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lundi 3 octobre 2022

La question des représentations 3/3

 Dans la série des interprétations d'images, nous avons considéré les schémas et les images produites par des outils d'analyse mais au 21e siècle, il y a lieu de considérer les images produites par des ordinateurs.

Par exemple, voici une modélisation de l'eau. 



Ici, on se limite à une image statique, mais il y a pire, en quelque sorte, à savoir que cette image est un instantané détaché d'un film entièrement calculé.
Ce film était évidemment fascinant et l'on s'amusera d'observer qu'il était accompagné d'une musique. Or, évidemment, il n'y a pas de musique dans l'eau, sauf si l'on en met :  la musique a été ajoutée au film, et il faut prendre garde au fait que si l'on avait mis une musique beaucoup plus violente, on serait tenté d'interpréter les phénomènes de façon beaucoup plus violente.
Oui, ne nous laissons pas influencer par un objet tout à fait extrinsèque.

Mais, avec les mêmes molécules d'eau, les mêmes conditions de température, de pression, etc.,  on peut faire de nombreux films et représenter les molécules de nombreuses façons différentes. En voici une parmi une infinité :



Il y a donc lieu de faire très attention à ce que l'on voit avec ces images calculées, car on peut représenter par le calcul mille choses différentes à notre volonté, et l'on fait voir aux autres et à soi-même des objets qui, éventuellement, n'existent pas. De même qu'il ne suffit pas de parler de "père Noël" pour que celui-ci existe, il ne suffit pas de montrer un objet pour qu'il ait la moindre chance d'exister.

Comme pour les schémas, comme pour les images de nos appareils d'analyse, les images calculées doivent être décodées. Et là, nous avons des outils : les notions d'énergie, de temps, de masse, de vitesse, d'électron, de neutron, de proton, etc.



dimanche 2 octobre 2022

La question des représentations 2/3

Dans un billet précédent, j'ai discuté la question de la "lecture" des représentations scientifiques de type schéma, mais je n'ai pas considéré les images qui sont produites par des appareils d'analyse.
Pensons par exemple à l'image donnée par un microscope à force atomique, ou un cliché de diffraction des rayons x, voire la simple image donnée par un microscope optique.
 

Là, à nouveau, il y a lieu d'interpréter beaucoup, car dans chaque cas, la technique employée provoque non seulement des modifications du système que l'on veut d'observer, mais, de surcroît, elle donne une image et une image seulement.

Par exemple à propos du microscope à force atomique, ce qui est représenté, c'est l'interaction de la pointe vibrante et de l'objet imagé. Cette interaction, électrique, est ensuite transformée en une image.

Pour un cliché de radiographie au rayons x, cette fois, il y a une interaction entre les rayonnements x et la matière, et c'est l'enregistrement du rayonnement perturbé par la matière que l'on récupère et que l'on transforme ensuite en images.
Là encore, on ne voit pas la matière, mais le résultat de cette interaction.

On pourrait penser que, pour un microscope optique, les choses seraient plus simples, mais je ne crois pas, car, d'une part, on voit sur un même plan des objets qui sont à des profondeurs différentes dans l'échantillon. Surtout, il y a tout ce que l'on ne voit pas ! C'est ainsi, par exemple, que si l'on regarde du blanc d'oeuf, on verra un fond transparent, alors que si l'on pose ce même blanc d'œuf sur une assiette, alors on voit des couches d'épaisseurs différentes autour du jaune.
Cette structuration est la preuve d'un assemblage supramoléculaire de type gel, qui n'apparaît pas sur l'image : l'image nous trompe encore.

Et ainsi de suite : les images que nous produisons sont des images, seulement des images, trompeuses, et l'on serait bien naïf de croire qu'elles disent la vérité matérielle des systèmes que nous analysons.

Comme pour les schémas, la question est d'abord celle de l'interprétation, et il ne faut pas tomber dans le piège de ce que nous voyons. Il faut interpréter ce que nous voyons, décoder, et,  là encore, notre naïveté ou notre absence de travail seraient coupables et nous feraient aller dans le décor.

Inversement, le travail de lecture des images, c'est-à-dire d'interprétation, est absolument passionnant parce que, précisément, il nous dira plus que ce que n'importe quel naïf se contenterait de voir.

samedi 1 octobre 2022

La question des représentations 1/3


Le problème de la représentation est terrible, se rencontre constamment, et pas seulement en sciences de la nature, bien sûr.

Mais, dans nos cours de physique-chimie, et notamment de physico-chimie des systèmes dispersés, nous faisons usage de représentations. Par exemple, pour une sauce mayonnaise, certains représentent un fond bleu avec des disques jaunes, correspondant respectivement à une phase aqueuse et à des gouttelettes d'huile. A  la surface de ces dernières, ils font figurer des formes qui sont censées représenter des composés tensioactifs.



De telles représentations  méritent d'être largement interprétées, sans quoi notre naïveté nous conduit dans le décor.

Par exemple la phase aqueuse de la figure considérée précédemment est en réalité une solution aqueuse avec des solutés, une acidité mesurée par un pH, une force ionique...
On comprend bien qu'un sirop ne se comporte pas comme une saumure,  et que ces deux systèmes ne se comportent pas comme une eau de pluie, par exemple.
Mais il y a aussi le fait que cette solution est dynamique  : on ne doit pas oublier que les molécules d'eau sont agitées de mouvement incessants et rapides, à des vitesses de plusieurs centaines de mètres par seconde. Cette agitation moléculaire a des conséquences considérables pour les petits objets qui seraient suspendus dans l'eau : c'est notamment le mouvement brownien.
Pour les gouttelettes d'huile, il y a d'abord la question de la taille, et notamment de la taille relative par rapport à celle des molécules d'eau... car, dans la figure précédente, on a représenté des milieux eau et huile continus, sans faire état des molécules constituantes. Il y a au moins lieu de tenir compte des propriétés résultant de la nature particulière de ces composés constituant les deux phases, et l'on sait bien d'ailleurs que la viscosité de l'huile n'est pas celle de l'eau par exemple.
Mais il y a aussi la question la température, car, selon cette dernière, les triglycérides peuvent ou non cristalliser, de sorte qu'il n'est pas absolument certain que, dans les conditions que l'on considère, l'huile soit entièrement liquide (je rappelle que les physico-chimistes nomment "huile" toute phase non aqueuse).
Les tensioactifs ? Quand ils sont représentés comme nous venons de le voir, on interprète souvent qu'il s'agit de composés ayant une partie hydrophobe et une partie hydrophile, comme pour des phospholipides, par exemple.
Mais il existe en réalité  des tensioactifs très variées, et ceux qui ont des charges électriques (comme pour un groupe phosphate d'un phospholipide) ne se comportent pas comme ceux qui sont neutres électriquement.
D'ailleurs, dans des sauces comme la mayonnaise, l'abaissement de l'énergie de surface est plutôt du à des protéines qu'a des tensioactifs de type phospholipides.
De sorte qu'il vaut mieux  imaginer un schéma très différent où ce sont principalement les protéines qui sont efficaces pour la métastabilisation de l'émulsion.



Bref, regarder une image, dans un cours ou un article scientifique, ce n'est pas se contenter de regarder comme le ferait un enfant avec un livre à lui destiné, mais de s'interroger sur chaque élément de la représentation, d'imaginer les phénomènes qui ne sont pas montrés par cette image simpliste et statique.

Bref, à propos de représentation scientifique, il y a lieu de continuer à creuser, à creuser, à creuser encore... et, en disant ces mots, comment oublier cette merveilleuse fable de Jean de la Fontaine, à propos du laboureur et de ses enfants ?

lundi 13 juillet 2020

Pourquoi transmettre des faussetés ?

1. Discussion amusante avec des étudiants : pourquoi, me demandent-ils, les systèmes d'études  montrent-ils l'atome sous la forme d'un système planétaire alors que cette représentation est erronée ?  Et ma réponse immédiate est "Imaginez-vous que l'on doive enseigner à des enfants les fonctions d'onde et l'équation de Schrödinger ?".




2. C'était une façon de me débarrasser rapidement d'une question importante, à un moment où j'avais autre chose à faire, mais manifestement la question demeure : oui, est-il vraiment souhaitable de donner à des étudiants des représentations erronées, qui seront "rectifiées" ultérieurement ?

3. A cette question, répondons à nouveau à côté, en observant que toutes les représentations sont fautives. D'ailleurs, les particules ont un comportement corpusculaire et un comportement ondulatoire, de sorte qu'il faudrait donner d'emblée les deux descriptions, chacune insuffisante.

4. Ce qui est évident, c'est que, vu le niveau mathématiques général (et de ceux qui m'ont posé la question en particulier), une présentation mathématique ne convient pas. Que dire, alors ?

5. La question de l'atome n'est pas particulière, et tous les objets scientifiques sont de ce type. Que pouvons-nous dire des molécules, du courant électrique, de la lumière, du mouvement ? Les molécules ? Assemblages d'atomes, elles ne sont pas des lettres fixes reliées par des traits. Le courant électrique ? L'effet Hall quantique montre que ce n'est pas un écoulement d'électrons analogue à un courant de liquide. Le mouvement ? La relativité restreinte suffit pour comprendre que les vitesses ne s'additionnent pas. Bref, chaque "théorie", associée à une "représentation", est insuffisante, à perfectionner, et l'apprentissage se fait lentement,  en passant par des étapes qui sont ensuite dépassées.

6. D'ailleurs, un peu à la manière de l'ontogenèse qui récapitule la phylogénie, on pourrait penser que l'histoire des sciences nous donne un chemin à retracer, évidemment sans nous fourvoyer, comme cela fut fait.

7. De sorte que, finalement, apprendre, c'est peut-être utilement apprendre des représentations successives, toutes insuffisantes. En commençant par le plus ancien !