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mardi 19 mars 2024

La cuisson des légumes et des fruits

 
Nous cuisons de la choucroute? des endives ? Comment nous y prendre ? 

 

Quand on regarde en ligne des recettes de cuisine, on reçoit des protocoles qui nous disent comment faire mais qui ne nous disent pas pourquoi faire comme ils le proposent. 

Et de fait, leurs indications sont  souvent illégitimes, ou prétentieuses, voire fausses. 

Je crois qu'il est  préférable de réfléchir un peu, et de commencer les recettes par une réflexion sur les objectifs et les moyens de les atteindre. 

Par exemple, la cuisson d'endives (pour des endives braisées au jambon par exemple) :  c'est un légume de fort diamètre, ce qui signifie qu'il faudra un temps notable pour que la chaleur parvienne jusqu'au centre et qu'elle ait quelque chance d'attendrir le tissu végétal.
Car c'est bien là l'objectif : dans la recette que nous visons, on ne mange pas une salade d'endives mais bien plutôt des endives braisées, cuites, attendries. 

Inversement, avec de la choucroute, le chou est déjà divisé en petits filaments, de sorte que cette fois, l'objectif est moins d'atteindre le cœur du tissu végétal que de l'attendrir. 

Et la comparaison de ces deux cuissons montre qu'il y a deux phénomènes essentiels dont il faut tenir compte très généralement pour la cuisson de légumes : 

- faire augmenter la température jusqu'au coeur du tissu, d'une part

-  et assurer son attendrissement d'autre part.


Pour le premier ; les cuissons par conduction sont lentes parce que les tissus végétaux sont faits essentiellement d'eau, qui n'est pas un bon conducteur de la chaleur. Mais on peut imaginer évidemment d'autres modes de cuisson où la chaleur ne sera pas communiquée par conduction, telle la cuisson dans un four à micro-ondes, où l'énergie est déposée dans tout l'ingrédient. 


D'autre part, il y a l'amollissement des tissus végétaux, et cela correspond cette fois à une réaction qui s'appelle beta élimination des pectines : car les tissus végétaux sont faits de cellules (de petits sacs emplis essentiellement d'eau), jointoyés par une sorte de ciment, la paroi cellulaire, qui est faite de sorte de pylônes indestructibles, les molécules de cellulose, réunis par des "câbles", à savoir les molécules de pectine. 

La dégradation par la chaleur des molécules de pectine, qui permettra ensuite la séparation des cellules, est une réaction chimique lente, et c'est la raison pour laquelle, si même la chaleur arrive rapidement dans la choucroute, il faut un certain temps de cuisson pour que cette dégradation de la paroi cellulaire ait lieu.

Combien de temps faudra-t-il ? La réponse dépend à la fois du type de tissu cellulaire et de notre goût. Il y a des tissus plus durs que d'autres, pour lesquelles une cuisson doit être prolongée (comparons du coing, d'une part, et de tendres petits pois, d'autre part) et il y a notre goût qui veut des légumes plus ou moins tendres.

lundi 19 février 2024

Température de cuisson des financiers et des gâteaux

Une question : 

Lors d'un de mes cours en pâtisserie nous devions réaliser des financiers et autres cakes lorsqu'un de mes apprentis me posa une "colle" : quelle est la température à laquelle le cake est il cuit ? Je lui demandais pourquoi il cherchait une température précise, il me répondit que c'était pour limiter l'évaporation de l'eau et donc d'optimiser le moelleux. D'où mes questions : quelle est la température idéale pour la cuisson à coeur d'un cake, peut on cuire un cake façon "basse température" ? Est il préférable de cuire un cake : 40 minutes à 175 ° ou à 140 pendant 1 heures par exemple ? Après cuisson quel est l'attitude la mieux adaptée: mettre le cake sur grille (sorte de ressuage) mais perte d'eau, ou mettre directement les cake en cellule de refroidissement afin de limiter l'évaporation ?

 

 Je propose la réponse suivante : 

 

Un cake, c'est : 

- de l'oeuf 

- de la farine 

- du beurre 

- du sucre. 

Le sucre, tout d'abord, reste stable environ jusqu'à 140 degrés, après quoi il caramélise. 

Le beurre, ensuite, finit de fondre vers 55 degrés, et, ensuite, ses protéines peuvent se dégrader, quand la température augmente considérablement (pensons au beurre noisette). 

La farine est faite de grains d'amidon, qui évoluent quand ils sont chauffés en présence d'eau. D'abord, de l'eau est absorbée entre les espaces amorphes des grains, ce qui conduit à un gonflement. Puis l'eau entre dans les zones où l'amylopectine est concentrée. Les molécules d'amylose passent alors en solution ; la fraction cristalline diminue jusqu'à ce que les grains perdent leur biréfringence en lumière polarisée. Enfin les molécules d'amylose sont relâchées dans l'eau environnante. Au total, selon la nature des amidons, la température de gélatinisation est comprise entre 55 et 85 degrés, ce qui signifie, en pratique, que la température de 85 degrés est la température maximale à considérer, du point de vue qui nous intéresse. 

Pour l'oeuf, enfin, il y a des températures de coagulation différentes, entre 61 et 100 degrés : plus la température est élevée, plus la coagulation est "ferme" (parce que le nombre de protéines qui ont coagulé est alors maximum). 

De ce fait, on pourrait considérer qu'une température de 85 degrés serait parfaite pour conserver du moelleux... mais la petite croûte de surface ? Et puis, si l'on veut limiter l'évaporation de l'eau, pourquoi ne pas ajouter de l'eau avant la cuisson, pour que l'évaporation en laisse autant que l'on veut ? En tout cas, il faut effectivement considérer les temps : dans ce qui précède, j'ai considéré que les températures indiquées étaient les températures à coeur... et l'on pourrait imaginer de cuire plusieurs heures à 85 degrés (par exemple), avec un coup de chalumeau (pas de flamme qui dépose des benzopyrènes cancérogènes : privilégiez un pistolet décape peinture) pour faire la croûte brune (quelques réactions de Maillard, mais surtout de la pyrolyse et de la caramélisation, sans compter les diverses oxydations, déshydratation intramoléculaires, hydrolyses...) et croustillante.

dimanche 18 février 2024

Le parallèle entre le règne animal et le règne végétal peut-il nous aider à cuisiner ?



 Les ressemblances -et les différences- physico-chimiques des règnes animal et végétal sont fascinantes, surtout quand on se souvient qu'elles résultent de la longue évolution qui a conduit à ces deux règnes du vivant. 

Les ressemblances ? Dans le sang, par exemple, nous avons des pigments nommés hémoglobine, dont le centre est un groupe « hème ».
Pour les végétaux, de même, les chlorophylles sont des pigments dont le coeur est un noyau tétrapyrrolique, tout à fait apparenté au groupe hème. 

La ressemblance étant établie, les différences peuvent s'étudier, et notamment le fait que l'atome de fer des animaux corresponde à l'atome de magnésium des végétaux. Pourquoi l'un ? Pourquoi l'autre ? En tout cas, ils conduisent tous les deux à l'apparition d'une couleur brune, quand les tissus des deux sortes sont cuits ! 

Autre exemple : celui du matériau qui entoure les cellules vivantes. Pour les animaux, c'est le tissu collagénique qui, comme son nom l'indique, est fait d'une protéine nommée collagène. Pour les végétaux, la membrane est entourée par la paroi cellulaire, laquelle est faite de molécules de celluloses et de pectines. Quoi de commun ? La cuisine rapproche les deux tissus, de ce point de vue, car la cuisson des végétaux, tout comme celle des viandes, conduit à un attendrissage.
Dans le premier cas, les pectines sont dégradées par une réaction nommée « bêta élimination », qui n'est en réalité qu'une hydrolyse, et, dans le second cas, ce sont les protéines qui sont dissociées, également par une hydrolyse. D'ailleurs, cette cuisson conduit à des gels dans les deux cas… quand on s'y prend bien. Lors de la cuisson d'une confiture, si l'on extrait les pectines sans trop les dégrader, elles forment ensuite les gelées ou les confitures.
Pour la cuisson des viandes, aussi, on obtient des protéines (qui prennent alors le nom de gélatines), qui, si l'on s'y prend bien, forment un gel, au refroidissement. Dans les deux cas, la cuisson prolongée ne permet plus la formation du gel, parce que la dégradation des « polymères » que sont les pectines ou la gélatine a été excessive. La cuisine peut-elle gagner à poursuivre le parallèle ?

jeudi 2 novembre 2023

La cuisson des pâtes

 
Cuire des pâtes ? La chose est si commune que l'on en oublie de s'interroger sur les mécanismes de la transformation. 

 

Ceux-là semblent tout simples : par exemple, pour un spaghetti, on part d'une tige cassante, on la met dans l'eau bouillante, et l'on obtient un spaghetti flexible qui, si l'on poursuit la cuisson, finit par se désagréger. 

 

Pourquoi cette transformation étonnante, au fond ? 

 

Pour comprendre le mécanisme du phénomène, il est bon de s'interroger sur la fabrication des spaghetti : on obtient de ces derniers en poussant un mélange de farine et d'eau dans une filière. 

Pas n'importe quelle farine toutefois : il s'agit de farine de blé dur, laquelle contient une quantité notable de protéines susceptibles de former un réseau, ce que l'on nomme le gluten (un terme bien périmé : il fut introduit au XVIIIe siècle, quand on n'avait pas encore la notion de protéines), entre lesquels les grains de l'amidon sont dispersés. L'amidon est une matière qui est très majoritairement composée de deux composés : l'amylose et l'amylopectine, dont les molécules sont, dans les deux cas, des enchaînements de résidus de glucose, mais avec une différence, à savoir que ces résidus sont enchaînés linéairement, comme une chaîne, pour l'amylose, alors qu'ils forment des sortes d'arbres dans le cas de l'amylopectine. Dans l'amidon, il y a d'autres composés : en surface des grains, par exemple, il y a des quantités faibles, mais non nulles, de composés variés, tels les phospholipides ; et puis, il y a aussi une foule de composés qui proviennent de la dégradation des grains de blé lors de la mouture... mais restons au premier ordre. 

Finalement, un spaghetti, c'est un groupe de grains enchâssés dans un réseau protéique, de gluten. Pour des nouilles, à l' alsacienne, des pâtes aux œufs, la structure est analogue, puisque ces pâtes, absolument merveilleuses et dont le goût est sans doute supérieur (;-)... mais il est vrai qu'il y a le goût du jaune, qui n'est pas présent dans les spaghetti) à celui des spaghettis, s' obtiennent par mélange de farine, d'eau et d'oeuf. 

L'oeuf apporte des protéines qui, à la cuisson, coaguleront, formant une sorte de filet, un réseau, fonctionnellement analogue au gluten. La farine apporte toujours les grains d' amidon, et l'eau, qui s'immisce entre les grains par capillarité, permet un liant qui joue son rôle tant que le réseau protéique n'est pas constitué, en début de cuisson. 

 

Considérons donc maintenant un échantillon de pâte, spaghetti ou nouille à l'alsacienne, que nous plongeons dans l'eau bouillante. Si cet échantillon est un échantillon de nouille, la température élevée de l'eau, qui devient immédiatement celle de la surface de l’échantillon conduit à la coagulation des protéines. 

Un réseau se forme ; il empêche la dégradation de l'ensemble. Puis, progressivement, quand la température augmente dans l'échantillon, en même temps que l'eau diffuse dans ce dernier, les grains d'amidon s’empèsent progressivement, à savoir qu'ils perdent des molécules d'amylose, dans l'eau entre les grains, tandis que des molécules d'eau s’immiscent dans les grains et les font gonfler. 

Simultanément les protéines coagulent à des profondeurs croissantes de l'échantillon, quand la température s’élève. 

Finalement, on obtient un ensemble de grains gonflés enchâssé dans le réseau protéique coagulé. 

 

Quand les spaghettis sont-ils cuits ? 

 

La "dimension" des spaghettis est égale à 1 quand ils sont crus : il suffit d'un nombre pour déterminer la position d'un point sur le spaghetti à partir d'une extrémité. 

Puis, au cours de la cuisson, la « dimension fractale » augmente. Par exemple, si on laisse tomber un spaghetti dans une assiette, et si l'on trace ensuite une grille n x n sur l'image, on compte le nombre N de carrés contenant une partie de l'image du spaghetti, et l'on calcule F=2 log(N)/log(n.n) ; enfin on cherche la limite de F pour n tendant vers l'infini (en pratique, on fait varier n de 2 à 10 et l'on estime la limite). Quand on reporte cette dimension en fonction du temps de cuisson, on voit qu'elle croit linéairement avec le temps , mais avec deux régimes : de 0 à 12 minutes, la croissance est rapide ; puis la croissance diminue. Or 12 minutes correspond à un temps de cuisson « raisonnable ». 

N'est-ce pas que la cuisine est une activité merveilleuse ?

vendredi 22 septembre 2023

La cuisson des épinards.

 Passons rapidement sur les questions d'enfants, les « je n'aime pas les épinards », et consacrons-nous plutôt à cette recette d'épinards effleurée par Jean Antelme Brillat-Savarin, à propos d'un certain « chanoine Chevrier ». 

 

Brillat-Savarin, qui était juriste et gastronome, et non scientifique, a recueilli des anecdotes, et il les a propagées quand elles étaient suffisamment gourmandes, sans se préoccuper de la véracité des faits. 

Dans celle qui est relative au chanoine Chevrier, il est dit que ce dernier ne mangeait les épinards que lorsqu'ils avaient été cuits plusieurs jours de suite dans du beurre, et Brillat-Savarin laisse entendre que les épinards se sont gonflés de beurre. 

 

C'est séduisant, mais est-ce juste ? 

 

Les épinards sont des tissus végétaux, faits de cellules solidarisées par une paroi végétale, une sorte de ciment. Les cellules sont comme de petits sacs principalement constitués d'eau. 

Quand on cuit les épinards, le tissu végétal est amolli, parce que les molécules de pectines (le ciment) sont dégradées. On voit un peu d'eau sortir des feuilles, et, évidemment, il n'a pas de variation totale de masse, car rien ne se perd, rien ne se crée. Si l'on cuit les épinards dans du beurre, on voit ce dernier perdre environ un cinquième de sa masse, car le beurre est composé environ de 80 % de matière grasse et de 20 % d'eau (la proportion maximale d'eau est précisément définie par la loi, afin que l'on évite de vendre du beurre alourdi avec de l'eau). 

Cuire les épinards dans du beurre, c'est à la fois fondre le beurre, amollir les feuilles, évaporer de l'eau apportée par le beurre et par les feuilles. 

Finalement, la matière grasse liquide se placera entre les feuilles par capillarité, et le fait que les feuilles soient très minces conduit à une bonne possibilité de migration de la matière grasse : on obtient une sorte de mille feuilles épinard/beurre/épinard/beurre... Toutefois, après une certaine quantité de beurre, on en vient à produire une dispersion des épinards dans du beurre, ce qui n'est guère appétissant : du beurre aux épinards. Certes, la cuisson renouvelée du beurre conduit à améliorer le beurre noisette qui se forme progressivement. Et l'on sait combien le beurre noisette est bon ! Autrement dit, les épinards deviendraient l'excuse pour manger un merveilleux beurre noisette ! 

Ce qui doit m'inciter à vous dire que mon ami Pierre Gagnaire, quand il prépare du beurre noisette, ajoute périodiquement de l'eau (plus justement du jus de citron, d'orange...) afin de ralentir, de commander le brunissement de la matière grasse, qui ne doit jamais charbonner. 

Les procédés de confection du beurre noisette sont très mal connus du point de vue chimique, et il y aurait intérêt public à une exploration scientifique poussée, mais, en attendant, s'il est clair que les épinards recuits dans le beurre prennent un goût différent, il n'est pas moins vrai que cuire sept fois les épinards n'a aucun intérêt, et relève plus du fantasme gourmand que d'un bon principe technique. Cela est une probabilité, et non une certitude, de sorte que j'invite mes amis à cuire les épinards une fois, deux fois, trois fois... et à les comparer. Que se passera-t-il si l'on montre que Brillat-Savarin a simplement fait rêver ? 

D'une part, la connaissance des mécanismes par lesquels la lune brille n'amoindrit pas la poésie du clair de lune. D'autre part, on sera fixé sur les conditions de la cuisson correcte des épinards, ce qui permettra d'en préparer de meilleurs pour nos amis. Enfin, je peux témoigner que, croyant pour l'instant que l’anecdote de Brillat-Savarin est pure invention, mon état d'esprit ne m'empêche ni d'admirer l'oeuvre de Brillat-Savarin ni de rêver à des épinards délicieusement cuits.

jeudi 21 septembre 2023

On a enseigné des choses fausses pendant au moins un siècle !

 
Depuis au moins 1901 (j'ai une trace écrite), on enseigne une théorie de la cuisson qui est la suivante : il y aurait une cuisson par « concentration », pour le rôti, par exemple, et une cuisson par « expansion » pour les viandes bouillies, par exemple. Et puis il y aurait une cuisson mixte. 

 

Que penser de tout cela ? 

 

Commençons par examiner la cuisson dite par « concentration ». Les manuels de cuisine, jusqu'à une époque extrêmement récente, comportaient un schéma où l'on voyait des flèches vers l'intérieur, mais que représentaient-elles ? La chaleur ? Si c'était le cas, les schémas de tous les types de cuisson auraient dû tous comporter des flèches vers l'intérieur, pour les rôtis comme pour les bouillons. En réalité, les livres de cuisine disaient que ces flèches représentaient le jus et le goût. Le jus ? Ce n'est pas possible, car la viande est faite de matières solides et de matières liquides, toutes deux incompressibles ; de ce fait, le jus ne peut pas affluer à coeur, car le jus est majoritairement fait d'eau, qui n'est pas compressible. La preuve que l'eau n'est pas compressible ? Elle est dans tous les garages automobiles du monde : on soulèves les voitures sur le pont à l'aide d'un vérin hydraulique ! Et puis, si nous pesons un rôti avant et après cuisson, nous voyons qu'il perd du jus, de sorte que les flèches qui auraient représenté le jus auraient du être vers l'extérieur, et non vers l'intérieur. Le goût ? Si l'on coupe la partie externe de la viande, on voit qu'il n'y a pas de goût cuit à l'intérieur, et que seule la croûte prend du goût lors de la cuissons. Conclusion: puisqu'il n'y a aucune concentration dans cette cuisson fautivement dite « par concentration », il faut abandonner cette dénomination fautive. 

Pour la cuisson anciennement dite par « expansion », il en va de même. Dans ce cas, les flèches qui étaient représentées vers l'extérieur pouvaient effectivement représenter les jus, mais certainement pas la viande, car cette dernière se contracte, comme on s'en aperçoit facilement lorsqu'on fait l'expérience. Autrement dit, il n'y a pas d'expansion dans la cuisson qui était fautivement dite « par expansion ». 

Quant à la cuisson mixte, c'est un affreux salmigondis. 

Je suis heureux de vous dire que cette théorie fausse a été supprimée, mais je suis bien malheureux de dire aussi que quelques professeurs continuent de l'enseigner et quelques professionnels continuent de la réclamer, à l'examen, alors que les indications de l'Education nationale excluent clairement un tel enseignement. Les théories fausses ne meurent pas, mais ceux qui les soutiennent disparaissent. Il suffit d'attendre. Militons quand même !

mercredi 20 septembre 2023

La cuisine pour commencer : les haricots verts


Quelle difficulté pourrait-il y avoir à cuire des haricots verts ? Je continue à discuter les pratiques culinaires pour celles et ceux qui n'en ont aucune idée, qui n'ont jamais cuisiné de leur vie, et je viens de voir une assiette de haricots verts qui m'inspire.

La question donc, c'est de cuire des haricots verts.

La pratique la plus courante consiste à prendre une casserole, à y mettre de l'eau, du sel puis les haricots. On cuit pendant un certain temps et quand les haricots sont considérés comme cuits, on les sort et on les sert.

Cette simple description est en réalité bien insuffisante, car il y a d'abord la question de savoir si l'on doit préparer les haricots. En fin de saison, quand on se casse les extrémités, il y a des fils qui apparaissent et quand on mange les haricots qui n'ont pas été effilées, alors on sent les fils dans les dents et c'est désagréable : il faut donc effiler. D'autre part, une des extrémités des haricots, celle qui est près de la tige, est dure, et elle ne s'amollit pas à la cuisson, de sorte qu'on aura à l'intérêt intérêt à la supprimer : en la pinçant entre le pouce et l'index, on en profite pour tirer un fil éventuel.
On voit donc qu'il y a lieu de préparer les haricots. Mais sur l'autre extrémité, pointue, il y a lieu de s'interroger car si les Français la suppriment, les Canadiens ne l'enlèvent pas.  Que faut-il faire ?

Puis vient la mise des haricots dans la casserole. Faut-il mettre à l'eau froide ou à l'eau bouillante ? La question est important, car les végétaux mis dans l'eau tiède durcissent et parfois durcissent irrémédiablement. On aura donc intérêt à faire bouillir l'eau avant de mettre les haricots.

La quantité de sel  dans l'eau ? Certains cuisiniers ont prétendu qu'on peut en mettre autant qu'on veut et que jamais les haricots ne seraient trop salés.
Toutefois lors d'un séminaire de gastronomie moléculaire, nous avons fait l'expérience, laquelle a montré que les haricots verts étaient bien trop salés quand on avait mis  beaucoup de sel dans l'eau de cuisson.

Un couvercle ou pas sur la casserole  ?
Il a été enseigné que l'ajout d'un couvercle aurait conduit au brunissement des haricots, qui auraient ainsi perdu leur belle couleur verte, mais là encore, des expériences comparatives ont montré que ce n'était pas vrai.
Personnellement je mets donc un couvercle afin de consommer moins d'énergie et je le soulève de temps en temps pour aller sentir et goûter : l'odeur des haricots crus disparaît progressivement pour laisser place à une odeur cuite qui correspond aussi à une différence de consistance.

Un mot aussi sur le choix de l'eau  : certaines eaux très calcaires ne permettent pas aux légumes de cuire rapidement et cela a un inconvénient, qui est que les chlorophylles des haricots se dégradent avec la chaleur et avec le temps.

On aurait donc intérêt à cuire le moins longtemps possible, et c'est pour cette raison qu'une pincée de bicarbonate  peut faire merveille : le calcium qui est précipité par cet ajout n'est plus là pour durcir le tissu végétal en se liant aux molécule de pectine.
Ainsi, avec une cuisson raccourcie, la couleur est mieux préservée, et l'on a une couleur plus printanière.

On évitera aussi les acides, qui font terriblement brunir...  mais il en va des goûts comme des couleurs : on les discute pas et je connais des amis qui aiment les haricots très cuits, d'autres qui les aiment moins cuits, certains qui aiment les haricots très verts, d'autres qui les préfèrent un peu brunis et ainsi de suite. Tous les goûts sont dans la nature et je n'ai pas à juger, mais seulement à donner les informations nécessaires pour la sélection des produits et procédés qui donneront le résultat que l'on vise.

vendredi 15 septembre 2023

Le repos des pâtes et la cuisson

 

Un correspondant me dit :
"il se partage souvent que le repos au froid est benefique pour la cuisson"[sic].

Et là je n'en sais vraiment rien. Il va falloir que nous organisions un séminaire en divisant une pâte en deux et en faisant reposer la moitié au froid tandis que l'autre restera à température ambiante. Nous cuirons ensuite les deux pâtes ensemble et nous organiserons un test sensoriel en aveugle pour savoir si les juré perçoivent une différence.

mercredi 13 septembre 2023

Pas de cautérisation pour les viandes sautées

 
De nombreux livres de cuisine indiquent que l'on doit saisir les viandes sautées afin de cautériser la chair, d'empêcher le jus de sortir. Que penser de cette prescription ? 

 

Faisons l'expérience de poser un steak dans une poêle très chaude, et observons : nous entendons du bruit, nous voyons des bulles à la base du steak, et nous voyons aussi une fumée s'élever.
Si nous mettons un verre froid dans la fumée, nous le voyons se couvrir de buée, ce qui montre que de l'eau s'évapore de la viande... ce qui est bien naturel, puisque l'on chauffe de la viande, laquelle est faite de 60 pour cent de protéines et de 40 pour cent d'eau. 

Disposant de cette première observation, nous pouvons maintenant comparer deux poêles où cuisent deux moitiés d'un même steak, l'une chauffée doucement et l'autre chauffée très fort.
Dans les deux cas, il y a de la fumée. Autrement dit, que l'on chauffe doucement ou énergiquement, de l'eau s'évapore ; autrement dit, si par hasard il y avait cautérisation, cette dernière ne préviendrait pas efficacement la sortie du jus ! D'ailleurs, prenons un steak sauté vivement et posons-le dans une assiette : rapidement, la viande surmonte une flaque de jus, preuve que la cautérisation ne prévient pas la sortie du jus. 

Pourquoi cette prescription, alors ? Parce que si l'on cuit lentement une viande, un thermocouple que l'on placera sous la viande, au contact de la poêle, montrera une température constante de 100° : c'est l'indication que le débit de sortie du jus de viande est supérieur à la vitesse l'évaporation du jus.
En revanche, si nous sautons très vivement la viande, nous pouvons observer que la température sous le steak argumente considérablement, atteignant 180, 200, 250°, signe qu'il n'y a plus d'eau liquide et que, contrairement au cas précédent, on n'est pas en train de faire bouillir la viande.
De ce fait, les réactions chimiques responsables de la formation de composés sapides, odorants, colorés ont lieu, et la surface de la viande prend un goût bien particulier. Comment rendre cela quantitatif ? Bien sur, il y a eu la mesure de la température sous la viande, mais pourrions-nous faire un modèle ? Nous pourrions vouloir calculer l'épaisseur de la croûte. A cette fin, il faudrait déterminer la puissance transmise à la viande, ce qui pourrait se faire en remplaçant la viande par une petite coupelle pleine d'eau. En mesurant la température de l'eau, on pourrait suivre l'échauffement, et déterminer la puissance de chauffage. Puis, de ce fait, on pourrait calculer l'épaisseur de la croûte formée. 

Et c'est alors le début d'une longue histoire, celle d'une exploration scientifique de la cuisson des viandes.

dimanche 10 septembre 2023

La cuisson du poisson

Mon goût quasi immodéré pour le poisson aurait dû depuis longtemps me faire aborder ce sujet. Pourtant, je ne sais pas vraiment pourquoi, je tourne toujours autour de la question des œufs, des légumes et des viandes, comme prototype d'explication de la cuisson. 

Du point de vue de la pédagogie, de l'explication, il est bon de situer l'étendue des variations entre le blanc d'oeuf et la viande. Le blanc d'oeuf, c'est le système le plus simple, puisqu'il est composé de 90 pour cent d'eau, de 10 pour cent de protéines, avec une structure réduite au minimum.
A l'opposé, la viande la plus dure est faite de fibres, à l'intérieur desquelles se trouve une matière analogue au blanc d'oeuf (pour l'explication, tout du moins), fibres dont l'enveloppe est un tissu collagénique, et qui sont réunies en faisceaux par du tissu collagénique.
Autrement dit, dans la viande, il y a deux composantes : du blanc d'oeuf et du tissu collagénique. 

Le poisson est intermédiaire, car c'est du tissu musculaire, comme la viande, mais la quantité de tissu collagénique est faible. Autrement dit, il y a une structure qui s'apparente à du blanc d'oeuf fibreux, ou, plus exactement, du blanc d'oeuf intégré dans des fibres. Lors de la cuisson du poisson, il y a donc la coagulation de l'intérieur des fibres, et la séparation de ces dernières, séparation facile puisque le tissu collagénique est en faible quantité.
En conséquence, la cuisson durcira le poisson, plutôt qu'elle ne l'attendrira dans le cas des viandes dures. Le durcissement sera dû à la coagulation de l'intérieur des fbires, et l'on comprend qu'on n'aura guère intérêt à beaucoup prolonger la cuisson... à cela près que les voies artistiques sont impénétrables. 

 

Contrairement aux viandes, la chair du poisson n'est pas bien rouge, mais il demeure vrai que la chair peut perdre sa transparence par le même type de mécanismes que dans la viande. La cuisson basse température pour le poisson ? Si l'on entend par « cuisson basse température » une cuisson à basse température de longue durée, généralement appliquée aux viandes en vue de dissoudre le collagène, ce procédé n'a guère d'intérêt. En revanche, si l'on entend la maîtrise de la température de cuisson appliquée à l'ensemble de la pièce en vue de commander une consistance particulière, alors les mêmes remarques que pour l'oeuf s'appliquent, et c'est ainsi que l'on envisagera des cuissons à 6X degrés, abréviation qui signifie 61, 62, 63, 64, etc. 

J'ai donc eu tort de négliger la cuisson du poisson, car, comme pour les œufs, une grande variété de résultats est accessible. Comme quoi il n'est pas bon de confondre communication et contenu. j''ai souvent utilisé l'oeuf comme support de communication, afin d'expliquer les transformations moléculaires qui survenaient lors du chauffage d'un mélange d'eau et de protéines, mais le contenu, c' est autre chose : il s'agit d'obtenir des résultats particuliers. 

Mea culpa, cet exemple me montre que je dois maintenant examiner plus en détail de nombreux sujets que j'ai négligés par le passé, et y mettre un peu d'intelligence, afin de partager avec mes amis des contenus qui en valent la peine.

mardi 5 septembre 2023

L'eau étant l'ingrédient principal des aliments, il est naturel que la cuisson s'accompagne de son évaporation et cela a des conséquences.

 

Commençons par observer que l'eau fait l'essentiel des aliments : une laitue, c'est 99 % d'eau, une tomate c'est 95 %, une pomme ou une carotte c'est environ 80 %, une viande ou un poisson, c'est 70 %...

Bref les aliments sont surtout faits d'eau, et nous-même, également, étant faits de chair et d'os, comme la viande, sommes essentiellement faits d'eau : environ 70 %, avec 20 % de protéines et 10 % de matière grasse.
Voilà pourquoi, pour entretenir notre organisme, nous avons besoin d'eau, de protéines, de matière grasse et du reste.

Mais revenons à la cuisine. Quand on chauffe un corps, il n'est pas difficile de comprendre que ce corps s'échauffe, pour des raisons que nous ne considérons pas aujourd'hui.
Pensons simplement à une casserole : la température de l'eau est initialement à 20 degrés et nous la chauffons. Nous voyons la température augmenter régulièrement, avec une légère évaporation visible à une fumée légère. Quand la température de l'eau atteint 100 degrés, l'eau se met à bouillir.

Le passage de l'eau liquide à la vapeur d'eau à de quoi étonner : un gramme d'eau liquide se transforme en environ un litre et demi de vapeur !

Et voici pourquoi nos cakes, dans des moules rectangulaires, se fendent à la cuisson, avec une fissure dans le sens de la longueur du moule : l'eau qui s'évapore doit sortir du cake et elle fissure la croûte qui s'est formé.

La croûte ?
C'est de l'eau qui s'est évaporée. Considérons une pâte avec  de l'eau et de la farine :  si l'eau s'évapore, il ne reste donc que la farine et c'est cela qui fait une croûte.
Ce même phénomène s'observe à la surface des frites  : l'eau de la surface est évaporé par la chaleur communiquée par l'huile très chaude, de sorte que l'extérieur de la pomme de terre se met à croûter. Vous faites cuire du boudin, de l'andouillette ? Si vous le mettez à four très chaud, l'eau de la peau va s'évaporer et il restera donc un résidu solide, c'est-à-dire une croûte, croustillante.
Et pour la pâte feuilletée : le croustillant résulte de l'évaporation de l'eau par tous les feuillets.

D'autres cas où l'eau se manifeste ? Le soufflé, par exemple, qui gonfle parce que l'eau qui est présente dans la préparation s'évapore ; et quand elle s'évapore par le fond qui est chauffé, alors la vapeur qui prend beaucoup de volume pousse les couches vers le haut.
Ou encore, quand nous cuisons des crêpes, après que la pâte ce soit solidifier, l'eau évaporée au contact de la poêle ou du bilic pousse la crêpe vers le haut quand elle s'évapore, d'où ses cloques... et une irrégularité de la cuisson, visible à des zones circulaires moins brunes que d'autres.

Quand on fait un poêlage (dans un poêlon), un ragoût, un pot au feu, là, le phénomène est différent : c'est la perte d'odeur par ce que les chimistes nomment entraînement à la vapeur d'eau. Les molécules odorantes sont ainsi évacuées par la vapeur, phénomène  par lequel les industriels de la parfumerie extraient des composés odorants des plantes.


Reprenons maintenant l'ensemble des procédés culinaires.

Il y a les cuissons par contact avec un solide tel les sautés, et là l'eau qui s'évapore au contact de l'instrument de cuisson, le solide, forme une croûte.
Il y a la cuisson par contact avec un liquide chaud qui peut donc être de l'huile ou de l'eau. Pour l'huile,  il y a notamment les friture, qui forme les croûtes. Pour l'eau, nous en avons parlé aussi  : il y  l'entraînement à la vapeur d'eau... si l'on n'a pas mis de couvercle.
Par contact avec un gaz chaud, c'est notamment le rôtissage, et, cette fois, encore c'est l'eau de la surface qui est évaporé e la chaleur communiquée par le gaz chaud.
Il y a cuisson par  des rayonnements infrarouges et c'est par exemple le rôtissage des rôtisseurs :  l'aliment est chauffé par des rayonnements infrarouges et non pas par les gaz  (pensons aux poulets qui rôtissent sur ces rôtissoire verticales des charcutiers dans la rue). Là encore, c'est du croûtage de surface quand l'eau s'évapore.
Enfin il y a les micro-ondes qui sont un peu différentes et cette fois la masse de l'aliment peut coaguler sans que l'eau s'évapore d'autant plus que le procédé est très rapide. Là il y a un phénomène donc différent et les micro-ondes sont notoirement connu pour ne pas former de croûte.

Et voilà l'essentiel des procédés de cuisson : n'oublions pas les transformations de l'eau.

vendredi 4 août 2023

Des questions de daube.

 
C'est de la daube. » Le mot « daube » est souvent utilisé pour désigner de mauvais produits, alors que la cuisson à l'étouffée peut devenir une extraordinaire opération culinaire, à condition d'être bien comprise. 

 

Comme souvent, c'est le pire qui est éclairant : ici, le pire consiste à mettre de la viande et de l'eau dans un récipient fermé et à chauffer très fort, et peu de temps. Avec cette manière, on obtient une viande bouillie et dure, un liquide bien triste, bref un désastre.

Analysons : on comprend d'abord que le liquide ajouté ne doit certainement pas être de l'eau pure, et, d'ailleurs, dans le passé, il s'agissait plutôt de vin rouge. Evidemment, il y a vin et vin... mais c'est une question de goût, souvent, et ne voulant pas empiéter sur vos choix esthétiques, je vous laisse décider lequel vous utiliserez. Cela dit, le vin n'est pas suffisant, et il vaut mieux lui ajouter nombre d'ingrédients qui corseront l'affaire, tels l'ail, le laurier... 

Le cas du liquide étant considéré, passons à la viande : si c'est une viande un peu dure, à braiser, il faudra la braiser, en quelque sorte. Même si la cuisson à l'étouffée n'est pas exactement un braisage, il y a lieu de reprendre les mêmes idées, à savoir que la cuisson à basse température (entre 60 et 100 degrés) permet l'attendrissement de la viande quand la cuisson est prolongée, parce que, alors, le tissu collagénique qui fait les viandes dures se désagrège, libérant des acides aminés sapides, qui donnent beaucoup de saveurs au plat. 

Autrement dit, il faudra cuire non pas la viande complètement immergée dans le liquide mais juste les pieds dans l'eau, et cuire longuement, à basse température. 

Reste la question du « pot » que l'on utilise pour cette cuisson. Les cuisiniers savent bien que la réduction donne souvent de bons résultats, en termes gustatifs, parce que, alors, les concentrations en composés sapides et odorants, notamment, sont augmentées. Or, dans un récipient parfaitement hermétique, la réduction n'aurait pas lieu. En revanche, dans un pot en terre pas très bien fermé, il y aura juste la bonne réduction, correspondant à une cuisson très longue. Et c'est ainsi que l'on récupérera une sauce courte, avec beaucoup de goût. 

Comment faire si la sauce est trop longue en fin de cuisson ? Pas de drame : versons la sauce dans une autre casserole et terminons la réduction sur feu vif. D'ailleurs, il y aurait lieu de poursuivre les expériences pour savoir si les réductions à feu vif ou à feu lent donnent des résultats différents : malgré des annotations de certains cuisiniers, tel Jules Gouffé, les résultats à ce jour manquent de certitude. 

Un mot pour terminer au cas où vous utiliseriez de l'eau pour votre daube, plutôt que du vin rouge. Des expériences sur l'influence de la qualité de l'eau sur la confection du bouillon de viande ont montré que les résultats étaient gustativement différents. Autrement dit, quand on parle d'eau, et puisque cette eau n'est jamais pure, mais chargée de sels minéraux sapides, il vaut mieux bien la choisir.

vendredi 23 juin 2023

Cuire des légumes en milieu acide

  "On dit" qu'il ne faut pas cuire des légumes dans une eau acidifiée... Vrai ou faux ?
 
 Dans un tel cas, j'aurais tendance à ne pas répondre, mais à vous inviter à expérimenter.
 Par exemple, vous pourriez prendre trois casseroles, et y mettre de l'eau pure pour l'une, de l'eau acidifiée avec du vinaigre cristal pour la deuxième, et de l'eau avec du bicarbonate de sodium, ou de la soude, pour le troisième (ne pas goûter la troisième !!!!!!!!!). Puis vous ajoutez des lentilles, ou des carottes, et vous portez l'eau à ébullition, pendant un certain temps.
 Le résultat ? Des amis internautes m'ayant reproché de questionner au lieu de répondre aux questions, je vous donne le résultat : pour certaines conditions expérimentales (vous voyez comme je suis prudent), les lentilles ou les carottes cuites dans du vinaigre sont comme des cailloux, alors que les végétaux cuits dans le bicarbonate ou la soude sont complètement défaits. En effet, je propose d'imaginer que le tissu végétal est fait de petits sacs, qui sont tenus par les molécules de pectines. Les cellules sont solidaires de cellulose (pensez à de gros piliers inaltérables), et les pectines sont comme des cordes enroulées entre les divers piliers, ce qui lient les cellules entre elles, et fait les matériaux durs.
 Quand on cuit en milieu basique (le bicarbonate, la soude), les pectines sont chargées électriquement, et elles se détachent les unes des autres, notamment, d'où l'amollissement.
 En revanche, en milieu acide, on a un effet inverse.
 
 Et avec des viandes ? Avec des viandes, vous pouvez également faire l'expérience, et vous verriez un effet bien différent... mais il est vrai que toute l'explication précédente ne tient alors plus : pas de pectine dans les viandes ! Là les fibres musculaires, qui sont les cellules des viandes, sont jointoyées par du tissu conjonctif, lequel est fait de protéines. Or les protéines sont hydrolysées en milieu acide. Michael Faraday, le grand physico-chimiste, avait donc raison : ne pas généraliser hâtivement !

samedi 6 mai 2023

Risotto, riz au lait...

 Risotto, riz au lait... Voilà des préparations qui font usage de riz et pour lesquelles on souhaite une consistance un peu crémeuse. 

Le riz étant constitué essentiellement d'amidon, la consistance crémeuse n'est pas difficile à obtenir puisque, si l'on cuit le riz dans l'eau, il laissera échapper l'amidon, lequel, dans l'eau chaude, s'empèsera (les grains microscopiques d'amidon gonfleront, libérant dans l'eau de l'amylose, qui donnera de la viscosité), de sorte que si sa quantité n'est pas trop grande par rapport à la quantité d'eau, alors on obtiendra cette consistance crémeuse, où des grains de riz un peu défaits seront dispersés. 

Évidemment, si l'on cuit soigneusement, on pourra conserver un peu de structure pour les grains, de sorte qu'on aura alors les grains tendres dans la partie crémeuse. </span> <span style="font-size: small">Que l'on cuise dans de l'eau, dans des bouillons, dans du lait, cela revient presque au même... comme le prouve l'expérience d'ailleurs. </span> <span style="font-size: small">Le plat, on le voit, peut-être fait en version salée ou en version sucrée, et le goût est celui que nous décidons d'avoir, en employant plutôt tel liquide. Généraliser un riz au lait n'est donc pas difficile : par exemple, si nous faisons une sorte de risotto en cuisant dans du jus de fraise, nous aurons ce que nous pourrions appeler un riz aux fraises. Si nous cuisons dans un fond de viande, nous aurions un risotto à la viande... Tout est possible, mais en pratique, une question essentielle est d'éviter que la préparation attache à la casserole. À cette fin, les fours à micro-ondes sont bien utiles, parce qu'ils déposent la chaleur à l'intérieur des préparations, et non seulement sur les bords, où la préparation attacherait, l'eau étant évaporée. 

 

Mon conseil : dans une casserole, mettre un corps gras, puis chauffer le riz avec des ingrédients tels qu'oignons ou ail (en version salée), de telle façon que l'on obtienne la vitrification des grains et que des composés odorants aillent se dissoudre la matière grasse, tout comme pour la préparation d'un bouillon de carottes (je vous renvoie à cette préparation). 

Ayant donc légèrement modifié la surface des grains de riz, ayant très certainement un peu hydrolysé l'amidon, formant du glucose qui donnera de la plénitude en bouche, on ajoute un liquide qui a du goût (certainement pas de l'eau : ce liquide la n'a guère d'intérêt gustatif) et l'on commence à cuire, en touillant fréquemment avec une cuiller en bois. 

De la sorte, on endommage un peu la surface, on favorise la libération de l'amidon, on prépare l'obtention de la consistance crémeuse. A un certain moment que le seul notre goût personnel décide, on verse l'ensemble dans un récipient qui va au four à micro-ondes et l'on parachève la cuisson du riz dans le four à micro-ondes. Il n'est pas nécessaire d'être rapide, car une cuisson prolongée pourra hydrolyser davantage l'amidon, former davantage de glucose. Enfin, à la sortie du four à micro-ondes, n'oubliez pas d'ajouter quelques éléments durs, croquant : copeaux de parmesan, éclats de noisette grillés... car si le crémeux de la préparation est essentiel, nos sens réclament des contrastes et, notamment, des contrastes de consistance.

jeudi 2 février 2023

Comment faire un bon pot-au-feu quand on ne connaît rien à la cuisine ?



Comment faire un bon pot-au-feu quand on ne connaît rien à la cuisine ?

Dans un billet précédent de ce type, j'ai discuté le choix des viandes pour sauter ou griller des steaks, et j'avais évoqué les différences entre les viandes à griller et des viandes à braiser.

Les viandes à griller, pour faire court, son naturellement tendres, alors que les viandes à braiser sont dures, et c'est la raison pour laquelle les viandes à braiser doivent être ...braisées :  par là, on entend un procédé de cuisson un peu particulier, mais en réalité, on veut surtout dire qu'il s'agit de cuissons très longues et à basse température.

Je n'explique pas ici la cuisson à basse température , car je l'ai déjà fait dans d'autres billets, mais je répète seulement que des viandes dures s'attendrissent si on les cuit à des températures comprises entre 60 et 100 degrés pendant plusieurs heures ou dizaines d'heures : le tissu collégénique, qui rend ses viandes dures, est alors dégradé, ce qui libère dans le liquide de cuisson de la gélatine et des composés qui donnent beaucoup de saveur au bouillon. De sorte que, finalement, la cuisson d'un pot-au-feu est extrêmement simple : on met de la viande avec de l'eau et l'on chauffe à couvert pendant plusieurs heures ou dizaines d'heures.

Soyons maintenant  un peu plus pratique.

Disons d'abord que la quantité d'eau doit être juste suffisante pour mouiller la viande, c'est-à-dire que pour qu'elle soit entièrement couverte, mais pas plus : c'est ainsi que le bouillon sera bien concentré, avec beaucoup de goût.

D'autre part, le couvercle s'impose parce que toutes les odeurs qui partent en cuisine sont perdues pour le plat  : il faut donc un couvercle qui retient les composés odorants en même temps d'ailleurs qu'il économise de l'énergie (car une casserole couverte chauffe consomme beaucoup moins d'énergie qu'une casserole découverte).

Puis, il faut ainsi cuire pendant plusieurs heures ou dizaine d'heures selon le degré d'attendrissement que l'on souhaite.
C'est ainsi que hier, nous avons mangé en famille un pot-au-feu qui avec cuit pendant 3 jours à tout petit frémissement : l'eau ne doit pas bouillir sans quoi la viande durcit au lieu de s'attendrir ; on récupère un faisceau de fibre séparées mais sèches,  au lieu d'avoir, quand on cuit à basse température une viande qui se défait facilement presque à la cuillère, mais dont les fibres restent tendres.

Je suis de ceux qui ne cuisent pas les légumes du pot-au-feu dans le pot-au-feu lui-même, mais à part : dans une casserole je mets un fond d'eau, et les légumes que sont navets, carottes, poireaux, et je cuis à couvert, cette fois-ci à la température d'ébullition de l'eau pendant une vingtaine de minutes.

Puis, je récupère des carottes et je les écrase avec de la moutarde et des œufs durs, pour faire une sorte d'accompagnement, de condiment.

Et c'est ainsi que je sers mon pot-au-feu avec un bol du bouillon concentré que nous avons obtenu en évitant de mettre trop d'eau, avec la viande parfaitement tendre, avec les légumes qui ont gardé leur goût frais de légumes, avec le condiment de carotte, mais aussi avec moutarde, fruits (cerises, quetsches, mirabelles...à ou légumes (cornichons, petits oignons...) au vinaigre.

Mon ajout le plus récent : la moutarde de Crémone, une préparation condimentaire que je fais avec de la pomme, des raisins secs, de la moutarde, de l'oignon, de l'ail et parfois du citron confit au sel... donc je donnerai la recette une autre fois.

mercredi 18 janvier 2023

Cuire des carottes

 Je m'amuse beaucoup à expliquer des recettes à ceux et celles qui n'ont jamais cuisiné : en réalité, cela nous fait arriver à des questions essentielles... même pour ceux  et celles qui cuisinent déjà : 

https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/cuire-des-carottes-pour-ceux-qui-ne-lon-jamais-fait/

mercredi 21 décembre 2022

Sachons cuire la choucroute

 
Bien sûr, les commerçants vendent de la choucroute déjà cuite... mais j'en ai rarement trouvée de la bonne, à savoir que le chou soit cuit, mais avec encore un peu de ce croquant qui évite l'excès de mollesse, sans acidité, sans excès de sel, avec du goût...
N'hésitons pas, raisonnons et faisons de la bonne choucroute.

En partant des principaux défauts : les choucroutes trop salées et trop acides.

Le problème se règle facilement : dans une passoire, sous un filet d'eau, on dépose la choucroute en l'émiettant et en la rinçant bien.
Puis, on presse le chou ainsi déposé pour lui enlever tout le liquide qu'il peut conserver.

Vient alors la cuisson, et là,  deux écoles s'affrontent : ceux qui préfèrent la choucroute un peu attachée au fond de la casserole, et ceux qui lui veulent un goût plus frais en quelque sorte. Nous y arriverons, mais il est bon d'avoir l'objectif bien clair.

La cuisson doit se faire avec de la matière grasse : je suis désolé de dire que ce n'est pas en lésinant sur la matière grasse qu'on obtient une bonne choucroute. N'hésitons donc pas à utiliser du gras de canard, par exemple, ou d'oie, puisque c'est surtout à partir d'oies que se faisait le foie gras alsacien, avec des petites oies grises, résistantes, de la région.

On a donc largement graissé la casserole, on a déposé le chou, on a ajouté un peu de vin (blanc, d'Alsace, évidemment), plus ou moins selon que l'on veut que ça attache ou pas, et l'on additionne alors d'oignons émincés, d'un peu d'ail, de baies de genièvre, d'un ou deux clous de girofle, d'une feuille de laurier, de carvi, éventuellement d'une cuillerée de miel, et l'on cuit à couvert  (pour garder tous les parfums) pendant 30 à 40 minutes : il faut goûter pour savoir quand la choucroute est bien cuite.

La quantité de vin ? C'est elle qui permettra de faire attacher (quand elle est faible et qu'il y a de l'évaporation) ou non.

Et, évidemment, on accompagnera de pommes de terre... en se souvenant qu'il y a des variétés très différentes, qu'il existe de très mauvaises pommes de terre, farineuses, fades, et d'autres qui ont bien plus d'intérêt. On pourra les cuire à part, ou bien à la vapeur, en les posant sur la choucroute qui cuit à couvert.

La viande, les saucisses ? Ce sera pour une autre fois, mais c'est évidemment essentiel ;-)

mardi 19 avril 2022

La cuisson d'une viande ? D'abord une coagulation

 

Je n'ai pas suffisamment expliqué que la cuisson d'une viande s'apparente à la confection d'une terrine ou à celle d'un œuf dur.

Faisons sauter une viande : cela se fait dans un sautoir ou dans une poêle.
Oui, on saute une viande dans une poêle, mais on ne poelle que dans un poellon.

Bref, dans une poêle fortement chauffée, en présence d'un corps gras qui évite que la viande n'attache au récipient, on voit que la couleur de la viande change, en surface, tandis qu'un peu de fumée part vers le haut.

Mais le principal effet est le durcissement de la viande.

Et là je vous propose  de faire l'expérience qui consiste refermer le pouce et l'index d'une même main, sans serrer. De l'index de l'autre main, vous touchez alors la chair sous le pouce et vous constatez  que c'est très mou.
Puis vous remplacez, l'index par le majeur, toujours contre le pouce,  et l'on s'aperçoit alors que la partie charnue sous le pouce devient plus dure. Avec l'annulaire, c'est encore plus dur,  et avec l'auriculaire c'est encore plus dur qu'avec l'annulaire.
Ces différentes consistances correspondent aux différents degrés de cuisson des viandes sautées : bleu avec l'index, saignant pour le majeur, puis à point et bien cuit.
C'est ainsi que certains cuisiniers reconnaissent le degré de la cuisson  : ils comparent la sensation sentie sous le pouce et celle de la viande en train de cuire.

Mais je reviens à mon point essentiel : la viande qui cuit durcit. Pourquoi ?

Parce que la viande est un faisceau de faisceaux de tubes extrêmement fins  : les "fibres musculaires".

Ces tubes, ces tuyaux, renferment de l'eau et des protéines, c'est-à-dire environ une matière qui a la consistance initiale du blanc d' œuf.

Les protéines principales de l'intérieur des fibres ont pour nom actine et myosine, et elles assurent la contraction des muscles par un mécanisme que je n'explique pas ici.

Car je veux arriver au point essentiel : la dureté progressive de la viande découle de la coagulation de ces protéines.

Oui, dans l'intérieur des fibres d'une viande, il y a coagulation comme dans une terrine, mais avec la différence que les protéines restent dans les fibres musculaires, quand on saute une viande, alors qu'elles sont libérées dans la masse broyée, pour une terrine.

Et le durcissement des viandes à la cuisson est donc tout à fait de même nature que la coagulation d'une terrine, ou encore que la cuisson d'un oeuf sur le plat, ou d'un oeuf dur, par exemple : les protéines font coaguler la masse.