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samedi 6 janvier 2024

Des questions de protéines et d'acides aminés

Je reçois une question : 

 

Qu'est-ce qu'une protéine ? Qu'est-ce qu'un acide aminé ? Souvent, on sait que les protéines sont faites de résidus d'acides aminés, et, parfois, on connaît le terme de "peptide", ou de "polypeptide", mais quand a-t-on une protéine ? 

Et je reçois une question subsidiaire : 

Les résidus d'acides aminés sont-ils différents, dans une protéines, ou bien un même résidu peut-il être présent plusieurs fois ? 

 

 Ma réponse est constante, pour les étudiants en science et technologie des aliments, comme pour tous : pour ces questions de définition des termes chimiques, le RÉFLEXE immédiat doit être de consulter le Gold Book de l'Union internationale de chimie et des applications de la chimie, soit IUPAC, en anglais : https://goldbook.iupac.org/terms/view/P04898. 

Et, pour le mot "protéines", on trouve :

Naturally occurring and synthetic polypeptides having molecular weights greater than about 10000 (the limit is not precise).

See also:
peptides
Source:
PAC, 1995, 67, 1307. (Glossary of class names of organic compounds and reactivity intermediates based on structure (IUPAC Recommendations 1995)) on page 1361 [Terms] [Paper]
See also:
White Book, 2nd ed., p. 48 [Terms] [Book]

 C'est donc clair : il s'agit de composés "naturels" ou de synthèse. La catégorie comprend les protéines d'origine naturelle, mais aussi des protéines synthétisées, des "polypeptides". 


Polypeptides ? Regardons l'IUPAC : 


Peptides containing ten or more amino acid residues.Sources:

PAC, 1995, 67, 1307. (Glossary of class names of organic compounds and reactivity intermediates based on structure (IUPAC Recommendations 1995)) on page 1359 [Terms] [Paper]
White Book, 2nd ed., p. 48 [Terms] [Book]

 

Et cela doit nous conduire à "peptides", et à "résidus d'acides aminés". 

Pour "peptide", tout d'abord : 

Amides derived from two or more amino carboxylic acid molecules (the same or different) by formation of a covalent bond from the carbonyl carbon of one to the nitrogen atom of another with formal loss of water. The term is usually applied to structures formed from α-amino acids, but it includes those derived from any amino carboxylic acid. 

 

Là, c'est un gros morceau, mais conservons, pour les besoin de notre discussion, qu'il y a des composés dont les molécules sont des résidus d'acides aminés, en petit nombre (moins que 10, sans quoi on tombe dans le polypeptide).  


Et il nous reste les acides aminés, ainsi que les "résidus" d'acides aminés. 

Pour les acides aminés, c'est tout simple, en quelque sorte, puisque ce sont des composés dont la molécule porte   :
- un groupe amine  : un des atomes de carbone C du squelette moléculaire est lié à un atome d'azote N, qui est lui-même lié à deux atomes d'hydrogène (je simplifie) ; on trouve un motif -NH2
- un groupe acide carboxylique : cette fois, un des atomes de carbone C du squelette moléculaire est lié à un atome d'oxygène O, d'un côté, et à un autre atome d'oxygène O qui est lié à un atome d'hydrogène H, soit le groupe -COOH

J'ajoute qu'un acide aminé a donc cette structure moléculaire, mais que, quand des acides aminés s'enchaînent en peptides, en polypeptides ou en protéines, alors ils sont modifiés, avec la perte de certains atomes, de sorte que cette structure n'est plus présente ; on n'a plus des "acides aminés", mais des objets que l'on peut identifier par la pensée, et qui sont des "résidus d'acides aminés". 

J'ajoute aussi, pour revenir à la question initialement posée, que les acides aminés qui sont présents chez les êtres vivants, soit sous forme d'acide aminé, soit sous la forme de résidu d'acide aminé, sont au nombre de 20 (pour les plus courants)
[Kvenvolden KA. 1972. Criteria for distinguishing biogenic and abiogenic amino acids, Space Life Sciences, 4, 60-68]

Et, dans un enchaînement de résidus d'acides aminés, pour terminer, on peut trouver n'importe lequel en n'importe quelle position, de sorte que, oui, un même résidu peut se retrouver plusieurs fois présent dans une chaîne polypeptidique ou dans une protéine. 


Ouf, est-ce assez répondu ?

 

samedi 10 juin 2023

Les protéines ? Les acides aminés ?



Protéines, acides aminés :  de quoi s'agit-il ?  Commençons par des protéines. Je propose d'en voir, soit en regardant un tas de gélatine en poudre, soit en regardant une feuille de gélatine, soit en considérant de la poudre de blanc d'oeuf, soit en faisant sécher du blanc d'oeuf.
Dans tous ces cas, il y a un solide, souvent vitreux, qui peut être divisé en grains, lesquels apparaissent blancs parce que la lumière blanche se réfléchit sur leurs faces.
Nous aurions pu en voir de vertes, pour des protéines extraites du chanvre... mais la couleur n'aurait pas été celles des protéines, mais d'impuretés dans la matière extraite du végétal.

D'ailleurs, dans quelles matières trouve-t-on des protéines ? Dans tous les tissus végétaux ou animaux... mais il est vrai que les muscles des animaux en contiennent beaucoup. Et, pour les plantes, c'est du côté des légumineuses que l'on ira chercher : pois, lentilles, soja...

Reste que l'extraction la plus simple est à partir du blanc d'oeuf, puisque celui-ci est fait de 90 pour cent d'eau et de 10 pour cent de protéines. Quand on laisse sécher un blanc d'oeuf à l'air, l'eau s'évapore et l'on récupère un solide jaune vert, comme une résine : il est fait quasi exclusivement de molécules de protéines.

Des molécules de protéine ? Si nous regardons le blanc d'oeuf avec un supermicroscope supergrossissant, on voit de petits objets qui bougent rapidement en tous sens : ce sont les molécules d'eau ; et, parmi elles, il y a des sortes de pelotes, qui sont les molécules de protéines.  Dans les deux cas, il s'agit de  molécules mais ces molécules ne sont pas les mêmes. D'ailleurs dans le blanc d'oeuf, les pelotes sont de plusieurs sortes : en chimie, on dit qu'il y a plusieurs sortes de molécules de protéines, ou plusieurs protéines différentes

samedi 10 octobre 2020

Pourquoi il n'y a pas d'acides gras dans les triglycérides ni d'acides aminés dans les protéines



On rencontre décidément parfois des personnes étranges : là, des scientifiques (pas chimistes) ne veulent pas admettre, sans avoir à m'opposer d'arguments autres que des usages anciens (et fautifs),  que les protéines ne sont pas faites d'acides aminés, ou que les triglycérides ne sont pas faits d'acides gras.

Expliquons, aussi simplement que possible, et en prenant des exemples.

Si l'on regardait de l'huile à l'aide d'une sorte de super-microscope, on verrait un grouillement d'objets ressemblant à des pieuvres à trois tentacules. Ces objets ont pour nom "triglycérides", et ils sont faits d'atomes de carbone, d'oxygène et d'hydrogène.
La "tête des pieuvres" est faite de trois atomes de carbone, d'où partent les trois "tentacules". Or il y a un composé à trois atomes de carbone qui a pour nom glycérol, et les "tentacules" ressemblent beaucoup à des composés que l'on nomme des acides gras. De plus, on peut effectivement partir de glycérol et d'acides gras pour produire des triglycérides, mais au prix d'une réaction chimique, avec l'élimination de certains atomes d'oxygène et d'hydrogène. Bref, une fois que le triglycéride est fait, il n'y a plus de glycérol ni d'acides gras, même si un chimiste en retrouve la marque.

D'où ma conclusion : il n'y a pas d'acides gras dans l'huile, puisqu'il n'y a que des triglycérides. Et, d'autre part, il n'y a pas d'acides gras dans les triglycérides, mais seulement des résidus d'acides gras.

Ce que je viens d'expliquer se retrouve avec les protéines, qui ne "contiennent" pas d'acides aminés, mais sont des enchaînements de résidus d'acides aminés". Là encore, le mot "résidu" permet de bien comprendre que des atomes ont été éliminés des acides aminés.

Tout cela me semble simple et clair, mais je compte sur vous pour me signaler des obscurités.
En tout cas, je ne comprends pas pourquoi des collègues d'autres disciplines rechignent à utiliser des terminologies correctes... à moins qu'ils n'aient d'idées que de simples mots, comme des manteaux sans personne dedans ?

samedi 26 janvier 2019

La dénaturation des aliments ? Non, la dénaturation des protéines

La dénaturation ? Le mot recouvre un vaste ensemble de phénomènes, mais, notamment, il s'applique aux protéines, ces composés dont les molécules sont des enchaînements de résidus d'acides aminés. Les acides aminés ? Des composés dont les molécules comportent au moins un groupe amine, avec un atome d'azote lié  à deux atomes d'hydrogène (-NH2) et un groupe acide carboxylique, avec un atome de carbone lié, d'une part doublement à un atome d'oxygène, et, d'autre part à un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène. On représente la molécule ainsi :




Les protéines, pour y revenir, sont faites de dizaines à milliers de résidus d'acides aminés, et, quand on les représente, on ne peut évidemment pas montrer tous les atomes, de sorte qu'il faut plutôt penser à une sorte de pelote:



Et nous sommes maintenant prêts pour savoir ce qu'est la dénaturation des protéines : c'est un changement de conformation plus ou moins grand (pour des définitions de ce type, voir le Gold Book de l'International Union of Pure and Applied Chemistry, en l'occurrence https://goldbook.iupac.org/html/D/D01586.html).


Et nous pouvons maintenant examiner une question que je reçois ce matin:

Dans le cadre d'un travail portant sur la consommation sans utilisation de chaleur, c'est à dire le moyen d'obtenir des effets similaires à la chaleur sans pourtant l'utiliser, nous sommes ammenés à travailler sur la dénaturation.
Cependant, la dénaturation avec un effet mécanique nous pertube beaucoup car nous ne savons pas si elle est reproductible sur d'autres aliments que l'oeuf (lorsque qu'ils sont montés en neige).
Pourriez-vous, s'il vous plait, nous éclairés sur le sujet et si possible nous indiqués d'autres aliments sur lesquels cette effet est possible ?

Observons tout d'abord que la première phrase est étrange : une  étude de "la consommation sans utilisation de chaleur"... Mais une consommation de quoi ?  Le "c'est-à-dire" s'impose... mais là encore, je tique : "obtenir des effets similaires à la chaleur sans l'utiliser".
Bon, je suppose que mes interlocuteurs veulent savoir si d'autres moyens que la chaleur permettent d'obtenir des moyens que permet la chaleur. Et là, il y en a beaucoup... notamment depuis que Rumford et Joule ont établi une équivalence entre chaleur et travail mécanique, ou que l'on a compris que la lumière était une forme d'énergie, par exemple. En réalité, les formes d'énergie sont interconvertibles, jusqu'à la matière, qui correspond à de l'énergie (on se souvient de la fameuse équation dite d'Einstein E = m c²).

Bon, mais cela, c'est presque toute l'histoire de la physique, et je ne vais pas résumer cela dans un billet de blog ! J'arrive donc à la suite de la question, à savoir la dénaturation. Mes interlocuteurs parlent de la dénaturation des aliments... mais à part pour l'acception "changer la nature de", il n'y a pas, en cuisine, de dénaturation des aliments, mais seulement de dénaturation des protéines ou des autres macromolécules, comme dit dans la définition du Gold Book de l'IUPAC.

J'explique : un blanc d'oeuf, c'est 90  pour cent d'eau et 10 pour cent de protéines (une vingtaine de sortes). Quand on le chauffe, les molécules  de protéines sont heurtées par les molécules d'eau qui sont alors plus rapides, et la structure repliée des protéines se déroule : les molécules de protéines sont dénaturées. Il se trouve que certaines de ces molécules dénaturées peuvent établir des liaisons assez fortes, et cela correspond à la coagulation  (on observera que l'interface eau-air semble important :  C. R. Thomas, D. Geer. Effects of shear on proteins in solution Biotechnology Letters, Springer Verlag, 2010, 33 (3), pp.443-456).
Mais il y a d'autres protéines pour lesquelles la dénaturation ne s'accompagne pas de coagulation : par exemple, quand on chauffe du tissu collagénique, il est dissocié, le collagène est dénaturé, mais il n'y a pas de coagulation.


Sans chaleur, maintenant

Il est exact que quand on cisaille un blanc d'oeuf, les protéines subissent les mêmes types de déformation, et peuvent également coaguler : c'est peut-être là l'explication du grainage des blancs d'oeufs trop battus.
Et cela vaut pour n'importe quelle protéine... mais pas pour des aliments ! Ainsi, les protéines globulaires se trouvent aussi bien dans l'oeuf que dans les viandes, les poissons, mais aussi les légumineuses... et tous les tissus vivants, végétaux ou animaux : les êtres vivants utilisent des protéines comme "briques" (par exemple, le collagène) ou comme "ouvriers", qui sont nommés enzymes.


Mais, je le répète, ce sont les protéines qui sont dénaturées, pas les aliments.