samedi 1 octobre 2022

La question des représentations 1/3


Le problème de la représentation est terrible, se rencontre constamment, et pas seulement en sciences de la nature, bien sûr.

Mais, dans nos cours de physique-chimie, et notamment de physico-chimie des systèmes dispersés, nous faisons usage de représentations. Par exemple, pour une sauce mayonnaise, certains représentent un fond bleu avec des disques jaunes, correspondant respectivement à une phase aqueuse et à des gouttelettes d'huile. A  la surface de ces dernières, ils font figurer des formes qui sont censées représenter des composés tensioactifs.



De telles représentations  méritent d'être largement interprétées, sans quoi notre naïveté nous conduit dans le décor.

Par exemple la phase aqueuse de la figure considérée précédemment est en réalité une solution aqueuse avec des solutés, une acidité mesurée par un pH, une force ionique...
On comprend bien qu'un sirop ne se comporte pas comme une saumure,  et que ces deux systèmes ne se comportent pas comme une eau de pluie, par exemple.
Mais il y a aussi le fait que cette solution est dynamique  : on ne doit pas oublier que les molécules d'eau sont agitées de mouvement incessants et rapides, à des vitesses de plusieurs centaines de mètres par seconde. Cette agitation moléculaire a des conséquences considérables pour les petits objets qui seraient suspendus dans l'eau : c'est notamment le mouvement brownien.
Pour les gouttelettes d'huile, il y a d'abord la question de la taille, et notamment de la taille relative par rapport à celle des molécules d'eau... car, dans la figure précédente, on a représenté des milieux eau et huile continus, sans faire état des molécules constituantes. Il y a au moins lieu de tenir compte des propriétés résultant de la nature particulière de ces composés constituant les deux phases, et l'on sait bien d'ailleurs que la viscosité de l'huile n'est pas celle de l'eau par exemple.
Mais il y a aussi la question la température, car, selon cette dernière, les triglycérides peuvent ou non cristalliser, de sorte qu'il n'est pas absolument certain que, dans les conditions que l'on considère, l'huile soit entièrement liquide (je rappelle que les physico-chimistes nomment "huile" toute phase non aqueuse).
Les tensioactifs ? Quand ils sont représentés comme nous venons de le voir, on interprète souvent qu'il s'agit de composés ayant une partie hydrophobe et une partie hydrophile, comme pour des phospholipides, par exemple.
Mais il existe en réalité  des tensioactifs très variées, et ceux qui ont des charges électriques (comme pour un groupe phosphate d'un phospholipide) ne se comportent pas comme ceux qui sont neutres électriquement.
D'ailleurs, dans des sauces comme la mayonnaise, l'abaissement de l'énergie de surface est plutôt du à des protéines qu'a des tensioactifs de type phospholipides.
De sorte qu'il vaut mieux  imaginer un schéma très différent où ce sont principalement les protéines qui sont efficaces pour la métastabilisation de l'émulsion.



Bref, regarder une image, dans un cours ou un article scientifique, ce n'est pas se contenter de regarder comme le ferait un enfant avec un livre à lui destiné, mais de s'interroger sur chaque élément de la représentation, d'imaginer les phénomènes qui ne sont pas montrés par cette image simpliste et statique.

Bref, à propos de représentation scientifique, il y a lieu de continuer à creuser, à creuser, à creuser encore... et, en disant ces mots, comment oublier cette merveilleuse fable de Jean de la Fontaine, à propos du laboureur et de ses enfants ?

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