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samedi 7 septembre 2019

Pas d'acides gras dans l'huile, mais des triglycérides


Vraiment, je m'étonne : alors que je venais de twitter que l'huile ne contient pas d'acides gras, mais des triglycérides, un collègue m'interroge, parce qu'il ne comprend pas. Certes, ce n'est pas un chimiste... mais qu'importe : je vois surtout qu'il y a lieu d'expliquer (merci de me dire ensuite si j'ai été clair).

Partons donc d'une bouteille d'huile : dans le récipient en verre ou en plastique, on voit un liquide jaune, un peu visqueux, transparent.
Si nous l'observons à l'aide d'une loupe, nous continuons de voir la même chose. Et également avec un microscope classique.
En revanche, si nous regardons avec un microscope bien plus puissant, nous voyons l'huile faite d'objets analogues à des  peignes à trois dents souples. Plein, qui grouillent... Ce sont des molécules, et ces molécules sont toutes comme des peignes à trois dents souples, de la catégorie que les chimistes nomment des triglycérides.
Dans les organismes vivants qui en synthétisent, ces composés sont obtenus par assemblage d'un composé nommé glycérol-3-phosphate et d'acide gras. Mais une fois que les atomes sont assemblés en molécules de triglycérides, il n'y a plus de glycérol ni d'acides gras.

Bien sûr, on sait aussi décomposer les triglycérides, afin de former, à partir d'eux, du glycérol et des acides gras, mais on sait aussi décomposer les molécules de triglycérides de mille autres manières. Et une huile décomposée, parce qu'elle a été exposée à la chaleur, ou à la lumière, ou à l'oxygène, est assez malsaine, rance, et la présence d'acides gras en abondance ne serait vraiment pas bon signe !

Donc voilà : pour ceux qui en avaient besoin, pas d'acides gras dans l'huile !




PS. A propos de ce billet, je reçois un remerciement d'un correspondant, qui me dit "Et concernant les oméga 3 (et autres AGPI) ce sont aussi des triglycérides ?". 
Ici, la question est l'usage généralisé d'un terme galvaudé par les réclames. "Oméga 3" est  une abréviation d'acide gras oméga 3. Et, en vertu de ce que j'ai expliqué plus haut, il n'y a donc pas d'acides gras oméga 3 dans les huiles, puisque les huiles ne sont faites que de triglycérides.
Mais certains triglycérides, surtout dans l'huile d'olive ou dans des graisses de poissons, ont des résidus d'acides gras (j'insiste, comme dit plus haut, sur l'expression résidus d'acides gras) qui sont des résidus d'acides gras oméga 3.

Mais, à ce stade, il faut considérer les résidus d'acides gras plus en détail. On trouvera, dans le Grand livre de notre alimentation, un chapitre bien détaillé sur ce point,  mais disons ici, simplement, que les résidus d'acides gras sont des enchaînements d'atomes de carbone, avec des atomes d'hydrogènes attachés à ces atomes de carbone.
A l'exception de l'atome de carbone de l'extrémité libre de la chaîne (l'autre extrémité est liée à un résidu de glycérol, le manche du peigne), chaque atome de carbone est lié à deux atomes d'hydrogène, dans les résidus d'acides gras saturés. En revanche, pour les résidus d'acides gras insaturés, deux atomes de carbone voisins ne sont liés chacun qu'à un seul atome d'hydrogène, tandis que ces deux atomes de carbone sont doublement liés : c'est ce que l'on nomme une "insaturation", car on peut chimiquement ajouter de l'hydrogène, auquel cas le résidu d'acide gras, d'insaturé, devient saturé.

Finalement, on aura raison de dire : il existe des triglycérides dont un ou plusieurs résidus d'acides gras sont insaturés, et, notamment, avec une insaturation de type oméga 3 (je n'explique pas plus en détail, voir le livre cité plus haut)


lundi 8 avril 2019

Pourquoi les diverses graisses ne fondent pas à la même température

Les question ne cessent d'arriver par email, mais je ne suis pas toujours parfaitement libre pour y répondre. Heureusement, vient le week-end, où je peux rattraper mon retard. Et, cette semaine, une question sur les graisses :

Pourquoi les graisses ne fondent-elles pas toutes à la même température ? 

La question est d'autant plus intéressante que les publicités qui nous submergent ne cessent d'induire le public en erreur : contrairement à ce qu'elles mentionnent, il n'y a pas d'acides gras dans les matières grasses, huiles ou graisses végétales ! Ou, plus exactement, quand il y en a (jusqu'à environ 5 % dans les pire cas), c'est le signe que la matière grasse n'est pas bien raffinée, ou bien qu'elle a été dégradée.


Mais commençons par expliquer ce dont il s'agit, en partant d'une huile bien raffinée. 

C'est alors un liquide transparent, quasi incolore, fait de molécules qui sont quasiment toutes des "triglycérides", à savoir des assemblages d'atomes de carbone, d'atomes d'hydrogène et d'atomes d'oxygène.



Plus précisément, pour la molécule d'un "triglycéride saturé", trois atomes de carbone liés sont ensuite chacun liés à un atome d'oxygène, qui est lui-même lié à un autre atome de carbone qui est, d'une part, lié à un atome d'oxygène, et, d'autre part, lié à un chaîne d'atomes de carbone qui sont chacun liés à deux atomes d'hydrogène, sauf à l'extrémité de la chaîne, le dernier atome de carbone est lié à trois atomes d'hydrogène, et non deux.



Ces molécules sont très nombreuses :  dans une bouteille d'huile, il y en a environ cent millions de milliards de milliards.


Mais la description que je viens de donner est simpliste, parce que, en réalité, il y a des triglycérides variés : au lieu d'avoir cent millions de milliards de milliards de molécule d'une seule sorte, il y a des millions de milliards de molécules d'environ 400 millions de sortes différentes. Toutes ont en commun cette structure particulière, avec trois atomes de carbone auxquelles sont liées les structures présentées précédemment. Et comme on peut synthétiser chimiquement ces molécules à l'aide d'un composé nommé glycérol et de composés nommées acides gras, ou glycérides, on nomme triglycéride les molécules des matières grasses. D'ailleurs, on peut également dégrader les triglycérides en glycérol et acides gras, par exemple.
Le glycérol ? C'est le "sucre" le plus simple, avec, donc, trois atomes de carbone qui sont chacun liés à un atome d'oxygène liée à un atome d'hydrogène, et aussi à des atomes d'hydrogène, de sorte que le total de la liaison de chaque atome de carbone avec des atomes voisins soit de quatre.



Quant aux acides gras, ils sont tous faits d'un atome de carbone qui est lié à un atome d'oxygène, à un autre atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène, et à un enchaînement d'atomes de carbones qui ne sont liés, eux, qu'à des atomes d'hydrogène.







Mais il faut le répéter : les matières grasses alimentaires ne contiennent que très peu de glycérol et d'acides gras, et elles sont majoritairement faites de molécules de triglycérides. C'est un abus de langage dommageable que de dire qu'il y a des acides gras dans les matières grasses alimentaires. Et c'est cet abuse de langage qui impose de parler d'acides gras libres, pour les acides gras qui existent réellement, dans des matières grasses de mauvaise qualité.


Tout cela étant expliqué, nous pouvons maintenant nous préoccuper de la fonte des graisses solides, ou, inversement, de la solidification des matières grasses liquides. 

L'expérience fondatrice est facile à faire : il suffit de mettre une bouteille d'huile dans un congélateur  : quand l'huile est refroidie à la température du congélateur, elle est alors solide, blanche et opaque. En effet, les molécules  sont des objets qui bougent, s'agitent, vibrent... d'autant plus rapidement qu'ils ont plus d'énergie, ce qui revient à dire d'autant plus que leur température est élevée. Et c'est ainsi que, quand on refroidit, les molécules ralentissent, et viennent s'empiler les unes sur les autres, formant des "cristaux" dont l'assemblage devient blanc comme la neige (qui est faite de cristaux, par empilement des molécules d'eau).
A ce stade, manque encore une information : les molécules de triglycérides s'attirent très légèrement, avec une force qui dépend de leur constitution moléculaire particulière.
Et c'est ainsi, par exemple, que si l'on ne considère que des matières grasses "saturées", comme celles que nous avons décrites précédemment, l'empilement se fait à température plus basse pour les petits triglycérides. En effet, imaginons deux groupes de triglycérides à la même température : un groupe avec des petites molécules, et un groupe avec des molécules plus grosses (plus d'atomes de carbone dans les "résidus d'acides gras"). Comme l'énergie d'une molécule correspond à son mouvement, la vitesse des petites molécules est supérieure. Cela signifie que leur mouvement vaincra plus facilement les forces d'attraction entre les molécules, et que ces petites molécules figeront plus difficilement.

Ce qui est dit de la taille des molécules de triglycérides n'épuise pas le sujet : pour l'instant, nous n'avons évoqué que les triglycérides "saturés", et pas les triglycérides "insaturés", pour lesquels  les chaînes d'atomes de carbone sont moins flexibles pour des raisons que nous n'expliquerons pas ici.  De ce fait, les empilements sont plus difficiles, et il faut donc refroidir davantage pour arriver à les empiler en solides. De fait, l'huile d'olive, qui contient beaucoup de ces triglycérides insaturés, fige à plus basse température que la matière grasse d'origine animale, qui contient  des  triglycérides saturés.

Hopla!


Et si voulez en savoir plus : 
E.W. Hammond, in Encyclopedia of Food Sciences and Nutrition (Second Edition), 2003.
H.D. Belitz, W. Grosch, P. Schieberle, Food Chemistry, Springer Verlag.
Hervé This, Mon histoire de cuisine, Editions Belin.