La première étape du travail scientifique est l'identification d'un phénomène que l'on étudiera.
A ce propos, on comprend que l'exploration de certains phénomènes serait condamnable et, a contrario, il y a une bonne pratique qui consiste à explorer des mécanismes de phénomènes dans des conditions d'expérimentation qui sont parfaitement éthiques.
Par exemple, l'expérimentation humaine ne peut se faire que dans des conditions extraordinairement cadrées, et certaines explorations ne peuvent pas se faire.
Par exemple, il serait condamnable de priver des patients d'un traitement que l'on sait efficace, lors d'une étude d'un nouveau médicament, et c'est la raison pour laquelle on compare le nouveau médicament au plus efficace connu.
Il y a évidemment lieu, bien avant de commencer un travail, à s'interroger sur les conséquences d'une étude, et c'est ainsi qu'en 1984, des biologistes du monde entier avaient signé un moratoire pour arrêter les études de biologie moléculaire le temps d'une réflexion éthique suffisante.
Aujourd'hui, il y a heureusement des comités d'éthiques dans les institutions de recherche de la plupart des pays, pour rappeler à tous que nous devons avoir des pratiques éthiques, au sens très large : tout aussi bien dans le respect des personnes et des autres organismes vivants, mais, aussi, en relation avec l'environnement.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
dimanche 5 mars 2023
Des bonnes pratiques à propos de la sélection des phénomènes que nous étudions
mardi 25 janvier 2022
Un phénomène ?
Les sciences de la nature cherchent les mécanismes des phénomènes... mais qu'est-ce qu'un phénomène ?
On sait bien que les philosophes ont déjà amplement discuté la question, mais voici en tout cas ce que donne le Trésor de la langue française informatisé :
CNRTL
PHÉNOMÈNE, subst. masc.
I.
A.- PHILOS. et lang. des sc.
1. Au sens large. Ce qui apparaît, ce qui se manifeste aux sens ou à la conscience, tant dans l'ordre physique que dans l'ordre psychique, et qui peut devenir l'objet d'un savoir. Nous donnerons (...) le nom de phénomène à l'apparence vraie, c'est-à-dire à celle qui a toute la réalité externe que nous lui attribuons naturellement (Cournot, Fond. connaiss., 1851, p.7). Un fait est en quelque sorte un phénomène arrêté, précis, déterminé, ayant des contours que l'on peut saisir et dessiner: il implique une sorte de fixité et de stabilité relatives. Le phénomène, c'est le fait en mouvement, c'est le passage d'un fait à un autre, c'est le fait qui se transforme d'instant en instant (P. Janet, La Crise philos., Paris, Germer-Baillière, 1865, p.56).V. accident ex. 1 et irréfléchi ex. 2:
1. Les êtres et les choses, et les différentes combinaisons, qui, désignées sous le nom de phénomènes, faits, événements, s'établissent entre eux dans le temps, forment ensemble comme une étoffe que la main régulièrement tire de son rouleau. Claudel, Art poét., 1907, p.132.
2. Ce que l'on observe ou constate par l'expérience et qui est susceptible de se répéter ou d'être reproduit et d'acquérir une valeur objective, universelle. Synon. fait (scientifique).[Newton] apprit aux hommes à n'admettre, dans la physique, que des théories précises et calculées, qui rendissent raison non seulement de l'existence d'un phénomène, mais de sa quantité, de son étendue (Condorcet, Esq. tabl. hist., 1794, p.176). Plus le phénomène est précisé scientifiquement, et plus il est un produit d'abstraction, et plus il s'écarte de l'idée primitive d'une donnée sensible, d'une idée imposée à l'esprit par la perception passive et contrainte, sans qu'hypothèses et raisonnements ne lui aient composé la majeure partie de sa signification (L. Weber,Vers le positivisme abs. par l'idéalisme, 1903, p.220). Essaie de concevoir un monde étrange où l'approche, la prévision du phénomène, a tous les effets du phénomène: -où les hasards redeviennent comme mûs désormais dans une loi: où l'improbable devient, par une conséquence de sa production une seule fois, le probable (Valéry,Tel quel II, 1943, p.279).V. affirmer ex. 23, arbitrairement ex. 1, cause2ex. 16, condition ex. 11, conscience ex. 12, inscrutable ex.:
2. Nous ne voulons pas tirer la morale de la science, mais faire la science de la morale, ce qui est bien différent. Les faits moraux sont des phénomènes comme les autres; ils consistent en des règles d'action qui se reconnaissent à certains caractères distinctifs; il doit donc être possible de les observer, de les décrire, de les classer et de chercher les lois qui les expliquent. Durkheim, Divis. trav., 1893, p.XXXV.
SYNT. a) α) Analyser, comprendre, élucider, étudier, examiner, illustrer, interpréter, isoler, mesurer, noter, prévoir, rencontrer, souligner un phénomène; mettre en évidence, en lumière un phénomène; être en face d'un phénomène; rendre compte d'un phénomène. β) Déclencher, obtenir un phénomène; influencer, accélérer, limiter, endiguer, enrayer un phénomène; devenir/ être le siège d'un/de phénomène(s); engendrer un phénomène. b) Un phénomène se déclare, se produit, s'opère, se déroule, s'accomplit; un phénomène s'accentue, s'accroît, s'aggrave, s'amplifie, décline, cesse, disparaît; un phénomène évolue, varie, continue, persiste, se répète, se généralise, se propage. c) Authenticité, intensité d'un phénomène; antécédents, aspects, causes, circonstances, clé, conséquences, incidences, phases, résultat d'un phénomène. d) Au plur. Comparaison, détermination, maîtrise des phénomènes; connexion, enchaînement, liaison, mécanisme, série, succession des phénomènes; catégorie, classe, groupe, ordre de phénomènes; cycle de phénomènes.
- [Suivi d'un adj. déterminatif indiquant]
♦ [le caractère, la qualité du phénomène] Phénomène simple, complexe; phénomène caché, étrange, mystérieux, occulte; phénomène perturbateur; phénomène aberrant, accessoire, accidentel, marginal, universel; phénomène spontané/provoqué, réversible, stable; phénomène rapide, régulier, violent; phénomène constant, cyclique, éphémère, fréquent, saisonnier, sporadique, temporaire, transitoire; phénomène général, local. Depuis les analyses de Durkheim, le crime est reconnu comme un phénomène normal, c'est-à-dire que la criminalité n'est pas un fait accidentel et ne procède pas de causes fortuites (Traité sociol., 1968, p.213):
3. Les forces intérieures de la terre se traduisent ou bien par des phénomènes très lents, très peu sensibles, mais de très longue durée: exhaussements, affaissements, plissements; ou bien par des phénomènes brusques: tremblements de terre, éruptions volcaniques. Brunhes,Géogr. hum., 1942, p.3.
♦ [sa nature] Souvent au plur. Assimiler un phénomène humain à un phénomène naturel, c'est trahir son sens (Philos., Relig., 1957, p.38-5).
Dans le domaine des sc. de la nature. Phénomène acoustique, optique, tactile; phénomène atmosphérique, climatique, cyclonique, glaciaire, marin; phénomène gazeux, karstique*, lumineux, mécanique, nucléaire, ondulatoire, radioactif, thermique, vibratoire. La lumière, d'après Maxwell, est un phénomène électromagnétique périodique (H. Poincaré, Hyp. cosmogon., 1911, p.239). En huit familles les minéralogistes ont classé des dizaines de types de roches éruptives. Il ne faudrait pas croire que ces roches ne jaillissent des profondeurs que par des phénomènes volcaniques (Combaluzier, Introd. géol., 1961, p.70).
Dans le domaine des sc. de l'homme. Phénomène moral, politique; phénomènes inconscients, métapsychiques, paranormaux, télépathiques; phénomènes électoraux, financiers, monétaires. Les phénomènes sociaux de tout ordre -religieux, juridiques, économiques, et autres -ne nous sont fournis que par des témoignages oraux ou écrits (Lévy-Bruhl,Mor. et sc. moeurs, 1903, p.117).La psychologie expérimentale s'attache à appliquer les méthodes de mesure à l'examen des phénomènes mentaux, sensoriels et psychomoteurs (Villemer,Organ. industr., 1947, p.123).L'étude de la structure socio-professionnelle (...) donne les éléments essentiels de la comparaison avec les phénomènes électoraux qui constitue l'essentiel de toute étude du comportement électoral (Traité sociol., 1968, p.55).
♦ [la discipline sc. dont il relève] Phénomène astronomique, géologique, géochimique, géographique, hydrologique, météorologique; phénomène physiologique; phénomène linguistique, psychologique, sociologique. Jamais (...) un phénomène historique ne s'explique pleinement en dehors de l'étude de son moment (M. Bloch,Apol. pour hist., 1944, p.8):
4. Des phénomènes physiques ou chimiques aux phénomènes biologiques il n'y a point de transition de théorie; il n'y a que des rapports de fait, et tels qu'il en existe entre toutes les catégories possibles. Renouvier,Essais crit. gén., 3eessai, 1864, p.90.
- [Suivi d'un compl. prép. de indiquant]
♦ [la nature d'un processus, d'un ensemble de phénomènes, de manifestations]
Dans le domaine des sc. phys.Phénomène d'attraction, de capillarité, de diffraction, de gravitation, d'interférence, d'osmose, de propagation, de réfraction, de résonance; phénomène de combustion, de décomposition, de putréfaction. Les phénomènes lents et réguliers de sédimentation, seuls apparents, sont conditionnés par d'invisibles forces éruptives (Bergson,Deux sources, 1932, p.232).Le phénomène de fission comporte (...) deux caractéristiques principales: la libération d'énergie et la formation de produits radioactifs (Goldschmidt,Avent. atom., 1962, p.23).V. exosmose ex. de Gide.
Dans le domaine de la méd.Phénomène d'accoutumance, de dégénérescence; phénomène de rejet. Leur excès [d'hormones génitales] en cas de tumeur surrénale est responsable des phénomènes de masculinisation ou d'hirsutisme chez la femme (Quillet Méd.1965, p.495).
Dans le domaine des sc. hum.Phénomène d'(auto)suggestion, de clairvoyance, de télépathie. Les (..) phénomènes de voyance et de prémonition dans lesquels Bergson trouvait la justification de sa thèse sur les rapports de l'esprit et de la matière (Amadou,Parapsychol., 1954, p.35).Dans le domaine des sc. soc. et écon.Phénomène de croissance, d'échange, d'équilibre, d'inflation, de production, de récession, de régression, de relance, de tension; phénomène de colonisation, de migration, de socialisation, d'urbanisation. P. Vidal de La Blache a insisté (...) sur l'importance des faits de population. Mais ces phénomènes de peuplement, comment se révèlent-ils à nous, comment sont-ils même atteints et pour ainsi dire mesurés par les recensements, sinon par l'intermédiaire de l'habitation? (Brunhes,Géogr. hum., 1942, p.40).V. courant adj. ex. 2.
♦ [la réalité ou la loi sc. dont le phénomène est la manifestation, la vérification expérimentale] Phénomène de la pesanteur, de la dissociation de la matière, de la division de la lumière. L'expérience donne le phénomène de la chute des corps, mais l'attraction est une fiction de l'esprit (Cl. Bernard, Princ. méd. exp., 1878, p.196).V. luminifère A ex. de Bergson.
♦ [l'effet, le résultat d'un phénomène observé ou provoqué] On pourrait sans doute reproduire avec les rayons hertziens le phénomène des fontaines lumineuses (H. Poincaré,Théorie Maxwell, 1899, p.80).Phénomène de la ligne blanche. Si l'on trace avec un stylet mousse une ligne sur la peau d'une partie du corps dépourvue de poils, en exerçant une pression légère, la pointe du stylet laisse une ligne blanche. C'est le résultat d'une constriction des capillaires (Méd. Biol.t.31972):
5. C'est à des fibres musculaires que la peau doit la faculté de se contracter vivement sous l'action du froid ou sous l'influence d'impressions nerveuses. Cette contraction des muscles provoque le phénomène de la chair de poule. Quillet Méd.1965, p.297.
♦ [le nom du savant (physicien, médecin, biologiste) qui le premier a décrit une expérience, provoqué un phénomène, qui en a déterminé les causes, la loi, les conséquences] Phénomène de Zeeman, de Faraday. La plupart des produits pétrolifères sont fluorescents en bleu (...) ou en vert (...). La fluorescence est souvent accompagnée du phénomène de Tyndall -diffraction causée par hétérogénéité (Chartrou,Pétroles natur. et artif., 1931, p.26).Nous avons réalisé (...) un phénomène de Koch pulmonaire, en réinjectant à un cobaye tuberculeux des bacilles dans la trachée (Ce que la Fr. a apporté à la méd., 1946, p.112).V. filtre ex. 3.
3. En partic.
a) PATHOLOGIE
α) Le plus souvent au plur. Signe ou ensemble de signes observable(s) d'un trouble, d'une maladie. Synon. manifestation, symptôme.Calmer, prévenir des phénomènes; aggravation, majoration d'un phénomène; phénomène aigu, désagréable, douloureux; phénomènes allergiques, congestifs, convulsifs, délirants, dépressifs, infectieux, inflammatoires, méningés, toxiques. La gourme est contagieuse; les phénomènes critiques qui la traduisent (catarrhes et suppuration) ont pour but de débarrasser l'organisme de certains produits de désassimilation (Nocard, Leclainche,Mal. microb. animaux, 1896, p.430).V. aggraver ex. 46:
6. Il est possible d'observer également [dans les troubles des réflexes] des phénomènes paralytiques siégeant au niveau des membres inférieurs et prenant l'aspect de la paraplégie spasmodique... Quillet Méd.1965, p.352.
β) Phénomène psychosensoriel. Toute perception de données sensorielles perturbées (et qui concerne notamment l'illusion, l'hallucination visuelle). (Ds Moor 1966, Lafon 1969, March. 1970, Méd. Biol. t.3 1972, Carr.-Dess. Psych. 1976).
b) PHYSIOL., le plus souvent au plur. Changement qui survient dans un organe, dans une fonction. Phénomènes de la circulation, de la nutrition, de la reproduction. La cessation des phénomènes organiques est toujours un sûr indice de la mort générale (Bichat,Rech. physiol. vie et mort, 1822, p.254).Les phénomènes de la respiration diffèrent extrêmement de la combustion d'une bougie, mais elle lui ressemble réellement par le schéma sous-jacent (Ruyer,Esq. philos. struct., 1930, p.237).
c) PSYCHANAL. Phénomène fonctionnel. Phénomène découvert en 1909 par H. Silberer sur les états hypnagogiques, retrouvé par lui dans le rêve et qui consiste dans la transposition en images non du contenu de la pensée du sujet mais du mode de fonctionnement actuel de celle-ci (d'apr. Lapl.-Pont. 1967; ds March. 1970).
d) PSYCHOSOCIOL. Phénomène de groupe. Fait psychosocial vécu par les participants, observable par les observateurs et apparaissant dans un groupe, comme par exemple un silence, un fractionnement en sous-groupes, une rivalité de leaders informels (d'apr. Mucch. Sc. soc. 1969).
4. P. ext., au sing. [Suivi d'un adj. déterminatif ou d'un subst. en appos.] Ensemble des manifestations liées à une réalité humaine particulière. Il est déjà très important que nous ayions, grâce à la biométrie et à la génétique, acquis une vision nouvelle du phénomène racial (Tiers Monde, 1956, p.111).Le phénomène urbain est (...) au coeur de toute réflexion sur l'aménagement du territoire (Amén. terr., 1964, p.16).Cette suppression [de l'émission «Médicales»] est donc pour le producteur-réalisateur d'abord une fausse analyse du phénomène télévision qui détermine la valeur d'une émission à son taux d'écoute (Le Figaro, 7 juill. 1984, p.28, col. 6):
7. La succession des textes montre comment l'État, prenant conscience du phénomène touristique, a essayé de résoudre les problèmes qui se posaient dans l'esprit traditionnel de notre droit public. Jocard,Tour. action État, 1966, p.19.
B. - HIST. DE LA PHILOS.
1. [Chez Platon] Ce qui appartient au domaine sensible, existentiel, singulier, instable. (S'oppose à idée, forme, essence en ce qu'il n'a pas de réalité propre). Un phénomène sensible n'est saisi par la conscience qu'en étant subsumé sous un concept, en sorte que la pluralité indéfinie des phénomènes sensibles aperçus sous un même concept représente les manifestations diverses de l'unité de l'Idée (J. Moreau,La Constr. de l'Idéalisme platonicien, Paris, Boivin, 1939, p.300):
8. Mais ce triple essor vers le vrai, le bien, et le beau, n'est-ce pas ce qui fait l'honneur principal du génie de Platon? Lui aussi abandonne le monde des phénomènes et des apparences, la caverne où se dessinent de pâles ombres, pour aller contempler les réalités absolues, au grand jour de la métaphysique. Ozanam,Philos. Dante, 1838, p.220.
2. [Chez Hume et les phénoménistes] Donné immédiat de l'expérience (impressions, idées que nous en avons) qui est tenu pour l'unique réalité. Synon. perception.Hume (...) ne se fiant qu'aux seuls phénomènes, a totalement exclu de sa philosophie les substances, que Locke avait déjà fortement entamées (Renouvier,La Crit. philos., t.1, 1872, p.385):
9. [Pour Hume] hors de nous, rien, au moins que nous sachions. Au-dessus de nous, personne, dont l'existence et l'action puissent être, nous ne disons pas prouvées, mais seulement conçues. Au dedans de nous, nul centre qui persiste identique à soi, comme un point immobile, parmi l'incessant va et vient des phénomènes. Tout le réel est relégué dans un je ne sais quoi qui passe entre un semblant de moi et un semblant de nature, sous l'empire d'un semblant de causalité. G. Lyon,L'Idéalisme en Angleterre au XVIIIes., 1888, p.462.
3. [Chez Kant] Ce qui nous apparaît dans l'espace et dans le temps. (S'oppose à chose en soi ou à noumène en tant qu'objet d'expérience et à apparence en tant qu'il possède une réalité objective). Un «fait de la raison» est un véritable monstre dans une philosophie comme la sienne [de Kant], où tout ce qui est «fait» appartient au monde des phénomènes, et tout ce qui est «raison» au monde intelligible (Lévy-Bruhl,Mor. et sc. moeurs, 1903, p.58):
10. Ce qui se présente à nous ou ce qui apparaît dans l'intuition, c'est d'abord le phénomène en tant que diversité sensible empirique (...). Chez Kant, phénomène ne veut pas dire apparence, mais apparition. Le phénomène apparaît dans l'espace et dans le temps: l'espace et le temps sont pour nous les formes de toute apparition possibles les formes pures de notre intuition ou de notre sensiblité. G. Deleuze,La Philos. crit. de Kant, 1963, p.10.
4. PHÉNOMÉNOL. (notamment chez Husserl). Tout objet perçu, imaginé ou conçu par la conscience, qu'il existe ou non en dehors d'elle. (N'implique pas de noumène corrélatif). Dans la conscience, l'apparaître n'est pas être, mais phénomène. Ce nouveau cogito, parce qu'il est en deçà de la vérité et de l'erreur dévoilées, rend possibles l'une et l'autre (Merleau-Ponty,Phénoménol. perception, 1945, p.342).L'intuition phénoménologique, c'est la présence à la conscience de la chose elle-même. (...) L'être dernier, l'être-au-delà-du phénomène, est toujours déjà là dans la perspective de sa manifestation, c'est-à-dire dans le phénomène (G. Varet,L'Ontologie de Sartre, 1948, p.21):
11. On ne saurait assez fortement insister sur l'équivoque qui nous permet de donner le nom de phénomène [it. ds le texte], non seulement au vécu en quoi réside l'apparaître de l'objet (...), mais aussi à l'objet apparaissant comme tel (...). Nous vivons les phénomènes comme appartenant à la trame de la conscience, tandis que les choses nous apparaissent comme appartenant au monde phénoménal. Les phénomènes eux-mêmes ne nous apparaissent pas, ils sont vécus. E. Husserl,Rech. log., trad. par H. Elie, t.2, 1962 [1913], p.148.
II. - Lang. cour.
A. - Tout ce qui arrive, se produit, se manifeste et que l'on peut observer sans en connaître ou sans en rechercher obligatoirement la cause. Le phénomène de l'influence des journaux royalistes parmi nous (...) ne cesse de confondre les hommes démocratiques (Chateaubr.,Polém., 1818-27, p.304).Par un singulier phénomène d'atavisme, le dernier descendant ressemblait à l'antique aïeul (Huysmans,À rebours, 1884, p.2).La Libération a vu naître le plus grand nombre de journaux que la France ait jamais connus. Le même phénomène touchait le théâtre et le cinéma (Cacérès,Hist. éduc. pop., 1964, p.153).V. frustré ex. 1, haine A 2 ex. de Faure, indescriptible ex. 2, jouer I B 2 a ex. de Balzac:
12. ... aussitôt que sa mère était en colère, elle devenait laide. Ce phénomène dérangeait cruellement le petit garçon dans les jouissances infinies qu'il tirait de la contemplation du joli visage de sa mère. Drieu La Roch.,Rêv. bourg., 1937, p.108.
- [Avec compl. prép. de indiquant]
♦ [la nature, l'aspect vécu d'un phénomène] Phénomène du chômage, de la délinquance. Ce que la lutte politique n'avait pas permis ces dernières années, la drogue le réalisait: l'unité d'action de deux groupes jusqu'alors rivaux [nationaliste et autonomiste corse]. On peut même parler d'unanimité, tant le phénomène de la drogue soulève l'émotion des braves gens en Corse (Libération, 14 janv. 1986, p.16, col. 2).
♦ [une modalité partic. d'un phénomène coll.] Phénomène de foule; phénomène d'opinion. Ce mouvement de mai [1968] s'expliquerait davantage, selon vous, comme phénomène de civilisation plutôt que comme phénomène politique? (Le Nouvel Observateur, 14 oct. 1968, p.9, col. 2).Le jean permet d'exprimer une personnalité: la sienne. Son secret de longévité: il n'est pas un phénomène de mode mais un style, intemporel et personnel (Madame Figaro, 11 janv. 1986, p.40, col. 2).
Phénomène de masse. Tout comme s'enfle irrésistiblement la masse des connaissances, ainsi croît à un rythme non moins invincible la masse de ceux qui veulent les acquérir. Cependant, ce phénomène de masse à soi seul, modifie considérablement les données des problèmes (Antoine, Passeron,Réforme Univ., 1966, p.119).
SYNT. a) Phénomène banal, coutumier, curieux, important, insolite, paradoxal, remarquable, significatif, unique; phénomène d'actualité. b) Assister à (la naissance d')un phénomène; concentrer son attention sur, contempler, rencontrer, être l'acteur, le témoin d'un phénomène; prédire, redouter un phénomène; un phénomène s'ébauche, se passe, persiste, s'évanouit.
B. -
1. Fait naturel qui frappe la vue ou l'imagination. La cataracte de Niagara, phénomène le plus étonnant de la nature terrestre (Crèvecoeur,Voyage, t.1, 1801, p.231).Armé du triangle et des autres puissants outils sans corps, il [un captif de la Caverne dans le mythe de Platon] annonce les phénomènes, conjonctions, éclipses (Alain,Propos, 1928, p.767):
13. ... les gardes placés à l'entour aperçurent une flamme bleue voltigeant au-dessus de la table sur laquelle le cadavre était étendu (...). Ce phénomène, qui se produit assez souvent sur les cadavres en putréfaction, inspira au peuple une terreur superstitieuse. Mérimée,Faux Démétrius, 1853, p.285.
2. Être impressionnant par sa forme, ses dimensions ou ayant une apparence anormale, voire monstrueuse. La série des mastodontes à cornes, boeufs-rhinocéros, hippopotames crochus, sangliers-dirigeables (...). Ces phénomènes se permettaient des cornes sur le front, sous le nez, entre les oreilles, dans les yeux ou sur les joues, comme nous avons des poils, des verrues ou des taches de rousseur (Fargue,Piéton Paris, 1939, p.127).
- En appos. [Séparé ou non par un tiret] Tout autour [du ring], nus (...) sont assis les lutteurs [japonais] attendant leur tour, des hommes gras et glabres (...) des colosses de 340 livres (...) une humanité phénomène, amoureuse de la grosseur (E. de Goncourt,Mais. artiste, t.1, 1881, p.199).Une armoire vitrée, l'armoire aux curiosités, où l'on voit une dent d'ours des cavernes, un petit bouddha en pierre de lard, au milieu de vieux fruits-phénomènes par leurs difformités (Goncourt,Journal, 1885, p.491).
- En partic. Être humain difforme de naissance ou enfant que l'on mutilait volontairement pour l'exhiber ensuite dans une baraque foraine ou dans un cirque. Phénomène de foire; phénomène vivant; montreur de phénomènes; baraque, galerie de phénomènes. Cette vivisection d'autrefois ne se bornait pas à confectionner pour la place publique des phénomènes, pour les palais des bouffons (...) et pour les sultans et papes des eunuques. Elle abondait en variantes (Hugo,Homme qui rit, t.1, 1869, p.26):
14. Freaks, film assez terrifiant. Il est joué par les phénomènes [it. ds le texte] de Barnum. Certains personnages ressemblent à des enfants qu'on verrait dans des miroirs déformants. Un tronc humain roule sur le sol comme un gros ver; au bout de ce tronc, une tête de cinquante ans, qui parle et fume. Green,Journal, 1932, p.110.
♦ En appos. Hélas! ne rions pas; car l'enfant phénomène Est au dernier degré de la misère humaine (Coppée,Poés., t.3, 1887, p.36).
C. -
1. Fait ou événement rare, exceptionnel, sans précédent. Ses mains crochues par suite de la contraction que l'habitude de tricoter leur avait fait prendre étaient comme un métier à bas incessamment monté: le phénomène eût été de les voir arrêtées (Balzac,Béatrix, 1839, p.29).De mon temps, une automobile dans un village, c'était un phénomène (Arland,Ordre, 1929, p.518):
15. Je m'étais, je l'avoue, imaginé qu'en somme L'écroulement des rois c'est le sacre de l'homme, Que nous avions vaincu la matière et la mort, Et que le résultat de cet illustre effort [la Révolution], Le Triomphe, l'orgueil, l'honneur, le phénomène, C'était d'avoir grandi jusqu'aux cieux l'âme humaine Hugo,Légende, t.5, 1877, p.1031.
2.
a) Personne qui fait preuve de qualités exceptionnelles dans ses actes, dans son comportement, qui est connue pour accomplir de grandes performances. Phénomène vocal. Ce Sabatani, toutes les femmes en parlaient comme d'un tel phénomène, on chuchotait sur cette chose si énorme, qu'elle n'avait pu résister à l'envie de voir (Zola,Argent, 1891, p.283).MmeYvonne de Bray est un phénomène des planches. Cette comédienne, grande entre les grandes (...) ne se repose que sur son génie et ne fixe aucune de ses trouvailles (Cocteau,Foyer artistes, 1947, p.159):
16. Là, commençait à éclore la renommée, d'abord voilée, bientôt populaire, d'un des phénomènes les plus étranges de la littérature française, Béranger, un tribun chantant. Lamart.,Nouv. Confid., 1851, p.313.
- [Suivi d'un compl. prép. de indiquant une qualité ou un défaut dans laquelle ou dans lequel une pers. s'illustre particulièrement] Phénomène de désintéressement, d'ingratitude, d'orgueil. Si elle n'est pas le monstre d'astuce et de perversité le plus complet que j'aie jamais vu, elle est certes le phénomène d'innocence le plus merveilleux qu'on puisse trouver (Maupass.,Contes et nouv., t.2, Yvette, 1884, p.484).V. ingratitude A 1 a β ex. de Chateaubriand.
- [Dans des loc. figées, sert à exprimer une impression d'excès, de paroxysme, à propos d'une pers. ou de ses actes] Je me demande si personne a jamais travaillé et vécu comme moi. Je trouve que je tourne au phénomène (Flaub.,Corresp., 1878, p.168).Avare d'une avarice tenant du phénomène (Maupass.,Contes et nouv., t.1, Diable, 1886, p.235).
b) P. ext., qqf. péj.
- Individu bizarre, qui ne fait rien comme tout le monde. Synon. excentrique, original.La revanche de Bella sur les hommes s'était poursuivie [pendant ces dix ans]. (...) Un phénomène avait voulu l'épouser, très riche. Il la croyait sans amant. Ce qu'elle s'était vengée de lui! (Giraudoux,Bella, 1926, p.238).Il va nous couvrir de ridicule dans ce pays où l'on nous connaît à peine et où les gens nous regardent un peu comme des phénomènes (Duhamel,Nuit St-Jean, 1935, p.183):
17. Tout ce qui était science et esprit scientifique était étranger à la famille, surtout du côté maternel. Ces hommes de loi, beaux esprits et humanistes, étaient perdus devant un problème. On citait, comme un phénomène, un membre de la famille, -un cousin éloigné, -qui était entré au bureau des longitudes. Encore disait-on qu'il en était devenu fou. Rolland,J.-Chr., Antoinette, 1908, p.843.
- Pop. ou fam. [Dans un propos rapporté au style dir., le plus souvent dans des loc. figées ou dans des tournures exclam.] (Un) sacré phénomène, espèce de phénomène! Quel phénomène! Synon. numéro; citoyen, type; olibrius, zigoto; pistolet.À cinq heures, à la sortie d'la caserne, mes deux phénomènes se raboulent (Barbusse,Feu, 1916, p.263).Vous m'avez l'air encore d'un drôle de phénomène, vous (Queneau,Pierrot, 1942, p.194).V. brusque ex. 6:
18. Je le conduisis au Stryx qu'il trouva «funambulesque à ravir» et je lui racontai mes équipées. «Vous êtes un phénomène!» me dit-il en riant. Beauvoir,Mém. j. fille, 1958, p.337.
Prononc. et Orth.: [fenɔmεn]. Ac. 1694, 1718: phenomene; dep. 1740: phénomène. Étymol. et Hist. I. 1557 astron. «tout ce qui apparaît de nouveau dans l'air, dans le ciel» (Ph. de Mesmes, Inst. astron., p.64 ds Gdf. Compl.: les phenomenes ou apparitions celestes). II. 1. a) 1638 [éd.] «chacun des faits constatés qui constituent la matière des sciences» (Descartes, Lettre du 13 juill. ds OEuvres et Lettres, éd. A. Bridoux, p.1014); b) α) 1737 «tout fait extérieur qui se manifeste à la conscience par l'intermédiaire des sens» (Argenson, Journal et Mém., éd. E. J. B. Rathery, t.1, p.228: nous assistons à un véritable phénomène en politique); β) 1801 philos. (Ch. de Villers, Philos. de Kant, p.354 ds Quem. DDL t.22); 2. a) 1719 [éd.] «fait qui frappe par sa nouveauté, son caractère extraordinaire» (A. H. de La Motte, Fables nouvelles, livre V, Fable XIX, p.358); b) α) 1722 phénomène de la nature (en parlant d'une personne) (Marivaux, Le Spectateur fr., éd. 1727, p.40); β) 1738 «personne qui surprend par ses actions, vertus, talents`` (Argens, Lettres juives, t.4, p.187); γ) 1881 «original, individu excentrique» (Rigaud, Dict. arg. mod., p.288). Empr. au gr. φ α ι ν ο ́ μ ε ν α «phénomènes célestes», titre d'un poème d'Aratos sur le cours et l'infl. des astres (iiies. av. J.-C., d'où Phénomènes d'Arate, en 1554, Ronsard, Bocage ds OEuvres, éd. P. Laumonier, t.6, p.105, 3), de φ α ι ν ο ́ μ ε ν ο ν «ce qui apparaît», lui-même dér. de φ α ι ́ ν ω , signifiant «apparaître» en astron. Le b. lat. a également empr. phaenomena, plur. «phénomènes célestes» au gr. Comme terme de philos., phénomène est empr. à l'all. Phänomen, créé par le philosophe all. E. Kant [1724-1804]. Fréq. abs. littér.: 6258. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 7445, b) 13217; xxes.: a) 7866, b) 8449. Bbg. Quem. DDL t.22.
vendredi 2 février 2018
Comment faire un bon TPE ou TIPE
Ces deux exercices sont proposés aux élèves respectivement en classe de Première ou de préparation aux écoles d'ingieurs, et la gastronomie moléculaire, d'une part, la cuisine moléculaire ou la cuisine note à note, d'autre part, attirent de nombreux élèves, qui m'interrogent donc à propos de sauce mayonnaise, de soufflé, de perles d'alginate, etc.
Les mêmes sujets reviennent sans cesse, et j'ai déjà discuté la question du manque d'originalité, en signalant qu'un sujet rabâché n'est pas condamné pour autant... si le candidat fait quelque chose d'original, et montre en quoi ce qu'il fait ne provient pas d'un des innombrables sites qui ont traité le sujet. Ici, je cherche à considérer la question, en prenant le cas terrible de la sauce mayonnaise, sans doute la plus étudiée des préparations dans les TPE ou les TIPE.
Première faute à ne pas faire : choisir un sujet trop vaste. Première option à bien prendre : choisir un phénomène.
J'ai déjà expliqué souvent que les TPE ou TIPE sont en réalité des exercices où l'on demande aux élèves de montrer qu'ils savent appliquer le savoir qu'ils ont à des cas concrets (puisque les élèves disent préférer du concret).
Et, selon les textes officiels, l'exercice vise à mettre en oeuvre la méthode scientifique, laquelle passe par
(1) identification d'un phénomène,
(2) quantification dudit phénomène,
(3) réunion des données en "lois" synthétiques,
(4) proposition de mécanismes compatibles quantitativement avec les lois,
(5) recherche d'une prévision déduite de la "théorie" (l'énoncé de l'ensemble des mécanismes),
(6) test expérimental de la prévision théorique,
et l'on boucle à l'infini, puisqu'une théorie est toujours insuffisante.
Cette description permet à la fois de comprendre que la science n'a pas de fin, mais, également, elle conduit à comprendre que n'importe quelle phrase théorique mérite une exploration.
A propos de la mayonnaise ? On a dit que les phospholipides du jaune d'oeuf étaient responsable de l'émulsification, c'est-à-dire de la dispersion de l'huile, en gouttelettes, dans l'eau apportée par le jaune (50 % du jaune) et par le vinaigre (jusqu'à 94 %).
Puis on a découvert que les protéines étaient plus importantes, au point que l'on peut faire une sauce émulsionnée sans jaune, mais avec seulement du blanc, lequel est fait de 90 % d'eau et de 10 % de protéines.
Que faire, maintenant ? Considérer des cas où cette description théorique est prise en défaut, comme par exemple quand une émulsion se déstabilise, parce que des solutés de l'huile migrent à la surface des gouttelettes d'huile, et en chassent les protéines.
Ou bien faire la chasse aux adjectifs (les protéines étaient plus "importantes") pour les remplacer par la réponse à la question "Combien ?".
Mais je m'aperçois que je vais bien trop vite, et qu'il y aurait lieu, de façon plus coordonnée -en vue d'aider nos jeunes amis-, de repartir de la question : soit un élève qui a décidé d'étudier la mayonnaise pour son TIPE ou son TPE ; que pourrait-il faire ?
Commencer par identifier un phénomène, donc.
La confection de la mayonnaise ? Un sujet bien trop vaste, puisqu'il y a beaucoup trop de phénomènes.
Analysons, en effet.
Supposons que nous partions d'un oeuf.
Nous le "clarifions" : la rupture de la coquille est un premier phénomène.
Puis nous séparons le jaune du blanc. Si le jaune, qui est "liquide", peut se séparer, c'est qu'il est pris dans une membrane, comme on s'en aperçoit en piquant un jaune avec une épingle, et en laissant couler doucement le jaune par le trou. Comment cette membrane se rompt-elle qvuand on "touille" le jaune dans le bol ?
Puis on ajoute du vinaigre au jaune : là, il est bon de savoir que le jaune est fait de "granules" (visibles au microscope optique) dispersés dans un plasma, de sorte que se pose la question de savoir comment le vinaigre et le jaune se mêlent. Le plasma est-il seulement dilué par le vinaigre ? Les granules sont-ils modifiés ?
Passons à l'ajout d'une goutte d'huile qui est battue par le fouet : comment une goutte au contact d'un fil du fouet se divise-t-elle ?
Et ainsi de suite : on voit que l'analyse de la sauce mayonnaise se divise en un nombre considérable de phénomènes... et que le sujet "la sauce mayonnaise" est bien trop vaste !
Autre écueil : vouloir faire de la recherche scientifique, lors de ces travaux de TPE ou de TIPE.
En effet, les élèves méconnaissent le fait que nos connaissances sont bien trop faibles, et qu'ils vont rapidement buter sur la limite des connaissances actuelles.
Par exemple, la division d'une goutte d'huile par le fil du fouet est un problème très difficile de physique des fluides. Or les textes officiels ne demandent pas aux élèves de faire de la recherche scientifique, mais seulement d'explorer les phénomènes. Ce serait déjà merveilleux, pour ce cas de division de la gouttelette, s'ils comprenaient la physique qui est mise en oeuvre pour décrire le phénomène.
Oui, on leur propose de faire une expérience à propos du phénomène exploré, mais certainement pas une expérience qui mette en oeuvre des faisceaux de neutrons, par exemple. A eux d'imaginer ou de reproduire des expériences qui sont à leur portée.
Par exemple, on pourrait très bien imaginer un petit dispositif qui mette en évidence l'effet de la vitesse de passage du fouet dans la goutte d'huile, avec une interprétation du phénomène prise à des publications scientifiques déjà publiées. Cette option aurait le mérite de conduire nos jeunes amis à travailler pour comprendre les publications, grâce à la formation qu'ils ont déjà.
Car c'est là un point important de ces travaux : on demande aux élèves de faire état des connaissances qu'ils ont reçues, de mettre en oeuvre toutes ces lois P = m.g, U = R. I dans des cas concrets. Répétons que le but n'est pas qu'ils produisent de la connaissance scientifique, même s'ils en sont en réalité capables.
On leur demande de faire un beau travail soigneux, intelligent, cohérent, organisé... Tout cela est dans les textes officiels : pourquoi se lancer sans les regarder d'abord ?
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
mercredi 24 janvier 2018
Je ne suis pas cuisinier !
- mon statut
- la cuisson dans les fours à micro-ondes.
La voici:
Pour notre TPE, nous avons décidé d'étudier l’action du four à micro-ondes sur les aliments. Cependant nous avons beaucoup de mal à trouver des informations pertinentes, alors nous avons pensé à nous adresser à vous étant donné que vous êtes physico-chimiste et en plus cuisiner.
En tant que cuisinier conseilleriez-vous ou non la cuisson au four à micro-onde, et pourquoi? Et en tant que physico-chimiste votre avis changerait-il? Pourriez vous également nous expliquez pourquoi nous ne pouvons obtenir une cuisson saignante après avoir cuit un rôti au four à micro-ondes? D’après nos recherches cela est dû au fait que la propagation de la chaleur se fait de l'intérieur vers l’extérieur mais certains parlent de la réaction de Maillard, cependant nous n’arrivons pas à comprendre cette réaction.
A propos de mon statut
Avant d'évoquer les micro-ondes, je prends la précaution d'indiquer que je ne suis pas cuisinier ! Bien sûr, je cuisine chaque jour, pour nourrir ma famille, et je prétends bien connaître les techniques culinaires, puisque je suis capable de battre le record mondial du plus gros volume de blanc en neige à partir d'un seul blanc d'oeuf (plus de 40 litres), mais c'est comme si je disais que je suis musicien parce que je joue en amateur d'un instrument : non, je ne suis pas "musicien" de mon état.
Surtout, on trouvera dans mon livre "La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique" (Editions Odile Jacob, Paris) l'explication : comme le dit le titre de ce livre, être cuisinier (professionnel), c'est maîtriser la technique, l'art (le "bon", c'est le beau à manger), et lien social qui sous tend l'acte de cuisiner (pour des clients).
Personnellement, je ne suis pas un artiste, et je ne suis pas certain d'être très bon pour ce qui est de l'amour, disons le lien social, moi qui ai le plaisir d'être seul devant mes équations, au laboratoire.
J'insiste un peu : mon métier n'est pas la cuisine, mais l'exploration physique et chimique des phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaires... et à ce titre la cuisson par les micro-ondes est intéressantes, car comment les ondes se propagent-elles ? Quelles réactions physiques ou chimiques engendrent-elles ? Et, surtout, des mécanismes inédits sont-ils à découvrir ? Voilà la gastronomie moléculaire posée.
Puis à propos de cuisson par les micro-ondes
Donc conseiller de cuisiner au four à micro-ondes ? La question me semble mal posée, et je propose de toujours demander d'abord : quel est l'objectif ?
Et puis, ce n'est pas vrai que l'on ne peut pas obtenir une viande saignante au four à micro-ondes, surtout depuis que ces fours sont équipés de résistances qui peuvent griller : il suffit de chauffer suffisamment peu.
Mais nous sommes allés trop vite, et cela vaut la peine de se demander pourquoi on cuit : pour l'assainir microbiologiquement, en tuant les micro-organismes de surface et les éventuels parasites intérieurs (porc, cheval...) ; pour changer la consistance (attendrir des carottes) ; pour donner du goût.
Pour les micro-ondes, il n'est pas vrai que la propagation de la chaleur se fait de l'intérieur vers l'extérieur : les micro-ondes sont des ondes qui traversent les tissus végétaux et animaux, et sont absorbées par l'eau qui constitue ces tissus, notamment. L'énergie est déposée partout.
Quant à la réaction de Maillard, on trouvera un texte de synthèse sur https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/n3af-2016-3-actes-de-colloques-maillard-products-and-maillard. On y verra que le nom "réactions de Maillard" est utilisé très abusivement, et qu'il doit être réservé à des réactions de brunissement non enzymatique entre des protéines et des sucres réducteurs (glucose, fructose, par exemple). Ce n'est qu'un exemple des réactions de brunissement des aliments, à côté d'oxydations, de déshydratations, de pyrolyse, de thermolyse, etc. Et il y en a, lors des cuissons au four à micro-ondes, même s'il y en a moins que dans des grillades.
Mais toute cette réponse ne vaut rien pour un TPE : il faudra que nos amis aillent en ligne, sans doute sur Google Scholar ou dans des manuels, pour avoir des réponses "attestées" par des références.
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)