mercredi 10 décembre 2025

Le food pairing ? Il y a un chapitre précis et référencé dans le Handbook of Molecular Gatronomy

 

Je reçois la question suivante :

Je m'intéresse à la food pairing pour un sujet de mémoire.
Je souhaiterais savoir si votre établissement pourrait répondre à quelques questions si cela ne vous dérange pas. J'aimerais savoir si la food pairing aurait un rapport avec la gastronomie moléculaire.



Un détail : je parle du food pairing, plutôt que de la food pairing, parce que pairing signifie appariement. 


D'autre part, il y a mille acceptions différentes pour "food pairing", car on peut vouloir apparier des moules et du curry, ou bien du thon avec du veau, ou n'importe quoi avec n'importe quoi, à volonté, et, généralement, on n'associe pas seulement deux ingrédients ensemble, mais de nombreux.

Ensuite, cela vaut la peine de relire ce chef du 20e siècle qui dénonçait les associations convenues, et proposait d'innover radicalement... mais il faut que je retrouve son nom, et le paragraphe précis où il propose des associations inédites.  

Puis il faut savoir que les idées ont considérablement changé dans les dernières décennies : quand j'ai montré un sorbet à l'azote liquide à la télévision, pour Noêl 1992 (France 2), je me suis fait critiquer moins pour l'usage de l'azote liquide que parce que la préparation du sorbet mêlait sucre, jus de citron vert et basilic. Quoi, m'a-t-on dit ? Basilic et citron vert ? N'allez-vous pas empoisonner les convives avec cette association dont on ne sait pas si elle est sans danger ? Et les "synergies" ?
Aujourd'hui, personne ne lève un sourcil devant une telle association... alors même que je suis de ceux qui disent combient le basilic (et l'estragon) doivent être utilisés avec parcimonie.

Et puis, il y a une "théorie du food pairing" qui a été proposée dans les années 1995, essentiellement par une grosse société d'aromatisants. Initialement cette théorie stipulait que l'on pouvait associer deux ingrédients quand ces derniers avaient un composé odorant en commun... mais quand la théorie a été réfutée, cette société a proposé que l'on puisse faire l'association quand il y a un composé odorant "important" en commun... ce qui n'a aucun sens. J'ai déjà fait des billets dans ce blog, à ce propos, et, surtout, j'ai publié un chapitre du Handbook of Molecular Gastronomy sur ce sujet. Un article très argumenté, référencé, et qui dénonce cette théorie.

Mais l'argument le plus fort, c'est que l'art culinaire (le "bon", c'est le beau à manger, donc une question d'art) est un art, et pas réductible à une question technique. Pour prendre une comparaison avec la musique, il faut savoir que l'accord fa-do dièse était jadis considéré comme abominable... jusqu'à ce qu'un article de génie comme Jean-Sébastien Bach ne l'acclimate et en fasse de la superbe musique. 


L'art ne suis pas les règles, au contraire. Il s'en moque, il les brave, il fait ce qu'il pense devoir être fait, en vertu d'un sentiment interne personnel. Les associations convenues sont pour des personnes artistiquement peu avancées, un peu timorées, un peu faibles techniquement, et certainement faibles artistiquement. Oui, on peut évidemment associer du jambon avec des coquillettes, mais que fera-t-on de beau avec cela ? Oui on peut associer du poulet rôti avec des frites, mais quel ennui ! La répétition, c'est pour l'artisanat, voire l'artisant d'art (quand on ajoute du caviar ou du foie gras... histoire d'alourdir l'addition).

Et je renvoie, à ce sujet, à mon livre "La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique" (Editions Odile Jacob)... ou bien à mon tout récent livre "Inventions culinaires/gastronomie moléculaire", pour lequel chaque chapitre contient une partie intitulée "Suppléments de gourmandise", qui discute tout cela d'une autre façon. 




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