, et je lui rétorque qu'il ne la connaît pas ; et j'ajoute que, s'il méprise les véritables objets du monde matériel qu'il prétend étudier (les atomes, ions, molécules, associations moléculaires), ses grandes lois générales abstraites ne valent rien, réfutées par la diversité des "vrais" objets.

Evidemment, c'est un jeu souriant car l'image de la chimie qu'il donne et caricaturale,  et, d'autre part, nous faisons comme si des frontières nettes existaient entre les deux disciplines : elles sont en réalité si floues qu'il existe une physico-chimie qui se distingue d'une chimie physique !
En outre, il travaille dans un laboratoire... de chimie, tandis que, pour ce qui me concerne, je ne cesse de faire des calculs de "physique" à propos des systèmes que j'étudie pourtant en chimiste.

Mais dépassons ce  jeu pour mieux comprendre les beautés de la chimie.

Oui il y a des composés en nombre infini, et, en raison de la combinatoire qu'introduit la réactivité des composés, il y a un nombre encore plus infini, si l'on peut dire, de possibilités de transformations, de réactions.

D'ailleurs, de même que l'astronomie n'a que faire de la découverte d'une nouvelle étoile, nous n'avons que faire de la découverte d'une nouvelle molécule.
Ce qui nous intéresse, c'est bien de comprendre le monde, sa structure, ses régularités, ses mécanismes... car on se souvient que, par définition, les sciences de la nature cherchent les mécanismes des phénomènes.

Oui, les "phénomènes". Et par phénomènes, on n'entend pas seulement l'échauffement d'un conducteur parcouru par un courant, ou la surrection d'une chaîne de montagnes. Tout objet saillant du monde est un "phénomène" : la simple existence d'une molécule, d'ailleurs, s'apparente à la présence d'une montagne. Il y a des raisons derrière.

Bien sûr, on pourra se rapprocher des philosophes, notamment des épistémologues,  des philosophes, pour discuter cette question des phénomènes, mais ne pouvons-nous explorer nous-mêmes cette question ? Car les sciences de la nature sont de la "philosophie de la naturelle", disait-on jadis, même si l'expression a été abandonnée pour des raisons que j'ai déjà évoquées.

Bref il y a des objets  dans notre monde : les molécules, des atomes, les ions, les associations moléculaires... Et il y a leurs transformations, leurs réorganisations, leurs interconversions, leurs réarrangements... Et cela fait des phénomène d'un autre type.

Ainsi, on pourrait distinguer des phénomènes "matériels", et des phénomènes "relationnels".

Ce qui me conduit à rappeler que la collection de papillon peut être tout aussi bien une activité une activité idiote qu'une activité intelligente. Si l'on va simplement capter des papillons pour les épingler dans une collection, on n'a rien fait d'intelligent, et l'on aurait tout aussi bien fait de laisser les papillons dans la nature.
En revanche,  si l'on s'interroge sur les papillons, recueillis, si l'on cherche des ressemblances, manifestes ou profondes, si l'on questionne la taxonomie, la physiologie, si l'on essaie de comprendre les raisons de la couleur brillante de leurs ailes, si l'on cherche à identifier leurs comportements, alors on dépasse l'objet sans intérêt, pour monter vers l'honneur de l'esprit humain, l'abstraction.

Il en va de même de la chimie. Une molécule de plus ne vaut rien sans sa mise en perspective !  Et c'est ainsi que la chimie est belle, n'est-ce pas ?

mercredi 3 novembre 2021

Bille et plume



Il y a des expériences de chimie ou de physique qu'il faut absolument montrer à tous.  
L'une d'entre elles montre merveilleusement que, dans le vide, les objets tombent tous de la même façon, quelle que soit leur masse.
Bien sûr, on peut s'en douter avec une expérience de pensée qui consiste à lâcher ensemble, d'une certaine hauteur,  une haltère et  l'haltère jumelle, mais   coupée en deux moitiés :  les trois objets tombent  tous à la même vitesse, la coupure n'ayant pas changé quoi que ce soit... sauf diviser la masse initiale en deux.

Mais cette expérience de pensée est abstraite, et elle ne convainc pas autant que l'expérience réelle qui consiste à mettre, dans un tube en verre, une plume et une bille.
Évidemment, quand on retourne le tube, la bille tombe très vite et la plume mets longtemps à arriver à la base.
En revanche, si l'on fait  le vide dans le tube, cela élimine les frottements de l'air, qui agissaient bien davantage sur la plume que sur la bille. Et, quand on retourne le tube,  on voit la plume tomber exactement à la même vitesse que la bille de métal. Je ne pense pas qu'on puisse oublier une telle expérience : 


https://www.youtube.com/watch?v=AV-qyDnZx0A


https://www.youtube.com/watch?v=s9Zb3xAgIoY


dimanche 25 juillet 2021

De la chimie ? Oui, mais avec du calcul



Un ami me reproche (amicalement) de ne pas faire des travaux assez chimiques. Je sais que c'est une façon de me chatouiller, mais je retrouve dans un petit calcul que j'avais fait il y a longtemps une sorte de justification, de défense.

Ce calcul visait à connaître la taille des mailles du réseau dans un gel de gélatine. En effet, un gel de gélatine,  ce sont des molécules de gélatine qui sont liées par trois, formant une sorte de grand filet où les molécules d'eau sont piégées.

On voit déjà que je suis dans une description moléculaire de la chose et, pour moi, c'est question de structure est essentielle, car je ne peux rien calculer sans cette description. C'est seulement quand j'ai mon modèle que je peux facilement faire un peu de calcul pour déterminer cette taille. Et je peux même  faire ce calcul de plusieurs manières, parce que j'ai en tête cette description, d'une part, et, d'autre part, parce que je cherche toujours à valider les calculs, c'est-à-dire à trouver un autre calcul que le premier pour vérifier si j'obtiens le même résultat.

Dans mon calcul, certes, je calcule... mais c'est bien légitime, car la chimie est une science de la nature : elle doit expérimenter et calculer. Certes, calculer à propos de molécules, mais de calculer. On peut envisager des questions de structures, de réactivité, mais on calcule. Et puis, si l'on a  en tête ce double point de vue de structure et de réactivité, on calculera de ce double point de vue.

Beaucoup de bonheur dans la chimie, par conséquent ! Et, finalement, je vois que je ne suis finalement pas chimico-physicien, ni physico-chimiste, mais simplement chimiste !

samedi 3 octobre 2020

Certaines connaissances sont révisables... mais d'autres ne le sont pas !

 Certaines connaissances sont révisables... mais d'autres ne le sont pas !

Il y a dans ce monde du bon et du moins bon. En termes d'interlocuteurs, par exemple.  Parmi les moins bons, il y a notamment les anti-sciences, les fous, les idéologues prêts à mentir pour soutenir leur cause, les autoritaires, les paresseux, les malhonnêtes, les ignorants qui s'ignorent tels, et j'en passe.
Certains de ceux-là profitent de l'honnêteté des scientifiques - qui admettent que les théories sont réfutables, ou, mieux, doivent être réfutables- pour avancer leurs arguments pourris, et notamment faire fi des données apportées par la science.
Ici, je propose d'expliquer ce mécanisme, et, aussi, de montrer qu'il y a lieu d'avoir un peu de modestie (dans tous les domaines, toujours, partout).

En matière d'épistémologie, il y a un mouvement un peu simplet qui, ayant compris qu'il y a des rapports entre les sciences de la nature et leurs applications, confond les sciences de la nature et leurs applications ; et un mouvement qui, ayant compris que le développement des sciences de la nature s'ancre dans une société, croit que les sciences de la nature sont une connaissance "révisable", donc fragile.
Souvent, ce sont les mêmes esprits faux qui font ces confusions, mais, bien sûr, la diversité du monde fait que certains tombent dans la première erreur, et d'autres dans la seconde ; certains tombent dans les deux.

Ayant déjà discuté la question des "technosciences", qui sont une chimère, ou un fantasme correspondant à la première erreur, je propose de considérer ici la seconde erreur, en expliquant bien en quoi les sciences sont révisables, et, surtout, en quoi cela ne change rien aux résultats qui sont établis.

Comme les généralités risquent de faire un discours bien compliqué, je propose de prendre l'exemple du courant électrique pour l'expliquer. J'ajoute aussitôt que c'est un exemple très représentatif, et pas du tout anecdotique.

Branchons simplement une pile aux deux extrémités d'un fil métallique : cela conduit au passage d'un courant électrique dans le fil.

A propos de ce phénomène, que l'on connaisse ou non l'existence des objets que nous nommons aujourd'hui des électrons, c'est-à-dire que l'on soit au 18e ou au 21e siècle, on peut mesurer une différence de potentiel entre les bornes de la pile, et l'intensité du courant dans le fil conducteur. Cela reste vrai aujourd'hui.

En 1870, le physicien américain Edwin Hall découvrit que des forces magnétiques provoquent l'apparition de différences de potentiel perpendiculaires à l'axe du courant.
La connaissance précédente n'est pas révisée par la découverte de cet "effet Hall".

Puis, en 1980, le physicien allemand Klaus von Klitzing, regardant en quelque sorte l'effet Hall à la loupe, découvre que la conductivité est quantifiée  : l'intensité du courant n'est pas exactement proportionnelle à la différence de potentiel, mais elle augmente par à coups.

Cette fois, il semble que la révision soit considérable... mais c'est oublier que cela n'est visible que dans des conditions extrêmes, à des températures de quelques degrés au-dessus du zéro absolu (soit -273,15 °C), et pour des champs magnétiques très intenses.
Donc oui, la loi de Hall n'est pas absolument juste, mais elle l'est presque toujours, et, en tout cas, elle le reste dans les conditions de Hall. Pas de révision, donc.

Ce type d'observations vaut assez généralement. Par exemple, s'il reste vrai que la vitesse d'un ballon qui roule dans un train, par rapport à un observateur fixe,  n'est pas exactement égale à la somme de la vitesse du ballon par rapport au train et de la vitesse du train, il n'en reste pas moins que l'écart entre la vitesse réelle et la somme des vitesse est très faible, et, en tout cas, pas mesurable avec les ustensiles habituels que sont des chaînes d'arpenteur et des chronomètres. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle cette somme est enseignée dans les cours de physique.

Certes, la loi d'addition des vitesses a été révisée par la découverte de la théorie de la relativité restreinte, et cette révision fut une avancée majeure de la physique, mais elle n'est pas manifeste dans les conditions de vitesse habituelle, pour lesquelles la somme reste la loi à appliquer.

Dans toute cette affaire, il faut considérer "S'Dicki vor de Kleinigkeit", le gros avant le détail. Et l'on aura raison de considérer qu'une feuille de papier rectangulaire est... rectangulaire, même s'il est vrai que, à la loupe ou au microscope, les bords de la feuille sont évidemment crénelés.

Car il y aurait une sorte d'imbécilité à ne pas considérer la feuille comme rectangulaire. Si l'on est extrèmement rigoureux, on ne peut plus rien dire : tout est faux... et c'est précisément pour cette raison que des esprits trop justes deviennent faux, si l'on peut dire.


lundi 13 juillet 2020

Pourquoi transmettre des faussetés ?

1. Discussion amusante avec des étudiants : pourquoi, me demandent-ils, les systèmes d'études  montrent-ils l'atome sous la forme d'un système planétaire alors que cette représentation est erronée ?  Et ma réponse immédiate est "Imaginez-vous que l'on doive enseigner à des enfants les fonctions d'onde et l'équation de Schrödinger ?".




2. C'était une façon de me débarrasser rapidement d'une question importante, à un moment où j'avais autre chose à faire, mais manifestement la question demeure : oui, est-il vraiment souhaitable de donner à des étudiants des représentations erronées, qui seront "rectifiées" ultérieurement ?

3. A cette question, répondons à nouveau à côté, en observant que toutes les représentations sont fautives. D'ailleurs, les particules ont un comportement corpusculaire et un comportement ondulatoire, de sorte qu'il faudrait donner d'emblée les deux descriptions, chacune insuffisante.

4. Ce qui est évident, c'est que, vu le niveau mathématiques général (et de ceux qui m'ont posé la question en particulier), une présentation mathématique ne convient pas. Que dire, alors ?

5. La question de l'atome n'est pas particulière, et tous les objets scientifiques sont de ce type. Que pouvons-nous dire des molécules, du courant électrique, de la lumière, du mouvement ? Les molécules ? Assemblages d'atomes, elles ne sont pas des lettres fixes reliées par des traits. Le courant électrique ? L'effet Hall quantique montre que ce n'est pas un écoulement d'électrons analogue à un courant de liquide. Le mouvement ? La relativité restreinte suffit pour comprendre que les vitesses ne s'additionnent pas. Bref, chaque "théorie", associée à une "représentation", est insuffisante, à perfectionner, et l'apprentissage se fait lentement,  en passant par des étapes qui sont ensuite dépassées.

6. D'ailleurs, un peu à la manière de l'ontogenèse qui récapitule la phylogénie, on pourrait penser que l'histoire des sciences nous donne un chemin à retracer, évidemment sans nous fourvoyer, comme cela fut fait.

7. De sorte que, finalement, apprendre, c'est peut-être utilement apprendre des représentations successives, toutes insuffisantes. En commençant par le plus ancien !


lundi 19 août 2019

La question de la physique et de la chimie


Une ancienne signature automatique de mes courriels comportait un  « vive la chimie », et c'était un cri d'enfant, pas analysé.
Puis il y eut un « vive la chimie physique », qui s'assortissait d'un lien intitulé « c'est bien lent ». Je ne sais pas (en réalité, je le sais ; il n'y a donc là qu'une façon de parler) si j'ai été bien lent à bien comprendre le statut de la chimie physique, et sa différence avec la chimie, mais je sais que je ne supporte plus d'avoir un commentaire si négatif sous les yeux. Il nous faut  quelque chose de positif, de clairement enthousiasmant, sans réserve.

Je reprends donc les faits, sans hésitation, cette fois :
1. La chimie est, a toujours été une exploration des phénomènes que l'on peut découvrir lorsque l'on analyse les transformations moléculaire ; c'est donc une activité scientifique, et pas une activité technique. 
2. A l'appui de cette étude scientifique, il y a des   productions de composés nouveaux, c'est-à-dire des activités littéralement "techniques"... mais on n'oublie pas que, quand on allume la lumière dans une pièce, on fait aussi un geste technique, sans que cela change la nature du travail qui est fait dans la pièce ; autrement dit, oui, il faut de la technique pour faire de la science, mais cela n'est pas essentiel pour déterminer la nature de la chimie, qui reste donc une science.
3. Les sciences de la nature sont nommées « physique », puisque physis désigne la nature (il y a des tas de distinguo subtils, mais restons simples, pour commencer).
4. De ce fait, la science qui étudie les réarrangements d'atomes est bien une science  physique, mais celle qui étudie les modifications des assemblages d'atomes doit être spécifiée, par rapport à la physique des fluides ou des plasmas, par exemple. Ce nom est "chimie" !
5. De sorte que je suis habilité à revenir à ma clameur d'enfant enthousiaste : vive la chimie !

mercredi 10 juillet 2019

Les physiciens sont insensés de vouloir des lois générales, et les chimistes manquent d'ambition, à ne pas en chercher.


Il y a cette opposition classique des physiciens et des chimistes : les uns sauraient calculer, et ils manipuleraient des équations, et les autres seraient plus "pratiques", lancés dans des synthèses. Évidemment, cette description est fausse, mais elle s'assortit de critiques d'un groupe vers l'autre, ce qui s'exprime notamment dans cette boutade : les physiciens font des expériences très propres avec des matériaux très sales, alors que les chimistes font des expériences très sales avec des matériaux très propres (et l'on ajoute alors : imaginez les physico-chimistes !).
Les arguments pleuvent : les chimistes, incapables de calculer, feraient à l'infini des synthèses insensées, ce que l'on résume dans "méthyle, éthyle, propyle, butyle, futile": cela pour exprimer que l'ajout d'un groupe chimique sur une molécule conduit à envisager systématiquement des ajouts de plus en plus gros (avec un atome de carbone, on a le groupe "méthyle", puis les groupes éthyle, propyle et butyle avec respectivement deux, trois ou quatre atomes de carbone). Et puis ces explorations manqueraient de plan d'ensemble, resteraient "classiques", en retard sur la physique, laquelle est passée de la mécanique classique à la mécanique quantique... Enfin, le pire des reproches est celui de la nature de la chimie qui serait une technologie ou une technique plutôt qu'une science.
Les chimistes, bien sûr, se rebiffent, signalant que l'équation de Schrödinger, qui est à la base de la mécanique quantique, ne fera jamais une molécule de benzène à partir de six atomes de carbone et de six atomes d'hydrogène dans une boite infinie. Ils indiquent que leur usage de la physique quantique est constant, avec les méthodes spectroscopiques, mais aussi avec la modélisation numérique, qui guide les synthèses, lesquelles sont en réalité des tests de la physique quantique. Surtout, ils observent que cela ne sert à rien de faire des théories à partir d'objets qui n'existent pas, rétorquent que les matières des physiciens sont fantasmées, et qu'à force d'approximations, on en vient à dire n'importe quoi.
Car les physiciens seraient en réalité des albatros collés au sol des navires, avec la volonté de faire de grandes théories, mais des théories inapplicables, car la matière est complexe, et les théories ne valent que pour des échantillons parfaitement purs.Et puis, n'a-t-on pas démontré qu'au delà de trois corps en interaction gravitationnelle, l'évolution du système est impossible à prévoir ? Sans compter que Stephen Wolfram a montré qu'il existe des automates dont la prévision ne peut se faire que si l'on exécute l'automate entièrement.

Ces discussions sont interminables, et sans intérêt.  Elles montrent combien on aurait intérêt à bien avoir sous les yeux le schéma qui décrit la démarche générale des sciences, et que voici :




Un phénomène étant identifié, on le caractérise quantitativement, puis on réunit les données en "lois", c'est-à-dire en équations, avant d'introduire des concepts pour faire des théorie quantitativement compatibles avec toutes les lois, ce qui permet de tirer des conclusions théoriques que l'on teste expérimentalement. 
La chimie de synthèse ? Connaissant les réactivités et les molécules que nous connaissons, il s'agit de repérer des catégories, des structures, pour imaginer des objets de types nouveaux que l'on cherche à réaliser. Peut-on faire une molécule dont les atomes de carbone sont aux coins d'un carré, par exemple ? Peut-on reproduire la chimie organique en remplaçant le carbone par le silicium ? Comment des molécules peuvent-elles s'organiser spontanément ? Et ainsi de suite.
Pour l'analyse chimique, la question est aujourd'hui celle d'analyser des systèmes complexes, des mélanges, par exemple.
La physique ? On la voit faisant un pont entre la physique des particules et la cosmologie, notamment, mais on la voit aussi explorer des phénomènes nouveaux, à propos de "matière molle", ou bien s'intéresser à des systèmes matériels où les interactions entre structures sont de types nouveaux, ce qui conduit à des propriétés inenvisagées.

Surtout, on voit bien une convergence de ces deux sciences, quand il s'agit de matière à des échelles qui vont du  macroscopique, à notre échelle, jusqu'à l'échelle atomique. C'est en réalité le royaume de la physico-chimie... qui expérimente, calcule...

dimanche 11 mars 2018

Pourquoi le chocolat Chantilly et les mousses au chocolat sont-ils stables ?

Beaucoup d'étudiants qui préparent des TPE ou des TIPE s'intéressent aux mousses au chocolat. Trop, dirais-je, car comment vont-ils pouvoir établir qu'ils n'ont pas pris leurs résultats sur internet, dans des sites créés par des étudiants qui les ont précédés ? Je crois que, indépendamment du sujet et de sa complexité, c'est cela l'écueil principal qu'ils rencontrent. Et, en effet, je trouve 345 000 pages sur le thème "travaux personnels encadrés", et 32500 pages de ce groupe consacrées aux mousses au chocolat !

Mais bon, je ne peux pas faire le bien de mes interlocuteurs malgré eux. Je me contente donc de répondre ici à la question qui m'est posée ce matin :

Pourquoi le chocolat et les mousses au chocolat tiennent-ils ? Quelles sont les réactions chimiques responsables de cette stabilité ?


Commençons par analyser les systèmes qui nous intéressent.
Une mousse "au" chocolat, c'est une mousse, avec du chocolat ajouté. Par exemple, pour la mousse, on peut imaginer de la crème fouettée, de la crème chantilly (la précédente, mais sucrée), un sabayon, du blanc en neige, du blanc en neige sucré (appareil à meringue), une meringue suisse (du blanc battu et sucré en chauffant), une meringue italienne (du blanc en neige additionné d'un sirop très chaud), etc. A cette mousse, on peut donc ajouter soit du chocolat fondu, soit un mélange de chocolat, de jaune d'oeufs, de beurre.
Et il est vrai que de telles mousses peuvent être assez stables... mais elles le seraient parfois sans le chocolat !

Pour le chocolat chantilly, que j'ai inventé en 1995 (et je vois des chefs malhonnêtes se l'attribuer !), il s'agit de foisonner une émulsion de chocolat dans de l'eau. Et il est vrai que c'est stable...
Enfin, stable... Tout dépend de la température : car le chocolat solidifie aux températures inférieures à 36 degrés environ, et c'est seulement à ces températures que l'on obtient un chocolat chantilly stable : les bulles sont emprisonnées dans une matrice de chocolat qui solidifie, emprisonnant également l'eau présente.

Ce qui donne la clé de la stabilité des mousses au chocolat : là encore, le chocolat peut former un réseau solidifié, en raison de la cristallisation du chocolat.
 
Pas de modifications "chimiques", dans cette affaire ; seulement des changements de phase pour les triglycérides du chocolat ! 












Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)   


samedi 9 décembre 2017

La cuisine moléculaire n'est pas la gastronomie moléculaire

Question du matin :

La gastronomie moléculaire actuelle ressemble-t-elle encore (plus ou moins) à la gastronomie moléculaire telle que vous l'aviez imaginée initialement, ou introduite formellement ?

Ici, il faut faire état d'erreurs, corrigées progressivement.

Initialement, quand nous avons proposé la terminologie "gastronomie moléculaire et physique", en 1988, avec Nicholas Kurti, dans mon bureau de la place Saint Sulpice, à Paris, nous avions le sentiment qu'il y avait de la science à faire, et de la rénovation de la technique à opérer. C'est toujours vrai!
Cela étant, quand nous avons organisé les International Workshops on Molecular and Physical Gastronomy, nous avons invité des cuisiniers, parce que nous avions le sentiment (juste) que nous devions partir de véritables phénomènes culinaires, et non pas d'élucubrations théoriques d'incompétents culinaires (même si ni Nicholas ni moi-même n'étions vraiment nuls en cuisine ; par exemple, à l'époque, je connaissais déjà l'essentiel du livre de Madame Saint Ange).
Et c'est là que -du point de vue des media et pas du nôtre- il y a eu confusion : les média ont considéré que la cuisine rénovée se confondait avec la gastronomie moléculaire.
Les cuisiniers, aussi, ont eu leur part de responsabilité, quand ils ont dit à la presse qu'ils faisaient de la "gastronomie moléculaire". Depuis ce temps, je ne cesse de répéter que non, aucun cuisinier ne fait de gastronomie moléculaire.
Et, lors d'un séminaire à Paris, fin 1999, j'ai même corrigé Heston Blumenthal... et introduit la terminologie "cuisine moléculaire", pour distinguer l'activité scientifique (gastronomie moléculaire) et l'activité culinaire (cuisine moléculaire).

Donc, aujourd'hui, rien de changé... sauf que, ayant mieux compris les relations entre science, technologie et technique, j'ai été mieux à même de faire état d'éclaircissement, dans le livre éponyme.

Aujourd'hui comme aux débuts, la gastronomie moléculaire est une activité scientifique qui, pour faire court, s'intéresse aux phénomènes "culinaires".
Et la rénovation étant faite, en cuisine (en principe, pas partout dans les foyers évidemment), il est temps que l'intellectuel engagé que je suis accompagne un nouveau mouvement, en l'occurrence la "cuisine note à note".

Demain ?
La gastronomie moléculaire poursuivra son développement, dans les laboratoires scientifiques (et il y a de plus en plus de Groupes dans le monde, centres de recherches ou universités)
La cuisine moléculaire continuera de se faire, tranquillement.
La cuisine note à note se développera, et pour ne pas être seulement une "tendance", mais, au contraire, un phénomène durable !








Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

vendredi 8 décembre 2017

Les sciences de la nature méritent leur nom

Dans un précédent billet, je faisais état de la difficulté de nommer la méthode de ces sciences parmi lesquelles figurent la chimie et la physique, ces sciences qui ne sont pas un savoir purement verbal, mais qui cherchent les mécanismes des phénomènes par l'emploi de la méthode... expérimentale.

Sciences expérimentale? Le nom est trompeur, parce que ces sciences ne se résument pas à des expériences.
Sciences hypothético-déductives? Là encore, le nom est insuffisant, pour mille raisons bien (ou mal) discutées par les épistémologues.

Méthode "scientifique" ? Ce serait une affreuse tautologie, et ne résoudrait pas le problème de la "confiscation" du mot "science" par les sciences dites dures.

En réalité, il s'agit de faire des expériences, certes, et aussi de faire des calculs, d'utiliser les calculs comme pierre de touche des hypothèses, propositions de mécanismes...


Et si l'on utilisait "méthode expérimento-quantitative"? Ou "science de la nature" ? Après tout, la nature, ce ne sont pas seulement les arbres, les plantes,  mais l' "ensemble de la réalité matérielle considérée comme indépendante de l'activité et de l'histoire humaines".







Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

jeudi 19 octobre 2017

Des explications, pas de l'ironie !



Je me repens !

 Oui, car j'avais twitté avec "humour" une petition demandant d'interdire ce dihydrogénure d'oxygène, très dangereux, en demandant même s'il était mieux ou pire que le monoxyde de dihydrogène. Et j'avais même applaudi quand un ami-twitter avait proposé d'interdire surtout ces composés sous la forme déshydratée.
Je riais bêtement... car j'avais oublié que je me plaçais ainsi dans une position "supérieure", que mon attitude était méprisante, vis à vis de tous ceux qui ne connaissent pas la chimie. Un autre twitter-ami m'a fait comprendre que ce n'est certainement pas une bonne stratégie, et cet homme que je ne connais pas a raison, parfaitement raison, et je lui suis redevable d'un changement personnel que j'espère durable.

Commençons par expliquer pourquoi je trouvais très drôle nos échanges initiaux de twitts. L'eau est donc une matière liquide, transparente, qui est en réalité faite de très petits objets que l'on nomme des molécules. Entre les molécules, rien, du vide.
Toutes les molécules d'eau (pour une eau très pure) sont identiques, et elles constituées d'un objet nommé "atome d'oxygène" et de deux objets nommés "atomes d'hydrogène".
L'eau peut bien sûr être nommée eau, mais si l'on utilisait les règles internationales de dénomination des composés, on devrait la nommer dihydrogénure d'oxygène ou monoxyde de dihydrogène. Dihydrogénure, parce qu'il a deux atomes d'hydrogène ; monoxyde, parce qu'il y a un atome d'oxygène. Dans les deux cas, il s'agit d'eau, de sorte que faire une pétition pour interdire l'eaue est un canular. Tout comme proposé que le produit soit encore plus dangereux sous la forme déshydratée... car quand on déshydrate de l'eau, il ne reste rien.

Ce point étant établi, revenons à l'analyse du changement que j'espère avoir opéré. Il faut savoir que les sciences chimiques sont obscures pour beaucoup, et jusqu'à des membres éminents du corps académique ou universitaire, quand leur domaine est éloigné de la chimie.
Et cela n'a pas à leur être reproché ; d'ailleurs, que sais-je du droit ? de la géographie  ?  de l'histoire ? de la botanique ? Bref, sous peine de ne s'adresser qu'à une petite communauté d'initiés, il est bien inutile de faire de l'humour.
# Mais, surtout, l'argument de l'homme qui m'a fait changer était d'observer que j'avais une position (il disait "réputation") pédagogique. Autrement dit, il faut que je distribue de la connaissance, au lieu de reprocher l'ignorance.

Dont acte !

mardi 5 septembre 2017

Profession, activité professionnelle : est-ce la même chose ? Non.

Dans un billet récent, j'étais sur le point de parler de profession… quand je me suis arrêté, en me souvenant de cette idée merveilleuse que je dois aux Jésuites : « Il ne faut pas agir en tant que chrétien, mais en chrétien ».

Oui, il est bien faible, bien fatiguant, bien inutile de se donner en représentation, et, inversement, nous sommes si bien à être dans la vérité de nos actes. Chimico-physicien, c'est un état, certes, mais l'étiquette compte pour rien : ce qui est essentiel, c'est l'activité qui est passionnante. Bref, je crois plus à l'activité elle-même qu'à l'étiquette que nous nous donnons et que nous proposons aux autres.
Bien sûr, les mots sont importants, et nos activités sont plus claires quand elles sont bien dites : par exemple, je vois plus clairement mon activité depuis que je sais que je ne suis pas chimiste, mais chimicophysicien. Mais, cela, c'est pour notre « guidance », pour nous, pour mieux identifier des directions.

L'idée vaut pour tous : il est moins important d'être médecin que de soigner, moins important d'être architecte que de construire, moins important d'être tailleur de pierre que de tailler des pierres.  Dépassons nos idées d'enfants, nos fantasmes qui accompagnent les mots qui nous sont les plus chers, et consacrons-nous à notre véritable activité, en oubliant le qu'en dira-t-on : au fond, c'est le matin, devant la glace, seuls, que nous voyons vraiment si nous sommes dignes d'être nous-mêmes, non ?

vendredi 21 juillet 2017

La clé de l'innovation alimentaire, pour la partie technique, c'est la physique et les sciences chimiques.

Innover du point de vue alimentaire ?

Les innovations que proposent l'industrie alimentaire sont parfois bien faibles, et ce ne sont souvent que des  variations de systèmes classiques, qui  s'apparentent en réalité à l'empirisme des cuisiniers.
D'ailleurs, les élèves ingénieurs ne sont  pas mieux placés que ces derniers, voire moins bien, car ils sont souvent bien ignorants ce qui s'est déjà fait. Car nos étudiants n'ont pas de connaissances spécifiques pour faire bien, et on n'oublie pas que certains cuisiniers sont des individus de talent, dont le savoir et l'intelligence dépassent parfois largement ceux de nos étudiants… qui n'ont donc que très peu à apporter.

Que  faut-il  à nos étudiants pour être capables pour dépasser l'empirisme, d'une part, et, d'autre part, pour avoir une compétence qui soit réellement supérieure à celle d'un cuisinier (d'un point de vue technique) ?
Dans notre master IPP, à AgroParisTech, nous avons notamment répondu avec une unité d'enseignement qui s'intitule « physico-chimie pour la structuration des aliments », et plus j'y pense, plus cela est légitime, car les aliments sont en réalité des assemblages physico-chimiques, de sorte que leur compréhension, leur construction, leur analyse, reposent sur des connaissances physiques et chimiques. Nous devons comprendre la constitution des composés qui entrent dans la composition des aliments, et nous devons aussi comprendre comment ces composés sont organisés.

La question des forces intermoléculaires est évidement essentielle, et l'on aurait toujours intérêt à se souvenir que ces forces se classent utilement par ordre d'énergie croissante. Les plus faibles sont les forces de van der Waals … qu'il faut donc connaître. Puis il y a les liaisons hydrogène… qu'il faut donc connaître. Puis il y a les ponts disulfure, qu'il faut aussi connaître, et qu'il faut notamment connaître parce qu'ils sont responsables de « coagulations »,  importantes pour la constitution des aliments. Il y a aussi les liaisons covalentes qu'il faut connaître, mais il faut surtout savoir entre quels composés ces liaisons covalentes peuvent s'établir et dans quelles conditions. Enfin il y a les liaisons électrostatiques, qu'il faut connaître aussi, et, là, une connaissance supplémentaire utile est la portée de telles liaisons, en plus de leur intensité.

J'ai esquissé à propos des liaisons covalentes une nouvelle discussion, qui est celle de la compréhension des possibilités de réaction. C'est la nature des composés, leur constitution atomique, qui détermine leur réactivité, de sorte que s'imposent absolument des cours de chimie organique pour nos étudiants ingénieurs.
Mais ce n'est pas suffisant, car la compréhension de la structure physico-chimique des aliments montre bien que la physique est largement à l’œuvre, aussi. Par exemple, la turgescence des cellules de racines de carotte est la clé de leur fermeté, quand ces ingrédients culinaires sont « frais ». Cette fois, il n'est pas question de chimie, mais de physique. De même, la clé de l'amollissement des tissus végétaux chauffés, par exemple des rondelles de carotte dans une casserole, découle également d'interactions physiques en plus des modifications chimiques.
A vrai dire l'échelle des énergies de liaison n'est pas segmentée, avec  d'un côté la physique pour les forces faibles et d'un autre côté les forces fortes pour la chimie. Non, c'est une échelle continue, où il est arbitraire de séparer les liaisons covalentes, à savoir la chimie pour faire simple. D'ailleurs, l'introduction de la chimie supramoléculaire fut exactement l'occasion de reconnaître qu'il y avait des édifices polymoléculaires qui s’apparentaient à la fois à ces édifices atomiques qu'on nomme molécules et à des systèmes plus labiles, tels des cristaux de sucre qui se dissolvent dans l'eau, et qui relèvent de la physique. En réalité, la chimie reconnaît bien que l'échelle des énergies est continue, et elle ne veut pas faire de distinction inutile qui gênerait le raisonnement de l'ingénieur quand il doit constuire des aliments.

Et la gastronomie moléculaire dans tout cela ? D'une part, il faut préciser que cette discipline scientifique n'est pas de la technologie ou de l'ingénierie, mais de la science, c'est-à-dire de la production de connaissances, et plus spécifiquement la recherche des mécanismes des phénomènes qui surviennent lors de la préparation des aliments. D'autre part, il faut signaler que la gastronomie moléculaire explore des phénomènes bien particuliers, et que, à ce titre, elle a toute sa place dans la formation d'étudiants ingénieurs, en cela qu'elle fait apparaître des informations qui seront utiles pour la construction des aliments. C'est bien parce que l'on analyse les phénomènes qui se produisent lors des phénomènes culinaires, de production des aliments, que l'on identifie des mécanismes que l'on peut ultérieurement mettre à l’œuvre lors de la constructions d'aliments par des méthodes qui ne sont plus empiriques.

Oui, la gastronomie moléculaire est une sous-partie de la science des aliments, et oui, elle nécessite des recherches de physique et de chimie. Mais on a plus de discernement, plus de clairvoyance, si l'on ne fait pas un grand sac et si, au contraire, on cherche plus spécifiquement de quelle partie il s'agit. L'ayant expliqué ailleurs, je n'y reviens pas, mais je conclus en répétant combien nos étudiants ont besoin d'une formation de physico-chimie !