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lundi 9 décembre 2024

La clarté est la politesse de ceux qui s'expriment en public

Je combats la confusion entre "acides gras" et "résidu d'acide gras" : dans de l'huile, les molécules constitutives sont majoritairement des triglycérides, c'est-à-dire des assemblages d'atomes où l'on trouve un "résidu de glycérol" et trois "résidus d'acides gras".

 Car stricto sensu, dans une molécule de triglycérides, il n'y a pas de glycérol et il n'y a pas d'acide gras : il y a seulement une partie de la molécule qui ressemble à du glycérol, à quelques atomes près, tout comme on trouve des groupes d'atomes qui ressemblent à des acides gras. 

Pour avoir du glycérol ou des acides gras, il faudrait des atomes en plus, il faudrait surtout que ces molécules soient séparées, car une molécule de triglycéride n'est pas un assemblage de glycérol et d'acides gras, mais une molécule particulière. 

D'ailleurs, on peut synthétiser des triglycérides avec autre chose que du glycérol et des acides gras, et la décomposition d'un triglycérides peut produire autre chose que du glycérol et acides gras. 

Evidemment, quand des spécialistes se parlent, ils peuvent juger plus rapide de parler d'acide gras que de résidu d'acide gras, et le risque, là, est seulement qu'il y ait une confusion, qui peut-être levé par le contexte. 

En revanche, pour de l'enseignement ou pour le public, je trouve très contestable de parler d'acides gras pour désigner les résidus d'acides gras des triglycérides, car on voit, derrière, les confusions que cela engendre : en licence et même en master, je rencontre des étudiants qui ne comprennent pas la différence, et je vois même des collègues qui croient qu'il y a des acides gras dans l'huile ! 

Le public, lui, est persuadé que l'huile est faite d'acide gras. 

J'ai rencontré des collègues qui n'utilisent pas l'expression résidu d'acides gras sous prétexte qu'il y aurait le mot résidu, qui pourrait être confondu avec les résidus de pesticides. En réalité, je crois qu'ils sous-estiment l'enjeu de la clarté du discours chimique en public. 

Nous ne devons pas être démagogue, nous devons expliquer sans supériorité, mais avec autant de clarté que possible : les citoyens le méritent !
 

vendredi 6 octobre 2023

Pourquoi il n'y a pas d'acides gras dans l'huile, pourquoi il n'y a pas d'acide aminé dans les protéines

 Pourquoi il n'y a pas d'acides gras dans l'huile ? pourquoi il n'y a pas d'acide aminé dans les protéines ?
Le monde des médias, comme celui de la publicité, ne cesse de nous parler d'acides gras, pour les huiles. Il y aurait des acides gras saturés, des acides gras insaturés, des « oméga trois », des « oméga six », certains seraient mauvais pour la santé, et d'autres bons... de sorte qu'il faudrait évidemment acheter ces derniers, et ceux-là seulement. 

 

Pourtant, il n'y a pas d'acides gras dans l'huile ! 

 

Expliquons calmement, en partant de quelque chose de simple : la synthèse de molécules d'eau, à partir de molécules de dioxygène et de dihydrogène. A l'aide d'une étincelle ou d'un catalyseur, on obtient le réarrangement des atomes ces molécules, et la formation de molécules d'eau, qui comportent chacune un atome d'oxygène lié à deux atomes d'hydrogènes. Regardons bien : dans les molécules d'eau, il n'y a plus de molécules de dioxygène, ni de molécules de dihydrogène.  Ainsi, lors d'une réaction, tous les atomes initiaux sont réorganisés, de sorte que les composés initiaux n'existent plus. 

Passons aux « triglycérides », qui sont les composés présents dans les matières grasses alimentaires, et en tout dans les huiles. Ces triglycérides ont une structure  faite de trois tentacules souples attaché à un "corps".  Un chimiste qui observe la molécule retrouve, certes, des groupes d'atomes qui font presque des acides gras, mais des atomes sont absents. Et c'est la raison pour laquelle on parle -on doit parler- de "résidus d'acides gras". 

Pourquoi ? Parce que si l'on synthétisait ces molécules de triglycérides à  partir d'acides gras et de glycérol,  des atomes d'hydrogène et d'oxygène seraient perdus, et ils formeraient des molécules d'eau, de sorte que le glycérol et les acides gras ne seraient plus présents, mais sous la forme de "résidus". 

D'ailleurs, on peut aussi procéder d'innombrables façons différentes. Quant à dégrader la molécules, cela peut, également, se faire de tas de façons différentes. Bref, il n'y a pas de glycérol et d'acides gras dans l'huile, mais seulement des triglycérides.

samedi 3 juin 2023

Pourquoi ce n'est pas une fioriture tatillonne de recommander de ne pas parler d'"acides gras" dans les huiles

Pourquoi ce n'est pas une fioriture tatillonne de recommander de ne pas parler d'"acides gras" dans les huiles ? 

 

1. Dans les huiles, il n'y a pas d'acides gras, mais des composés nommés triglycérides. 

2. Et, dans les molécules des triglycérides, il n'y a pas d'acides gras, mais des parties qui ressemblent à des acides gras, et que l'on doit nommer "résidus d'acides gras". 

 

J'ai fait valoir cela à des collègues, qui allaient jusqu'à enseigner que les triglycérides auraient été faits d'acides gras et de glycérol, et ils m'ont répondu que la distinction était sans intérêt, ou encore que le mot "résidu" étant connoté péjorativement dans "résidus de pesticides", il ne fallait pas le prononcer devant le public, ou bien que parler de "résidus d'acides gras" allongeait inutilement, et ainsi de suite. 

Mais je ne sais pas pourquoi, je pressens... que ces gens-là comprennent mal la chimie (qu'ils enseignent !), et qu'ils ne comprennent même pas pourquoi ce qu'ils disent est faux. 

Et, comme beaucoup de personnes insuffisantes, ils masquent leurs faiblesses derrière la mauvaise foi : c'est une erreur que de chercher à les convaincre, puisque, précisément, ils ne le veulent pas. J'ajoute que, il y a quelques années, une Grande Représentante Nationale d'une profession que je ne nommerai pas, mais pour laquelle le mot "acide gras" est quotidien a été obligée de m'avouer qu'elle ne savait pas construire une molécule d'acide gras, à l'aide de ces modèles d'atomes en plastique que l'on utilise au collège : j'ai ainsi constaté, avec autant de stupeur que de naïveté, qu'une même personne pouvait utiliser toute la journée un mot qu'elle ne comprenait pas ! 

 

Mais revenons à la question, en dépassant la mauvaise foi de certains interlocuteurs : pourquoi n'est-ce pas une fioriture tatillonne de recommander de ne pas parler d'"acides gras" dans les huiles ? 

 

La réponse tient en quatre points, que voici : 

1. parce que c'est faux. 

2. parce que c'est trompeur 

3. parce que cela ne fait pas grandir nos interlocuteurs. 

4. parce que cette négligence fait paraître pointilleux ceux qui parlent plus justement.

 

Expliquons plus en détail.

 

Premièrement, c'est simplement faux de dire qu'il y aurait des acides gras dans les triglycérides. 

D'ailleurs, puisque "acide gras" et "triglycéride" sont des catégories, il faut préciser que ce serait bien faux de dire qu'il y aurait des molécules d'acides gras dans les molécules de triglycérides... et notamment parce que, dans une molécule, il n'y a pas d'autres molécules, mais des atomes liés par des liaisons chimiques. Une molécule n'est pas un simple "assemblage", au sens d'une juxtaposition. 

Et, d'autre part, dans une molécule de triglycéride, les atomes présents ne font pas des molécules d'acide gras, masi seulement des parties de tels acides. 

Donc, premier point : parler d'acides gras dans les triglycérides, c'est faux. Un point, c'est tout. 

 

Deuxièmement, dire quelque chose de faux à quelqu'un, c'est tromper, mentir. On m'objecte parfois que c'est pour le bien de ceux à qui l'on explique, mais nos amis sont-ils des enfants, en supposant même que l'on puisse mentir aux enfants (et de quel droit ?) ? 

 

Troisièmement, il y a cette question de ne pas faire grandir nos interlocuteurs, et qui a un rapport avec une certaine prétention, une certaine "autorité" qui veut garder ses prérogatives. J'y vois des relations avec ces enseignants qui disent "c'est compliqué", pour ne pas à avoir à s'expliquer, en supposant qu'ils en soient capables. Mais je vois surtout la volonté de conserver son propre petit savoir, au lieu de le partager, en montrant à nos amis qu'ils ont la possibilité de grandir, de mieux comprendre le monde où ils vivent. Bref, c'est une attitude un peu minable. Quatrièmement, dire que c'est tatillon de rectifier des erreurs, c'est reporter sur les autres ses propres fautes, et cela est détestable, n'est-ce pas ? 

 

Il faut dénoncer ces comportements honteux.

mardi 10 mai 2022

Ne parlons plus d'acides gras !

 

Ce matin, une question :

Outre les effets positif ou négatifs sur la santé que peuvent avoir les différents acides gras, y a-t-il une différence dans la pratique au niveau de l’utilisation et les propriété de ces acides gras ? Ou les influences dépendront surtout de quel type de matière grasses (huile ou graisse) nous utilisons ?

 

Commençons par le commencement, à savoir que l'on me parle d'effets positifs ou négatifs des acides gras : on trouvera dans au moins deux autres billets les raisons pour lesquelles je me refuse absolument à parler de nutrition ou de diététique en public, même si la question m'intéresse un peu et si je fais une bibliographie spécifique.
Voici :
http://hervethis.blogspot.com/2019/10/ni-nutrition-ni-toxicologie.html
et
https://hervethis.blogspot.com/2022/01/oblige-dy-revenir-en-mameliorant-un-peu.html

Mais je m'arrête surtout sur ces acides gras... car il n'y en a pas dans notre alimentation !

Je peux évidemment renvoyer un article que j'ai écrit sur cette question à propos de la rigueur terminologique de ceux qui parlent d'objets de chimie en public (https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/la-rigueur-terminologique-pour-les-concepts-de-la-chimie-une-base), mais il faut commencer par dire que les huiles et les autres graisses alimentaires ne contiennent pas d'acide gras !
Ces matières sont composés de triglycérides, qui sont des espèces chimiques dont les molécules sont faites chacune d'un résidu de glycérol et de trois résidus d'acides gras.
Entendons-nous bien : le mot "résidu" signifie que, dans ces molécules de triglycérides, les chimistes arrivent à distinguer des atomes organisés un peu comme dans la molécule de glycérol, un peu comme dans les molécules d'acides gras.
Mais il n'y a pas de molécule de glycérol ni de molécules d'acides gras dans mais la molécule de triglycéride ; et si l'on a synthétisé - chimiquement- un molécule de triglycéride à partir d'une molécule de glycérol et de trois molécules d'acides gras, les atomes se sont réorganisés, certains ont été perdus, et l'on n'a pas obtenu un simple assemble, au sens d'une juxtaposition, mais une nouvelle molécule.
Bref, arrêtons donc de parler des acides gras et parlons seulement de résidus d'acides gras si nous voulons décrire les parties lié au résidu de glycérol dans les triglycérides.


Allons, disons-en un peu plus sur le glycérol et sur les acides gras.

Le glycérol, pour commencer, est le composé qui fait la populaire "glycérine". Ses molécules sont formées d'un squelette de trois atomes de carbone enchaînés linéairement, avec, lié à chaque atome de carbone, un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène ; plus des atomes d'hydrogène afin que chaque atome de carbone ait quatre liaisons chimiques.
Les acides gras, eux, sont des chaîne d'atomes de carbone plus ou moins longues, avec, à une extrémité, un groupe "acide carboxylique", avec l'atome de carbone lié, d'une part, à un atome d'oxygène, et, d'autre part, à un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène.

Et les triglycérides, enfin, sont des composés dont les molécules sont comme des pieuvres à trois tentacules. La "tête", c'est le résidu de glycérol, et les trois tentacules sont les trois résidus d'acides gras.

 

A propos de la seconde partie de la phrase initiale de la question

Là encore, la question n'a pas de sens... car s'il n'y a pas d'acide gras dans les graisses ou huiles, il ne peut y avoir de particularités d'utilisation de ces derniers : ;-)

En revanche, on peut se poser la question à propos des triglycérides. Et là, oui, il y a de vrais différences de comportement physique des différents triglycérides.

Considérons d'abord un triglycéride où les trois résidus d'acides gras seraient petits, c'est-à-dire avec un petit nombre d'atomes de carbone. Les molécules de ce triglycérides seraient légères, donc animées d'une plus grande vitesse à une température donnée et elle s'empileraient plus difficilement que des molécules plus grosses, avec plus d'atomes de carbone dans les résidus d'acides gras.
D'ailleurs, la longueur des chaînes des résidus d'acides gras n'est pas la seule caractéristique moléculaire qui détermine la température de fusion : les "doubles liaisons" entre les atomes de carbone, ce que l'on désigne aussi par le terme d' "insaturation", font les molécules plus fusibles.

Et voilà pourquoi les triglycérides d'une huile sont liquides, aux températures ambiantes, alors que les triglycérides du beurre ou du lard ne le sont pas.
Pour ces derniers, il y a une proportion liquide, et une proportion solide. Pour le beurre, par exemple, tous les triglycérides sont solides à la température de -10 °C, et ils sont tous liquides au delà de 50 °C.

Ce qui est intéressant à savoir pour la cuisine ou la pâtisserie, c'est que les matières grasses se mélangent très bien : on peut parfaitement mélanger de l'huile à du beurre fondu, ou à du chocolat fondu.
On obtient alors des mélanges de triglycérides avec des comportements de fusion particuliers, intermédiaires, et, aux températures ambiantes, des différences de consistance intermédiaires aussi.

D'ailleurs, je ne dois pas oublier de renvoyer à une fiche de l'Encyclopédie de l'Académie d'agriculture à ce propos : https://www.academie-agriculture.fr/mots-clefs-encyclopedie/fusion

samedi 10 octobre 2020

Pourquoi il n'y a pas d'acides gras dans les triglycérides ni d'acides aminés dans les protéines



On rencontre décidément parfois des personnes étranges : là, des scientifiques (pas chimistes) ne veulent pas admettre, sans avoir à m'opposer d'arguments autres que des usages anciens (et fautifs),  que les protéines ne sont pas faites d'acides aminés, ou que les triglycérides ne sont pas faits d'acides gras.

Expliquons, aussi simplement que possible, et en prenant des exemples.

Si l'on regardait de l'huile à l'aide d'une sorte de super-microscope, on verrait un grouillement d'objets ressemblant à des pieuvres à trois tentacules. Ces objets ont pour nom "triglycérides", et ils sont faits d'atomes de carbone, d'oxygène et d'hydrogène.
La "tête des pieuvres" est faite de trois atomes de carbone, d'où partent les trois "tentacules". Or il y a un composé à trois atomes de carbone qui a pour nom glycérol, et les "tentacules" ressemblent beaucoup à des composés que l'on nomme des acides gras. De plus, on peut effectivement partir de glycérol et d'acides gras pour produire des triglycérides, mais au prix d'une réaction chimique, avec l'élimination de certains atomes d'oxygène et d'hydrogène. Bref, une fois que le triglycéride est fait, il n'y a plus de glycérol ni d'acides gras, même si un chimiste en retrouve la marque.

D'où ma conclusion : il n'y a pas d'acides gras dans l'huile, puisqu'il n'y a que des triglycérides. Et, d'autre part, il n'y a pas d'acides gras dans les triglycérides, mais seulement des résidus d'acides gras.

Ce que je viens d'expliquer se retrouve avec les protéines, qui ne "contiennent" pas d'acides aminés, mais sont des enchaînements de résidus d'acides aminés". Là encore, le mot "résidu" permet de bien comprendre que des atomes ont été éliminés des acides aminés.

Tout cela me semble simple et clair, mais je compte sur vous pour me signaler des obscurités.
En tout cas, je ne comprends pas pourquoi des collègues d'autres disciplines rechignent à utiliser des terminologies correctes... à moins qu'ils n'aient d'idées que de simples mots, comme des manteaux sans personne dedans ?

samedi 7 septembre 2019

Pas d'acides gras dans l'huile, mais des triglycérides


Vraiment, je m'étonne : alors que je venais de twitter que l'huile ne contient pas d'acides gras, mais des triglycérides, un collègue m'interroge, parce qu'il ne comprend pas. Certes, ce n'est pas un chimiste... mais qu'importe : je vois surtout qu'il y a lieu d'expliquer (merci de me dire ensuite si j'ai été clair).

Partons donc d'une bouteille d'huile : dans le récipient en verre ou en plastique, on voit un liquide jaune, un peu visqueux, transparent.
Si nous l'observons à l'aide d'une loupe, nous continuons de voir la même chose. Et également avec un microscope classique.
En revanche, si nous regardons avec un microscope bien plus puissant, nous voyons l'huile faite d'objets analogues à des  peignes à trois dents souples. Plein, qui grouillent... Ce sont des molécules, et ces molécules sont toutes comme des peignes à trois dents souples, de la catégorie que les chimistes nomment des triglycérides.
Dans les organismes vivants qui en synthétisent, ces composés sont obtenus par assemblage d'un composé nommé glycérol-3-phosphate et d'acide gras. Mais une fois que les atomes sont assemblés en molécules de triglycérides, il n'y a plus de glycérol ni d'acides gras.

Bien sûr, on sait aussi décomposer les triglycérides, afin de former, à partir d'eux, du glycérol et des acides gras, mais on sait aussi décomposer les molécules de triglycérides de mille autres manières. Et une huile décomposée, parce qu'elle a été exposée à la chaleur, ou à la lumière, ou à l'oxygène, est assez malsaine, rance, et la présence d'acides gras en abondance ne serait vraiment pas bon signe !

Donc voilà : pour ceux qui en avaient besoin, pas d'acides gras dans l'huile !




PS. A propos de ce billet, je reçois un remerciement d'un correspondant, qui me dit "Et concernant les oméga 3 (et autres AGPI) ce sont aussi des triglycérides ?". 
Ici, la question est l'usage généralisé d'un terme galvaudé par les réclames. "Oméga 3" est  une abréviation d'acide gras oméga 3. Et, en vertu de ce que j'ai expliqué plus haut, il n'y a donc pas d'acides gras oméga 3 dans les huiles, puisque les huiles ne sont faites que de triglycérides.
Mais certains triglycérides, surtout dans l'huile d'olive ou dans des graisses de poissons, ont des résidus d'acides gras (j'insiste, comme dit plus haut, sur l'expression résidus d'acides gras) qui sont des résidus d'acides gras oméga 3.

Mais, à ce stade, il faut considérer les résidus d'acides gras plus en détail. On trouvera, dans le Grand livre de notre alimentation, un chapitre bien détaillé sur ce point,  mais disons ici, simplement, que les résidus d'acides gras sont des enchaînements d'atomes de carbone, avec des atomes d'hydrogènes attachés à ces atomes de carbone.
A l'exception de l'atome de carbone de l'extrémité libre de la chaîne (l'autre extrémité est liée à un résidu de glycérol, le manche du peigne), chaque atome de carbone est lié à deux atomes d'hydrogène, dans les résidus d'acides gras saturés. En revanche, pour les résidus d'acides gras insaturés, deux atomes de carbone voisins ne sont liés chacun qu'à un seul atome d'hydrogène, tandis que ces deux atomes de carbone sont doublement liés : c'est ce que l'on nomme une "insaturation", car on peut chimiquement ajouter de l'hydrogène, auquel cas le résidu d'acide gras, d'insaturé, devient saturé.

Finalement, on aura raison de dire : il existe des triglycérides dont un ou plusieurs résidus d'acides gras sont insaturés, et, notamment, avec une insaturation de type oméga 3 (je n'explique pas plus en détail, voir le livre cité plus haut)


lundi 8 avril 2019

Pourquoi les diverses graisses ne fondent pas à la même température

Les question ne cessent d'arriver par email, mais je ne suis pas toujours parfaitement libre pour y répondre. Heureusement, vient le week-end, où je peux rattraper mon retard. Et, cette semaine, une question sur les graisses :

Pourquoi les graisses ne fondent-elles pas toutes à la même température ? 

La question est d'autant plus intéressante que les publicités qui nous submergent ne cessent d'induire le public en erreur : contrairement à ce qu'elles mentionnent, il n'y a pas d'acides gras dans les matières grasses, huiles ou graisses végétales ! Ou, plus exactement, quand il y en a (jusqu'à environ 5 % dans les pire cas), c'est le signe que la matière grasse n'est pas bien raffinée, ou bien qu'elle a été dégradée.


Mais commençons par expliquer ce dont il s'agit, en partant d'une huile bien raffinée. 

C'est alors un liquide transparent, quasi incolore, fait de molécules qui sont quasiment toutes des "triglycérides", à savoir des assemblages d'atomes de carbone, d'atomes d'hydrogène et d'atomes d'oxygène.



Plus précisément, pour la molécule d'un "triglycéride saturé", trois atomes de carbone liés sont ensuite chacun liés à un atome d'oxygène, qui est lui-même lié à un autre atome de carbone qui est, d'une part, lié à un atome d'oxygène, et, d'autre part, lié à un chaîne d'atomes de carbone qui sont chacun liés à deux atomes d'hydrogène, sauf à l'extrémité de la chaîne, le dernier atome de carbone est lié à trois atomes d'hydrogène, et non deux.



Ces molécules sont très nombreuses :  dans une bouteille d'huile, il y en a environ cent millions de milliards de milliards.


Mais la description que je viens de donner est simpliste, parce que, en réalité, il y a des triglycérides variés : au lieu d'avoir cent millions de milliards de milliards de molécule d'une seule sorte, il y a des millions de milliards de molécules d'environ 400 millions de sortes différentes. Toutes ont en commun cette structure particulière, avec trois atomes de carbone auxquelles sont liées les structures présentées précédemment. Et comme on peut synthétiser chimiquement ces molécules à l'aide d'un composé nommé glycérol et de composés nommées acides gras, ou glycérides, on nomme triglycéride les molécules des matières grasses. D'ailleurs, on peut également dégrader les triglycérides en glycérol et acides gras, par exemple.
Le glycérol ? C'est le "sucre" le plus simple, avec, donc, trois atomes de carbone qui sont chacun liés à un atome d'oxygène liée à un atome d'hydrogène, et aussi à des atomes d'hydrogène, de sorte que le total de la liaison de chaque atome de carbone avec des atomes voisins soit de quatre.



Quant aux acides gras, ils sont tous faits d'un atome de carbone qui est lié à un atome d'oxygène, à un autre atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène, et à un enchaînement d'atomes de carbones qui ne sont liés, eux, qu'à des atomes d'hydrogène.







Mais il faut le répéter : les matières grasses alimentaires ne contiennent que très peu de glycérol et d'acides gras, et elles sont majoritairement faites de molécules de triglycérides. C'est un abus de langage dommageable que de dire qu'il y a des acides gras dans les matières grasses alimentaires. Et c'est cet abuse de langage qui impose de parler d'acides gras libres, pour les acides gras qui existent réellement, dans des matières grasses de mauvaise qualité.


Tout cela étant expliqué, nous pouvons maintenant nous préoccuper de la fonte des graisses solides, ou, inversement, de la solidification des matières grasses liquides. 

L'expérience fondatrice est facile à faire : il suffit de mettre une bouteille d'huile dans un congélateur  : quand l'huile est refroidie à la température du congélateur, elle est alors solide, blanche et opaque. En effet, les molécules  sont des objets qui bougent, s'agitent, vibrent... d'autant plus rapidement qu'ils ont plus d'énergie, ce qui revient à dire d'autant plus que leur température est élevée. Et c'est ainsi que, quand on refroidit, les molécules ralentissent, et viennent s'empiler les unes sur les autres, formant des "cristaux" dont l'assemblage devient blanc comme la neige (qui est faite de cristaux, par empilement des molécules d'eau).
A ce stade, manque encore une information : les molécules de triglycérides s'attirent très légèrement, avec une force qui dépend de leur constitution moléculaire particulière.
Et c'est ainsi, par exemple, que si l'on ne considère que des matières grasses "saturées", comme celles que nous avons décrites précédemment, l'empilement se fait à température plus basse pour les petits triglycérides. En effet, imaginons deux groupes de triglycérides à la même température : un groupe avec des petites molécules, et un groupe avec des molécules plus grosses (plus d'atomes de carbone dans les "résidus d'acides gras"). Comme l'énergie d'une molécule correspond à son mouvement, la vitesse des petites molécules est supérieure. Cela signifie que leur mouvement vaincra plus facilement les forces d'attraction entre les molécules, et que ces petites molécules figeront plus difficilement.

Ce qui est dit de la taille des molécules de triglycérides n'épuise pas le sujet : pour l'instant, nous n'avons évoqué que les triglycérides "saturés", et pas les triglycérides "insaturés", pour lesquels  les chaînes d'atomes de carbone sont moins flexibles pour des raisons que nous n'expliquerons pas ici.  De ce fait, les empilements sont plus difficiles, et il faut donc refroidir davantage pour arriver à les empiler en solides. De fait, l'huile d'olive, qui contient beaucoup de ces triglycérides insaturés, fige à plus basse température que la matière grasse d'origine animale, qui contient  des  triglycérides saturés.

Hopla!


Et si voulez en savoir plus : 
E.W. Hammond, in Encyclopedia of Food Sciences and Nutrition (Second Edition), 2003.
H.D. Belitz, W. Grosch, P. Schieberle, Food Chemistry, Springer Verlag.
Hervé This, Mon histoire de cuisine, Editions Belin.


vendredi 31 juillet 2015

Que faire devant la malhonnêteté ?

 Certains de mes billets posent  des questions auxquelles je réponds, mais d'autres  posent des questions auxquelles j'invite mes amis à m'aider à répondre. Celui-ci est de ce second type.

 Au départ, il y a une annonce, un "communiqué de presse", par l'université Purdue, qui stipule que "la recherche confirme que le gras est la sixième saveur".
 Jusque là, rien de particulier... sauf qu'un peu de bibliographie montre bien que cette perception (réservons le mot "saveur" pour plus tard) des acides gras insaturés à longue chaîne n'est pas neuve : elle fut découverte il y a une quinzaine d'années par une équipe de physiologistes de Dijon (Bénard et al.), et j'ai dans mon ordinateurs des dizaines d'articles scientifiques qui l'attestent !
D'où la question  : que faire, face à un tel communiqué de presse ? Pouvons-nous laisser croire à nos amis qu'il y a là une grande nouveauté ? Devons-nous laisser la malhonnêteté impunie ? Devons-nous passer l'éponge, en nous disant qu'un clou chasse l'autre, et qu'une "nouvelle" viendra s'ajouter à cette vieille lune, laquelle sera oubliée demain ? Ecrire à la chercheuse à l'origine de la publication ? Ce n'est pas elle qui est fautive, mais plutôt le service de communication de l'université Purdue : on sait que les institutions reçoivent des fonds en proportion de leur activité, notamment de la couverture médiatique qu'elles reçoivent, mais faut-il aller jusqu'à la tromperie ?
 Je suis preneur de vos conseils.


Pour en revenir à cette "perception des acides gras insaturés à longue chaîne", vous observez que  je n'écris pas "goût du  gras", ni même "saveur du gras" (comme le fait ce communiqué de presse fautif), parce que, s'il a été effectivement montré que nous sommes sensibles à la matière grasse, ce n'est pas elle-même qui a "du goût".
En effet, la matière grasse est faite essentiellement de molécules de triglycérides, lesquelles sont composés d'un résidus de glycérol et de trois résidus d'acides gras. Lorsque nous mangeons un produit qui contient de telles molécules, des enzymes des papilles sapictives détachent des acides gras, et il est exact que certains de ces acides gras peuvent se lier à des récepteurs des papilles, et donner une sensation.
Cela étant, la question est surtout de savoir nommer cette perception. Ce n'est peut-être pas une saveur, contrairement à ce que le communiqué de presse dit, et c'est la raison pour laquelle, il y a plusieurs années, j'avais proposé le terme de "lipaction" pour la modalité de perception de ces acides gras.