dimanche 12 janvier 2025

Quelles influences ?

Un correspondant évoque avec moi le physicien Jacques Friedel, avec qui j'ai échangé régulièrement de très longues lettres. Il me conseillait de suivre plutôt Pierre-Gilles de Gennes que Jean-Marie Lehn pour mes travaux,  et je lui répondais que je préférai suivre Hervé This. Il y avait évidemment là de la boutade, car  les matières alimentaires sont effectivement, le plus souvent, de la matière molle, et que les transformations imposent à la fois des études de chimie moléculaire et de chimie supramoléculaire, champ largement exploré par Jean-Marie Lehn. 

Cela étant, je n'oublie pas non plus mon vieil ami Pierre potier, qui m'avait fait bien comprendre toute l'intelligence de la déclaration de Théodosius Dhobzansky,  selon lequel " tout ce qui relève du vivant doit s'interpréter en terme de biologie de l'évolution". 

Car nos aliments ne sont pas des systèmes physico-chimiques isolés, mais des systèmes physico-chimiques souvent à base de tissus végétaux ou animaux, et qui, de surcroît, doivent interagir avec l'organisme humain. 

Il y a donc tout un faisceau d'idées intelligentes à mettre en œuvre quand on fait cette exploration scientifique du monde  qu'est la gastronomie moléculaire.
Et les influences sont innombrables, épistémologiques ou scientifiques. 

Epistémologique, car il ne faut pas se tromper de combat : la science n'est pas la technologie, et il y a donc lieu de bien comprendre ce que l'on fait, ce que l'on cherche, ce que l'on étudie, ce que l'on aspire à produire...
Au fond, cette discussion épistémologique a été fondatrice puisque nous avons créé avec Nicolas Kurti la gastronomie moléculaire précisément quand nous avons observé que ce qui était nommé "science des aliments" était en réalité une chimie des ingrédients culinaires, ou une caractérisation, par exemple rhéologique, ou une technologie focalisée sur l'étude des procédés industriels.

 Je répète, à titre d'exemple, un point parmi mille, que le célèbre livre Food Chemistry, utilisé par toute la communauté, lourd de 1000 pages, ne dit rien de la cuisson du vin, alors que cela se produit pour 47 % des sauces classiques françaises. 

Il y a donc beaucoup de nouveaux à explorer si l'on considère les transformations culinaires,  sans tenir compte des préoccupations industrielles.

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