mercredi 10 juillet 2019

Les physiciens sont insensés de vouloir des lois générales, et les chimistes manquent d'ambition, à ne pas en chercher.


Il y a cette opposition classique des physiciens et des chimistes : les uns sauraient calculer, et ils manipuleraient des équations, et les autres seraient plus "pratiques", lancés dans des synthèses. Évidemment, cette description est fausse, mais elle s'assortit de critiques d'un groupe vers l'autre, ce qui s'exprime notamment dans cette boutade : les physiciens font des expériences très propres avec des matériaux très sales, alors que les chimistes font des expériences très sales avec des matériaux très propres (et l'on ajoute alors : imaginez les physico-chimistes !).
Les arguments pleuvent : les chimistes, incapables de calculer, feraient à l'infini des synthèses insensées, ce que l'on résume dans "méthyle, éthyle, propyle, butyle, futile": cela pour exprimer que l'ajout d'un groupe chimique sur une molécule conduit à envisager systématiquement des ajouts de plus en plus gros (avec un atome de carbone, on a le groupe "méthyle", puis les groupes éthyle, propyle et butyle avec respectivement deux, trois ou quatre atomes de carbone). Et puis ces explorations manqueraient de plan d'ensemble, resteraient "classiques", en retard sur la physique, laquelle est passée de la mécanique classique à la mécanique quantique... Enfin, le pire des reproches est celui de la nature de la chimie qui serait une technologie ou une technique plutôt qu'une science.
Les chimistes, bien sûr, se rebiffent, signalant que l'équation de Schrödinger, qui est à la base de la mécanique quantique, ne fera jamais une molécule de benzène à partir de six atomes de carbone et de six atomes d'hydrogène dans une boite infinie. Ils indiquent que leur usage de la physique quantique est constant, avec les méthodes spectroscopiques, mais aussi avec la modélisation numérique, qui guide les synthèses, lesquelles sont en réalité des tests de la physique quantique. Surtout, ils observent que cela ne sert à rien de faire des théories à partir d'objets qui n'existent pas, rétorquent que les matières des physiciens sont fantasmées, et qu'à force d'approximations, on en vient à dire n'importe quoi.
Car les physiciens seraient en réalité des albatros collés au sol des navires, avec la volonté de faire de grandes théories, mais des théories inapplicables, car la matière est complexe, et les théories ne valent que pour des échantillons parfaitement purs.Et puis, n'a-t-on pas démontré qu'au delà de trois corps en interaction gravitationnelle, l'évolution du système est impossible à prévoir ? Sans compter que Stephen Wolfram a montré qu'il existe des automates dont la prévision ne peut se faire que si l'on exécute l'automate entièrement.

Ces discussions sont interminables, et sans intérêt.  Elles montrent combien on aurait intérêt à bien avoir sous les yeux le schéma qui décrit la démarche générale des sciences, et que voici :




Un phénomène étant identifié, on le caractérise quantitativement, puis on réunit les données en "lois", c'est-à-dire en équations, avant d'introduire des concepts pour faire des théorie quantitativement compatibles avec toutes les lois, ce qui permet de tirer des conclusions théoriques que l'on teste expérimentalement. 
La chimie de synthèse ? Connaissant les réactivités et les molécules que nous connaissons, il s'agit de repérer des catégories, des structures, pour imaginer des objets de types nouveaux que l'on cherche à réaliser. Peut-on faire une molécule dont les atomes de carbone sont aux coins d'un carré, par exemple ? Peut-on reproduire la chimie organique en remplaçant le carbone par le silicium ? Comment des molécules peuvent-elles s'organiser spontanément ? Et ainsi de suite.
Pour l'analyse chimique, la question est aujourd'hui celle d'analyser des systèmes complexes, des mélanges, par exemple.
La physique ? On la voit faisant un pont entre la physique des particules et la cosmologie, notamment, mais on la voit aussi explorer des phénomènes nouveaux, à propos de "matière molle", ou bien s'intéresser à des systèmes matériels où les interactions entre structures sont de types nouveaux, ce qui conduit à des propriétés inenvisagées.

Surtout, on voit bien une convergence de ces deux sciences, quand il s'agit de matière à des échelles qui vont du  macroscopique, à notre échelle, jusqu'à l'échelle atomique. C'est en réalité le royaume de la physico-chimie... qui expérimente, calcule...

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