J'entends à la fois un collègue et un cuisinier parler de "l'albumine", et autant
je suis indulgent pour le cuisinier, autant je considère que mon collègue a
tort, gravement, parce que s'il dit quelque chose de faux, il y a l'autorité qui
accompagne sa profession qui vient enteriner une erreur.
Expliquons cela en commençant par rappeler que le mot albumine a été
introduit en français par François Quesnay, au 18e siècle.
On désignait à
l'époque la matière coagulante du blanc d'oeuf, par exemple, et il est
vrai que si on laisse un blanc d'œuf sécher, l'eau du blanc d'oeuf
s'évapore et il reste une feuille jaune et craquante qui est faite de ce
qu'on nommait initialement (il y a plus d'un siècle) de l'albumine.
Cette matière, quand elle
est chauffée avec de l'eau est responsable de la coagulation. Et, à l'époque, les
chimistes la caractérisaient en observant qu'elle putréfiait en formant de
l'ammoniac : on sait aujourd'hui que, effectivement, cette matière contient de l'azote.
Les chimistes, également, observaient que cette matière conduisait à un changement de couleur du sirop de violette, cette
infusion de fleurs de violette dans l'eau qui a une couleur bleu violet
et qui change de couleur en présence d'un composé basique : le sirop de
violette est l'ancêtre de nos indicateurs colorés de laboratoire.
Mais
c'est là de l'histoire ancienne : plus d'un siècle. Progressivement, on a découvert de
l' "albumine" dans les végétaux, notamment les légumineuses : ce fut un
tsunami intellectuel parce que l'on retrouvait la même matière dans le
végétal et l'animal, qui semblaient être des règnes séparés.
Puis on a
découvert que ces albumines étaient en réalité des mélanges de nombreux
composés distincts et c'est pour cette raison qu'en 1910, soit plus d'un
siècle dans le passé, on a décidé que l'on nommerait ces composés des
protéines. Et on en connaît de nombreuses sortes. Certaines protéines sont solubles
dans l'eau et leurs molécules sont globulaires, comme un fil replié en
pelote : ce sont les albumines.
Oui, aujourd'hui le mot albumine désigne une
catégorie de protéines et non plus ni une matière particulière, ni une protéine
particulière.
Certes il existe de l'ovalbumine, pour une des albumines qui
se trouve dans le blanc d'oeuf, ou de la sérum albumine pour des
protéines de la catégorie des albumines qui se trouvent dans le sang.
Mais
il y a bien d'autres albumines, et je n'ai pas épuisé avec ces deux
exemples la totalité d'entre elles.
Parler aujourd'hui de l'albumine au singulier,
c'est donc retarder de plus d'un siècle.
Cela me semble grave que les
cuisiniers utilisent des notions ainsi périmées parce que pensant mal
ils ne pourront pas faire bien, mais ce me semble encore plus grave qu'un
collègue propage de telles erreurs.
Disons-le pour terminer de façon
positive : la chimie a fini par découvrir qu'il existe de très nombreuses
protéines différentes et certaines, certaines seulement, sont des
albumines. La catégorie des albumines est une catégorie particulière de
protéines.
Est-ce clair ? Pour me faire des commentaires : icmg@agroparistech.fr
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Un commentaire? N'hésitez pas!
Et si vous souhaitez une réponse, n'oubliez pas d'indiquer votre adresse de courriel !