Le monoglutamate de sodium ? Il y a beaucoup de bêtises dites à son propos, par ses partisans comme par ses détracteurs.
Commençons par les questions qui fâchent.
Et disons qu'il est souvent utilisé en cuisine asiatique, notamment japonaise. Et il a été soupçonné d'être à l'origine du "syndrome du restaurant chinois"... mais ce syndrome est prétendu, car, en réalité, le seul effet concerne ceux qui prennent des médicaments pour le coeur : le monoglutamate de sodium inactive certains de ces composés.
Et disons qu'il figure sur la liste des additifs, ce qui suffit à certains pour croire qu'on les empoisonne... alors que le caramel, aussi, figure sur cette liste.
Disons surtout qu'il a un goût (une saveur) puissant, qui, selon les personnes, est perçu salé, sucré, ou bouillon de poulet.
Et c'est pour cette raison qu'il est utilisé dans nombre de "bouillons cubes". Initialement, il était le principal, avec le sel, mais d'autres composés se sont ajoutés (inositides, par exemple).
Disons surtout que l'acide glutamique, dont le monoglutamate est un sel (de sodium, par exemple) est un acide aminé, un des 20 maillons des protéines. Nous en avons plein l'organisme.
Disons que la société qui en produit et en vend n'a pas un message parfaitement honnête : elle prétend que ce monoglutamate de sodium est le principal composés sapide, elle prétend que c'est "la" cinquième saveur (alors qu'il existe une infinité de saveur), elle le trouve partout, en vante les mérites... alors qu'on a parfaitement le droit de ne pas aimer la saveur de ce composés.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
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samedi 26 février 2022
Je discute le monoglutamate de sodium
samedi 26 janvier 2019
La dénaturation des aliments ? Non, la dénaturation des protéines
La dénaturation ? Le mot recouvre un vaste ensemble de phénomènes, mais, notamment, il s'applique aux protéines, ces composés dont les molécules sont des enchaînements de résidus d'acides aminés. Les acides aminés ? Des composés dont les molécules comportent au moins un groupe amine, avec un atome d'azote lié à deux atomes d'hydrogène (-NH2) et un groupe acide carboxylique, avec un atome de carbone lié, d'une part doublement à un atome d'oxygène, et, d'autre part à un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène. On représente la molécule ainsi :
Les protéines, pour y revenir, sont faites de dizaines à milliers de résidus d'acides aminés, et, quand on les représente, on ne peut évidemment pas montrer tous les atomes, de sorte qu'il faut plutôt penser à une sorte de pelote:
Et nous sommes maintenant prêts pour savoir ce qu'est la dénaturation des protéines : c'est un changement de conformation plus ou moins grand (pour des définitions de ce type, voir le Gold Book de l'International Union of Pure and Applied Chemistry, en l'occurrence https://goldbook.iupac.org/html/D/D01586.html).
Et nous pouvons maintenant examiner une question que je reçois ce matin:
Dans le cadre d'un travail portant sur la consommation sans utilisation de chaleur, c'est à dire le moyen d'obtenir des effets similaires à la chaleur sans pourtant l'utiliser, nous sommes ammenés à travailler sur la dénaturation.
Cependant, la dénaturation avec un effet mécanique nous pertube beaucoup car nous ne savons pas si elle est reproductible sur d'autres aliments que l'oeuf (lorsque qu'ils sont montés en neige).
Pourriez-vous, s'il vous plait, nous éclairés sur le sujet et si possible nous indiqués d'autres aliments sur lesquels cette effet est possible ?
Observons tout d'abord que la première phrase est étrange : une étude de "la consommation sans utilisation de chaleur"... Mais une consommation de quoi ? Le "c'est-à-dire" s'impose... mais là encore, je tique : "obtenir des effets similaires à la chaleur sans l'utiliser".
Bon, je suppose que mes interlocuteurs veulent savoir si d'autres moyens que la chaleur permettent d'obtenir des moyens que permet la chaleur. Et là, il y en a beaucoup... notamment depuis que Rumford et Joule ont établi une équivalence entre chaleur et travail mécanique, ou que l'on a compris que la lumière était une forme d'énergie, par exemple. En réalité, les formes d'énergie sont interconvertibles, jusqu'à la matière, qui correspond à de l'énergie (on se souvient de la fameuse équation dite d'Einstein E = m c²).
Bon, mais cela, c'est presque toute l'histoire de la physique, et je ne vais pas résumer cela dans un billet de blog ! J'arrive donc à la suite de la question, à savoir la dénaturation. Mes interlocuteurs parlent de la dénaturation des aliments... mais à part pour l'acception "changer la nature de", il n'y a pas, en cuisine, de dénaturation des aliments, mais seulement de dénaturation des protéines ou des autres macromolécules, comme dit dans la définition du Gold Book de l'IUPAC.
J'explique : un blanc d'oeuf, c'est 90 pour cent d'eau et 10 pour cent de protéines (une vingtaine de sortes). Quand on le chauffe, les molécules de protéines sont heurtées par les molécules d'eau qui sont alors plus rapides, et la structure repliée des protéines se déroule : les molécules de protéines sont dénaturées. Il se trouve que certaines de ces molécules dénaturées peuvent établir des liaisons assez fortes, et cela correspond à la coagulation (on observera que l'interface eau-air semble important : C. R. Thomas, D. Geer. Effects of shear on proteins in solution Biotechnology Letters, Springer Verlag, 2010, 33 (3), pp.443-456).
Mais il y a d'autres protéines pour lesquelles la dénaturation ne s'accompagne pas de coagulation : par exemple, quand on chauffe du tissu collagénique, il est dissocié, le collagène est dénaturé, mais il n'y a pas de coagulation.
Sans chaleur, maintenant
Il est exact que quand on cisaille un blanc d'oeuf, les protéines subissent les mêmes types de déformation, et peuvent également coaguler : c'est peut-être là l'explication du grainage des blancs d'oeufs trop battus.
Et cela vaut pour n'importe quelle protéine... mais pas pour des aliments ! Ainsi, les protéines globulaires se trouvent aussi bien dans l'oeuf que dans les viandes, les poissons, mais aussi les légumineuses... et tous les tissus vivants, végétaux ou animaux : les êtres vivants utilisent des protéines comme "briques" (par exemple, le collagène) ou comme "ouvriers", qui sont nommés enzymes.
Mais, je le répète, ce sont les protéines qui sont dénaturées, pas les aliments.
Les protéines, pour y revenir, sont faites de dizaines à milliers de résidus d'acides aminés, et, quand on les représente, on ne peut évidemment pas montrer tous les atomes, de sorte qu'il faut plutôt penser à une sorte de pelote:
Et nous sommes maintenant prêts pour savoir ce qu'est la dénaturation des protéines : c'est un changement de conformation plus ou moins grand (pour des définitions de ce type, voir le Gold Book de l'International Union of Pure and Applied Chemistry, en l'occurrence https://goldbook.iupac.org/html/D/D01586.html).
Et nous pouvons maintenant examiner une question que je reçois ce matin:
Dans le cadre d'un travail portant sur la consommation sans utilisation de chaleur, c'est à dire le moyen d'obtenir des effets similaires à la chaleur sans pourtant l'utiliser, nous sommes ammenés à travailler sur la dénaturation.
Cependant, la dénaturation avec un effet mécanique nous pertube beaucoup car nous ne savons pas si elle est reproductible sur d'autres aliments que l'oeuf (lorsque qu'ils sont montés en neige).
Pourriez-vous, s'il vous plait, nous éclairés sur le sujet et si possible nous indiqués d'autres aliments sur lesquels cette effet est possible ?
Observons tout d'abord que la première phrase est étrange : une étude de "la consommation sans utilisation de chaleur"... Mais une consommation de quoi ? Le "c'est-à-dire" s'impose... mais là encore, je tique : "obtenir des effets similaires à la chaleur sans l'utiliser".
Bon, je suppose que mes interlocuteurs veulent savoir si d'autres moyens que la chaleur permettent d'obtenir des moyens que permet la chaleur. Et là, il y en a beaucoup... notamment depuis que Rumford et Joule ont établi une équivalence entre chaleur et travail mécanique, ou que l'on a compris que la lumière était une forme d'énergie, par exemple. En réalité, les formes d'énergie sont interconvertibles, jusqu'à la matière, qui correspond à de l'énergie (on se souvient de la fameuse équation dite d'Einstein E = m c²).
Bon, mais cela, c'est presque toute l'histoire de la physique, et je ne vais pas résumer cela dans un billet de blog ! J'arrive donc à la suite de la question, à savoir la dénaturation. Mes interlocuteurs parlent de la dénaturation des aliments... mais à part pour l'acception "changer la nature de", il n'y a pas, en cuisine, de dénaturation des aliments, mais seulement de dénaturation des protéines ou des autres macromolécules, comme dit dans la définition du Gold Book de l'IUPAC.
J'explique : un blanc d'oeuf, c'est 90 pour cent d'eau et 10 pour cent de protéines (une vingtaine de sortes). Quand on le chauffe, les molécules de protéines sont heurtées par les molécules d'eau qui sont alors plus rapides, et la structure repliée des protéines se déroule : les molécules de protéines sont dénaturées. Il se trouve que certaines de ces molécules dénaturées peuvent établir des liaisons assez fortes, et cela correspond à la coagulation (on observera que l'interface eau-air semble important : C. R. Thomas, D. Geer. Effects of shear on proteins in solution Biotechnology Letters, Springer Verlag, 2010, 33 (3), pp.443-456).
Mais il y a d'autres protéines pour lesquelles la dénaturation ne s'accompagne pas de coagulation : par exemple, quand on chauffe du tissu collagénique, il est dissocié, le collagène est dénaturé, mais il n'y a pas de coagulation.
Sans chaleur, maintenant
Il est exact que quand on cisaille un blanc d'oeuf, les protéines subissent les mêmes types de déformation, et peuvent également coaguler : c'est peut-être là l'explication du grainage des blancs d'oeufs trop battus.
Et cela vaut pour n'importe quelle protéine... mais pas pour des aliments ! Ainsi, les protéines globulaires se trouvent aussi bien dans l'oeuf que dans les viandes, les poissons, mais aussi les légumineuses... et tous les tissus vivants, végétaux ou animaux : les êtres vivants utilisent des protéines comme "briques" (par exemple, le collagène) ou comme "ouvriers", qui sont nommés enzymes.
Mais, je le répète, ce sont les protéines qui sont dénaturées, pas les aliments.
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