Le flot des messages envoyés par des élèves en classe de première se tarit, parce qu'ils ont maintenant terminé et rendu leur travail, mais quelques attardés continuent d'écrire.
Par exemple, aujourd'hui :
Étant en élève de première S, j’ai dû comme beaucoup d’autres élèves travailler sur des travaux pratique encadrés. Le nôtre portait sur les phénomènes de dispersion dans les liquides, la mousse et la mayonnaise..
Nous nous sommes énormément aidé de vos travaux, et vous remercions..
Mais il nous trotte une dernière question, selon vous s’il on étudie la mayonnaise et la mousse ( émulsion, polarité, miscibilité et tensioactifs) de façon théorique, nous parlons de gastronomie moléculaire..
Mais si l’on effectue les recettes de mayonnaise et de mousse au chocolat dans le cadre de « test » comme vous avez pu le faire sur vos vidéos youtube, parlons nous de cuisine ou de gastronomie moléculaire ?
Nous hésitons énormément étant donné que la gastronomie moléculaire est la recherche des principes et phénomènes, tandis que la cuisine moléculaire est l’application théorique de ces principes.
J'avais initialement répondu :
Bonjour, et bravo pour votre distinction. Disons que la gastronomie moléculaire est l'étude (scientifique) des phénomènes qui se produisent quand on cuisine.
Et cuisiner, c'est préparer des aliments, à savoir des systèmes physico-chimiques qui sont destinés à la consommation humaine.
Si vous faites une mayonnaise, vous faites de la cuisine.
Si vous variez des paramètres de confection d'une mayonnaise en vue de voir le changement, vous faites de la technologie culinaire.
Si vous utilisez une sonde à ultrasons pour faire une mayonnaise, vous utilisez un ustensile nouveau, et vous faites de la cuisine moléculaire, c'est-à-dire de la technique.
Et si vous analysez la confection d'une émulsion qui se nomme mayonnaise, ou si vous testez une précision culinaire particulière, vous faites de la gastronomie moléculaire.
Je ferai un billet plus détaillé sur mon blog dans les jours qui viennent, notamment sur le dernier point, où je suivrai la méthode des sciences de la nature.
Bon courage
Mais reprenons.
La gastronomie moléculaire est donc la science qui s'intéresse aux phénomènes culinaires, en vue d'en chercher les mécanismes par la méthode classique des sciences, à savoir :
- identification d'un phénomène
- caractérisation quantitative du phénomène
- réunion des données de mesure en lois
- recherche de mécanismes, par introduction de concepts
- recherche de prévisions à partir du corpus théorique élaboré
- tests expérimentaux de ces prévisions théoriques.
Par exemple, imaginons que nous nous intéressions à la mayonnaise. Chercher s'il est vrai que la moindre trace de blanc fait rater la sauce est une expérience préliminaire qui permet d'identifier ou non un phénomène. En l'occurrence, le test montre que nous n'avons pas à nous demander si la moindre trace de blanc fait rater la sauce... parce que le blanc ne fait pas rater la sauce. Cette expérience préliminaire fait donc partie de la gastronomie moléculaire : on fait l'expérience en vue de comprendre les mécanismes, pas pour faire à manger (cuisine) ni pour perfectionner la sauce (technologie).
Un dernier commentaire : nos jeunes amis croient que "la gastronomie moléculaire est la recherche des principes et phénomènes, tandis que la cuisine moléculaire est l’application théorique de ces principes". Ce n'est pas juste.
La gastronomie moléculaire n'est pas la recherche des "principes et phénomènes", mais la recherche des mécanismes des phénomènes qui surviennent quand on cuisine.
D'autre part, la cuisine moléculaire n'est pas l' "application théorique de ces principes", mais la forme de cuisine qui fait usage de matériels venus des laboratoires, essentiellement d'ailleurs des laboratoires de chimie : thermocirculateurs, azote liquide, etc.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
Affichage des articles dont le libellé est TPE. Afficher tous les articles
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dimanche 24 mars 2019
samedi 19 janvier 2019
A propos de mousses et de cuisson
Aujourd'hui, deux questions que je n'avais jamais eues, de sorte que je réponds sans attendre :
1. J'ai lu que vous aviez fait l’expérience des blancs en neige avec la pompe à vélo, mais pourquoi ? Le batteur est plus pratique
Oui, il y a environ 40 ans (déjà !), je m'étais interrogé sur la production des blancs en neige, et j'avais compris qu'il s'agissait de simples mousses, avec des bulles d'air dans un liquide fait de 90 pour cent d'eau et de 10 pour cent de protéines. Pour montrer que le fouet n'était rien qu'une des milles possibilités d'obtenir une telle mousse, j'avais utilisé une pompe à vélo... mais n'oubliez quand même pas que j'ai une forte tendance à la "rigolade sérieuse".
Bref, dans la foulée, j'avais montré qu'une pompe d'aquarium soufflant de l'air dans les blancs faisait des mousses aux bulles bien plus grosse que pour du blanc d'oeuf. Et, surtout, j'avais proposé de faire mousser des mélanges variés : pensons par exemple à du jus de framboise additionné de protéines.
Là, c'était plus pratique que la pompe à vélo, parce que l'on appuie sur un bouton, et tout se fait automatiquement. Mais il ne s'agissait que de deux exemples, et j'avais montré également l'utilisation de siphons... qui sont aujourd'hui partout en vente dans les grandes surfaces, et là, c'est bien plus pratique de fouetter au fouet !
J'ajoute que l'histoire n'est pas finie : je n'aime pas beaucoup les siphons actuels, parce que les recharges sont un peu du gaspillage... et aussi que des jeunes se droguent au protoxyde d'azote qui est dedans. Je préfère des compresseurs qui font le même travail, avec de l'air.
2. Je ne doute pas que la cuisson au lave vaisselle soit intéressante, mais pourquoi pas à la vapeur directement ?
Je vois que mon interlocutrice ne connait pas la "cuisson à basse température", qui est un progrès considérable pour l'économie familiale ! Transformer des viandes dures, qui coûtent 4 euros le kilogramme, en viandes fondantes, telles qu'on les paierait plus de 20 euros, c'est quand même quelque chose d'essentiel !
Sans compter que le résultat est constant, que le bouillon a beaucoup de goût... et que l'on perd moins de masse à la cuisson. Imaginez un rôti de un kilogramme : si vous le cuisez à 180 degrés ou même à 100 degrés, il perd entre 20 et 30 pour cent de sa masse : en pratique, on achète un kilogramme, et l'on ne sert que 700 grammes ! En revanche, à basse température, la perte est très faible. Mais, surtout, avec oeufs, poissons, volaille, le résultat est absolument merveilleux. Et c'est plus facile à régler qu'à la vapeur (laquelle, d'ailleurs ?).
Mais, ayant expliqué l'intérêt de la cuisson à basse température, il faut en venir au lave-vaisselle : cette fois, c'est de l'économie sur l'énergie dépensée pour la cuisson, puisque les aliments (protégés dans des plastiques de qualité "alimentaire") cuisent sans utiliser d'autre énergie que celle qui serait déjà dépensée pour faire la vaisselle !
Cela dit, il y a mille façons de faire, mais, j'y repense, pourquoi un attachement particulier à la vapeur ? Et nous pourrions-nous pas penser à encore d'autres méthodes encore plus modernes ? D'ailleurs, pour la "cuisine note à note", comment cuire au mieux ?
A noter que les questions technologiques et techniques sont notamment abordées dans
1. J'ai lu que vous aviez fait l’expérience des blancs en neige avec la pompe à vélo, mais pourquoi ? Le batteur est plus pratique
Oui, il y a environ 40 ans (déjà !), je m'étais interrogé sur la production des blancs en neige, et j'avais compris qu'il s'agissait de simples mousses, avec des bulles d'air dans un liquide fait de 90 pour cent d'eau et de 10 pour cent de protéines. Pour montrer que le fouet n'était rien qu'une des milles possibilités d'obtenir une telle mousse, j'avais utilisé une pompe à vélo... mais n'oubliez quand même pas que j'ai une forte tendance à la "rigolade sérieuse".
Bref, dans la foulée, j'avais montré qu'une pompe d'aquarium soufflant de l'air dans les blancs faisait des mousses aux bulles bien plus grosse que pour du blanc d'oeuf. Et, surtout, j'avais proposé de faire mousser des mélanges variés : pensons par exemple à du jus de framboise additionné de protéines.
Là, c'était plus pratique que la pompe à vélo, parce que l'on appuie sur un bouton, et tout se fait automatiquement. Mais il ne s'agissait que de deux exemples, et j'avais montré également l'utilisation de siphons... qui sont aujourd'hui partout en vente dans les grandes surfaces, et là, c'est bien plus pratique de fouetter au fouet !
J'ajoute que l'histoire n'est pas finie : je n'aime pas beaucoup les siphons actuels, parce que les recharges sont un peu du gaspillage... et aussi que des jeunes se droguent au protoxyde d'azote qui est dedans. Je préfère des compresseurs qui font le même travail, avec de l'air.
2. Je ne doute pas que la cuisson au lave vaisselle soit intéressante, mais pourquoi pas à la vapeur directement ?
Je vois que mon interlocutrice ne connait pas la "cuisson à basse température", qui est un progrès considérable pour l'économie familiale ! Transformer des viandes dures, qui coûtent 4 euros le kilogramme, en viandes fondantes, telles qu'on les paierait plus de 20 euros, c'est quand même quelque chose d'essentiel !
Sans compter que le résultat est constant, que le bouillon a beaucoup de goût... et que l'on perd moins de masse à la cuisson. Imaginez un rôti de un kilogramme : si vous le cuisez à 180 degrés ou même à 100 degrés, il perd entre 20 et 30 pour cent de sa masse : en pratique, on achète un kilogramme, et l'on ne sert que 700 grammes ! En revanche, à basse température, la perte est très faible. Mais, surtout, avec oeufs, poissons, volaille, le résultat est absolument merveilleux. Et c'est plus facile à régler qu'à la vapeur (laquelle, d'ailleurs ?).
Mais, ayant expliqué l'intérêt de la cuisson à basse température, il faut en venir au lave-vaisselle : cette fois, c'est de l'économie sur l'énergie dépensée pour la cuisson, puisque les aliments (protégés dans des plastiques de qualité "alimentaire") cuisent sans utiliser d'autre énergie que celle qui serait déjà dépensée pour faire la vaisselle !
Cela dit, il y a mille façons de faire, mais, j'y repense, pourquoi un attachement particulier à la vapeur ? Et nous pourrions-nous pas penser à encore d'autres méthodes encore plus modernes ? D'ailleurs, pour la "cuisine note à note", comment cuire au mieux ?
A noter que les questions technologiques et techniques sont notamment abordées dans
samedi 17 novembre 2018
Il y a vraiment besoin de donner des réponses... à lire lentement, mot à mot
Allons, il faut rendre service. Je réponds donc ci dessous à : :
J’ai récemment découvert la cuisine moléculaire et cela m’a passionné. J’ai donc acheté un kit de cuisine moléculaire pour faire des expériences.
Cependant, j’ai rencontré quelques problèmes. Pour la sphérification, je n’arrive pas à extraire les spaghettis du tube même en suivant à la lettre la recette ; je pense donc qu’il y a un problème avec le tube ou avec la seringue. Qu’en pensez-vous ?
Pour l’émultion, j’ai réalisé une mousse mais lorsque je me suis renseigné, j’ai découvert que la réalisation d’une mousse n’est pas vraiment une émultion mais elle reprend le même principe. Donc d’après vous, est il possible de réaliser une émulsion type eau/huile avec du jus et existe-t-il un additif pour lier les deux ?
Également, selon-vous la caramélisation est-elle une technique de la cuisine moléculaire ? Si oui avec quelle viande pourrait-elle être réalisée ?
1. Dommage que notre interlocutrice soit intéressée par la "cuisine moléculaire", alors que la cuisine note à note est plus de son temps... mais je me console en pensant qu'avec ce kit qu'elle a acheté, elle pourra aussi faire de la cuisine note à note !
2. Des problèmes ? Il peut y avoir mille causes : je me souviens même d'une personne, rencontrée lors d'une conférence, qui me disait ne jamais réussir ses mayonnaises... mais quand j'ai interrogé en détail, je me suis aperçu qu'elle n'utilisait pas d'huile !
# Ici, sans être en position de voir comment mon interlocutrice expérimente, je suis incapable de donner une réponse censée. Oui, il peut y avoir un problème avec le tube, ou avec la seringue... mais il peut aussi y avoir des problèmes pour mille autres raisons.
3. Une "émultion" ? Non, une émulsion.
4. Je ne comprends pas la phrase : "Pour l’émultion, j’ai réalisé une mousse". En effet, une émulsion, c'est une dispersion d'huile dans de l'eau, comme on en obtient une en partant d'eau, en ajoutant de la poudre de blanc d'oeuf (10 % par exemple), puis en ajoutant de l'huile tout en fouettant. Pour une mousse, c'est encore de l'eau et de la poudre de blanc d'oeuf, mais il n'y a pas d'huile !
5. Faire une émulsion eau dans huile ? C'est souvent bien plus difficile que de faire une émulsion huile dans eau, et je crois donc que mon interlocutrice se trompe.
Le faire avec un jus ? Puisque le jus, c'est de l'eau, il faut d'abord voir s'il y a un tensioactif dedans. Par exemple, en commençant par fouetter le jus sans rien ajouter : si ça mousse, c'est très probablement qu'il y a tout ce qu'il faut, de sorte qu'il suffira de fouetter en ajoutant de l'huile. Je recommande à mon interlocutrice mon invention nommée "ollis". C'est décrit dans :
6. La caramélisation est-elle de la cuisine moléculaire ? La cuisine moléculaire est définie comme une forme de cuisine qui utilise des ustensiles nouveaux. Donc non.
Avec quelle viande pourrait-on faire une caramélisation ? Avec aucune : la caramélisation est la réaction qui résulte du traitement thermique (chauffage) du saccharose (le sucre de table). Je ne comprends donc pas la question.
En espérant avoir été utile.
J’ai récemment découvert la cuisine moléculaire et cela m’a passionné. J’ai donc acheté un kit de cuisine moléculaire pour faire des expériences.
Cependant, j’ai rencontré quelques problèmes. Pour la sphérification, je n’arrive pas à extraire les spaghettis du tube même en suivant à la lettre la recette ; je pense donc qu’il y a un problème avec le tube ou avec la seringue. Qu’en pensez-vous ?
Pour l’émultion, j’ai réalisé une mousse mais lorsque je me suis renseigné, j’ai découvert que la réalisation d’une mousse n’est pas vraiment une émultion mais elle reprend le même principe. Donc d’après vous, est il possible de réaliser une émulsion type eau/huile avec du jus et existe-t-il un additif pour lier les deux ?
Également, selon-vous la caramélisation est-elle une technique de la cuisine moléculaire ? Si oui avec quelle viande pourrait-elle être réalisée ?
1. Dommage que notre interlocutrice soit intéressée par la "cuisine moléculaire", alors que la cuisine note à note est plus de son temps... mais je me console en pensant qu'avec ce kit qu'elle a acheté, elle pourra aussi faire de la cuisine note à note !
2. Des problèmes ? Il peut y avoir mille causes : je me souviens même d'une personne, rencontrée lors d'une conférence, qui me disait ne jamais réussir ses mayonnaises... mais quand j'ai interrogé en détail, je me suis aperçu qu'elle n'utilisait pas d'huile !
# Ici, sans être en position de voir comment mon interlocutrice expérimente, je suis incapable de donner une réponse censée. Oui, il peut y avoir un problème avec le tube, ou avec la seringue... mais il peut aussi y avoir des problèmes pour mille autres raisons.
3. Une "émultion" ? Non, une émulsion.
4. Je ne comprends pas la phrase : "Pour l’émultion, j’ai réalisé une mousse". En effet, une émulsion, c'est une dispersion d'huile dans de l'eau, comme on en obtient une en partant d'eau, en ajoutant de la poudre de blanc d'oeuf (10 % par exemple), puis en ajoutant de l'huile tout en fouettant. Pour une mousse, c'est encore de l'eau et de la poudre de blanc d'oeuf, mais il n'y a pas d'huile !
5. Faire une émulsion eau dans huile ? C'est souvent bien plus difficile que de faire une émulsion huile dans eau, et je crois donc que mon interlocutrice se trompe.
Le faire avec un jus ? Puisque le jus, c'est de l'eau, il faut d'abord voir s'il y a un tensioactif dedans. Par exemple, en commençant par fouetter le jus sans rien ajouter : si ça mousse, c'est très probablement qu'il y a tout ce qu'il faut, de sorte qu'il suffira de fouetter en ajoutant de l'huile. Je recommande à mon interlocutrice mon invention nommée "ollis". C'est décrit dans :
6. La caramélisation est-elle de la cuisine moléculaire ? La cuisine moléculaire est définie comme une forme de cuisine qui utilise des ustensiles nouveaux. Donc non.
Avec quelle viande pourrait-on faire une caramélisation ? Avec aucune : la caramélisation est la réaction qui résulte du traitement thermique (chauffage) du saccharose (le sucre de table). Je ne comprends donc pas la question.
En espérant avoir été utile.
vendredi 16 novembre 2018
Je ne crois pas avoir répondu à de telles questions, par le passé, donc je m'y mets
Je ne crois pas avoir répondu à de telles questions, par le passé, donc je m'y mets
Les questions, en bloc :
Bonjour M.This, nous sommes trois élèves de 1ère scientifique. Dans le cadre des Travaux Pratiques Encadrés, nous nous permettons de vous envoyer le mail suivant car notre sujet de TPE est en adéquation avec vos compétences. En effet, notre problématique est la suivante: "En quoi les fruits et les légumes peuvent remplacer certains ingrédients du gâteau au chocolat sans en dénaturer le goût ?"
Nous avons vu sur Internet que le sucre, le beurre et l’œuf peuvent être substitués par deux légumes et un fruit. Il est peut-être possible de remplacer le sucre par de la betterave car certains sucres achetés au magasin sont extraits de la betterave sucrière. Ensuite, comme le beurre, la courgette apporterait du moelleux au gâteau, des fibres, des vitamines, des matières non grasses, du fondant, etc. Enfin, la banane et l’œuf sont tout deux composés de beaucoup d'eau, ainsi que des minéraux et des protéines. La banane donnera une croûte craquante et un gâteau moelleux.
En ce qui concerne la cuisson, nos recherches ont aboutit à plusieurs résultats: la banane est idéale cuite mûre et très bien écrasée. La betterave, elle, peut être cuite jusqu'à ce que son cœur soit tendre. On peut également la mixer avec du lait. Pour ce qui est de la courgette, on peut la rapper avant d'ajouter son jus dans la préparation.
Nous avons quelques questions à vous poser, si vous avez bien évidement l'amabilité et surtout le temps d'y répondre: Tout d'abord, d'après vos connaissances et vos expériences, confirmez-vous les informations présentes ci-dessus (concernant les remplacements d'ingrédients et les stratégies de cuisson)? Avez-vous des petites corrections ou des renseignements à ajouter ?
Ensuite, avez-vous déjà tenté de réaliser des expériences similaires ? Si oui, avez-vous des résultats à nous communiquer ou des astuces qui pourraient nous êtres utiles sur la cuisson (température, temps...) ou sur les proportions par exemple ?
Merci d'avoir pris le temps de lire notre mail (si vous l'avez lu) en espérant une réponse de votre part, d'autant plus que nous apprécions beaucoup votre travail . En effet, nous avons feuilletés deux de vos livres que nous avons trouvé très passionnant: Les secrets de la casserole et Traité alimentaire de cuisine.
Commençons donc par la question : En quoi les fruits et les légumes peuvent remplacer certains ingrédients du gâteau au chocolat sans en dénaturer le goût ? Comme je cherche toujours à bien comprendre, j'analyse... et je ne comprends pas le "En quoi". En effet, pourquoi n'écririons-nous pas plutôt : les fruits et les légumes peuvent-ils remplacer certains ingrédients du gâteau au chocolat sans en dénaturer le goût ?
En relisant la question nouvellement formulée, mes petits "radars" internes me font tiquer sur "le" gâteau au chocolat. En effet, il y a mille gâteaux au chocolat, puisqu'il y a des milliers de gâteaux différents (génoise, cake, etc.) que l'on peut ensuite parfumer au chocolat ! Ces gâteaux sont le plus souvent faits de farine, de sucre, d'oeuf, de matière grasse, avec d'autres ingrédients, tels que poudre d'amande, chapelure, etc.
Remplacer la farine ? La farine est faite d'amidon et de gluten, pour simplifier. Souvent, le gluten n'est pas utile, et l'on peut donc remplacer la farine par la fécule de riz, de pomme de terre, de manioc, de lentille, etc.
Si l'on veut remplacer le gluten, pourquoi pas l'oeuf... qui est déjà présent dans de nouveaux gâteaux.
Remplacer l'oeuf ? Ce dernier apporte de l'eau, des protéines coagulantes, des matières grasses. On peut remplacer l'eau de l'oeuf par n'importe quelle solution aqueuse : bouillon, thé, café, vin, jus de fruit ou de légume... On peut remplacer les protéines coagulantes de l'oeuf (voir la composition sur mon site https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/) par des protéines végétales ou animales variées, notamment les protéines sériques du lait. Et l'on peut remplacer la matière grasse de l'oeuf par n'importe quel beurre, huile, crème (qui apporte de l'eau).
Remplacer le sucre ? Là, il faut donc savoir que le sucre de table n'est qu'un des sucres, mais, pour sucrer, les édulcorants sont abondants : aspartame, fructose, etc.
Et la seule chose que l'on ne pourra pas remplacer, donc, c'est le chocolat, sans quoi, si l'on fait un "gâteau au chocolat" sans chocolat, ce sera malhonnête.
Je poursuis. J'ai souri en lisant "Il est peut-être possible de remplacer le sucre par de la betterave car certains sucres achetés au magasin sont extraits de la betterave sucrière." Oui, j'ai souri, car le sucre acheté au magasin est quasi exclusivement extrait de la betterave ! Mais surtout, cela me fait penser que j'ai oublié de commencer mon billet en posant à nos amis la question : pourquoi voulez vous faire ces remplacement ? Parce que faire compliqué au lieu de faire simple n'est sans doute pas une bonne stratégie ! Oui, je comprends que certains (maladie coeliaque exclusivement) voudraient éviter le gluten, que certains puissent être allergiques à l'oeuf, mais ce ne sont pas les mêmes.
De sorte que j'ai du mal à avancer dans ma réponse : l'objectif n'est pas clair, et je n'ai pas de raison d'aider des personnes qui font quelque chose d'incohérent. A moins que des précisions légitimes (j'insiste) ne soient données.
Parce que, quand même, remplacer le sucre par la betterave, pourquoi pas, mais la betterave apporte du goût, en plus des fibres, de sorte que le goût du chocolat sera certainement modifié. Autrement dit, la meilleure façon de remplacer le sucre, ce serait d'extraire le sucre... de la betterave (j'avais dit que je souriais).
Puis, oui : "Ensuite, comme le beurre, la courgette apporterait du moelleux au gâteau, des fibres, des vitamines, des matières non grasses, du fondant, etc"... mais la courgette n'apporte pas le même moelleux que le beurre, et, surtout, elle n'apporte pas le bon goût de beurre. Un gâteau au chocolat et à la courgette : le goût du chocolat est modifié ("dénaturé", comme disent nos amis). J'ajoute, d'ailleurs, que l'on ne mange pas un gâteau au chocolat pour les vitamines, mais pour le gras et pour le sucre, plus le goût de chocolat : soyons honnêtes avec nous-mêmes.
J'ai donc répondu. Aimablement ? Pas sûr... mais en souriant, toujours en souriant. Et, plus sérieusement, je crois que nos amis devraient reformuler la question, pour les raisons exposées plus haut. Pourquoi ne s'intéresseraient-ils pas à la cuisine note à note, plus de leur temps que ces contorsions d'un âge ancien, révolu, périmé ?
PS. Mon livre s'intitule Traité élémentaire de cuisine, et non pas Traité alimentaire de cuisine.
Les questions, en bloc :
Bonjour M.This, nous sommes trois élèves de 1ère scientifique. Dans le cadre des Travaux Pratiques Encadrés, nous nous permettons de vous envoyer le mail suivant car notre sujet de TPE est en adéquation avec vos compétences. En effet, notre problématique est la suivante: "En quoi les fruits et les légumes peuvent remplacer certains ingrédients du gâteau au chocolat sans en dénaturer le goût ?"
Nous avons vu sur Internet que le sucre, le beurre et l’œuf peuvent être substitués par deux légumes et un fruit. Il est peut-être possible de remplacer le sucre par de la betterave car certains sucres achetés au magasin sont extraits de la betterave sucrière. Ensuite, comme le beurre, la courgette apporterait du moelleux au gâteau, des fibres, des vitamines, des matières non grasses, du fondant, etc. Enfin, la banane et l’œuf sont tout deux composés de beaucoup d'eau, ainsi que des minéraux et des protéines. La banane donnera une croûte craquante et un gâteau moelleux.
En ce qui concerne la cuisson, nos recherches ont aboutit à plusieurs résultats: la banane est idéale cuite mûre et très bien écrasée. La betterave, elle, peut être cuite jusqu'à ce que son cœur soit tendre. On peut également la mixer avec du lait. Pour ce qui est de la courgette, on peut la rapper avant d'ajouter son jus dans la préparation.
Nous avons quelques questions à vous poser, si vous avez bien évidement l'amabilité et surtout le temps d'y répondre: Tout d'abord, d'après vos connaissances et vos expériences, confirmez-vous les informations présentes ci-dessus (concernant les remplacements d'ingrédients et les stratégies de cuisson)? Avez-vous des petites corrections ou des renseignements à ajouter ?
Ensuite, avez-vous déjà tenté de réaliser des expériences similaires ? Si oui, avez-vous des résultats à nous communiquer ou des astuces qui pourraient nous êtres utiles sur la cuisson (température, temps...) ou sur les proportions par exemple ?
Merci d'avoir pris le temps de lire notre mail (si vous l'avez lu) en espérant une réponse de votre part, d'autant plus que nous apprécions beaucoup votre travail . En effet, nous avons feuilletés deux de vos livres que nous avons trouvé très passionnant: Les secrets de la casserole et Traité alimentaire de cuisine.
Commençons donc par la question : En quoi les fruits et les légumes peuvent remplacer certains ingrédients du gâteau au chocolat sans en dénaturer le goût ? Comme je cherche toujours à bien comprendre, j'analyse... et je ne comprends pas le "En quoi". En effet, pourquoi n'écririons-nous pas plutôt : les fruits et les légumes peuvent-ils remplacer certains ingrédients du gâteau au chocolat sans en dénaturer le goût ?
En relisant la question nouvellement formulée, mes petits "radars" internes me font tiquer sur "le" gâteau au chocolat. En effet, il y a mille gâteaux au chocolat, puisqu'il y a des milliers de gâteaux différents (génoise, cake, etc.) que l'on peut ensuite parfumer au chocolat ! Ces gâteaux sont le plus souvent faits de farine, de sucre, d'oeuf, de matière grasse, avec d'autres ingrédients, tels que poudre d'amande, chapelure, etc.
Remplacer la farine ? La farine est faite d'amidon et de gluten, pour simplifier. Souvent, le gluten n'est pas utile, et l'on peut donc remplacer la farine par la fécule de riz, de pomme de terre, de manioc, de lentille, etc.
Si l'on veut remplacer le gluten, pourquoi pas l'oeuf... qui est déjà présent dans de nouveaux gâteaux.
Remplacer l'oeuf ? Ce dernier apporte de l'eau, des protéines coagulantes, des matières grasses. On peut remplacer l'eau de l'oeuf par n'importe quelle solution aqueuse : bouillon, thé, café, vin, jus de fruit ou de légume... On peut remplacer les protéines coagulantes de l'oeuf (voir la composition sur mon site https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/) par des protéines végétales ou animales variées, notamment les protéines sériques du lait. Et l'on peut remplacer la matière grasse de l'oeuf par n'importe quel beurre, huile, crème (qui apporte de l'eau).
Remplacer le sucre ? Là, il faut donc savoir que le sucre de table n'est qu'un des sucres, mais, pour sucrer, les édulcorants sont abondants : aspartame, fructose, etc.
Et la seule chose que l'on ne pourra pas remplacer, donc, c'est le chocolat, sans quoi, si l'on fait un "gâteau au chocolat" sans chocolat, ce sera malhonnête.
Je poursuis. J'ai souri en lisant "Il est peut-être possible de remplacer le sucre par de la betterave car certains sucres achetés au magasin sont extraits de la betterave sucrière." Oui, j'ai souri, car le sucre acheté au magasin est quasi exclusivement extrait de la betterave ! Mais surtout, cela me fait penser que j'ai oublié de commencer mon billet en posant à nos amis la question : pourquoi voulez vous faire ces remplacement ? Parce que faire compliqué au lieu de faire simple n'est sans doute pas une bonne stratégie ! Oui, je comprends que certains (maladie coeliaque exclusivement) voudraient éviter le gluten, que certains puissent être allergiques à l'oeuf, mais ce ne sont pas les mêmes.
De sorte que j'ai du mal à avancer dans ma réponse : l'objectif n'est pas clair, et je n'ai pas de raison d'aider des personnes qui font quelque chose d'incohérent. A moins que des précisions légitimes (j'insiste) ne soient données.
Parce que, quand même, remplacer le sucre par la betterave, pourquoi pas, mais la betterave apporte du goût, en plus des fibres, de sorte que le goût du chocolat sera certainement modifié. Autrement dit, la meilleure façon de remplacer le sucre, ce serait d'extraire le sucre... de la betterave (j'avais dit que je souriais).
Puis, oui : "Ensuite, comme le beurre, la courgette apporterait du moelleux au gâteau, des fibres, des vitamines, des matières non grasses, du fondant, etc"... mais la courgette n'apporte pas le même moelleux que le beurre, et, surtout, elle n'apporte pas le bon goût de beurre. Un gâteau au chocolat et à la courgette : le goût du chocolat est modifié ("dénaturé", comme disent nos amis). J'ajoute, d'ailleurs, que l'on ne mange pas un gâteau au chocolat pour les vitamines, mais pour le gras et pour le sucre, plus le goût de chocolat : soyons honnêtes avec nous-mêmes.
J'ai donc répondu. Aimablement ? Pas sûr... mais en souriant, toujours en souriant. Et, plus sérieusement, je crois que nos amis devraient reformuler la question, pour les raisons exposées plus haut. Pourquoi ne s'intéresseraient-ils pas à la cuisine note à note, plus de leur temps que ces contorsions d'un âge ancien, révolu, périmé ?
PS. Mon livre s'intitule Traité élémentaire de cuisine, et non pas Traité alimentaire de cuisine.
vendredi 26 octobre 2018
Oui, c'est bien moi qui ai le premier "décuit" des oeufs
Des élèves qui font un "travail personnel encadré" (TPE) m'interrogent à nouveau à propos de la décuisson des oeufs. Qui l'a faite le premier ?
A ma connaissance, c'est bien moi, avec un article dont la référence est Hervé This. Can a cooked egg white be uncooked ? The Chemical Intelligencer (Springer Verlag), 1996 (10), 51.
La question est de savoir pourquoi on me pose cette question... et la réponse est qu'un communiqué de presse malhonnête avait été émis par une université américaine il y a quelques années, quand des chercheurs de cette université ont surtout renaturé des protéines dénaturées... sans citer mon travail.
Mais, en réalité, il n'y a pas d'ambiguité, et la malhonnêteté a été punie : l'équipe qui est venue (bien) après moi a reçu le prix IgNobel... que ma discipline et, peut-être aussi, mon tour d'esprit me font risquer de recevoir.
Mais enfin, bref, c'est bien moi qui ait le premier décuit un oeuf. Pourquoi ? Comment ?
A l'époque, je m'étonnais de la cuisson des oeufs. Pensons au blanc, qui, de liquide, transparent et jaune-vert, devient opaque et blanc. Le fait que le blanc d'oeuf soit fait de 90 pour cent d'eau et qu'il ne perde pas de masse lors de sa cuisson montrait qu'il y avait une gélification. Et l'on savait que cette gélification était due aux protéines du blanc (les 10 pour cent restant).
Mais on avait deux gels possibles : physiques, ou chimiques. Les gels physiques sont ceux de gélatine, ou de pectine (dans les confitures). Ils sont "thermoréversibles", ce qui signifie qu'ils se défont si l'on chauffe, et se refont si l'on refroidit. En revanche, les gels chimiques sont thermostables : le blanc d'oeuf durcit, puis se dégrade quand on le chauffe, mais il ne se reliquéfie pas.
Pourquoi ? J'avais alors analysé que les forces entre les protéines ne pouvaient être que de quelques types : van der Waals (des forces très faibles), hydrophobes (très faibles aussi), des liaisons hydrogènes (faibles), des "ponts disulfure" (plus fortes), des liaisons chimiques "covalentes", comme on en trouve entre les atomes des molécules, et des liaisons électrostatiques comme entre les ions des cristaux de sel.
L'analyse m'avait montré que les forces les plus fortes étaient vraisemblablement les ponts disulfures, et c'est cette hypothèse que j'ai testée expérimentalement.
L'idée est la suivante : quand des protéines qui portent des groupes sulhydrile, avec un atome de soufre S lié à un atome d'hydrogène H, se lient, la réaction est une "oxydation". L'inverse est une "réduction", et j'ai donc utilisé un (en réalité plusieurs) composé réducteur que j'ai simplement ajouté à du blanc d'oeuf. En quelques instants, après la formation d'une mousse que j'avais anticipée, le solide est devenu liquide : l'oeuf était décuit... mais surtout cette expérience montrait que les forces les plus fortes responsables de la coagulation étaient bien les ponts disulfure. Le gel qu'est le blanc d'oeuf était donc un gel chimique, même si les ponts disulfure sont des forces covalentes un peu particulières, plus faibles que des forces entre deux atomes de carbone.
A ma connaissance, c'est bien moi, avec un article dont la référence est Hervé This. Can a cooked egg white be uncooked ? The Chemical Intelligencer (Springer Verlag), 1996 (10), 51.
La question est de savoir pourquoi on me pose cette question... et la réponse est qu'un communiqué de presse malhonnête avait été émis par une université américaine il y a quelques années, quand des chercheurs de cette université ont surtout renaturé des protéines dénaturées... sans citer mon travail.
Mais, en réalité, il n'y a pas d'ambiguité, et la malhonnêteté a été punie : l'équipe qui est venue (bien) après moi a reçu le prix IgNobel... que ma discipline et, peut-être aussi, mon tour d'esprit me font risquer de recevoir.
Mais enfin, bref, c'est bien moi qui ait le premier décuit un oeuf. Pourquoi ? Comment ?
A l'époque, je m'étonnais de la cuisson des oeufs. Pensons au blanc, qui, de liquide, transparent et jaune-vert, devient opaque et blanc. Le fait que le blanc d'oeuf soit fait de 90 pour cent d'eau et qu'il ne perde pas de masse lors de sa cuisson montrait qu'il y avait une gélification. Et l'on savait que cette gélification était due aux protéines du blanc (les 10 pour cent restant).
Mais on avait deux gels possibles : physiques, ou chimiques. Les gels physiques sont ceux de gélatine, ou de pectine (dans les confitures). Ils sont "thermoréversibles", ce qui signifie qu'ils se défont si l'on chauffe, et se refont si l'on refroidit. En revanche, les gels chimiques sont thermostables : le blanc d'oeuf durcit, puis se dégrade quand on le chauffe, mais il ne se reliquéfie pas.
Pourquoi ? J'avais alors analysé que les forces entre les protéines ne pouvaient être que de quelques types : van der Waals (des forces très faibles), hydrophobes (très faibles aussi), des liaisons hydrogènes (faibles), des "ponts disulfure" (plus fortes), des liaisons chimiques "covalentes", comme on en trouve entre les atomes des molécules, et des liaisons électrostatiques comme entre les ions des cristaux de sel.
L'analyse m'avait montré que les forces les plus fortes étaient vraisemblablement les ponts disulfures, et c'est cette hypothèse que j'ai testée expérimentalement.
L'idée est la suivante : quand des protéines qui portent des groupes sulhydrile, avec un atome de soufre S lié à un atome d'hydrogène H, se lient, la réaction est une "oxydation". L'inverse est une "réduction", et j'ai donc utilisé un (en réalité plusieurs) composé réducteur que j'ai simplement ajouté à du blanc d'oeuf. En quelques instants, après la formation d'une mousse que j'avais anticipée, le solide est devenu liquide : l'oeuf était décuit... mais surtout cette expérience montrait que les forces les plus fortes responsables de la coagulation étaient bien les ponts disulfure. Le gel qu'est le blanc d'oeuf était donc un gel chimique, même si les ponts disulfure sont des forces covalentes un peu particulières, plus faibles que des forces entre deux atomes de carbone.
jeudi 25 octobre 2018
Des TPE sur les oeufs
Je le disais hier : les TPE battent leur plein !
Reçu ce message, qui me permet de donner des réponses utiles à beaucoup, semble-t-il :
# Dans le cadre du TPE de 1ère (épreuve anticipée du baccalauréat), mon groupe (3 élèves au total), a choisi de traiter le thème forme et matière. L’œuf avec les différentes formes qu’il peut revêtir en cuisine nous a de suite intéressés.
# Nous avons fait de nombreuses recherches internet (parfois infructueuses, ou peu précises), et le plus souvent celles-ci nous conduisent finalement à l’article de presse de l’INRA de mars 2013 (document sur lequel j’ai pu trouver vos coordonnées).
# J’ai également fait acheter par ma maman le livre « les œufs, 60 clefs pour comprendre » et celui-ci me ramène aussi à l’INRA.
# Votre expérience et vos connaissances en terme de gastronomie moléculaire nous aideraient précieusement.
# En effet, j’ai bien compris que cuisiner l’œuf, c’était faire de la chimie.
# Que différents paramètres température, air, pH… influençaient la structure des composants de l’œuf, notamment les protéines.
# Aussi, notre TPE devrait s’orienter sur les propriétés physico-chimiques de l’œuf qui font qu’il se transforme, avec une partie théorique et une partie expérimentale.
# Alors je viens vous solliciter afin de pouvoir obtenir des documents pertinents qui nous permettraient :
# 1/D’expliquer la formation de l’œuf, sa composition.
# 2/D’expérimenter la chimie des œufs, le but étant de reproduire au laboratoire (ou chez nous) des expériences et de réaliser une vidéo qui sera visionnée et notée par le jury final.
# (Par exemple, je vais réaliser votre recette de l’œuf parfait au lave-vaisselle !).
# 3/D’expliquer de manière claire et pédagogique la chimie des œufs, quels constituants se modifient.
# D’ailleurs, peut-être serait-il bien de tester au laboratoire comment « décuire un œuf » : à ce propose, j’ai pu lire que des scientifiques avaient tenter l’expérience.
# Bref, je suis preneuse de toute information !
# Je vous remercie par avance de l’attention que vous me porterez, et s’il faut que je sois plus précise dans ma demande, n’hésitez pas à me le faire savoir.
Je reprends en commentant point à point
Dans le cadre du TPE de 1ère (épreuve anticipée du baccalauréat), mon groupe (3 élèves au total), a choisi de traiter le thème forme et matière. L’œuf avec les différentes formes qu’il peut revêtir en cuisine nous a de suite intéressés.
C'est un excellent choix : fascinant de voir un oeuf liquide, jaune-vert, transparent, devenir solide, blanc et opaque ! D'autant que la composition d'un blanc d'oeuf est (assez) simple : de l'eau et des protéines.
Nous avons fait de nombreuses recherches internet (parfois infructueuses, ou peu précises), et le plus souvent celles-ci nous conduisent finalement à l’article de presse de l’INRA de mars 2013 (document sur lequel j’ai pu trouver vos coordonnées).
Pourquoi pas... mais cela m'étonne que vous n'ayez trouvé que cela. Je rappelle que l''on cherche en anglais sur Google Scholar, quand on n'a pas de bases de données.
J’ai également fait acheter par ma maman le livre « les œufs, 60 clefs pour comprendre » et celui-ci me ramène aussi à l’INRA.
Oui, en France, l'Inra est essentiel. Savez vous qu'il y a une unité très spécialisée dans les oeufs à Nouzilly ? Les meilleurs spécialistes mondiaux.
Votre expérience et vos connaissances en terme de gastronomie moléculaire nous aideraient précieusement.
Je fais de mon mieux.
En effet, j’ai bien compris que cuisiner l’œuf, c’était faire de la chimie.
Certainement pas : cuisiner, c'est cuisiner. Faire de la chimie, c'est faire de la science. Certes, cuisinier de l'oeuf déclenche des réactions entre des composés, mais la cuisine n'est certainement pas de la chimie : ce n'est pas une science de la nature !
Inversement, la recherche scientifique, notamment la gastronomie moléculaire, ce n'est pas de la cuisine : on ne prépare pas des aliments, mais on produit de la connaissance.
Que différents paramètres température, air, pH… influençaient la structure des composants de l’œuf, notamment les protéines.
Ca, c'est une phrase compliquée. Heureux de dire que je ne la comprends pas (je peux l'interpréter de mille façons différentes, mais ce n'est pas à moi de deviner laquelle est la bonne).
Aussi, notre TPE devrait s’orienter sur les propriétés physico-chimiques de l’œuf qui font qu’il se transforme, avec une partie théorique et une partie expérimentale.
Plus exactement, je vous renvoie vers mon site, où j'explique mieux que cela comment faire un TPE, en faisant l'exégèse des textes officiels.
Alors je viens vous solliciter afin de pouvoir obtenir des documents pertinents qui nous permettraient :
1/d’expliquer la formation de l’œuf, sa composition.
Voir le livre sur l'oeuf de M. Thapon et ses collègues chez Lavoisier Tec et Doc.
2/D’expérimenter la chimie des œufs, le but étant de reproduire au laboratoire (ou chez nous) des expériences et de réaliser une vidéo qui sera visionnée et notée par le jury final. (Par exemple, je vais réaliser votre recette de l’œuf parfait au lave-vaisselle !).
Mais sur le site d'AgroParisTech, il y a bien d'autres documents, notamment mon "Let's have an egg".
3/D’expliquer de manière claire et pédagogique la chimie des œufs, quels constituants se modifient.
D’ailleurs, peut-être serait-il bien de tester au laboratoire comment « décuire un œuf » : à ce propose, j’ai pu lire que des scientifiques avaient tenter l’expérience.
C'est moi qui ai fait le premier la chose, en 1997. Et mon texte est mis sur mon site.
D'ailleurs, j'y ai mis aussi d'autres choses sur l'oeuf, parce que ce TPE n'est ni le premier, ni sans doute le dernier.
Bon courage
Reçu ce message, qui me permet de donner des réponses utiles à beaucoup, semble-t-il :
# Dans le cadre du TPE de 1ère (épreuve anticipée du baccalauréat), mon groupe (3 élèves au total), a choisi de traiter le thème forme et matière. L’œuf avec les différentes formes qu’il peut revêtir en cuisine nous a de suite intéressés.
# Nous avons fait de nombreuses recherches internet (parfois infructueuses, ou peu précises), et le plus souvent celles-ci nous conduisent finalement à l’article de presse de l’INRA de mars 2013 (document sur lequel j’ai pu trouver vos coordonnées).
# J’ai également fait acheter par ma maman le livre « les œufs, 60 clefs pour comprendre » et celui-ci me ramène aussi à l’INRA.
# Votre expérience et vos connaissances en terme de gastronomie moléculaire nous aideraient précieusement.
# En effet, j’ai bien compris que cuisiner l’œuf, c’était faire de la chimie.
# Que différents paramètres température, air, pH… influençaient la structure des composants de l’œuf, notamment les protéines.
# Aussi, notre TPE devrait s’orienter sur les propriétés physico-chimiques de l’œuf qui font qu’il se transforme, avec une partie théorique et une partie expérimentale.
# Alors je viens vous solliciter afin de pouvoir obtenir des documents pertinents qui nous permettraient :
# 1/D’expliquer la formation de l’œuf, sa composition.
# 2/D’expérimenter la chimie des œufs, le but étant de reproduire au laboratoire (ou chez nous) des expériences et de réaliser une vidéo qui sera visionnée et notée par le jury final.
# (Par exemple, je vais réaliser votre recette de l’œuf parfait au lave-vaisselle !).
# 3/D’expliquer de manière claire et pédagogique la chimie des œufs, quels constituants se modifient.
# D’ailleurs, peut-être serait-il bien de tester au laboratoire comment « décuire un œuf » : à ce propose, j’ai pu lire que des scientifiques avaient tenter l’expérience.
# Bref, je suis preneuse de toute information !
# Je vous remercie par avance de l’attention que vous me porterez, et s’il faut que je sois plus précise dans ma demande, n’hésitez pas à me le faire savoir.
Je reprends en commentant point à point
Dans le cadre du TPE de 1ère (épreuve anticipée du baccalauréat), mon groupe (3 élèves au total), a choisi de traiter le thème forme et matière. L’œuf avec les différentes formes qu’il peut revêtir en cuisine nous a de suite intéressés.
C'est un excellent choix : fascinant de voir un oeuf liquide, jaune-vert, transparent, devenir solide, blanc et opaque ! D'autant que la composition d'un blanc d'oeuf est (assez) simple : de l'eau et des protéines.
Nous avons fait de nombreuses recherches internet (parfois infructueuses, ou peu précises), et le plus souvent celles-ci nous conduisent finalement à l’article de presse de l’INRA de mars 2013 (document sur lequel j’ai pu trouver vos coordonnées).
Pourquoi pas... mais cela m'étonne que vous n'ayez trouvé que cela. Je rappelle que l''on cherche en anglais sur Google Scholar, quand on n'a pas de bases de données.
J’ai également fait acheter par ma maman le livre « les œufs, 60 clefs pour comprendre » et celui-ci me ramène aussi à l’INRA.
Oui, en France, l'Inra est essentiel. Savez vous qu'il y a une unité très spécialisée dans les oeufs à Nouzilly ? Les meilleurs spécialistes mondiaux.
Votre expérience et vos connaissances en terme de gastronomie moléculaire nous aideraient précieusement.
Je fais de mon mieux.
En effet, j’ai bien compris que cuisiner l’œuf, c’était faire de la chimie.
Certainement pas : cuisiner, c'est cuisiner. Faire de la chimie, c'est faire de la science. Certes, cuisinier de l'oeuf déclenche des réactions entre des composés, mais la cuisine n'est certainement pas de la chimie : ce n'est pas une science de la nature !
Inversement, la recherche scientifique, notamment la gastronomie moléculaire, ce n'est pas de la cuisine : on ne prépare pas des aliments, mais on produit de la connaissance.
Que différents paramètres température, air, pH… influençaient la structure des composants de l’œuf, notamment les protéines.
Ca, c'est une phrase compliquée. Heureux de dire que je ne la comprends pas (je peux l'interpréter de mille façons différentes, mais ce n'est pas à moi de deviner laquelle est la bonne).
Aussi, notre TPE devrait s’orienter sur les propriétés physico-chimiques de l’œuf qui font qu’il se transforme, avec une partie théorique et une partie expérimentale.
Plus exactement, je vous renvoie vers mon site, où j'explique mieux que cela comment faire un TPE, en faisant l'exégèse des textes officiels.
Alors je viens vous solliciter afin de pouvoir obtenir des documents pertinents qui nous permettraient :
1/d’expliquer la formation de l’œuf, sa composition.
Voir le livre sur l'oeuf de M. Thapon et ses collègues chez Lavoisier Tec et Doc.
2/D’expérimenter la chimie des œufs, le but étant de reproduire au laboratoire (ou chez nous) des expériences et de réaliser une vidéo qui sera visionnée et notée par le jury final. (Par exemple, je vais réaliser votre recette de l’œuf parfait au lave-vaisselle !).
Mais sur le site d'AgroParisTech, il y a bien d'autres documents, notamment mon "Let's have an egg".
3/D’expliquer de manière claire et pédagogique la chimie des œufs, quels constituants se modifient.
D’ailleurs, peut-être serait-il bien de tester au laboratoire comment « décuire un œuf » : à ce propose, j’ai pu lire que des scientifiques avaient tenter l’expérience.
C'est moi qui ai fait le premier la chose, en 1997. Et mon texte est mis sur mon site.
D'ailleurs, j'y ai mis aussi d'autres choses sur l'oeuf, parce que ce TPE n'est ni le premier, ni sans doute le dernier.
Bon courage
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mercredi 24 octobre 2018
Les TPE fleurissent... et confondent cuisine moléculaire et cuisine note à note
Paradoxalement, la floraison se fait au printemps... mais pour les travaux personnels encadrés, c'est en octobre que cela commence. Des lycéens se lancent sur des sujets afin de passer une épreuve anticipée du baccalauréat, en classe de Première.
Beaucoup s'intéressent à la "cuisine moléculaire", la confondant avec la gastronomie moléculaire et avec la cuisine note à note. Je leur explique la différence, et je réponds aux questions qui n'ont pas déjà leurs réponses sur mon site : https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/et-plus-encore/pour-en-savoir-plus/questions-et-reponses
Cela dit, je profite de ce blog pour répondre parfois de façon rénovée, et voici pour aujourd'hui :
- La cuisine moléculaire a-t-elle déjà envahi notre quotidien ?
Drôle de formulation : le mot "envahir" n'est-il pas connoté péjorativement ? C'est en tout cas ce que dit bien le dictionnaire (je recommande le seul bon : celui de la langue française informatisé du CNRS, en ligne gratuitement sur http://atilf.atilf.fr/) : "Pénétrer par force dans (un lieu) et (l')occuper pour s'en rendre ou en rester maître.".
La cuisine moléculaire n'a pas pour vocation de brusquer quiconque, mais, au contraire, d'aider les cuisiniers.
Rappelons sa définition :
La cuisine moléculaire, c'est la cuisine qui se fait à l'aide d'ustensiles modernes.
Et, en effet, qui va travailler à dos d'âne, aujourd'hui ? Qui écrit encore en trempant une plume d'oie dans de l'encre ? Nous avons des outils modernes pour toutes nos activités ; alors pourquoi pas pour la cuisine ? C'est cela que j'avais voulu avec la cuisine : moderniser la composante technique, non pas pour changer la cuisine, mais pour en faciliter la réalisation.
Pas d'invasion, dans cette question : seulement une volonté de ne pas se comporter comme au Moyen-Âge, avec des pots en terre qui cassent, des aliments d'une sûreté douteuse (on ne doit pas oublier les danses de Saint Guy dues à l'intoxication par l'ergot de seigle, et autres causes qui faisaient mourir à l'âge de 30 ans), etc.
Répondons maintenant à la question plus juste : la cuisine moléculaire est-elle maintenant partout dans notre quotidien ?
Oui, la cuisson à basse température, qui se faisait initialement avec des thermocirculateurs de laboratoire, se fait maintenant dans n'importe quel four acheté en grande surface ; oui, on trouve des siphons partout et pour pas cher ; oui, des marchands de glace utilisent de l'azote liquide ; oui, on fume de façon moderne... Mais il reste du travail pour que s'introduisent nombre d'autres matériels utiles, telles des sondes à ultrasons pour faire des émulsions, des filtres pour clarifier, etc.
- Si non, pouvons nous l'envisager ?
Peut-on envisager un développement ultérieur ? Je l'espère bien. Ces temps-ci, on voit les imprimantes 3D apparaître... mais elles permettront de faire mieux que la cuisine moléculaire... à savoir la "cuisine note à note". Et cette dernière a bien commencé, avec alginates, agar-agar et autres gélifiants végétaux qui sont déjà dans les supermarchés... au point que certains cuisiniers utilisent la terminologie fautive de "gélatine végétale" (impossible : la gélatine est animale, comme je l'explique ici : https://hervethis.blogspot.com/2018/09/gelatine-et-agents-gelifiants-pas-de.html).
Je répète la définition : la cuisine note à note est une "cuisine de synthèse", à savoir que les plats sont construits à partir de composés, et non pas de ces ingrédients traditionnels que sont les viandes, poissons, oeufs, légumes, fruits...
Mais, pour revenir à la question : je cherche à faire oublier la cuisine moléculaire pour faire advenir la "cuisine note à note"... tout en continuant à développer la "gastronomie moléculaire" (rien à voir avec la cuisine moléculaire) dans les laboratoires du monde entier.
- Si on ne parle pas d'une invasion dans notre quotidien, certains produits issus de la cuisine moléculaire se trouvent-ils dans nos placards, et lesquels ?
Répondu plus haut.
- La cuisine moléculaire peut-elle être considérée comme une porte de secours vis à vis des pénuries alimentaires ?
Non, la cuisine moléculaire n'est pas une "porte de secours", mais un progrès technique, et non, elle ne contribue pas à la "sécurité alimentaire" (le fait de produire suffisamment d'ingrédients alimentaires, à ne pas confondre avec la "sûreté sanitaire"). C'est la cuisine note à note, dans le cadre du Projet Note à note, qui vise à contribuer à l'alimentation mondiale de demain.
- A l'inverse, les produits nécessaires à la cuisine moléculaire peuvent-ils tomber en pénuries ?
Oublions la cuisine moléculaire, puisque nos amis confondent et parlons de cuisine note à note : les composés peuvent-ils manquer ? La réponse est oui : le marché international des protéines se tend, ces temps-ci, et il peut parfaitement y avoir des pénuries d'ingrédients : polysaccharides, protéines, acides aminés, lipides... et même eau !
-Est-elle financièrement, à la portée de tous ?
Je décide de répondre à la question qui se poserait sur la cuisine note à note : et la réponse est évidemment oui !
-Peut-elle contourner les allergies ? Ou en engendrer ?
Contourner une allergie ? J'aurais dit "éviter". Et la réponse est oui, pour la cuisine note à note : si l'on construit un plat à partir de composés, il est très facile de ne pas y mettre un composé allergène ! Engendrer des allergies ?
Pourquoi pas.
- Peut-elle avoir un impact positif sur nos organismes ?
La cuisine note à note peut-elle avoir un impact positif sur nos organismes ? Je l'espère !
-Peut-elle avoir un impact négatif sur nos organismes ?
Un impact négatif ? Si l'on met trop de sel dans un plat, c'est mauvais, n'est-ce pas ? Si l'on utilise un ingrédient toxique, ce n'est pas bon non plus !
- La cuisine moléculaire reviendrait-elle plus coûteuse à long terme que la cuisine traditionnelle ?
Au contraire !
- Avec n'importe quelle recette, peut-on produire plus avec moins de matières premières ?
Pas certain de bien comprendre la question. Je passe.
- Retrouve-t-on exactement les mêmes goûts, textures, odeurs qu'avec la cuisine traditionnelle ?
D'abord, la cuisine note à note permet de faire infiniment plus de goûts que la cuisine traditionnelle !
- Vous avez confectionné les repas pour Thomas PESQUET, leur confections doit répondre à plusieurs critères : compacité, légèreté, nutritif, la saveur, etc... pour chacun des astronautes en fonction de leurs poids, leurs sexes et leurs besoins particuliers. Cela ressort-il de la cuisine moléculaire ? Et si oui comment ?
Je n'ai pas confectionné les repas de Thomas Pesquet. Où avez-vous lu cela ?
Beaucoup s'intéressent à la "cuisine moléculaire", la confondant avec la gastronomie moléculaire et avec la cuisine note à note. Je leur explique la différence, et je réponds aux questions qui n'ont pas déjà leurs réponses sur mon site : https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/et-plus-encore/pour-en-savoir-plus/questions-et-reponses
Cela dit, je profite de ce blog pour répondre parfois de façon rénovée, et voici pour aujourd'hui :
- La cuisine moléculaire a-t-elle déjà envahi notre quotidien ?
Drôle de formulation : le mot "envahir" n'est-il pas connoté péjorativement ? C'est en tout cas ce que dit bien le dictionnaire (je recommande le seul bon : celui de la langue française informatisé du CNRS, en ligne gratuitement sur http://atilf.atilf.fr/) : "Pénétrer par force dans (un lieu) et (l')occuper pour s'en rendre ou en rester maître.".
La cuisine moléculaire n'a pas pour vocation de brusquer quiconque, mais, au contraire, d'aider les cuisiniers.
Rappelons sa définition :
La cuisine moléculaire, c'est la cuisine qui se fait à l'aide d'ustensiles modernes.
Et, en effet, qui va travailler à dos d'âne, aujourd'hui ? Qui écrit encore en trempant une plume d'oie dans de l'encre ? Nous avons des outils modernes pour toutes nos activités ; alors pourquoi pas pour la cuisine ? C'est cela que j'avais voulu avec la cuisine : moderniser la composante technique, non pas pour changer la cuisine, mais pour en faciliter la réalisation.
Pas d'invasion, dans cette question : seulement une volonté de ne pas se comporter comme au Moyen-Âge, avec des pots en terre qui cassent, des aliments d'une sûreté douteuse (on ne doit pas oublier les danses de Saint Guy dues à l'intoxication par l'ergot de seigle, et autres causes qui faisaient mourir à l'âge de 30 ans), etc.
Répondons maintenant à la question plus juste : la cuisine moléculaire est-elle maintenant partout dans notre quotidien ?
Oui, la cuisson à basse température, qui se faisait initialement avec des thermocirculateurs de laboratoire, se fait maintenant dans n'importe quel four acheté en grande surface ; oui, on trouve des siphons partout et pour pas cher ; oui, des marchands de glace utilisent de l'azote liquide ; oui, on fume de façon moderne... Mais il reste du travail pour que s'introduisent nombre d'autres matériels utiles, telles des sondes à ultrasons pour faire des émulsions, des filtres pour clarifier, etc.
- Si non, pouvons nous l'envisager ?
Peut-on envisager un développement ultérieur ? Je l'espère bien. Ces temps-ci, on voit les imprimantes 3D apparaître... mais elles permettront de faire mieux que la cuisine moléculaire... à savoir la "cuisine note à note". Et cette dernière a bien commencé, avec alginates, agar-agar et autres gélifiants végétaux qui sont déjà dans les supermarchés... au point que certains cuisiniers utilisent la terminologie fautive de "gélatine végétale" (impossible : la gélatine est animale, comme je l'explique ici : https://hervethis.blogspot.com/2018/09/gelatine-et-agents-gelifiants-pas-de.html).
Je répète la définition : la cuisine note à note est une "cuisine de synthèse", à savoir que les plats sont construits à partir de composés, et non pas de ces ingrédients traditionnels que sont les viandes, poissons, oeufs, légumes, fruits...
Mais, pour revenir à la question : je cherche à faire oublier la cuisine moléculaire pour faire advenir la "cuisine note à note"... tout en continuant à développer la "gastronomie moléculaire" (rien à voir avec la cuisine moléculaire) dans les laboratoires du monde entier.
- Si on ne parle pas d'une invasion dans notre quotidien, certains produits issus de la cuisine moléculaire se trouvent-ils dans nos placards, et lesquels ?
Répondu plus haut.
- La cuisine moléculaire peut-elle être considérée comme une porte de secours vis à vis des pénuries alimentaires ?
Non, la cuisine moléculaire n'est pas une "porte de secours", mais un progrès technique, et non, elle ne contribue pas à la "sécurité alimentaire" (le fait de produire suffisamment d'ingrédients alimentaires, à ne pas confondre avec la "sûreté sanitaire"). C'est la cuisine note à note, dans le cadre du Projet Note à note, qui vise à contribuer à l'alimentation mondiale de demain.
- A l'inverse, les produits nécessaires à la cuisine moléculaire peuvent-ils tomber en pénuries ?
Oublions la cuisine moléculaire, puisque nos amis confondent et parlons de cuisine note à note : les composés peuvent-ils manquer ? La réponse est oui : le marché international des protéines se tend, ces temps-ci, et il peut parfaitement y avoir des pénuries d'ingrédients : polysaccharides, protéines, acides aminés, lipides... et même eau !
-Est-elle financièrement, à la portée de tous ?
Je décide de répondre à la question qui se poserait sur la cuisine note à note : et la réponse est évidemment oui !
-Peut-elle contourner les allergies ? Ou en engendrer ?
Contourner une allergie ? J'aurais dit "éviter". Et la réponse est oui, pour la cuisine note à note : si l'on construit un plat à partir de composés, il est très facile de ne pas y mettre un composé allergène ! Engendrer des allergies ?
Pourquoi pas.
- Peut-elle avoir un impact positif sur nos organismes ?
La cuisine note à note peut-elle avoir un impact positif sur nos organismes ? Je l'espère !
-Peut-elle avoir un impact négatif sur nos organismes ?
Un impact négatif ? Si l'on met trop de sel dans un plat, c'est mauvais, n'est-ce pas ? Si l'on utilise un ingrédient toxique, ce n'est pas bon non plus !
- La cuisine moléculaire reviendrait-elle plus coûteuse à long terme que la cuisine traditionnelle ?
Au contraire !
- Avec n'importe quelle recette, peut-on produire plus avec moins de matières premières ?
Pas certain de bien comprendre la question. Je passe.
- Retrouve-t-on exactement les mêmes goûts, textures, odeurs qu'avec la cuisine traditionnelle ?
D'abord, la cuisine note à note permet de faire infiniment plus de goûts que la cuisine traditionnelle !
- Vous avez confectionné les repas pour Thomas PESQUET, leur confections doit répondre à plusieurs critères : compacité, légèreté, nutritif, la saveur, etc... pour chacun des astronautes en fonction de leurs poids, leurs sexes et leurs besoins particuliers. Cela ressort-il de la cuisine moléculaire ? Et si oui comment ?
Je n'ai pas confectionné les repas de Thomas Pesquet. Où avez-vous lu cela ?
dimanche 11 mars 2018
Pourquoi le chocolat Chantilly et les mousses au chocolat sont-ils stables ?
Beaucoup d'étudiants qui préparent des TPE ou des TIPE s'intéressent aux mousses au chocolat. Trop, dirais-je, car comment vont-ils pouvoir établir qu'ils n'ont pas pris leurs résultats sur internet, dans des sites créés par des étudiants qui les ont précédés ? Je crois que, indépendamment du sujet et de sa complexité, c'est cela l'écueil principal qu'ils rencontrent. Et, en effet, je trouve 345 000 pages sur le thème "travaux personnels encadrés", et 32500 pages de ce groupe consacrées aux mousses au chocolat !
Mais bon, je ne peux pas faire le bien de mes interlocuteurs malgré eux. Je me contente donc de répondre ici à la question qui m'est posée ce matin :
Pourquoi le chocolat et les mousses au chocolat tiennent-ils ? Quelles sont les réactions chimiques responsables de cette stabilité ?
Commençons par analyser les systèmes qui nous intéressent.
Une mousse "au" chocolat, c'est une mousse, avec du chocolat ajouté. Par exemple, pour la mousse, on peut imaginer de la crème fouettée, de la crème chantilly (la précédente, mais sucrée), un sabayon, du blanc en neige, du blanc en neige sucré (appareil à meringue), une meringue suisse (du blanc battu et sucré en chauffant), une meringue italienne (du blanc en neige additionné d'un sirop très chaud), etc. A cette mousse, on peut donc ajouter soit du chocolat fondu, soit un mélange de chocolat, de jaune d'oeufs, de beurre.
Et il est vrai que de telles mousses peuvent être assez stables... mais elles le seraient parfois sans le chocolat !
Pour le chocolat chantilly, que j'ai inventé en 1995 (et je vois des chefs malhonnêtes se l'attribuer !), il s'agit de foisonner une émulsion de chocolat dans de l'eau. Et il est vrai que c'est stable...
Enfin, stable... Tout dépend de la température : car le chocolat solidifie aux températures inférieures à 36 degrés environ, et c'est seulement à ces températures que l'on obtient un chocolat chantilly stable : les bulles sont emprisonnées dans une matrice de chocolat qui solidifie, emprisonnant également l'eau présente.
Ce qui donne la clé de la stabilité des mousses au chocolat : là encore, le chocolat peut former un réseau solidifié, en raison de la cristallisation du chocolat.
Pas de modifications "chimiques", dans cette affaire ; seulement des changements de phase pour les triglycérides du chocolat !
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
Mais bon, je ne peux pas faire le bien de mes interlocuteurs malgré eux. Je me contente donc de répondre ici à la question qui m'est posée ce matin :
Pourquoi le chocolat et les mousses au chocolat tiennent-ils ? Quelles sont les réactions chimiques responsables de cette stabilité ?
Commençons par analyser les systèmes qui nous intéressent.
Une mousse "au" chocolat, c'est une mousse, avec du chocolat ajouté. Par exemple, pour la mousse, on peut imaginer de la crème fouettée, de la crème chantilly (la précédente, mais sucrée), un sabayon, du blanc en neige, du blanc en neige sucré (appareil à meringue), une meringue suisse (du blanc battu et sucré en chauffant), une meringue italienne (du blanc en neige additionné d'un sirop très chaud), etc. A cette mousse, on peut donc ajouter soit du chocolat fondu, soit un mélange de chocolat, de jaune d'oeufs, de beurre.
Et il est vrai que de telles mousses peuvent être assez stables... mais elles le seraient parfois sans le chocolat !
Pour le chocolat chantilly, que j'ai inventé en 1995 (et je vois des chefs malhonnêtes se l'attribuer !), il s'agit de foisonner une émulsion de chocolat dans de l'eau. Et il est vrai que c'est stable...
Enfin, stable... Tout dépend de la température : car le chocolat solidifie aux températures inférieures à 36 degrés environ, et c'est seulement à ces températures que l'on obtient un chocolat chantilly stable : les bulles sont emprisonnées dans une matrice de chocolat qui solidifie, emprisonnant également l'eau présente.
Ce qui donne la clé de la stabilité des mousses au chocolat : là encore, le chocolat peut former un réseau solidifié, en raison de la cristallisation du chocolat.
Pas de modifications "chimiques", dans cette affaire ; seulement des changements de phase pour les triglycérides du chocolat !
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
lundi 12 février 2018
Avant de se lancer dans un gros travail, il vaut mieux une stratégie !
Aujourd'hui, je réponds à des élèves qui m'écrivent :
Bonjour Monsieur THIS,
Je suis élève en 1 ère S, et cette année, avec deux de mes camarades, nous traitons le sujet des TPE. Notre sujet comporte trois grandes parties dont la transformation des molécules au sein de la viande lors de sa cuisson. Notre but est de montrer que le gout est perçu grâce aux molécules, et que donc après cuisson, les molécules ont changé et donc le goût ne sera plus le même. Nous avons étudié la réaction de Maillard, je voulais donc vous demander s'il vous serait possible de nous transmettre les équations chimiques qui s'y passent ainsi que dans la dénaturation des protéines si cela affecte le goût. Puis pour finir est ce que l'oxydation des lipides joue un rôle dans le bon goût de la viande car j'ai seulement vu que cette oxydation était dangereuse et apportait une odeur désagréable.
On le voit, le message est confiant, et je m'en veux de lire les mots précis, et de commenter. Pardon à mes jeunes amis si c'est parfois rude, mais ils n'oublieront pas que j'ai une mission d'instruction, et que les observations que je fais visent surtout à les aider pour l'avenir (moi, je ne donne pas de bons ou de mauvais points ; j'observe seulement).
Ainsi l'accroche : c'est amusant, mais il y a seulement dix ans, elle aurait été de la dernière vulgarité, en France. On devait dire "Monsieur", et jamais "Monsieur This". Mais les temps changent.
Puis on n'aurait jamais commencé une lettre par "Je". Là, ça reste vrai, et nos jeunes amis sont en quelque sorte catalogués dès les premiers mots.
Un détail de ponctuation : il ne fallait pas de virgule après "1ere S", mais il en fallait entre "et " et "cette année". Bon, un détail... mais tout ce qui mérite d'être fait mérite d'être bien fait, non ?
Arrive le "nous traitons le sujet des TPE" : amusante formulation pour dire que nos amis ont un "travail personnel encadré à faire". Le sujet des TPE, c'est quoi ? C'est ce que chaque groupe décide, mais qu'a décidé ce groupe ? On ne le sait pas : on découvre seulement qu'il y a trois parties.
Ah, nos amis veulent montrer que le goût est perçu grâce aux molécules. Bon, pourquoi pas... car effectivement, dans la vision, ce sont des photons, et pas des molécules, qui sont à l'origine de la sensation... mais, au fait, la perception visuelle n'est-elle pas une modalité du goût ? Le goût est la sensation synthétique que nous avons, et il inclut la saveur. D'où un premier doute : et si nos jeunes avaient en réalité la saveur, comme sujet ? Là, ils auraient tort de penser qu'elle est due aux molécules, car les ions sont des ions, parfois réduits à un atome électriquement chargé.
Je leur donne donc, en lien téléchargeable, mon texte sur les mots du goût :
https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/applications/des-applications-de-deux-types/applications-pedagogiques-educatives-intellectuelles/pour-les-collegiens-et-les-lyceens
Après une cuisson, il peut y avoir des modifications moléculaires... ou pas. Car tout dépend de la cuisson ! Et puis, il y a des modifications moléculaires induites par les cuissons qui s'accompagnent de changements de saveur, et d'autres qui ne s'accompagnent pas de telles modifications. Considérons, par exemple, le chauffage d'amidon dans de l'eau : les grains d'amidon s'empèsent... mais les espèces chimiques sont les mêmes, avant et après la "cuisson".
Certes, parfois, il y a effectivement des réactions, comme dans les oxydations, les déshydratations de hexoses, les hydrolyses, les dégradations de Strecker, les réactions de Fischer, les réactions de Maillard... mais pas toujours. Et puis, il y a aussi des différences de "biodisponibilité" qui changent la saveur : imaginons des ions sodium ou chlorure (du sel de table) libres, ou bien pris dans un gel ; nous ne les percevrons pas de la même façon, et la saveur (ainsi que le goût, donc), aura changée. De même, l'amylose peut se mettre en hélice autour de composés odorants, ce qui change la composante olfactive du goût.
Nos amis me disent qu'ils ont étudié la réaction de Maillard, mais j'espère qu'ils ont utilisé les bonnes sources ? A tout hasard, je leur donne mon article, où je relate le travail précis d'enquête historique qui permet d'éviter de dire n'importe quoi, à propos des réactions de Maillard : il est téléchargeable sur la même page https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/applications/des-applications-de-deux-types/applications-pedagogiques-educatives-intellectuelles/pour-les-collegiens-et-les-lyceens.
Mais je lis "je voulais donc vous demander s'il vous serait possible de nous transmettre les équations chimiques qui s'y passent" : quelles réactions ont-elles lieu lors des réactions de Maillard ? La question est bien trop générale, car il y a des traités entiers sur les réactions de Maillard, et je ne compte pas le nombre d'articles scientifiques que j'ai à ce sujet... alors que je n'ai même pas fait de recherche bibliographique spécifique.
Puis "ainsi que dans la dénaturation des protéines si cela affecte le goût" : oui, comme dit précédemment, la coagulation (plutôt que la dénaturation) des protéines change le goût, puisqu'elle change la biodisponibilité des espèces molécules ou ioniques présentes ou formées lors des traitements thermiques. Encore un énorme chapitre ! Décidément, avant de se lancer dans tout cela, il vaut mieux focaliser l'étude... et c'est d'ailleurs bien ce qui est préconisé par le Journal Officiel, et que je rappelle dans mes conseils aux élèves faisant des TPE ou des TIPE (voir https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/applications/des-applications-de-deux-types/applications-pedagogiques-educatives-intellectuelles/pour-les-collegiens-et-les-lyceens).
Mais ce n'est pas tout, car nos amis écrivent encore "Puis pour finir est ce que l'oxydation des lipides joue un rôle dans le bon goût de la viande car j'ai seulement vu que cette oxydation était dangereuse et apportait une odeur désagréable". Là, il y a des traités entiers, à nouveau ! Et puis, l'oxydation des lipides, c'est bien trop vaste, puisque l'on nomme lipide tout composé des aliments qui n'est pas soluble dans l'eau : c'est une catégorie où l'on trouve tout aussi bien les cires, le cholestérol, les triglycérides, les phospholipides... Alors, l'oxydation : laquelle ? Oui, le "rancissement", que l'on devrait nommer "autoxydation" peut créer des espèces variées, parfois néfastes, mais la question de la santé est une autre question. Quant à l'odeur, c'est effectivement une composante du goût, quand elle est rétronasale... mais "désagréable" est un adjectif qui relate une appréciation personnelle, donc qui n'a rien à voir dans un tel travail : le mauvais des uns est le bon des autres.
Bref, tout ce questionnement me laisse un peu perplexe... et je crois nos amis mal partis, parce qu'ils n'ont pas fait ce que le Journal Officiel leur demandait : il faut qu'ils commencent par le lire... et, surtout, je vois bien l'intérêt de l'exercice, qui propose à la fois de la stratégie et du travail de détail.
Pardon, enfin, si j'ai offensé mes amis en leur "reprochant" de ne pas savoir : en réalité, ce reproche n'est pas la stigmatisation d'une faute, mais seulement le signalement d'erreurs qu'ils pourront apprendre à corriger. Après tout, quelqu'un qui sait, c'est quelqu'un qui a appris, n'est-ce pas ?
Bonjour Monsieur THIS,
Je suis élève en 1 ère S, et cette année, avec deux de mes camarades, nous traitons le sujet des TPE. Notre sujet comporte trois grandes parties dont la transformation des molécules au sein de la viande lors de sa cuisson. Notre but est de montrer que le gout est perçu grâce aux molécules, et que donc après cuisson, les molécules ont changé et donc le goût ne sera plus le même. Nous avons étudié la réaction de Maillard, je voulais donc vous demander s'il vous serait possible de nous transmettre les équations chimiques qui s'y passent ainsi que dans la dénaturation des protéines si cela affecte le goût. Puis pour finir est ce que l'oxydation des lipides joue un rôle dans le bon goût de la viande car j'ai seulement vu que cette oxydation était dangereuse et apportait une odeur désagréable.
On le voit, le message est confiant, et je m'en veux de lire les mots précis, et de commenter. Pardon à mes jeunes amis si c'est parfois rude, mais ils n'oublieront pas que j'ai une mission d'instruction, et que les observations que je fais visent surtout à les aider pour l'avenir (moi, je ne donne pas de bons ou de mauvais points ; j'observe seulement).
Ainsi l'accroche : c'est amusant, mais il y a seulement dix ans, elle aurait été de la dernière vulgarité, en France. On devait dire "Monsieur", et jamais "Monsieur This". Mais les temps changent.
Puis on n'aurait jamais commencé une lettre par "Je". Là, ça reste vrai, et nos jeunes amis sont en quelque sorte catalogués dès les premiers mots.
Un détail de ponctuation : il ne fallait pas de virgule après "1ere S", mais il en fallait entre "et " et "cette année". Bon, un détail... mais tout ce qui mérite d'être fait mérite d'être bien fait, non ?
Arrive le "nous traitons le sujet des TPE" : amusante formulation pour dire que nos amis ont un "travail personnel encadré à faire". Le sujet des TPE, c'est quoi ? C'est ce que chaque groupe décide, mais qu'a décidé ce groupe ? On ne le sait pas : on découvre seulement qu'il y a trois parties.
Ah, nos amis veulent montrer que le goût est perçu grâce aux molécules. Bon, pourquoi pas... car effectivement, dans la vision, ce sont des photons, et pas des molécules, qui sont à l'origine de la sensation... mais, au fait, la perception visuelle n'est-elle pas une modalité du goût ? Le goût est la sensation synthétique que nous avons, et il inclut la saveur. D'où un premier doute : et si nos jeunes avaient en réalité la saveur, comme sujet ? Là, ils auraient tort de penser qu'elle est due aux molécules, car les ions sont des ions, parfois réduits à un atome électriquement chargé.
Je leur donne donc, en lien téléchargeable, mon texte sur les mots du goût :
https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/applications/des-applications-de-deux-types/applications-pedagogiques-educatives-intellectuelles/pour-les-collegiens-et-les-lyceens
Après une cuisson, il peut y avoir des modifications moléculaires... ou pas. Car tout dépend de la cuisson ! Et puis, il y a des modifications moléculaires induites par les cuissons qui s'accompagnent de changements de saveur, et d'autres qui ne s'accompagnent pas de telles modifications. Considérons, par exemple, le chauffage d'amidon dans de l'eau : les grains d'amidon s'empèsent... mais les espèces chimiques sont les mêmes, avant et après la "cuisson".
Certes, parfois, il y a effectivement des réactions, comme dans les oxydations, les déshydratations de hexoses, les hydrolyses, les dégradations de Strecker, les réactions de Fischer, les réactions de Maillard... mais pas toujours. Et puis, il y a aussi des différences de "biodisponibilité" qui changent la saveur : imaginons des ions sodium ou chlorure (du sel de table) libres, ou bien pris dans un gel ; nous ne les percevrons pas de la même façon, et la saveur (ainsi que le goût, donc), aura changée. De même, l'amylose peut se mettre en hélice autour de composés odorants, ce qui change la composante olfactive du goût.
Nos amis me disent qu'ils ont étudié la réaction de Maillard, mais j'espère qu'ils ont utilisé les bonnes sources ? A tout hasard, je leur donne mon article, où je relate le travail précis d'enquête historique qui permet d'éviter de dire n'importe quoi, à propos des réactions de Maillard : il est téléchargeable sur la même page https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/applications/des-applications-de-deux-types/applications-pedagogiques-educatives-intellectuelles/pour-les-collegiens-et-les-lyceens.
Mais je lis "je voulais donc vous demander s'il vous serait possible de nous transmettre les équations chimiques qui s'y passent" : quelles réactions ont-elles lieu lors des réactions de Maillard ? La question est bien trop générale, car il y a des traités entiers sur les réactions de Maillard, et je ne compte pas le nombre d'articles scientifiques que j'ai à ce sujet... alors que je n'ai même pas fait de recherche bibliographique spécifique.
Puis "ainsi que dans la dénaturation des protéines si cela affecte le goût" : oui, comme dit précédemment, la coagulation (plutôt que la dénaturation) des protéines change le goût, puisqu'elle change la biodisponibilité des espèces molécules ou ioniques présentes ou formées lors des traitements thermiques. Encore un énorme chapitre ! Décidément, avant de se lancer dans tout cela, il vaut mieux focaliser l'étude... et c'est d'ailleurs bien ce qui est préconisé par le Journal Officiel, et que je rappelle dans mes conseils aux élèves faisant des TPE ou des TIPE (voir https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/applications/des-applications-de-deux-types/applications-pedagogiques-educatives-intellectuelles/pour-les-collegiens-et-les-lyceens).
Mais ce n'est pas tout, car nos amis écrivent encore "Puis pour finir est ce que l'oxydation des lipides joue un rôle dans le bon goût de la viande car j'ai seulement vu que cette oxydation était dangereuse et apportait une odeur désagréable". Là, il y a des traités entiers, à nouveau ! Et puis, l'oxydation des lipides, c'est bien trop vaste, puisque l'on nomme lipide tout composé des aliments qui n'est pas soluble dans l'eau : c'est une catégorie où l'on trouve tout aussi bien les cires, le cholestérol, les triglycérides, les phospholipides... Alors, l'oxydation : laquelle ? Oui, le "rancissement", que l'on devrait nommer "autoxydation" peut créer des espèces variées, parfois néfastes, mais la question de la santé est une autre question. Quant à l'odeur, c'est effectivement une composante du goût, quand elle est rétronasale... mais "désagréable" est un adjectif qui relate une appréciation personnelle, donc qui n'a rien à voir dans un tel travail : le mauvais des uns est le bon des autres.
Bref, tout ce questionnement me laisse un peu perplexe... et je crois nos amis mal partis, parce qu'ils n'ont pas fait ce que le Journal Officiel leur demandait : il faut qu'ils commencent par le lire... et, surtout, je vois bien l'intérêt de l'exercice, qui propose à la fois de la stratégie et du travail de détail.
Pardon, enfin, si j'ai offensé mes amis en leur "reprochant" de ne pas savoir : en réalité, ce reproche n'est pas la stigmatisation d'une faute, mais seulement le signalement d'erreurs qu'ils pourront apprendre à corriger. Après tout, quelqu'un qui sait, c'est quelqu'un qui a appris, n'est-ce pas ?
vendredi 2 février 2018
Comment faire un bon TPE ou TIPE
Un travail personnel encadré ? Un travail d'initiative personnelle encadrée ?
Ces deux exercices sont proposés aux élèves respectivement en classe de Première ou de préparation aux écoles d'ingieurs, et la gastronomie moléculaire, d'une part, la cuisine moléculaire ou la cuisine note à note, d'autre part, attirent de nombreux élèves, qui m'interrogent donc à propos de sauce mayonnaise, de soufflé, de perles d'alginate, etc.
Les mêmes sujets reviennent sans cesse, et j'ai déjà discuté la question du manque d'originalité, en signalant qu'un sujet rabâché n'est pas condamné pour autant... si le candidat fait quelque chose d'original, et montre en quoi ce qu'il fait ne provient pas d'un des innombrables sites qui ont traité le sujet. Ici, je cherche à considérer la question, en prenant le cas terrible de la sauce mayonnaise, sans doute la plus étudiée des préparations dans les TPE ou les TIPE.
Première faute à ne pas faire : choisir un sujet trop vaste. Première option à bien prendre : choisir un phénomène.
J'ai déjà expliqué souvent que les TPE ou TIPE sont en réalité des exercices où l'on demande aux élèves de montrer qu'ils savent appliquer le savoir qu'ils ont à des cas concrets (puisque les élèves disent préférer du concret).
Et, selon les textes officiels, l'exercice vise à mettre en oeuvre la méthode scientifique, laquelle passe par
(1) identification d'un phénomène,
(2) quantification dudit phénomène,
(3) réunion des données en "lois" synthétiques,
(4) proposition de mécanismes compatibles quantitativement avec les lois,
(5) recherche d'une prévision déduite de la "théorie" (l'énoncé de l'ensemble des mécanismes),
(6) test expérimental de la prévision théorique,
et l'on boucle à l'infini, puisqu'une théorie est toujours insuffisante.
Cette description permet à la fois de comprendre que la science n'a pas de fin, mais, également, elle conduit à comprendre que n'importe quelle phrase théorique mérite une exploration.
A propos de la mayonnaise ? On a dit que les phospholipides du jaune d'oeuf étaient responsable de l'émulsification, c'est-à-dire de la dispersion de l'huile, en gouttelettes, dans l'eau apportée par le jaune (50 % du jaune) et par le vinaigre (jusqu'à 94 %).
Puis on a découvert que les protéines étaient plus importantes, au point que l'on peut faire une sauce émulsionnée sans jaune, mais avec seulement du blanc, lequel est fait de 90 % d'eau et de 10 % de protéines.
Que faire, maintenant ? Considérer des cas où cette description théorique est prise en défaut, comme par exemple quand une émulsion se déstabilise, parce que des solutés de l'huile migrent à la surface des gouttelettes d'huile, et en chassent les protéines.
Ou bien faire la chasse aux adjectifs (les protéines étaient plus "importantes") pour les remplacer par la réponse à la question "Combien ?".
Mais je m'aperçois que je vais bien trop vite, et qu'il y aurait lieu, de façon plus coordonnée -en vue d'aider nos jeunes amis-, de repartir de la question : soit un élève qui a décidé d'étudier la mayonnaise pour son TIPE ou son TPE ; que pourrait-il faire ?
Commencer par identifier un phénomène, donc.
La confection de la mayonnaise ? Un sujet bien trop vaste, puisqu'il y a beaucoup trop de phénomènes.
Analysons, en effet.
Supposons que nous partions d'un oeuf.
Nous le "clarifions" : la rupture de la coquille est un premier phénomène.
Puis nous séparons le jaune du blanc. Si le jaune, qui est "liquide", peut se séparer, c'est qu'il est pris dans une membrane, comme on s'en aperçoit en piquant un jaune avec une épingle, et en laissant couler doucement le jaune par le trou. Comment cette membrane se rompt-elle qvuand on "touille" le jaune dans le bol ?
Puis on ajoute du vinaigre au jaune : là, il est bon de savoir que le jaune est fait de "granules" (visibles au microscope optique) dispersés dans un plasma, de sorte que se pose la question de savoir comment le vinaigre et le jaune se mêlent. Le plasma est-il seulement dilué par le vinaigre ? Les granules sont-ils modifiés ?
Passons à l'ajout d'une goutte d'huile qui est battue par le fouet : comment une goutte au contact d'un fil du fouet se divise-t-elle ?
Et ainsi de suite : on voit que l'analyse de la sauce mayonnaise se divise en un nombre considérable de phénomènes... et que le sujet "la sauce mayonnaise" est bien trop vaste !
Autre écueil : vouloir faire de la recherche scientifique, lors de ces travaux de TPE ou de TIPE.
En effet, les élèves méconnaissent le fait que nos connaissances sont bien trop faibles, et qu'ils vont rapidement buter sur la limite des connaissances actuelles.
Par exemple, la division d'une goutte d'huile par le fil du fouet est un problème très difficile de physique des fluides. Or les textes officiels ne demandent pas aux élèves de faire de la recherche scientifique, mais seulement d'explorer les phénomènes. Ce serait déjà merveilleux, pour ce cas de division de la gouttelette, s'ils comprenaient la physique qui est mise en oeuvre pour décrire le phénomène.
Oui, on leur propose de faire une expérience à propos du phénomène exploré, mais certainement pas une expérience qui mette en oeuvre des faisceaux de neutrons, par exemple. A eux d'imaginer ou de reproduire des expériences qui sont à leur portée.
Par exemple, on pourrait très bien imaginer un petit dispositif qui mette en évidence l'effet de la vitesse de passage du fouet dans la goutte d'huile, avec une interprétation du phénomène prise à des publications scientifiques déjà publiées. Cette option aurait le mérite de conduire nos jeunes amis à travailler pour comprendre les publications, grâce à la formation qu'ils ont déjà.
Car c'est là un point important de ces travaux : on demande aux élèves de faire état des connaissances qu'ils ont reçues, de mettre en oeuvre toutes ces lois P = m.g, U = R. I dans des cas concrets. Répétons que le but n'est pas qu'ils produisent de la connaissance scientifique, même s'ils en sont en réalité capables.
On leur demande de faire un beau travail soigneux, intelligent, cohérent, organisé... Tout cela est dans les textes officiels : pourquoi se lancer sans les regarder d'abord ?
Ces deux exercices sont proposés aux élèves respectivement en classe de Première ou de préparation aux écoles d'ingieurs, et la gastronomie moléculaire, d'une part, la cuisine moléculaire ou la cuisine note à note, d'autre part, attirent de nombreux élèves, qui m'interrogent donc à propos de sauce mayonnaise, de soufflé, de perles d'alginate, etc.
Les mêmes sujets reviennent sans cesse, et j'ai déjà discuté la question du manque d'originalité, en signalant qu'un sujet rabâché n'est pas condamné pour autant... si le candidat fait quelque chose d'original, et montre en quoi ce qu'il fait ne provient pas d'un des innombrables sites qui ont traité le sujet. Ici, je cherche à considérer la question, en prenant le cas terrible de la sauce mayonnaise, sans doute la plus étudiée des préparations dans les TPE ou les TIPE.
Première faute à ne pas faire : choisir un sujet trop vaste. Première option à bien prendre : choisir un phénomène.
J'ai déjà expliqué souvent que les TPE ou TIPE sont en réalité des exercices où l'on demande aux élèves de montrer qu'ils savent appliquer le savoir qu'ils ont à des cas concrets (puisque les élèves disent préférer du concret).
Et, selon les textes officiels, l'exercice vise à mettre en oeuvre la méthode scientifique, laquelle passe par
(1) identification d'un phénomène,
(2) quantification dudit phénomène,
(3) réunion des données en "lois" synthétiques,
(4) proposition de mécanismes compatibles quantitativement avec les lois,
(5) recherche d'une prévision déduite de la "théorie" (l'énoncé de l'ensemble des mécanismes),
(6) test expérimental de la prévision théorique,
et l'on boucle à l'infini, puisqu'une théorie est toujours insuffisante.
Cette description permet à la fois de comprendre que la science n'a pas de fin, mais, également, elle conduit à comprendre que n'importe quelle phrase théorique mérite une exploration.
A propos de la mayonnaise ? On a dit que les phospholipides du jaune d'oeuf étaient responsable de l'émulsification, c'est-à-dire de la dispersion de l'huile, en gouttelettes, dans l'eau apportée par le jaune (50 % du jaune) et par le vinaigre (jusqu'à 94 %).
Puis on a découvert que les protéines étaient plus importantes, au point que l'on peut faire une sauce émulsionnée sans jaune, mais avec seulement du blanc, lequel est fait de 90 % d'eau et de 10 % de protéines.
Que faire, maintenant ? Considérer des cas où cette description théorique est prise en défaut, comme par exemple quand une émulsion se déstabilise, parce que des solutés de l'huile migrent à la surface des gouttelettes d'huile, et en chassent les protéines.
Ou bien faire la chasse aux adjectifs (les protéines étaient plus "importantes") pour les remplacer par la réponse à la question "Combien ?".
Mais je m'aperçois que je vais bien trop vite, et qu'il y aurait lieu, de façon plus coordonnée -en vue d'aider nos jeunes amis-, de repartir de la question : soit un élève qui a décidé d'étudier la mayonnaise pour son TIPE ou son TPE ; que pourrait-il faire ?
Commencer par identifier un phénomène, donc.
La confection de la mayonnaise ? Un sujet bien trop vaste, puisqu'il y a beaucoup trop de phénomènes.
Analysons, en effet.
Supposons que nous partions d'un oeuf.
Nous le "clarifions" : la rupture de la coquille est un premier phénomène.
Puis nous séparons le jaune du blanc. Si le jaune, qui est "liquide", peut se séparer, c'est qu'il est pris dans une membrane, comme on s'en aperçoit en piquant un jaune avec une épingle, et en laissant couler doucement le jaune par le trou. Comment cette membrane se rompt-elle qvuand on "touille" le jaune dans le bol ?
Puis on ajoute du vinaigre au jaune : là, il est bon de savoir que le jaune est fait de "granules" (visibles au microscope optique) dispersés dans un plasma, de sorte que se pose la question de savoir comment le vinaigre et le jaune se mêlent. Le plasma est-il seulement dilué par le vinaigre ? Les granules sont-ils modifiés ?
Passons à l'ajout d'une goutte d'huile qui est battue par le fouet : comment une goutte au contact d'un fil du fouet se divise-t-elle ?
Et ainsi de suite : on voit que l'analyse de la sauce mayonnaise se divise en un nombre considérable de phénomènes... et que le sujet "la sauce mayonnaise" est bien trop vaste !
Autre écueil : vouloir faire de la recherche scientifique, lors de ces travaux de TPE ou de TIPE.
En effet, les élèves méconnaissent le fait que nos connaissances sont bien trop faibles, et qu'ils vont rapidement buter sur la limite des connaissances actuelles.
Par exemple, la division d'une goutte d'huile par le fil du fouet est un problème très difficile de physique des fluides. Or les textes officiels ne demandent pas aux élèves de faire de la recherche scientifique, mais seulement d'explorer les phénomènes. Ce serait déjà merveilleux, pour ce cas de division de la gouttelette, s'ils comprenaient la physique qui est mise en oeuvre pour décrire le phénomène.
Oui, on leur propose de faire une expérience à propos du phénomène exploré, mais certainement pas une expérience qui mette en oeuvre des faisceaux de neutrons, par exemple. A eux d'imaginer ou de reproduire des expériences qui sont à leur portée.
Par exemple, on pourrait très bien imaginer un petit dispositif qui mette en évidence l'effet de la vitesse de passage du fouet dans la goutte d'huile, avec une interprétation du phénomène prise à des publications scientifiques déjà publiées. Cette option aurait le mérite de conduire nos jeunes amis à travailler pour comprendre les publications, grâce à la formation qu'ils ont déjà.
Car c'est là un point important de ces travaux : on demande aux élèves de faire état des connaissances qu'ils ont reçues, de mettre en oeuvre toutes ces lois P = m.g, U = R. I dans des cas concrets. Répétons que le but n'est pas qu'ils produisent de la connaissance scientifique, même s'ils en sont en réalité capables.
On leur demande de faire un beau travail soigneux, intelligent, cohérent, organisé... Tout cela est dans les textes officiels : pourquoi se lancer sans les regarder d'abord ?
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
mardi 30 janvier 2018
Les gâteaux
Des élèves qui préparent un travail personnel encadré, ou TPE, m'interrogent :
Merci beaucoup de nous avoir envoyé autant de sites pour répondre à nos questions, mais nous n’avons pas pu trouver nos réponses car notre sujet n’est pas la cuisine moléculaire mais les œufs dans un gâteau.
Nous aurions aimé savoir les réactions chimiques qui se produisent en présence des œufs dans un gâteau ainsi que des expériences pour les illustrer si possible. Nous aurions également aimé savoir les réactions chimiques en l’absence des œufs avec les différents substituts (graines de lin, tofu, compote, purée de bananes...) et aussi s’il est possible de trouver un substitut correspondant à un rôle précis des œufs dans un gâteau.
Ma réponse circonstanciée est la suivante :
1. Oui, je sais que je n'ai pas répondu à la question... parce que je ne voulais pas répondre et leur faire un travail clé en main : à nos jeunes amis de chercher des informations et de les assembler... conformément aux recommendations du Journal Officiel.
Dans la même veine, d'ailleurs, je signale que je réponds très brusquement aux parents qui m'appellent pour leurs enfants... parce que les TPE ne sont pas des travaux pour les parents, mais pour les enfants.
Enfin, j'ai quand même répondu à nos jeunes amis... parce qu'il y a sur mon site la façon de répondre (la méthode), à défaut de la réponse que je les invite à chercher.
2. A propos des réactions qui se produisent en présence des oeufs dans les gâteaux, la question est mal posée, parce que de quel gâteau parle-t-on : d'un petit sablé ? d'un quatre quart ? d'un bavarois ? d'une génoise ?
En supposant que l'on parle d'un gâteau cuit dans un four, il y a des questions de température, mais aussi de temps.
Par exemple, la croûte d'un gâteau ainsi cuit est une zone où la température passe de 200 degrés (la température du four, disons) à 100 degrés, à l'intérieur... car la température d'un milieu qui contient de l'eau est limitée à 100 degrés (d'accord, à quelques degrés près).
Puis, dans le gâteau, la température à coeur dépend de la durée de cuisson... et aussi de l'épaisseur du gâteau.
Au fait, d'où vient cette eau dont j'ai parlé ? Des oeufs, par exemple (un blanc, c'est 90 pour cent d'eau, un jaune 50 pour cent), ou du beurre (18 pour cent maximum), du lait éventuel, par exemple.
Mais les réactions ? La principale, puisque c'est dans toute la masse, et non pas seulement dans la croûte, qui ne fait que quelques millimètres, c'est certainement la coagulation. Puis, il y a les autres... à l'infini : oui, une infinité d'autres, telle la dégradation de Strecker, la déshydratation des hexoses, des hydrolyses des amyloses et amylopectines, des caramélisations, et ainsi de suite (on voit que je prends soin de ne pas parler des réactions de Maillard, parce que j'en ai assez de voir ces dernières resurgir comme une litanie incontrôlée).
Mais, j'y reviens : la principale est la coagulation... et là, nos jeunes amis étaient renvoyés sur un podcast du site AgroParisTech où j'explique cela. Le lien exact ? Je n'ai pas le temps de chercher : qu'ils le fassent, puisque c'est leur travail.
3. Puis vient la question finale... et cela me prendrait des jours entiers pour une question qui ne m'intéresse pas. Je laisse nos amis se débrouiller... car j'ai donné la méthode. Se focaliser sur les réactions majoritaires, que l'on identifie à partir des composés majoritaires dans les ingrédients qu'ils considèrent... Mais je me reprends : c'est un très mauvais conseil que de les orienter vers cela... parce que leur sujet est en réalité beaucoup trop vaste, ce qui n'est pas ce qu'on leur demande. Relisons le Journal officiel, et l'on verra que l'on propose aux élèves des travaux faisables dans un temps bien déterminé. Quelle est la question posée ? Les réactions dans un gateau ? Pourquoi pas, mais alors ce n'est pas de remplacer les oeufs par une infinité d'ingrédients différents. Il faut d'abord un objectif clair, et, surtout, un objectif bien ciblé, pour ne pas survoler tout en un travail infiniment gros.
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
Merci beaucoup de nous avoir envoyé autant de sites pour répondre à nos questions, mais nous n’avons pas pu trouver nos réponses car notre sujet n’est pas la cuisine moléculaire mais les œufs dans un gâteau.
Nous aurions aimé savoir les réactions chimiques qui se produisent en présence des œufs dans un gâteau ainsi que des expériences pour les illustrer si possible. Nous aurions également aimé savoir les réactions chimiques en l’absence des œufs avec les différents substituts (graines de lin, tofu, compote, purée de bananes...) et aussi s’il est possible de trouver un substitut correspondant à un rôle précis des œufs dans un gâteau.
Ma réponse circonstanciée est la suivante :
1. Oui, je sais que je n'ai pas répondu à la question... parce que je ne voulais pas répondre et leur faire un travail clé en main : à nos jeunes amis de chercher des informations et de les assembler... conformément aux recommendations du Journal Officiel.
Dans la même veine, d'ailleurs, je signale que je réponds très brusquement aux parents qui m'appellent pour leurs enfants... parce que les TPE ne sont pas des travaux pour les parents, mais pour les enfants.
Enfin, j'ai quand même répondu à nos jeunes amis... parce qu'il y a sur mon site la façon de répondre (la méthode), à défaut de la réponse que je les invite à chercher.
2. A propos des réactions qui se produisent en présence des oeufs dans les gâteaux, la question est mal posée, parce que de quel gâteau parle-t-on : d'un petit sablé ? d'un quatre quart ? d'un bavarois ? d'une génoise ?
En supposant que l'on parle d'un gâteau cuit dans un four, il y a des questions de température, mais aussi de temps.
Par exemple, la croûte d'un gâteau ainsi cuit est une zone où la température passe de 200 degrés (la température du four, disons) à 100 degrés, à l'intérieur... car la température d'un milieu qui contient de l'eau est limitée à 100 degrés (d'accord, à quelques degrés près).
Puis, dans le gâteau, la température à coeur dépend de la durée de cuisson... et aussi de l'épaisseur du gâteau.
Au fait, d'où vient cette eau dont j'ai parlé ? Des oeufs, par exemple (un blanc, c'est 90 pour cent d'eau, un jaune 50 pour cent), ou du beurre (18 pour cent maximum), du lait éventuel, par exemple.
Mais les réactions ? La principale, puisque c'est dans toute la masse, et non pas seulement dans la croûte, qui ne fait que quelques millimètres, c'est certainement la coagulation. Puis, il y a les autres... à l'infini : oui, une infinité d'autres, telle la dégradation de Strecker, la déshydratation des hexoses, des hydrolyses des amyloses et amylopectines, des caramélisations, et ainsi de suite (on voit que je prends soin de ne pas parler des réactions de Maillard, parce que j'en ai assez de voir ces dernières resurgir comme une litanie incontrôlée).
Mais, j'y reviens : la principale est la coagulation... et là, nos jeunes amis étaient renvoyés sur un podcast du site AgroParisTech où j'explique cela. Le lien exact ? Je n'ai pas le temps de chercher : qu'ils le fassent, puisque c'est leur travail.
3. Puis vient la question finale... et cela me prendrait des jours entiers pour une question qui ne m'intéresse pas. Je laisse nos amis se débrouiller... car j'ai donné la méthode. Se focaliser sur les réactions majoritaires, que l'on identifie à partir des composés majoritaires dans les ingrédients qu'ils considèrent... Mais je me reprends : c'est un très mauvais conseil que de les orienter vers cela... parce que leur sujet est en réalité beaucoup trop vaste, ce qui n'est pas ce qu'on leur demande. Relisons le Journal officiel, et l'on verra que l'on propose aux élèves des travaux faisables dans un temps bien déterminé. Quelle est la question posée ? Les réactions dans un gateau ? Pourquoi pas, mais alors ce n'est pas de remplacer les oeufs par une infinité d'ingrédients différents. Il faut d'abord un objectif clair, et, surtout, un objectif bien ciblé, pour ne pas survoler tout en un travail infiniment gros.
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
Modélisations : de quoi s'agit-il ?
Les étudiants en classe préparatoire aux concours des écoles d'ingénieurs doivent faire des travaux d'initiative personnelle encadrée, ou TIPE.
Aujourd'hui, certains me soumettent leur projet : étudier la confection de la mayonnaise, et ils me demandent notamment si une "modélisation" est possible.
A cela, un commentaire préliminaire : la confection de la sauce mayonnaise a fait l'objet de très nombreux travaux de TIPE ou de TPE (sans doute plusieurs centaines, voire milliers, si j'en juge aux courriels reçus).
Aussi, si j'étais dans la position de faire un de ces deux travaux, j'hésiterais à retenir le sujet de la mayonnaise, car je craindrais que mes examinateurs ne me soupçonnent d'avoir fait du copier-coller des travaux qui ont été mis en ligne. Et si je décidais de faire un travail original, je le signalerais tout d'abord, et j'expliquerais en quoi le travail est original.
Vient maintenant la question de la "modélisation", qui est probablement requise par les instructions officielles. Nos jeunes amis qui doivent faire des TIPE gagneraient à bien comprendre que l'activité scientifique commence par l'identification d'un phénomène, puis par la caractérisation quantitative de ce dernier, après quoi on relie les données en lois et l'on cherche des mécanismes quantitativement compatibles avec ces lois, afin de produire une théorie, un modèle, que l'on cherche à réfuter par une expérience.
De ce fait, indépendamment des mesures que l'on peut faire, il y aurait lieu de décrire le phénomène à l'aide de symboles mathématiques (en pratique, des lettres) que l'on cherche à relier (en équations, relations, lois). Par exemple, pour la mayonnaise, il y a la quantité initiale de jaune d'oeuf J, la quantité de vinaigre V, et la quantité d'huile que l'on ajoute progressivement H(t), où t représente le temps. Lors de l'émulsification, il faut donner de l'énergie E(t), et la sauce peut se caractériser par une répartition de la taille des gouttelettes d'huile D(t).
Modéliser, c'est donc décrire formellement le phénomène, avant d'introduire des données quantitatives qui fixeront les valeurs de paramètres que l'on aura utilisés pendant la modélisation.
Autrement dit, je réponds à mes jeunes amis que, oui, mille fois oui, il est possible de modéliser, à propos de mayonnaise ! Mieux, il n'y aurait pas de travail scientifique sans cette modélisation.
Question subsidiaire : comment une telle question a-t-elle pu se poser ? J'y vois le brouillard intellectuel dans lequel on laisse nos jeunes amis, ou dans lequel nos jeunes amis demeurent, peut-être parce qu'ils ont zappé des informations importantes qui leur ont été données.
On me connaît assez pour bien comprendre que je ne jette la pierre ni à nos jeunes amis, ni aux collègues, mais j'observe que, les faits étant les faits, il y a lieu de bien expliquer les diverses étapes de la recherche scientifique... mais aussi de la démarche technologique, quand on est dans une école d'ingénieurs !
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
vendredi 5 février 2016
N'hésitons pas à répondre... même si la réponse a été donnée mille fois
Un email m'arrive d'élèves qui préparent un TPE :
Bonjour Monsieur,
suite a votre mail nous avons changé notre sujet qui était la cuisine moléculaire pour la cuisine note a note. Cependant nous ne trouvons pas la définition exact de la cuisine note a note.
Nous ne comprenons pas s'il faut utiliser des composés chimiques ou des composés purs.
Par exemple pour l'eau , on ne sait pas dans quelle catégorie elle rentre. Pouvez vous nous éclairer s'il vous plait ?
La question a été traitée mille fois, et nos jeunes amis n'ont pas cherché, ou n'ont pas su chercher.
Pourquoi répondre ? Parce que plus il y aura d'endroits, sur internet, où trouver l'information, mieux ce sera.
D'abord, je suis très heureux que nos amis, qui prévoyaient de faire un TPE sur la cuisine moléculaire, aient changé pour la cuisine note à note. La cuisine moléculaire, c'est has been, et la cuisine note à note, c'est le futur !
D'autre part, la définition de la cuisine note à note : une cuisine dont les ingrédients sont des composés.
Faut-il utiliser des composés "chimiques" ou des composés "purs" ?
Manifestement, nos jeunes amis ont besoin de "rappels de chimie".
Un composé, c'est une classe de molécules. L'eau est un composé, parce qu'un échantillon d'eau (dans un verre, par exemple) est fait de molécules toutes identiques. L'éthanol est un composé : un échantillon d'éthanol serait fait de molécules toutes identiques (et différentes des molécules d'eau).
Un échantillon d'un composé est "pur" quand toutes les molécules du composés sont identiques. Quand des molécules d'un composé différent sont présentes, le produit est impur. Evidemment rien n'est pur, parfaitement pur, sur cette terre. Tous les corps, même les plus purs, contiennent des impuretés, des "contaminants".
Par exemple, dans de l'eau distillée, il traine quasi obligatoirement des gaz dissous : des molécules d'azote, de dioxyde de carbone, etc.
Un composé "chimique" ? Est chimique ce qui a fait l'objet du travail de la chimie. Une molécule d'eau est "chimique" si elle a été synthétisée. Si elle vient de la pluie, elle est alors naturelle... sauf si c'est une molécule qui avait été synthétisée, s'est évaporée et est redescendue avec la pluie ;-)
Que faut-il utiliser pour faire de la cuisine note à note ? Des composés. Chimiques ou extraits de matières naturelles ? Peu importe : une molécule d'eau, c'est une molécule d'eau ; une molécule de saccharose, c'est une molécule de saccharose...
Après, c'est une question de choix, de coût, etc.
Vive la cuisine note à note !
dimanche 31 janvier 2016
Vraiment, pas de temps pour cela !
Ce matin, un message charmant, de lycéens qui sont venus à mon séminaire et qui ont apprécié le moment.
Très bien.
L'ennui, c'est la suite de leur message :
Je rencontre actuellement un problème certain. Suivant vos conseils, je me suis rendu (dans le cadre de mon tpe sur la gastronomie moléculaire) sur le site de moleculargastronomy, et j'ai été intéressé par la recette des "billes surprise", trouvable au lien suivant : http://www.moleculargastronomynetwork.com/193-recettes/Billes-surprise.html . Cependant, ayant bien suivi les consignes et dosages à la lettre, je n'obtiens pas le résultat voulu... Mon bain d'alginate est beaucoup plus opaque, et plus "gélifié et gélatineux" que celui utilisé dans la vidéo. De ce fait (du moins je suppose que c'est à cause de cela), je ne parviens pas a faire se gélifier l'enveloppe des billes congelées. Celles ci se couvrent d'une trop grande quantité de gel, et c'est un échec.
Très bien.
L'ennui, c'est la suite de leur message :
Je rencontre actuellement un problème certain. Suivant vos conseils, je me suis rendu (dans le cadre de mon tpe sur la gastronomie moléculaire) sur le site de moleculargastronomy, et j'ai été intéressé par la recette des "billes surprise", trouvable au lien suivant : http://www.moleculargastronomynetwork.com/193-recettes/Billes-surprise.html . Cependant, ayant bien suivi les consignes et dosages à la lettre, je n'obtiens pas le résultat voulu... Mon bain d'alginate est beaucoup plus opaque, et plus "gélifié et gélatineux" que celui utilisé dans la vidéo. De ce fait (du moins je suppose que c'est à cause de cela), je ne parviens pas a faire se gélifier l'enveloppe des billes congelées. Celles ci se couvrent d'une trop grande quantité de gel, et c'est un échec.
Comment faire ?
Là, désolé, mais je ne peux pas passer mon temps à faire le travail que les autres doivent faire. La recette donnée par ce site ne donne pas les résultats escomptés ? Il y a des dizaines de milliers (j'ai vérifié) de sites qui décrivent la chose, et j'engage donc mes amis à aller les consulter, pour apprendre par eux-mêmes à résoudre les question qu'ils se posent.
Cette question du "ask the expert" se pose partout dans l'enseignement. Oui, on peut toujours essayer de consulter... mais les "experts" y perdent leur temps, leur énergie. La réponse à donner ? La même que celle du médecin qui, dans un diner, se faisait interroger par un convives sur son état de santé : il répondait "Venez me voir en consultation".
Dans mon cas, je ne suis pas en reste, avec le blogs bien trop nombreux où je donne des indications techniques ou technologiques. Que nos jeunes amis se retroussent les manches !
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