Dans les milieux de science et technologie des aliments (souvent plus de la technologie que de la science), il y a une faute de pensée constante qui consiste à modéliser une situation pour la décrire, car cela nous met dans une position tout autre que celle de la recherche scientifique.
Avec un collègue qui s'intéresse à la libération de composés bioactifs, j'envisage l'encapsulation d'une molécule odorante dans une molécule d'amylose, ou au centre d'une micelle de phospholipides, par exemple. Mon collègue l'ignorant, je discute jusqu'au fait que la structure encapsulante puisse être dynamique, mais je vois surtout que c'est là une description un peu dogmatique et, en tout cas, qui ne me met pas dans la position de la recherche scientifique, laquelle doit précisément ne pas être capable de faire une description avec les outils intellectuels dont nous disposons.
D'ailleurs, le collègue à qui j'expose les descriptions théoriques me répond qu'il y a la libération de la molécule odorante par l'amylose dans la bouche quand les enzymes amylases attaquent la molécule d'amylose, qui est enroulée en hélice autour de la molécule odorante. Or, ayant fait une recherche bibliographique à ce propos, je lui signale que l'attaque complète prendrait 40 heures et qu'il n'est donc pas dit que cette idée commune d'une libération par l'amylose puisse faire dans les temps d'une dégustation, où les composés ne séjournent en bouche que quelques secondes ou dizaines de secondes.
À quoi bon nos description théoriques, alors ? La réponse est claire et elle doit être distribuée largement : à proposer une possibilité de réfutation.
Chaque fois que nous modélisons, nous devons aussitôt chercher une prévision expérimentale pour la réfuter au lieu de propager paresseusement des idées qui sont en réalité convenues.
Et par exemple à propos de l'encapsulation dans l'amylose : nous avons l'idée d'une molécule unique, dans une molécule en hélice, mais combien de molécules se logeraient-elles ? Peu solubles dans l'eau pourquoi des molécules d'amylose ne s'associeraient-elles pas ? Et pourquoi ne viendraient-elles pas à plusieurs autour d'une même molécule odorante ?
À propos d'une molécule hydrophobe dans une micelle de phospholipides, quelle est la cinétique d'incorporation ? Quelle est la force qui tient la molécule odorante encapsulée ? Et mille autres questions.
Oui, je vois que nous restons avec nos modélisation classiques, au lieu d'aller plus loin : quels sont les concepts qui nous manquent ? Comment peuvent-ils nous venir ? Sommes-nous à un endroit du savoir où nous pourrions repousser les limites ?
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
samedi 13 décembre 2025
Pour faire de la recherche scientifique, il faut... faire de la recherche scientifique
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