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samedi 28 janvier 2023

Quelle distance entre deux molécules, dans l'air ?

Là, je reçois un message qui me conduit à signaler, à nouveau, la publication de mon livre Calculating and Problem Solving Through Culinary Experimentation :

https://www.routledge.com/Calculating-and-Problem-Solving-Through-Culinary-Experimentation/Kientza/p/book/9781032286501

Pour la partie qui nous intéresse ici, le message est le suivant :

J'avais beaucoup aimé votre vidéo représentant les chocs et les forces électrostatiques entre molécules d'eau.Voici la même chose pour l'air. Je ne sais pas si la proportion taille des molécules/distance entre les molécules a été respectée :

https://twitter.com/FoxarFR/status/1619053036198043648‌


 

Et ma réponse donnée dans le livre est de calculer un ordre de grandeur des distances entre les molécules. 


Supposons une masse d'une mole de diazote (l'air, c'est majoritairement des molécules de ce composé) : 28 grammes. 


Le nombre de molécules est donc le nombre d'Avogadro, soit environ 6e23 (on note e23 le nombre 10 à la puissance 23). 


Une mole de gaz occupe un volume d'environ 25 litres (soit 25e-3 m^3 ; ici, je note par ^ une élévation à la puissance, de sorte que m^3 est l'abréviation de mètre cu be), à la température de 25 °C, et pour une pression  de 1 bar. 


Soit le volume occupé par une molécule de diazote, en moyenne :
25e-3/6e23. 


Supposons ce volume cubique : la dimension de l'arête du cube est égale à la racine cubique de ce volume. C'est aussi la distance entre les centres de deux de ces petits cubes. 


De sorte que la distance entre deux molécules de diazote est en moyenne de :
(25e-3/6e23)^1/3
Soit (en m)  : 3,5e-9. 


Cette distance, de 3,5 nanomètres, est à comparer à la distance de la liaison entre les deux atomes d'azote dans la molécule de diazote, soit environ 0,1 nanomètres. 


Autrement dit, les centres de deux molécules de diazote sont distances de 35 diamètres de molécules.

dimanche 22 mai 2022

A propos des composés du goût

 

Une question, à propos des "molécules du goût" :

Connaissez-vous un livre mettant en corrélation les sols, les molécules des goûts, les molécules identiques identifiées dans plusieurs catégories de plantes. Et en 2 un livre avec des goûts ne pouvant pas se mélanger

 

La question est venue sur Twitter, et j'ai répondu, toujours sur Twitter, mais en quelques dizaines de caractères seulement.
Or j'ai compris qu'il fallait prendre le temps de faire mieux, parce que la question était symptomatique.

 

La réponse ici : https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/a-propos-des-composes-du-gout/

 

jeudi 25 novembre 2021

Les jaunes brûlés (il faut hélas insister)

 



Je reçois un message qui contient un nombre de fautes d'orthographe considérable, mais, surtout, qui invite à donner des conseils à nos jeunes amis à propos de méthodologie. 

Voici  le message : 
Je suis étudiente [sic] en deuxième année de physique-chimie et j'ai lu votre blog au sujets des "jaunes brûles" [sic]
Je doit [sic] faire des recherches à ce propos, mais je n'ai pas bien compris ce que vous expliquer [sic] au sujet des lipides. 
On m'avais  [sic] dit que les jaunes d'oeuf contenais [sic] des cellules lipides et que ces cellues [sic] sont attirés [sic] par les glucides et qu'il se produit une reaction chimique avec un degagement [sic] de chaleur. 
Si je part [sic] de ce que vous dites cela signifie que ce que je viens d'énoncer est faux.  
Mais dans ce cas que ce [sic] passe t-il lors du malange [sic] sucre plus jaune d'oeuf? 

Notre jeune ami est  d'autant plus mal parti qu'il a de mauvaise lecture :  quand on est à l'université, il est hors de question d'aller chercher des ouvrages de vulgarisation pour faire des travaux ; il faut contraire chercher des manuels universitaires, assortis de références à des articles scientifiques. 

D'autre part, je m'étonne que mon interlocuteur n'ai pas compris mon blog au sujet des des jaunes brûlés (et non "brûles", mais cela fait sans doute partie des fautes d'orthographe). 
Voici ce que j'ai écrit  : 
N'est-ce pas clair ? 

Apparemment notre jeune ami aurait lu (ailleurs que sous ma plume) que les jaunes d'oeufs auraient contenu des « cellule lipides »... mais cela n'a aucun sens en français ! Les cellules, ce sont des organismes vivants qui composent les tissus végétaux ou animaux. Et le jaune d'oeuf est majoritairement une "suspension", avec des "granules" dispersés dans un "plasma", à savoir une solution aqueuse de protéines (notamment). 

Quant aux lipides, ce sont des molécules, donc ni des granules, ni des cellules. 

Quand on ajoute du sucre à des jaunes d' œuf, les molécules (j'ai bien dit "molécules") de saccharose (ces molécules sont empilées régulièrement dans les cristaux de sucre) se dissolvent dans la partie aqueuse du jaune d' œuf,  le plasma. C'est tout simple ! 

D'autre part, d'où sort cette réaction chimique qui serait exothermique ? Qui l'aurait mesurée ? Où est l'article scientifique cité en référence ? En réalité, ce n'est pas la peine de chercher les réponses à ces questions, car tout ce qui a été dit est complètement faux. 

J'y reviens  : que se passe-t-il lors du mélange de sucre du jaune d' œuf ? Le sucre se dissout dans l'eau éventuellement, il peut y avoir des dénaturations de protéines. Oui, le sucre captant l'eau, il peut y avoir des dépots de protéines à la surface des cristaux, ce qui aurait comme conséquences que la dissolution des cristaux est plus difficile, d'où les "jaunes brûlés" (une mauvais expression, car "brûler", en français, signifie "détruire par le feu" (Trésor de la langue française informatisé, dernier accès 2021-11-25 : je montre le bon exemple). 

Moralités : 
- à l'université, utiliser des textes scientifiques, pas de la vulgarisation pourrie
- quand il est question de science, se référer à des... références (scientifiques, j'insiste)
- n'admettre que ce que l'on comprend
- utiliser des bons mots : la science est dans le détail... et c'est ce qui me gêne dans les fautes d'orthographe que j'ai dépistées dans le message ci dessus.

lundi 21 septembre 2020

Rêver... activement !

 
science/études/cuisine/politique/Alsace/gratitude/émerveillement


1. Je dis souvent aux étudiants qu'il faut rêver... mais je me reprends quasi immédiatement : rêver efficacement, activement !

2. De quoi s'agit-il ? Face à une question un peu difficile, nous ne parvenons pas toujours à trouver facilement une solution, souvent parce que nous manquons d'une stratégie fiable de recherche de la solution. Et l'on peut s'interroger sur la façon de nous y prendre.

3. Ma proposition consiste évidemment toujours à bien poser la question, puis à l'analyser par un soliloque, avant de proposer une solution, puis d'imaginer une évaluation de la solution trouvée.

4. Mais quand, malgré nos efforts, nous n'y parvenons pas ? Ou quand, dans un temps imparti limité, nous n'avons pas trouvé la solution ? C'est là que je parle de rêve : une fois l'analyse bien posée (par écrit !), on va se coucher... et souvent la solution apparaît pendant la nuit, comme par miracle.

5. J'insiste un peu : c'est bien rare que la solution arrive quand on n'a pas d'abord bien cherché, quand on n'a pas passé du temps, activement, à décortiquer la question. Donc rêve, oui, mais rêve actif !

6. Et je ne saurais assez recommander la technique, parce que ce moment où la solution survient est un grand bonheur, qui correspond à ce que Martin Gardner, fervent promoteur des "jeux mathématiques", qui tint une chronique mensuelle dans Scientific American, nommait "le haha, ou l'éclair de la compréhension mathématique". Il en a fait un livre épatant, que je vous recommande évidemment.

6. Oui, rêvons, mais n'oublions que seuls ceux qui ont fait un long chemin sont soudainement déposés par les fées de l'"intuition", de l'avant-dernière étape jusqu'au but de leur cheminement. 




vendredi 24 juillet 2020

Tu viens avec une question, mais quelle est ta réponse ?

1. On parle de clichés pour des expressions, mais il y a des idées (opinions ?) qui en sont : propagées sans analyse, sans réflexion, ne prenant leur force que de leur répétition, & révélées creuses dès qu'on les examine un peu. Par exemple, il serait bon d'avoir des questions, et ce serait d'ailleurs mieux que de ne pas en avoir.
Oui, poser des questions est bien... quand elles sont pertinentes, fructueuses, actives.

2. Car il y a des questions idiotes, et est idiot celui qui les pose, simplement pour le poser. Le jeux tout formel de poser des questions est insensé, quand ces questions sont sans intérêt, quand elles sont hors de cadre cohérent, sans objectif.

3. Il y a aussi des questions simplement informatives : combien de protéines dans un blanc d'oeuf ? Et la réponse peut être le nombre de protéines différentes (une vingtaine de sortes, pour les principales), ou le nombre de molécules de protéines (à raison d'une masse molaire moyenne de 45000, d'une masse de 30 grammes de blanc, d'une proportion de 10 pour cent de protéines, on calcule un nombre de molécules de protéines voisin de 1000 milliards de milliards), ou la proportion en masse des protéines (environ 10 %)...

4. Et inversement, il y a des questions éminemment positives, comme de s'interroger sur les non linéarités de la conduction électrique, ce qui a conduit à la découverte de l'effet Hall quantique.

5. Mais, surtout, j'ai l'impression que la question vaut mieux par ce qu'elle engendre que par elle-même, et qu'elle est plus intéressante quand on l'examine soi-même que quand on la pose aux autres. Au fond, pourquoi se reposer sur autrui pour avoir la réponse, alors qu'on peut avancer en la posant, en la triturant, la ruminant, la faisant sienne ?

6. Dans notre laboratoire, il y a ainsi écrit sur la porte : "Tu as une question, mais quelle réponse proposes-tu ?". Si je réponds à mes amis, c'est moi qui fait un bénéfice (parfois faible) de la réponse, au lieu qu'ils gagnent en autonomie.


lundi 21 octobre 2019

Quelle est la question à laquelle je ne pense pas ?


Étonnant phénomène que celui que j'ai détecté hier,  lors d'une conférence que je donnais :  je montrais l'évolution de la cuisine au cours du temps ;  puis je montrais  l'état de la cuisine d'aujourd'hui dans différents pays. Je signalais donc l'organisation de mes exemples selon  deux axes perpendiculaires,  l'un vertical pour le temps et l'autre horizontal pour la répartition géographique.
Et immédiatement, j'ajoutais qu'il nous fallait donc chercher sans attendre un troisième axe perpendiculaire aux deux autres.
Cette proposition n'était pas indécente intellectuellement... sauf que, le soir venu, je me suis aperçu qu'il était un peu paresseux de chercher seulement un troisième axe perpendiculaire aux deux autres  : pourquoi pas, aussi, un quatrième, puis un cinquième, etc. ?

Pourquoi n'avais-je pas proposé immédiatement plusieurs axes, et non pas seulement un de plus ?  Une première analyse me fait comprendre que le troisième axe s'est imposé parce que nous vivons dans un espace à trois dimensions. Certes, mais,  quand même, il n'est pas interdit de penser les espaces les espaces  à quatre, cinq, six, etc.  dimensions ? 

Il y avait donc une erreur terrible, et si l'on se préoccupe d'innovation,  alors il apparaît clairement que le nombre trois doit appeler le nombre quatre, qui doit appeler  le nombre cinq,  et ainsi de suite à l'infini !

vendredi 13 septembre 2019

Answering a question

The 10th of September 2019, thanks to the FIPDES friends, a new "obvious" idea arose abour answering questions and making exercises.
This idea did not come immediately, but after we spent some time discussing the following exercises of  Course #3 :

Exercise  1. Select an "interesting" recipe from your own culture. Tell the group why  it is "interesting" (but of course think of what it can be). Guess why this excercise was proposed. And try to know why this would be useful for your carreer in the "food innovation and product design".

For some years, this exercise was the opportunity to  discuss what "interesting" means, and this is why the word was between quotes. Indeed there are wheels within wheels with this exercise, and the two last questions give only a superficial hint toward some of them. The fact that this exercise was the first meant that in the past years, we  spent a lot of time on it, because it was showing the way for the next exercices.
But this year, because we arrived to the exercise when we had discussed the idea that in science, adjectives and adverbs are forbidden, and have to be replaced by the answer to the question "how much?", it came suddenly to my mind that I did not do what I should: it is useless to try to "define" the word "interesting", as we did, but the only thing to do was to design a quantitative index... or many, because any definition should be associated with one such quantitative information.
And because we are now on the right scientific track, let's remember that science means quantitative + references ! So that the mistake of the past years was double: the quantitative treatment was missing, but as well the references!

And this is why, suddenly, the second exercise improved as well.
This exercise is:
Exercise 2 : please try to write a 1500 characters piece on what is art. Guess why this excercise was proposed. And find out why this would be useful for your carreer in the "food innovation and product design".
Last year, for example, my FIPDES friends wrote pieces about 1500 characters, using what they had found on internet. Of course, going to Wikipedia is not enough, and one can guess that someone like me needs much more. I am not saying that Wikipedia is bad (and I even contribute frequently to improving it), but I say that this is not strict enough in science and technology, with a poor impact in communication. For sure, a treaty of "aesthetics", such as the one by Shitao, is much better. Or the Poetic by Aristoteles. Or some theoretical works by Jorge Luis Borges, or by Umberto Eco. Remember that culture (I mean the right one: the pieces produced by intelligent people) is important for innovation!
And this why this particular piece to be produced should be more than a poor personal feeling being expressed! It has to include references... and if you are smart, why not try to incoroporate quantitative information as well? After all, now that we have these two ideas, quantitative and references, let's apply them always!

Now, a question: how to make it quantitative? Let's look at the next exercise:
Exercise 3: find  a Roman recipe on line, and show how it is similar or different from today's recipes. Guess why this excercise was proposed.
And find out why this would be useful for your carreer in the "food innovation and product design".
It is easy to find the references... and if you go online, you will probably find recipes by "Apicius" (guess why I put quotes here?).
Now, is it "original" to find such a recipe? Let's define quantitatively originality as the contrary to what is frequent.
Let's imagine that 1 recipe is not  from Apicius. Then the ratio of 1 over N (number of friends in our group) would be small, because N is larger than 1. And if two of us have a recipe outside Apicius, the 2/N ratio would increase... in spite that it is less original being 2 rather than 1 outside a group.
But we are looking for an index that increases with originality, not that decreases! Why not deciding for the N/k ratio instead, where k is the number outside Apicius? Or course, now this ratio would be infinite in the particular case when all recipes are from Apicius: this means that being original would be infinite. And on the other side of the scale, we would have 1.
Do you want instead an intervalle between 1 and 0? It is easy to change a scale, using a function.

For the next exercise, it was easy to find something quantitative... apparently:
Exercise 4 : try to find how many people are undernourished in your country?
Guess why this excercise was proposed.
And find out why this would be useful for your carreer in the "food innovation and product design".
Yes, you will probably easily find the number that you are looking for. But the question here is hidden: the idea is not to make this research, because it does not call for much intelligence, and you remember that I praise intelligence (and work), not making simple and silly things.
Here, again, there are many ideas behind the exercise, but in particular the question of "significant" figures. I know that some say that in their country, the figures are manipulated by the government, etc. But anyway, if you look well, you will find estimations.
Now, for all, the question of significant figures is in front of you:
1. do you know WELL what it is (I mean: so well that you can define it precisely, and apply this knowledge)?
2. could you say how much it is for a balance with 1 g precision? for a balance with 0.000001 g precision (beware, there is a trap here)? for the figures that you found here?

And now you know enough for the next exercise:
Exercise 5: identify an "original" culinary practice from your country.
Guess why this excercise was proposed.
And find out why this would be useful for your carreer in the "food innovation and product design".

And for the next one:
Exercise 6:
(a) find something that you  eat  daily and is disgusting for others ;
(b) find something that you consider disgusting in the country of a member of the cohort. Guess why this excercise was proposed.
And find out why this would be useful for your carreer in the "food innovation and product design".

And even for the next one.
Exercise 7: select a recipe and extract the parts of it when the goal is to achieve (1) safety ; (2) flavour. Guess why this exercise was proposed.
And find out why this would be useful for your carreer in the "food innovation and product design".



Finally, please remember :
1. quantitative
2. good references !

vendredi 12 juillet 2019

Autres questions et autres réponses


Amusant, que les questions que l'on me pose sont sans cesse les mêmes ! Ce matin :

La fermeture d'El Bulli en 2011 a-t-elle sonné le glas de la cuisine moléculaire ?

Le glas de la cuisine moléculaire ? Où avez vous vu cela. Je ne cesse de recevoir des emails (plusieurs par jour) de personnes du monde entier qui me font part de leur bonheur de produire une cuisine moderne !
D'autre part, la cuisine moléculaire est aujourd'hui partout... et l'on n'oublie pas que sa définition, c'est de cuisiner avec de nouveaux outils. Or la plupart des restaurants du monde font aujourd'hui de la cuisson basse température, et mon "oeuf parfait", ou mon chocolat chantilly sont  dans tous les pays. Des supermarchés très populaires vendent des siphons, et tous les professeurs de lycées hôteliers reçoivent une formation de gastronomie moléculaire.
C'est donc un travail non pas achevé, mais très bien engagé, et El Bulli ne compte pour rien, dans tout cela. Regardez les restaurants les plus en vogue: ils n'ont plus que de la cuisine moléculaire... que je cherche  à tuer pour installer la "cuisine note à note"... qui est déjà également enseignée dans nombre de pays.


Vous attendiez-vous aux problèmes d'ordre sanitaire et médical qu'a connu Adria Ferran ?

Les problèmes sanitaires de Ferran Adria ? Ils valent pour tous les restaurants : la Food and Drug Administration a publié sont études des désordres intestinaux, et montré que la moitié de ceux-ci résulte d'un passage dans un restaurant où les cuisiniers se sont insuffisamment lavés les mains. Il y a peu, je suis revenu de Tunisie avec une diarrhée terrible, qui résultait d'une cuisine parfaitement traditionnelle. Quel journal va en parler ? Qui incriminera la cuisine traditionnelle ?
Avec les cuisiniers publiquement exposés, il y a seulement le fait que quand le roi pète, tout le monde s'en aperçoit, notamment la presse la plus réactionnaire. Inversement, on ne parle pas des mille inconvénients de la cuisine classique, qui conduit à l'obésité, ou à faire manger des benzopyrènes cancérogènes (le nord de l'Europe meurt de manger trop de produits fumés...).
Cela étant, depuis le début de la cuisson à basse température, je ne cesse d'alerter sur le fait qu'il faut faire attention aux utilisations des nouveaux outils : ne pas cuire longtemps à des températures inférieures à  60 °C pour des cuissons longues, ne pas cuire le porc, le sanglier, à des températures inférieures à 85 °C, par exemple.
Surtout, cuisiner en sachant ce que l'on fait. C'est comme pour l'emploi d'un couteau : il y a du danger... mais il faut éviter les risques, en apprenant à s'en servir. Du coup, vous auriez aussi pu me parler de l'azote liquide, où il y a eu deux accidents... mais combien d'intoxications par la cuisine traditionnelle ? Combien d'empoisonnements aux champignons ? Aux herbes de la forêt ? Etc.
Bref, cessons de parler craintivement de tout ce qui est nouveau (le plus lourd que l'air ne volera pas  ; les chemins de fer feront tourner le lait des vaches, etc.), et promouvons  le travail, la connaissance, qui contribue à minimiser les risques (puisque, cuisine classique ou pas, il y a du danger).


Certains critiques gastronomiques sont vent debout contre les jugements du guide Michelin. Il aurait tendance à délaisser la cuisine française de terroir.

Question difficile. C'est comme si l'on se plaignait que les revues de musique se plaignaient que l'on parle plus de Lady Gaga, Justin Bieber que de Karajan jouant Mozart. Chaque époque a son art majeur, en cuisine comme en musique, comme en peinture.


Quel est votre rôle, à propos de la Fondation Science et Culture Alimentaire ?
Mon rôle : je suis directeur scientifique de la Fondation Science & Culture Alimentaire de l'Académie des sciences. A ce titre, je dois susciter la création de pôles, contribuer à leur développement, rendre compte au Conseil scientifique et au Conseil d'administration, mettre les divers pôles en relation, aider ceux qui, localement, font un travail d'animation autour du fait alimentaire.
A noter que, dans cette mission, je mets complètement de côté mes envies et idées de cuisine moléculaire, cuisine note à note ou même gastronomie moléculaire. J'agis seulement pour que naissent des initiatives qui réconcilient le grand public, l'éducatif, l'artisanat, l'industrie, la recherche, le politique, autour du développement régional, en matière alimentaire. Il n'y aura de mes envies que si nos amis le demandent, mais c'est secondaire. En revanche, je fais tout mon possible pour satisfaire à ce mot d'ordre "Vive la connaissance produite et partagée".


Votre plat préféré ?

Celui que je partage avec des amis ! Des amis, c'est-à-dire des gens qui considèrent que le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture. Des gens qui ne sont ni dans la quête du  pouvoir ou de l'argent, des gens qui se soucient du collectif, de la "convivialité". Des gens qui se préoccupent des générations futures. Un plat, quel qu'il soit, rien qu'avec des gens merveilleux, vieux, jeunes, femmes ou hommes, peu importe. Pour moi, les êtres humains sont plus importants, vous l'avez compris, que ce que je me mets dans la bouche.
Évidemment, quand mon ami Pierre Gagnaire cuisine, ce n'est pas rien... mais alors il ne s'agit plus de "manger", mais d'apprécier des œuvres d'art, comme l'on va à l'Opéra. Et quand on partage le bonheur de la culture avec de "belles personnes", c'est évidemment encore mieux.

jeudi 16 mai 2019

La chimie "propre" ?

Ce matin, des questions, auxquelles j'apporte des réponses  :


Pourquoi faites vous de la chimie ?
 
Parce qu'il est admirable, mystérieux, extraordinaire, que le calcul décrive si précisément le fonctionnement du monde, à savoir les mécanismes des phénomènes. Parce que le mouvement des sciences de la nature est extraordinaire. Fondé sur cette hypothèse dite ainsi par Galilée : "le monde est écrit en langage mathématique".
La chimie, c'est la possibilité d'expliquer le visible par de l'invisible... que nous révèle le calcul. L'un des plus beaux exemples que je connaisse est l'article de 1871 de Van'tHoff où est dessinée la molécule du glucose... à une époque où l'on discutait l'existence des molécules ! Mais les travaux de Charles Gerhardt et Laurent sont tout aussi extraordinaires. Quant aux analyses de Lavoisier, elles sont passionnantes, tout comme celles de Thenard et Gay-Lussac, aux débuts de la chimie organique. C'était l'époque où l'on commençait à faire la différence entre analyse immédiate (un fractionnement) et analyse élémentaire. D'ailleurs, à cette même époque, Chevreul a fait un travail éblouissant. Et le travail de Louis Pasteur sur l'acide tartrique : Biot en a pleuré d'émotion.
La chimie, c'est une science, donc l'honneur de l'esprit humain. C'est aussi, de ce fait, la reconnaissance du fait que nous avons beaucoup à découvrir, avec rationalité, sur le monde, et notamment sur la vie.

Pour vous, qu'est-ce que la chimie propre ?
 
Je ne sais pas, de sorte qu'il faut que j'aille voir en ligne. Je sais que, pour la chimie "verte", il y 17 critères acceptés par l'iupac. Mais la chimie propre ? Je pense d'ailleurs qu'il y a une confusion entre la chimie (science) et ses applications, et cela n'est pas bon. Dans l'intérêt de tous, je revendique que les applications ne doivent pas se nommer chimie ! Pourquoi ne pas parler d'applications propres de la chimie ?
Et si je devais inventer la définition de chimie propre, je dirais qu'il n'y a pas d'effluents autres de l'eau... mais c'est bien trop restrictif, et sans doute idiot. Pourquoi ne pas se contenter qu'une application de la chimie est propre si elle est capable de ne rejeter aucun autre composé que l'eau ou N2, ou O2 ?


Quand en avez vous entendu parler pour la première fois ?
Avec vous pour la chimie propre, et il y a longtemps pour la chimie verte.


Est-ce possible ou pas d’envisager une chimie propre ?
J'ai donc répondu plus haut. La réponse est oui : un calcul est toujours propre, n'est-ce pas ?


La chimie peut-elle être plus ou moins propre selon le domaine (matériau, chimie orga...)?
Je crois que la question est trop générale.


Etes-vous sensible à la protection de l'environnement ?
Comment pouvez vous imaginer que quelqu'un vous réponde non ? Ou bien un grand malhonnête ?


Pensez vous que la chimie est un domaine trop polluant et qu'on devrait limiter son usage ?
La chimie est une science, et de ce fait elle n'a pas de raison d'être polluante, ou, du moins, elle ne doit pas l'être (d'autant que nous faisons de la microchimie).
Cela a des conséquences, et la première est que les TP des écoles et universités devraient porter sur des quantités de l'ordre du mg, et jamais plus !
Mais, si vous parlez des applications de la chimie, c'est une question très générale, et les questions très générales sont mauvaises parce qu'elles appellent des réponses générales, et donc intellectuellement fautives. Par exemple, que diriez vous d'une industrie qui part d'effluents de l'agriculture pour faire du bioéthanol : ce serait donc le contraire de la pollution, n'est-ce pas ?
Mais surtout, ne pas confondre chimie et applications de la chimie !


Etes-vous capable de développer des outils/procédés respectueux de l’environnement pour l’industrie chimique dans votre domaine? En existe-t-il déjà ?
Mon domaine est la gastronomie moléculaire, mais il est vrai que nous sommes amenés à faire des analyses, et là, j'ai apporté un progrès merveilleux avec la RMN quantitative in situ, qui évite les extractions, et donc les solvants ! Mieux, je n'utilise plus de solvants deutérés pour les locks.


Quel est votre parcours ? Avez vous étudier la chimie propre dans votre cursus ? Pourquoi ?
Mon parcours ? Voir doc joint;
La chimie propre : quand j'étais dans mon école, la question environnementale se posait peu.

 
Pensez vous qu'elle est un domaine d'avenir ou qu'elle n'est qu'un mythe ?
Si la notion existe, c'est certainement porteur ! En tout cas, la chimie verte existe.


Dans votre quotidien, travaillez vous dans une optique de chimie plus propre ?
Toujours, mais dans l'ordre : sécurité, qualité, traçabilité.


Connaissez vous les règles/lois en matière de rejets des déchets pour votre établissement ? Les respectez vous ?  
Bien sûr que je les connais, et bien sûr que je les respecte ! Et je m'étonne d'ailleurs des pratiques de certains collègues. Il y a un combat quotidien à mener ! 






















La pj contient ceci : 



























Hervé This est physico-chimiste à l'Inra et professeur consultant à AgroParisTech.
Il est aussi Directeur du Centre international de gastronomie moléculaire AgroParisTech-Inra, créateur et directeur scientifique de la Fondation Science & Culture alimentaire, de l'Académie des science, créateur et président du Comité pédagogique de l'Institut des Hautes Études du Goût (Université de Reims Champagne Ardennes), conseiller scientifique de la Revue Pour la Science...

Né le 5 juin 1955, il a effectué ses études au Lycée Janson de Sailly, à Paris. Après des études de physico-chimie à l'École Supérieure de Physique et de Chimie de Paris (ESPCI ParisTech, 95e promotion) et des études de lettres modernes à l'Université Paris IV, il a travaillé pendant 20 ans aux Éditions Belin et à la Revue Pour la Science, où il a été éditeur et rédacteur en chef... en même temps qu'il fondait et développait la gastronomie moléculaire, d'abord dans son laboratoire personnel, puis au Collège de France, où il avait été invité par Jean-Marie Lehn (Prix Nobel de chimie en 1987).
Simultanément il était un des collaborateurs réguliers du Panorama (France Culture), et le directeur scientifique des émissions Archimède (Arte) et Pi=3.14 (France 5). Il a été le créateur et l'animateur de séries hebdomadaires de télévision sur France 5, et de radio sur France Culture et France Inter (tous les étés, quotidiennement).
A partir de 1980, alors qu'il effectue ses recherches sur les « précisions culinaires », il fait la promotion de ce qu'il nommera en 1999 la « cuisine moléculaire », définie comme « la technique culinaire rénovée, notamment avec l'apport de techniques de laboratoire ».

En 1988, il crée la discipline scientifique nommée “gastronomie moléculaire et physique” avec Nicholas Kurti (FRS, 1908-1998, directeur du Clarendon Laboratory, inventeur de la désaimantation adiabatique nucléaire), alors professeur de physique à Oxford.

Cette discipline scientifique se définit comme la recherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors des préparations culinaires.

En 1994, il imagine la « cuisine note à note » (qui sera nommée ainsi en 2004).

Après sa thèse (1995) de physico-chimie intitulée La gastronomie moléculaire et physique (jury comprenant notamment deux lauréats du Prix Nobel, Pierre Gilles de Gennes et Jean-Marie Lehn, mais aussi Pierre Potier), il a été invité à soutenir une habilitation à diriger des recherches (2000) devant – notamment - Guy Ourisson (alors président de l'Académie des sciences), Xavier Chapuisat (alors président de l'Université Paris Sud), Étienne Guyon (alors directeur de l'École normale supérieure), Alain Fuchs (aujourd'hui président du CNRS) et le chef triplement étoilé Pierre Gagnaire.

En 2000, il quitte les éditions Belin et la revue Pour la Science pour entrer à l'Inra, occupant alors à plein temps son laboratoire, au sein du Laboratoire de Chimie des Interactions Moléculaires, au Collège de France (directeur J-M. Lehn).

En 2000 également, suite à la publication du livre intitulé La casserole des enfants, le Ministre de l'Éducation nationale (Jack Lang) lui a demandé de créer et mettre en place dans les Écoles primaires de toute la France les Ateliers expérimentaux du goût. Ces programmes pédagogiques ont été prototypés dans les Académie de Paris (avec le Recteur René Blanchet, membre de l'Académie des sciences) et de la Réunion. Ils ont été introduits officiellement en 2001 dans toutes les écoles primaires françaises. La même année, le livre Traité élémentaire de cuisine a constitué la base de la rénovation des référentiels de CAP et de BEP des enseignements d'hôtellerie restauration, en relation avec l'Inspection générale. En 2004, ces programmes, et quelques autres (Dictons et plats patrimoniaux, etc.) ont été suivis des Ateliers Science & Cuisine, aujourd'hui aux programmes de Collèges et de Lycées.

2000 est l'année où il commence une collaboration avec le chef français Pierre Gagnaire : chaque mois, il publie une invention culinaire sur le site de Pierre Gagnaire, afin de démontrer que la technologie prend toute sa force quand elle est fondée sur la science.

En 2004, aussi, à la demande de Renaud Dutreil, alors Ministre des PME, H. This a été l'un des principaux créateurs de l'Institut des Hautes Études du Goût, de la Gastronomie et des Arts de la Table, avec l'Université de Reims Champagne Ardennes. Il en a été nommé Président du Comité pédagogique.

En avril 2006, alors que son laboratoire déménageait à AgroParisTech, pour cause de travaux au Collège de France, l'Académie des sciences l'a invité à créer la Fondation Science & Culture Alimentaire, dont il a été nommé Directeur scientifique. C'est l'année où il a été nommé professeur des universités.
De 2010 à 2019, il a été Secrétaire de la Section Alimentation humaine de l'Académie d'agriculture de France, où il a d'ailleurs créé la revue scientifique « Notes Académiques de l'Académie d'agriculture de France » (N3AF). Il en est l'éditeur, ainsi que de l' « International Journal of Molecular and Physical Gastronomy ».
H. This est également le Directeur des International Workshops on Molecular Gastronomy N. Kurti (depuis 1992), des Journées françaises de gastronomie moléculaire, de Séminaires mensuels de gastronomie moléculaire (depuis 2000) et de Cours AgroParisTech de gastronomie moléculaire (cours publics, gratuits, non diplômants, faisant état d'un travail scientifique original chaque année, assortis de la publication d'un livre). En 2008, il a présidé le Comité scientifique et le Comité d'organisation d'EuroFoodChem XIV, et a créé le Groupe français de chimie des aliments et du goût de la Société française de chimie. Il a été nommé représentant français de la Société française de chimie à la Food Chemistry Division d'EuCheMS.

H. This donne de très nombreuses conférences, en France ou à l'étranger, où il crée des laboratoires de gastronomie moléculaire dans les universités et où il promeut le développement de la cuisine note à note. Il écrit mensuellement plusieurs rubriques dans des journaux scientifiques ou professionnels, et il est l'auteur d'une quinzaine de livres  : Les secrets de la casserole, Révélations gastronomiques, La casserole des enfants, Science et gastronomie, Casseroles et éprouvettes, Traité élémentaire de cuisine, Six lettres gourmandes, Maths'6, Petits propos culinaires et savants, La cuisine, c’est de l’amour, de l’art, de la technique, Construisons un repas, De la Science aux fourneaux, La Sagesse du chimiste, Science, technologie, technique (culinaires) : quelles relations ?, Les Précisions Culinaires, Le Terroir à toutes les sauces.
Membre honoraire de plusieurs académies culinaires, membre de l'Académie d’Agriculture de France; de l'Académie de sciences, des lettres et des arts d'Alsace, membre de l'Académie royale des sciences, des arts et des lettres de Belgique, membre de l'European Academy of Science, Arts and Letters, membre de l'Académie de Stanislas, il a reçu de nombreux prix et distinctions, telle la Chaire Franqui au titre national belge (Université de Liège), le Grand Prix des Sciences de l’Aliment par l'International Association of Gastronomy et, surtout, la Bretzel d'Or (2018).
Hervé This est officier dans l'Ordre des Arts et Lettres, officier dans l'Ordre du Mérite Agricole, officier dans l'Ordre des Palmes Académiques, et chevalier dans l'Ordre de la Légion d’Honneur.