La physique fait usage de l'algèbre pour exprimer ses régularités de la nature : ce que l'on a nommé des "lois".
Et, initialement, les lois identifiées étaient essentiellement des proportions. Par exemple, le poids est proportionnel à la masse, et la constante de proportionnalité est l'accélération de la pesanteur. Par exemple, la "loi d'Ohm" exprime une proportionnalité entre la différence de potentiel électrique et l'intensité du courant électrique.
Pour certaines "lois", il peut y avoir des proportionalités inverses, et avec des termes exponentiés. Par exemple, pour la "loi de la gravitation universelle", ou loi de Newton, la force d'attraction gravitationnelle entre deux corps massique est proportionnelle aux deux masses, et inversement proportionnelle au carré de la distance qui sépare leur centre de masse.
Au fond, les équations expriment des relations qui pourraient se dire avec des mots, mais de façon plus concise. Ce fut l'apport de l'algèbre.
Pour la chimie, le "formalisme" n'est pas de cette nature, et les équations sont des représentations des objets.
Bien sûr, là encore, on pourrait décrire les objets en mots, mais ces descriptions sont interminables, parce que des mots ne suffisent pas à dire les choses. Par exemple, comment dire un "éléphant" en mots ? Il faudrait commencer par dire que c'est un animal, qu'il est mammifère, quadrupède, qu'il a une certaine taille, couleur, une trompe, et ainsi de suite à l'infini.
Pour une molécule, il en va de même. Pour décrire la molécule d'acide acétique, il faudrait commencer par dire qu'elle est faite deux deux atomes de carbone liés par une liaison, que le premier est également lié à trois atomes d'hydrogène, tandis que le second est lié à un atome d'oxygène par une double liaison et à un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène ; mais il faudrait ajouter qu'il y a une mésomérie, à savoir que le dernier atome d'hydrogène dont nous avons parlé se "répartit" entre les deux atomes d'oxygène, et cela imposerait de parler des électrons, et ainsi de suite à l'infini.
Dans cette description infinie, il faudrait tenir compte du fait qu'il y a rotation entre les deux atomes de carbone, selon l'axe de leur liaison, qu'il y a des angles entre les liaisons, mais avec des possibilités de vibration, de rotation, etc. Et, pour les électrons, il faudrait surtout décrire leur répartition "moyenne".
La forme et la taille de ces objets ? Si l'on utilise des lettres pour représenter la molécule, comme dans la formule H3C-COOH, alors la question ne se pose pas... mais les idées ne sont guère fixées Veut-on donner une idée de la chose ? Il faut surtout considérer l'influence électrique, les "champs" engendrés par les électrons.
Et on pourrait ainsi discuter à l'infini : le formalisme de la chimie, notre CH3COOH, ou la formule développée, sont des abrégés qui recouvent une description dont la "profondeur" maximale ne dépend que de la connaissance de la chimie. Et cette profondeur augmentera avec le développement de la chimie.
La difficulté du maniement de ce formalisme est donc d'un ordre très différent de la difficulté du maniement du formalisme de la physique, le maniement algébrique.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
lundi 11 novembre 2024
Les deux formalismes
lundi 28 octobre 2024
A propos d'aromates et de leurs usages
Je lis à propos d'aromates :
La mélisse citronnelle s'harmonise bien avec les plats de poisson, les volailles, les légumes grillés, et les sauces légères à base de citron. Sauces et marinades : Les feuilles de mélisse peuvent être utilisées pour aromatiser des sauces et des marinades, apportant une note de fraîcheur citronnée.
La menthe est utilisée dans différents cocktails, dans les infusions et dans certains plats. (Taboulé, rouleaux de printemps, tzatzíkis, jus de rôti d’agneau, etc.)
Romarin : il est utilisé dans les bouquets garnis, dans les plats à base de lapins, le poisson, etc.
Origan : cette herbe aromatique phare de la cuisine méditerranéenne, en particulier italienne, accompagne tous les plats à base de tomate : pâtes, pizzas, salades de tomates… L'origan séché rajoute un réel plus sur vos grillades, sur des légumes ou des pommes de terre au four, dans une salade ou dans une marinade.
Monarde : sert à parfumer les infusions ou le thé, mais on peut aussi ajouter les feuilles avec parcimonie dans les salades. Ses belles fleurs rouges accompagnent les salades de fruits, les glaces ou différents desserts.
L'hysope a une saveur intense ce qui en fait un ingrédient prisé dans la cuisine méditerranéenne depuis des siècles. Elle ajoute une saveur herbacée et légèrement mentholée aux soupes, aux sauces, aux ragoûts et aux plats de viande.
L'oseille est utilisée notamment : oseille braisée à la crème ; bouillon, jus d’oseille ; œufs, omelette, veau à l'oseille et avec le poisson.
Verveine : elle se déguste notamment dans le taboulé, dans un gaspacho, en tisane.
Laurier : On l’utilise dans les fricassées, dans les plats en sauces, les bouquets garnis, les marinades.
Et je trouve tout cela à la fois arbitraire, conventionnel, non sourcé (donc pas fiable), limité en un mot.
Commençons avec la citronnelle, qui s'harmoniserait avec du poisson. Pourquoi pas, mais pourquoi ? Parce que des populations asiatiques (thai, par exemple) font du poisson citronnelle ? Ne prennent-ils pas ce qu'ils trouvent chez eux ? Et pourquoi, puisqu'il y a une fraîcheur citronnée, ne pourrions-nous l'utiliser avec des crustacés, mais, aussi, avec du veau (on met bien du citron dans l'osso bucco, si l'on veut rester dans la tradition) ? Mais, au fait, la tradition ne vaut rien... que la tradition. Pourquoi ne pas utiliser la citronelle avec des tomates, des radis, des courgettes, du boeuf, de l'agneau ? Rien ne l'interdit, et c'est à nous de composer quelque chose qui nous convienne.
La menthe dans différents cocktails ? Mais, passé une certaine anglophobie qui confond l'usage des ingrédients et des modes de cuisson pas toujours maîtrisé, pourquoi pas de l'agneau avec de la menthe, du poisson avec de la menthe, de la menthe dans les salades, avec des carottes, et, plus généralement, avec ce que l'on veut ? Là encore, la convention et la tradition ne sont que convention et tradition. Au fait, oui, les Grecs utilisent la menthe dans les tzatzikis... mais alors ?
Le romarin dans les bouquets garnis ? Oui, certes, mais pourquoi l'y mettre ? Qui a commencé et pourquoi ? Avec du lapin : pourquoi pas, puisque la Provence le fait, mais pourquoi pas avec de la volaille ?
Et ainsi de suite : on comprend que les usages avérés dans le temps ou dans l'espace n'ont pas de légitimité particulière : pas plus que le fa dièse ne s'imposerait dans une sicilienne ou dans une symphonie. La question, la vraie question est : que voulons-nous faire sentir et pourquoi ? J'ai bien peur que l'art culinaire n'ait jamais posé cette question !
vendredi 18 octobre 2024
Évitons la naïveté si nous voulons faire de la bonne chimie
Au début de la cuisine moléculaire, j'avais invité les chefs à faire des perles d'alginate. A cette fin, je leur proposais d'acheter de l' "alginate de sodium" et un sel de calcium. Et c'est ainsi que les chefs ont commencé par utiliser du chlorure de calcium, bon marché mais très amer. J'ai aussitôt proposé de remplacer ce chlorure par du lactate de calcium qui contient également l'ion calcium, divalent, mais sans l'amertume du chlorure.
Mais c'est surtout le second ingrédient qui m'intéresse maintenant à savoir l'alginate de sodium. Très rapidement, des chefs variés sont venus m'interroger parce qu'ils avaient des résultats parfois très différents de ceux qui étaient indiqués dans les recettes. À l'analyse, il est apparu que le mot "alginate de sodium" décrivait insuffisamment le produit acheté, qui, certes, était bien "produit" extrait des algues, mais qui pouvait être bien différent selon le procédé d'extraction
Sans compter que certains fabricants diluaient leur poudre et, évidemment, réduisaient l'activité du produit en proportions des bénéfices qu'ils faisaient sur le dos de leurs clients. Interrogé, un de ces fabricant là m'a avoué qu'il ajoutait un excipient non pas pour réduire le coût de la matière mais pour faciliter la mise en œuvre : mouais...
Il y a d'autres cas, et, par exemple, je me souviens avoir vu une de mes expériences publiques rater alors que j'avais comme d'habitude mélangé dans les bonnes proportions de la poudre de blanc d'oeuf et de l'eau, que je chauffais. Ordinairement, on observe une coagulation, et si les proportions sont celles du blanc d'oeuf, on obtient comme un blanc d'œuf.
Mais ce jour-là, rien ne s'est passé normalement et à l'analyse il est apparu que cette "poudre de blanc d'oeuf" avait d'abord été cuite avant d'être réduite en poudre. Or cuite, séchée et réduite en poudre, elle ne pouvait plus coaguler comme une poudre de blanc d'oeuf dont les protéines auraient été encore quasi natives.
Évidemment, selon la méthode de production, il y a tous les intermédiaires possibles, et l'indication poudre de blanc d'oeuf, ou alginate, et cetera, sur un paquet n'est absolument pas la garantie que l'on aura les effets que l'on souhaite.
Je ne parle pas des cas où ayant acheté des réactifs chimiques auprès de grandes sociétés chimiques, assortissent leurs produits d'un degré de pureté, j'ai reçu quelque chose d'autre que ce qui était commandé. Par exemple, du trichloroanisole annoncé avec 99,99 % de pureté s'est révélé être composé à 50 % seulement de ce composé, après analyse par résonance magnétique nucléaire, technique imparable.
Et je connais un grand laboratoire de chimie du CNRS qui, pendant presque un an, a eu des résultats complètement différents de ceux qu'il attendait parce que les réactifs achetés n'étaient pas ceux qu'ils voulaient utiliser.
Bref, il y a eu lieu de se méfier des termes généraux : amylose, amylopectine, alginate de sodium, protéine de pois, polyphosphate... Dans le meilleur des cas, on aura quelque chose qui s'apparentera à ce que le mot désigne, mais la question de la pureté restera entière. Or il ne faut pas être naïf : la pureté absolue n'existant pas, comment nommer des produits qui ne sont pas purs ?
dimanche 13 octobre 2024
Demain, des diracs à toutes les sauces
Décidément, il y a lieu d'aider mes amis qui se lancent dans la cuisine note à note, et qui s'interrogent : comment remplacer la viande et le poisson ?
La réponse est : avec des "diracs".
Pour commencer simplement, expliquons qu'une viande ou un poisson, c'est un matériau fait de 25 pour cent de protéines et de 75 pour cent d'eau. Autrement dit, on obtient une matière de la même fermeté qu'une viande en mêlant une cuillerée de protéines et trois cuillerées d'eau, puis en cuisant. D'autre part, on obtient une matière de la même fermeté qu'un blanc d'oeuf cuit sur le plat en cuisant un mélange fait de 10 pour cent de protéines et de 90 pour cent d'eau : une cuillerée de protéines pour neuf cuillerées d'eau. Et on obtient quelque chose d'encore plus dur que la viande si l'on augmente la teneur en protéines.
On n'obtient ni de la viande, ni du blanc d'oeuf, mais une matière que j'ai proposé de nommer un "dirac". Et il y a donc des diracs durs, des diracs mous... mais bien d'autres diracs. Certains peuvent être "mousseux", foisonnés... et ce sont donc des "berthollets".
Certains peuvent être striés, et ce sont des surimis.
Mais on peut imaginer bien d'autres possibilités : des systèmes feuilletés, des systèmes émulsionnés. Pour un dirac foisonné ? On part d'eau et de protéines, on fouette, on ajoute les couleurs, odeurs, saveurs, puis on cuit (par exemple, à la poêle, ou bien dans un four à micro-ondes, mais on pourrait également verser des cuillerées dans de la friture, par exemple. Et je nomme cela un "berthollet".
Pour un dirac émulsionné ? Puisque les protéines stabilisent merveilleusement des émulsions, on comprend que l'on puisse ajouter de la matière grasse au mélange eau+protéines. Combien ? Jusqu'à environ 19 fois plus que d'eau. Et l'on a évidemment quelque chose d'alors très gras... et de très moelleux.
D'ailleurs, j'y pense : pourquoi ne pas faire comme avec le chocolat, à savoir classer par proportion de matière grasse ? Pour un dirac haché : c'est comme pour un steak haché, à savoir que l'on prépare un dirac, puis que l'on hache, dans le même hachoir que d'habitude. Pour un surimi de dirac : on part d'un mélange de protéines et d'eau, on ajoute un empois d'amidon, puis on coule sur une plaque plate, et l'on strie (à l'aide d'une fourchette ou d'un peigne) avant de cuire (vapeur, micro-ondes, etc.)
samedi 12 octobre 2024
A propos de cuisson
Ce matin, j'ai diffusé le compte rendu du séminaire de gastronomie moléculaire de mars 2018, où je fais état des expériences effectuées lors du séminaire. Nous avons notamment comparé des pâtes sablées enfournées à froid ou à chaud... et n'avons pas vu de différences.
Et là, je reçois cette question :
Je note bien le peu de différences observées, mais en ce qui concerne une pâte chargée ? Type quiche, tarte alsacienne… Pensez-vous qu’un départ à chaud ou à froid puisse influencer la cuisson de la pâte, et donc la bonne tenue de celle-ci ?
A vrai dire, il est toujours bien difficile de répondre sans faire l'expérience, et les travaux du séminaire l'ont encore montré, puisque :
- nous avions prévu que les brioches enfournées à froid développeraient mieux que les mêmes brioches enfournées à chaud... et nous n'avons pas vu de différence
- nous avions prévu que les pâtes sablées (surtout dans les moules à bords très hauts que nous avions utilisés) s'effondreraient, dans un départ à froid... et nous n'avons pas vu de différence.
De ce fait, j'imagine que le départ à froid permettrait à la "migaine" de plus détremper la pâte, ce qui augmenterait l'empesage ultérieur de la farine... mais c'est une hypothèse raisonnable à laquelle je ne crois guère. D'ailleurs il faut ajouter que les fours modernes sont merveilleusement rapides. En très peu de minutes, ils atteignent la température de consigne, ce qui gomme toutes les différences possibles. Bref, je vous invite à faire l'expérience : c'est merveilleux, car on a alors deux tartes au lieu d'une seule. Et merci de m'envoyer vos résultats, afin que je le partage !
jeudi 10 octobre 2024
Prix Sonning !
Heureux et fier de recevoir le Prix Sonning : https://event.ku.dk/sonning_prize/recipients/
Comment faire et que faire si...
Depuis des décennies, dans notre groupe de recherche, nous rédigeons des documents intitulés "comment faire" : comment peser ? comment faire une extraction par Soxhlet? comment faire une extraction liquide liquide ? comment laver un tube RMN ? comment calculer un écart type... et ainsi de suite.
Il y a de tout : du très simple et du très compliqué, du très court et du très long.
Au fil des années, chaque fois que nous ouvrions ces documents, nous cherchions à les améliorer, et le fait qu'ils sont devenus de qualité raisonnable.
Cependant nous venons de passer un cap important hier quand j'ai compris qu'il y avait lieu d'ajouter à ces documents des "que faire si ?".
Nous avions déjà de tels paragraphes pour le document général d'utilisation de la spectroscopie de résonance magnétique nucléaire, mais je me suis aperçu que c'est souvent une information utile : que faire si la balance dérive quand on veut peser ? que faire s'il y a des courants d'air quand on pèse ? que faire quand la balance ne donne pas trois fois de suite le même résultat ? Etc.
Bien sûr, le diable est tapi partout, le nombre de catastrophes possible est considérable. Mais il y a lieu d'être pragmatique et de considérer aussi que statistiquement, certaines erreurs sont plus fréquentes que d'autres.
Il va donc falloir maintenant rédiger que "que faire si..."
L'intrinsèque, d'abord l'intrinsèque !
Sortant d'une journée de soutenance, je fais le bilan : j'ai presque réussi à faire comprendre aux étudiants qu'il s'agissait d'une belle journée de science et non pas d'une sanction étalée sur une journée. J'ai presque réussi à permettre à des étudiants de faire des présentations orales sans stresser. J'ai presque réussi, noyautant le groupe avec quelques personnes particulièrement enthousiastes, à faire une discussion active scientifiquement.
Il faut dire que
j'avais multiplié les indications un peu contraignante pour éviter que
nos étudiants ne passent des heures à faire des PowerPoint avec des
couleurs ou des graphiques colorés, leur recommandant de se focaliser
sur l'intrinsèque c'est-à-dire le contenu scientifique des choses, plutôt que l'extrinsèque.
Par exemple, pour les aider, j'ai imposé que la première diapositive soit un titre, que la seconde soit une table des matières, que la troisième soit une introduction, et ainsi de suite.
Finalement, ces règles simples ont été très efficaces : elles ont évité à nos amis de perdre du temps.
J'espère surtout qu'il continueront à commencer par faire leurs présentations ainsi avant d'y ajouter des couleurs éventuellement.
Et j'espère surtout qu'ils seront se souvenir que le plus important, c'est le contenu et non l'habillage.
lundi 7 octobre 2024
Il faut guider
Je suis une grande naïveté mais, organisant des enseignements, je viens d'observer un phénomène amusant : depuis quelques années, j'invitais des d'intervenants extérieurs qui présentaient des applications physico-chimiques dans les industries de la formulation, et il y avait des étudiants absents, mais cette année, comme l'institution m'a demandé d'évaluer individuellement les étudiants, en plus des travaux de groupe, j'ai pensé à des QCM à propos des interventions... et observé que :
- d'une part, tous les étudiants ont été présents,
- d'autre part, plusieurs s'inquiétaient d'être capables de répondre aux questions qui allaient être posées à l'examen, de sorte qu'ils ont même été jusqu'à revoir les présentations qui avaient été faites.
Et dire que, par le passé, j'avais -naïvement- espéré que nos jeunes amis aillent chercher à comprendre ce qu'ils ne comprenaient pas... observant toutefois qu'il n'était pas apparent qu'ils l'aient fait !
Ainsi, d'une certaine façon, seule une sorte de coercition a permis de donner plus d'utilité aux l'enseignement proposé. C'est l'indication que les enseignements, pour ce groupe, restent très extrinsèques, et non intrinsèques. Il y de la naïveté à perdre, et des choses à changer, manifestement.
jeudi 3 octobre 2024
Une date à retenir : le 28 novembre
A l'Académie d'Agriculture, rue de Bellechasse à Paris, nous organisons le 28 novembre un colloque consacré à la vigne et au vin demain.
Face au changement climatique, la viticulture devra s'adapter, et nous devons prévoir des modifications éventuelles des terroirs, des cépages, des vins.
En outre, de plus en plus, on cherche à réduire ce que l'on nomme les intrants à savoir les engrais et les traitements contre les maladies et les agresseurs de la vigne. Or on commence à produire des vignes résistantes aux principales maladies que sont par exemple le mildiou ou le court noué, et il y a des résultats SPECTACULAIRES, notamment des vignes expérimentales (à Colmar) où l'on voit à gauche une vigne d'un nouveau type génétique non traité et parfaitement saine, et à droite une vigne classique bien traitée mais pourtant malade.
Pour l'instant, les modifications génétiques se font par des sélections classiques mais avec la connaissance plus fine de la biologie moléculaire puisque le public refuse l'utilisation de ce qui est classé comme des organismes génétiquement modifiés.
Cela fait perdre du temps alors que les vignerons souffrent déjà des variabilités plus fortes du climat à savoir de grandes sécheresse et de grands épisodes pluvieux, des températures plus variables que par le passé.
Il y a donc urgence pour apprendre à bien travailler. Mais pour la vigne comme pour d'autres secteurs, le public refuse la chimie et au fond, c'est paradoxalement la connaissance de la chimie qui permettra d'éviter des interventions moléculaires par une direction plus fine des travaux.
L'obscurantisme ne peut pas gagner, car il y a ce fait qu' avec la science qu'une nouvelle connaissance ne veut plus être oubliée.
Or la chimie il faut le dire n'est pas technologies ou une technique, une application des sciences mais une science elle-même.
mercredi 2 octobre 2024
Je me fais des nœuds alors que je ne devrais pas.
Viennent me voir des professionnels du sel que je ne dois ni surestimer ni sous-estimer.
Je ne dois pas les
sous-estimer parce que je suis bien certain que ces artisans ont une
belle connaissance de leur métier, qu'ils savent voir le temps qu'il
fait et l'influence sur la formation des cristaux dans les marais
salants, qu'ils savent jauger l'influence des marées,
et cetera.
En revanche, je sais -parce qu'ils me l'ont dit d'avance-
qu'ils n'ont pas de connaissance du monde microscopique qui préside à
l'organisation de leur cristaux et c'est cela qu'il sera nécessaire de
présenter.
J'ai bien sûr le sentiment que c'est tout simple, puisque
je le fais depuis ma plus petite enfance. Mais, au fond, leur dossier de chimie
est vide et c'est plus généralement cela qu'il faudra combler.
Par
exemple faire la différence entre la cristallisation du sucre et la
cristallisation du sel, essayer de comprendre pourquoi on peut dissoudre
plus de sucre que de sel dans l'eau, et ainsi de suite.
Bien sûr, sa question de la saturation est importante, mais après tout il y a aussi celle de la sursaturation, et la question de la germination, qui nécessite donc des germes...
Bref il y a beaucoup à dire, et un peu lentement, pour arriver à leur faire bien comprendre les bases de leur métier.
Pour autant, je sais qu'il faudra un peu de spectacle sans quoi un exposé lent, didactique, même bien fait, ennuiera. Il faudra recourir à des expériences parce que c'est là la clé de la bonne compréhension, l'expérience focalisant l'attention de tous, mobilisant les sens...
Bref, ce n'est pas parce qu'il y a lieu d'expliquer quelque chose de simple qu'il y ait lieu de faire ennuyeux et il s'agit de retrouver tout l'enthousiasme que j'avais quand j'étais enfant à propos de ces phénomènes que je connais maintenant si bie.
lundi 30 septembre 2024
Question de typographie
Quels
usage pour les points de suspension ? Je lis un texte où les points de
suspension sont surabondants, et ce type de faute me renvoie à la
généralité de la pratique : que veut-on dire par des points de suspension ? Bien sûr, chacun
peut en faire l'usage qu'il veut mais on n'oubliera pas que l'écriture
est une communication et qu'il y a lieu de s'interroger sur la manière
dont nos mots sont reçus plutôt qu'émis.
Veut-on abréger une
énumération ? Alors il y a la possibilité d'être plus explicite avec un
"etc.". Veut-on indiquer, dans une citation, que l'on omet une
partie du texte ? Alors la convention veut que l'on mette les points de
suspension entre des crochets.
Bref, interrogeons-nous : pourquoi des points de suspension ?
A noter que Wikipedia répond :
Les points de suspension peuvent marquer la fin d’un énoncé alors que la phrase n’est pas complète ; cela indique au lecteur que la phrase précédente aurait pu être poursuivie. La phrase précédente peut même être grammaticalement incorrecte.
Ils peuvent aussi être utilisés :
- comme un procédé rhétorique laissant la fin de la phrase en sous-entendu ;
- comme une figure de style indiquant une rupture ou une suspension du discours appelée aposiopèse ;
- comme une figure de style marquant une omission volontaire à fins de raccourci appelée ellipse ;
- dans un discours rapporté :
- lorsqu’une phrase est interrompue, par exemple par l’intervention d’une autre personne,
- pour représenter l’hésitation,
- pour représenter des grossièretés que l’on ne souhaite pas écrire explicitement ;
- sollicitation de l’imagination du lecteur ;
- à la fin de listes non exhaustives : « … » a la même valeur que « , etc. » (« etc… » est une forme erronée, bien que répandue)9 ;
- pour signaler l’absence de réponse ou de commentaire ;
- pour représenter le silence.
Pour indiquer un passage coupé dans une citation, on emploie les points de suspension entre crochets, « […] », ou entre parenthèses10, « (…) » : le Lexique des règles typographiques en usage à l'Imprimerie nationale préconise l’usage des crochets en précisant qu’il n’y a pas d’espace entre les crochets et le signe de ponctuation « […] »11, mais plusieurs autres guides invitent à utiliser les parenthèses10,12,13.
De l'usage et de l'abus des majuscules.
Je sors de la lecture d'un texte où l'on me parle de Président avec un p majuscule, de Commission avec un c majuscule, et cetera.
Pourtant, je ne peux pas m'empêcher de me souvenir que les majuscules doivent être utilisées pour des noms propres et non pas pour des noms communs.
Ainsi, un président, même si l'on a du respect pour lui, n'est pas un nom propre mais un nom commun. Les membres d'une société ? Même si cette dernière est particulièrement importante, même si le mot "membre" est consacré par un règlement intérieur, ce mot est un mot commun et non pas un nom propre : il ne mérite pas une majuscule.
mercredi 25 septembre 2024
Il faut aller au bout des choses
Lors d'une présentation de ses travaux par un collègue physico-chimiste, j'ai vu des images, quelques caractérisations... mais il m'a manqué deux aspects importants : d'une part une quantification des phénomènes qui aurait permis de dépasser leur seule apparence, et, d'autre part, une interprétation chimique plus fine.
Au fond, la physico-chimie ne prend toute son importance que quand ces deux caractéristiques sont présentes, car la physique réclame non pas seulement une caractérisation quantitative des phénomènes mais la recherche de mécanismes à partir des équations fondées sur les mesures, et, d'autre part, la compréhension moléculaire des phénomènes.
Je ne suis pas sûr que l'on puisse s'arrêter à des images microscopiques et en tout cas, la proposition d'analyse descendante des phénomènes montre que cette position n'est pas satisfaisante.
Bref je crois que mon collègue aurait dû creuser plus.
lundi 23 septembre 2024
L'éducation des enfants ? Elle fait celle des parents !
vendredi 20 septembre 2024
Sortant du séminaire de gastronomie moléculaire
Puis il y a eu un test pour savoir si des tranches d'aubergines dégorgées avec du sel se tenaient mieux à la cuisson. Nous avons donc dégorgé des tranches d'aubergine avec du sel et nous avons observé que le sel faisait sortir l'eau comme prévu au moins théoriquement. Puis nous avons fait cuire les tranches d'aubergines soit dégorgées soit non dégorgés (dans de l'huile) et nous avons vu que les tranches d'égorgées était un peu salées et plutôt plus tendres : elles se tenaient donc moins, et non pas plus !
L'un d'entre nous ayant fait remarquer que le chef triplement étoilé avait parlé de griller les tranches et non pas de les frire, même en friture plate, nous avons donc mis des tranches dégorgées ou non à la salamandre et nous avons grillé ensemble, avec la même position sur le gril. Nous avons observé une différence de couleur mais là encore, les tranches dégorgées se tenaient moins bien : c'est exactement le contraire de ce que prétendait le chef triplement étoilé !
Nous n'avons vu aucune liquéfaction contrairement à ce qui était indiqué.
Nous avons ajouté de l'huile et nous avons obtenu une béchamel un peu plus brillante peut-être un peu plus souple mais en tout cas pas liquéfiée.
Comment ne pas s'ennuyer quand on enseigne la même chose pendant des années, voire des décennies.
Hier, avec des étudiants d'un Master International en sciences et technologie de l'aliment, j'ai refait ce que je faisais naguère, à savoir faire un cours expérimental. Par cours expérimental, j'entends que nous avons fait des expériences qui ont servi de support du cours, avec des explications théoriques autour, et le succès a été grand : nos amis étaient plein de gratitude à la fin du cours.
Il est vrai que cette méthode a de nombreux atouts et, notamment, elle fixe les idées en même temps qu'elle invite à faire de la pratique ; elle soutient efficacement un discours théorique, lequel est mieux perçu, mieux compris, mieux appréhendé.
Par exemple, quand on évoque le gluten, on le prépare à partir de farine et d'eau. Quand on parle de l'effet sucre, alors on enchaîne une expérience qui montre cet effet au lieu de le dire simplement. Et ainsi de suite.
Bref nous avons passé l'après-midi à expérimenter. De petites expériences, en concept théorique, en petites expériences, en concept théorique, et ainsi de suite, l'après-midi a passé si vite que nous sommes restés debout sans même prendre une pause !
Je vois donc qu'il y a une vertu particulière dans cette méthode pédagogique et je m'interroge maintenant sur le fait que cette extraction du gluten, cet effet sucre, ces autres expériences que nous avons faites, je les connais parfaitement.
Mais moi qui m'ennuie de la répétition, j'aurais pu être lassé d'avoir à reproduire avec mes amis ces manipulations. En réalité, je m'aperçois que j'ai fait quelque chose de très nouveau pour moi, puisque il s'agit que je ne m'ennuie pas non plus, à savoir que tout le travail scientifique que j'avais fait depuis le dernier cours a permis de présenter les expérimentations et les théories qui les accompagnaient de façon complètement renouvelée.
Par exemple un étudiant a parlé d' "hydratation de la farine", et il se trouve que je m'étais préoccupé ces jours derniers de savoir ce que cela signifiait exactement : oui bien sûr hydrater de la farine c'est lui ajouter de l'eau, mais cela est idiot et la question est plutôt de savoir comme comment cette eau s'introduit dans la farine : simplement par capillarité ? Ou en se liant aux protéines ? Où on s'introduisant dans les granules d'amidon qui constituent la farine ?
En réalité, ces questions sont celles que les étudiants avaient également, et le fait que j'ai fait une belle recherche bibliographique à ce propos m'a permis de mieux répondre que je ne l'aurais fait dans le temps.
Et ainsi de suite, tout était à l'avenant : le cours a été en réalité la présentation de tout ce que j'avais découvert récemment. Je ne me suis pas ennuyé donc une seule seconde, et je vois maintenant pourquoi l'enseignement peut-être passionnant : il peut l'être à condition de faire briller les yeux de nos amis en même temps que nous voyons le résultat de nos efforts personnels et que nous nous posons des questions renouvelées.
Quel bonheur que d'enseigner dans ses circonstances !
lundi 9 septembre 2024
S'achève le 12e Concours international de cuisine
Nous venons de tenir notre douzième concours de cuisine de synthèse,
dites encore cuisine nota note.
Je rappelle, s'il le faut vraiment, que cette cuisine se fait à partir d'ingrédients qui sont des composés, et
non plus des viandes, poissons, légumes, fruits et cetera. Ces composés peuvent évidemment venir des viandes, fruits, poissons, légumes, etc., mais il
s'agit en l'occurrence de faire comme un musicien qui utiliserait un
synthétiseur (d'où le nom de cuisine de synthèse), et qui assemblerait
des ondes sonores pour faire de la musique. On sait combien cette
musique de synthèse s'est développée dans le monde : aujourd'hui elle
est partout et même les chanteurs ont une voix qui passe par une boîte à
musique, et qui est donc modifié électroniquement.
Bref toute la musique du monde est aujourd'hui de synthèse et de la même façon, il y a lieu d'explorer cette cuisine de synthèse, dont la composante artistique est dite note à note, en référence évidemment à des notes de musique.
C'est pour cette raison que nous organisons tous les ans un concours international dont la finale se tient sur le campus à gros Paris Saclay à Palaiseau.
Cette année, il y avait une trentaine de concurrents et nous en avons présélectionné 5 pour la finale, qui sont venus présenter la recette qu'ils avaient été imaginé. Le thème était l'énergie, et il y a eu tout aussi bien des concurrents qui ont cherché à réduire la quantité d'énergie qu'ils utilisaient pour produire une recette note à note que des concurrents qui ont évoqué métaphoriquement l'énergie... Telle la gagnante, Blandine Bouchelet de Vendegies, qui a créé un plat représentant un volcan.
En tout cas,
le jury, qui était composé de chefs réputés, a considéré que toutes les
présentations ont été remarquables et d'un niveau supérieur aux années
précédentes. Ils ont aussi observé combien ces présentations avaient été
professionnelles, alors qu'elles étaient effectuées par des étudiants (souvent de notre Master International Erasmus plus Food innovation and
product design.
Le jury ? Il était composé de Jean-Pierre Lepeletier, président d'honneur des Toques Blanches Internationales, de Pierre Dominique Cécillon, également président d'honneur des Toques Blanches Internationales, et d'Eric Sanchez, actuel président des Toques Blanches Internationales. Il était guidé par Yolanda Rigault, biochimiste et membre de l'équipe d'organisation, par Roisin Burke, professeur à la Technological University Dublin et également membre de l'équipe d'organisation, tandis que Dao Nguyen et Pasquale Altomonte, de la société Kitchenlab, partenaire du concours, venaient présenter les produits odorants qu'ils commercialisent. Des représentants de la société Louis François, également partenaire du concours, étaient en ligne, pour cette finale qui a été enregistrée.
Je félicite très vivement tous les concurrents, notamment ceux qui ont été pré-sélectionnés, et évidement les vainqueurs :
1. Blandine Bouchelet de Vandegies
2 Julio Garcia Dominguez
3 Rine Krasniqi
4. Charlotte Delattre et Kate Doherty
samedi 7 septembre 2024
A propos de risotto
En juin, lors du séminaire de gastronomie musculaire du mois, nous avons exploré la confection du risotto.
Nous
avions déjà, par le passé, deux fois exploré cette question, d'abord en
2007 en montrant que l'ajout du liquide (du bouillon) par petites quantités
permettait d'en évaporer davantage, ce qui engendre plus de goût puisque
le bouillon se concentre.
Puis, plus récemment, nous avions vérifié que
le nacrage du riz, c'est-à-dire la cuisson avec un peu d'huile
préalablement, permet de donner un peu plus de goût au risotto.
Il nous restait à comparer l'ajout du bouillon soit froid soit bouillant, au riz qui avait été nacré.
Nous avons donc nacré du riz, dans les règles de l'art, ajouté un demi-verre de vin comme il est prescrit classiquement, et ensuite, en chauffant les deux risottos de la même façon, nous avons ajouté soit du bouillon froid soit du bouillon bouillant, en quantités exactement identiques : nous versions une louche de bouillon froid d'un côté et une louche de bouillon chaud de l'autre.
Les deux risotto, dans les conditions de cuisson que nous avons effectué, ont cuit exactement pendant 27 minutes, et nous avons effectué des comparaisons à l'aveugle, soit en visuel soit en gustatif.
Il faut dire que pour l'une ou pour l'autre des comparaisons, les différences sont extrêmement faibles alors qu'on nous avait prédit des différences considérables.
Mais on la différence entre
les deux risotto était si faible que la moitié des tests sensoriels ne
l'a pas révélée, alors que nous faisions tout dans les règles de l'art.
vendredi 6 septembre 2024
Cherchons toujours les mécanismes !
Lors
de la dernière année universitaire, j'ai eu l'occasion d'observer que
nos élèves ingénieurs n'avaient pas suffisamment le réflexe d'aller
chercher les mécanismes des phénomènes qu'ils considéraient.
De sorte que, cette
année, au moins pour ce qui me concerne, je serai très insistant à ce
propos car je crois que c'est là la clé du bon exercice du métier
d'ingénieur.
Je ne méconnais pas que ce métier a une composante strictement technologique au sens de l'amélioration des techniques, de la résolution de problèmes techniques, de la mise au point des produits, et une composante d'encadrement d'équipe, de gestion de projet. Ici, c'est bien la question technologique qui m'intéresse et l'expérience montre amplement que des maniments superficiels des questions ne mènent à rien, font perdre du temps...
La clé du succès, c'est la compréhension des
phénomènes et la mise en œuvre de solutions guidées par cette
compréhension.
Il faut chercher le mécanisme en terme de chimie, de
physique, de biologie et c'est ensuite, quand on a une description des
phénomènes, une analyse des questions en ces termes scientifiques, que l'on
peut résoudre les problèmes de façon efficace.
Je prends la précaution d'ajouter que je ne cherche pas à transformer nos ingénieurs en scientifiques, en personnes qui cherchent les mécanismes des phénomènes. Non, il s'agit plutôt que nos élèves ingénieurs aillent chercher la connaissance des mécanismes produites par les scientifiques et mettent en œuvre cette connaissance pour les questions qu'ils traitent.
D'ailleurs, celles et ceux qui ont concocté les programmes de
préparation aux écoles d'ingénieurs ont bien compris tout cela
puisqu'ils ont mis au programme des matières fondamentales telles que
mathématiques, chimie, physique, biologie.
Nos élèves ingénieurs
bénéficient de ce socle très ferme , et nous avons la mission de les faire
avancer plus loin. Ils auraient tort s'ils pensaient pouvoir ne plus traiter
ces questions, et d'ailleurs, beaucoup aiment ces matières. Poursuivons
donc sur la lancée, incitons-les à ne pas oublier les connaissances
qu'ils ont acquises et, au contraire invitons les à développer leur
connaissance dans tous ces champs car c'est ainsi qu'ils feront
d'excellents ingénieurs.
Cela a été bien compris notamment par l'Ecole de physique et de chimie de Paris, où l'enseignement « scientifique » est très poussé, sans négliger pour autant les questions pratiques : il y a des séances expérimentales tous les après-midi pendant 4 ans.
Aidons nos amis à devenir d'excellents ingénieurs !
jeudi 5 septembre 2024
A propos de mousses, connaissez- vous les geoffroys et les würtz ?
Ce matin, un groupe d'étudiants m'interroge, à propos d'un travail qu'ils font dans le cadre des TIPE (Travaux d’Initiatives Pratique Encadrés), à propos de mousses en cuisine. Leur travail est louable : ils se préoccupent d'alimentation des personnes âgées, et veulent faire -je schématise- une mousse à paratir de viande et de d'une mousse de blanc en neige. Amusant que cela m'arrive précisément alors que je viens de finir un texte (pour la revue<i> Charcuterie et gastronomie</i>) où je discute précisément le fait que les quenelles peuvent être des systèmes foisonnés comme les soufflés, comme je l'ai compris après notre avant dernier séminaire. Bref, nos jeunes amis me disent : <i> </i> <i>Après avoir réalisé de nombreux tests afin de trouver la composition idéale de la mousse, nous avons pu déterminer qu'il fallait 6 blancs d’œufs (pour un œuf d'un poids moyen de 60 grammes) et 30 g de blancs de poulets cuits préalablement afin d’avoir une mousse consistante. Cependant, cette composition est très riche en œuf, et la tenue de notre mousse n'est pas idéale. C'est pourquoi nous voudrions vous poser les questions suivantes : - Quels nutriments artificiels seraient-ils judicieux d'ajouter à la composition de notre mousse afin de diminuer la teneur importante en blanc d’œuf ? - Est-il possible de diminuer la teneur en blanc d’œuf sans altérer l'aspect et le maintien de la mousse ?</i> <i>- Existe-il des agents stabilisants ou des techniques permettant de garder une tenue suffisante de la mousse afin de la conserver ?</i> <b>Quarante litre de blancs en neige à partir d'un oeuf</b> Dès le début de leur message, je butte sur le mot "idéale", parce que c'est un adjectif, et que l'objectif qui permettrait de mesurer cette idéalité n'est pas donné. Bref, nos amis ont produit une préparation de 30 grammes de poulet broyé (je suppose) et de six blancs d'oeufs, sans doute battus en neige. J'imagine donc une mousse très volumineuse (environ deux litres de mousse), dont nos amis me disent qu'elle est riche en oeuf... ce qui est une évidence, puisque l'oeuf, c'est de l'oeuf. Mais pourquoi ne parlent-ils pas plutôt de protéines et d'eau ? La viande, c'est environ 25 pour cent de protéines et 75 pour cent d'eau, tandis que le blanc, c'est 10 pour cent de protéines et 90 pour cent d'eau. D'autre part, veulent-il réduire la proportion de protéines d'oeuf ? C'est alors facile, quand on prépare un "<b>geoffroy</b>", c'est-à-dire un oeuf très foisonné... et je rappelle que nous avons obtenu plus de 40 litres de mousse à partir d'un seul blanc d'oeuf, soit environ 3 grammes de protéines. Comment ? En réfléchissant que de l'oeuf en neige, c'est une solution aqueuse de protéines que l'on a foisonné. Combien de mousse peut-on obtenir avec un blanc ? Puisque le blanc d'oeuf est fait de protéines et d'eau, et que, classiquement, l'ajout d'air ne procure qu'un petit tiers de litre de mousse, c'est que manquent soit l'eau, soit les protéines, soit l'air. Or l'air ne manque pas... et l'expérience qui consiste à ajouter de l'eau montre que c'est l'eau qui manque... ce qui a constitué la base d'un "atelier" des "Ateliers expérimentaux du goût", à l'attention de l'Education nationale (école, collèges, lycées, lycées professionnels, centres de formation des apprentis) : http://www2.agroparistech.fr/Les-Ateliers-experimentaux-du-gout.html Bref, il est facile de réduire la quantité de protéines dans une mousse ! <b>Mais il y a d'autres solutions à... foison ;-)</b> Cette question des oeufs n'est pas le fin mot de l'histoire, car nos amis pourraient faire foisonner le poulet sans ajouter des oeufs, mais ils pourraient également produire une de mes inventions que j'avis nommé "würtz" : l'idée est de dissoudre un peu de gélatine dans un liquide, puis de fouetter pour faire foisonner. Ensuite, on statilise la mousse en la mettant au froid. Evidemment, le liquide mérite d'avoir du goût, comme je le dis ici, notamment : http://hervethis.blogspot.fr/2017/12/les-wurtz.html Ou encore ici : http://www.pierre-gagnaire.com/pierre_gagnaire/travaux_detail/48 Bref, plein de solution pour des mousses de protéines. Mais, au fait, savez-vous qu'il y d'autres agents foisonnants que les protéines ? C'est une autre histoire, qui sera contée une autre fois.