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mardi 28 avril 2020

Pourquoi critiquer le mot "flaveur" n'est pas négatif, mais au contraire très encourageant


1. L'écriture gastronomique ? On veut discuter des mets, évoquer des bonheurs gourmands, faire des promesses artistiques, évoquer des réunions amicales, joyeuses, fines, subtiles...
Et je vois que, en fin de cette phrase précédente, je suis tombé dans l'épithétisme : l'accumulation de termes (ici des adjectifs) qui voudrait faire bien sentir mon enthousiasme.

2. Le problème, c'est que les synonymes stricts n'existent pas, et qu'à force d'entasser des mots, ma pensée devient de plus en plus gauchie, au point d'être parfois médiocre ou mauvaise.
Bref, jusqu'où peut-on aller, sans tomber dans l'erreur ou la faute ?

3. L'un des mots que je critique, dans la littérature gourmande, que l'on doit plutôt dire gastronomique, d'ailleurs, ou culinaire, est "flaveur". C'est un mot qui a été introduit avec un peu de force dans les années 1950, et dont personne ne sait vraiment bien ce qu'il signifie, au point que mêmes mes collègues "sensorialistes" n'ont pas toujours la même définition.
Je suis bien désolé de vous dire que des collègues distants d'un bureau, dans la même institution de recherche, dans le même laboratoire, la même "unité", le même bâtiment, la même équipe, le même groupe, ne s'entendent pas sur ce terme, et l'on voit la cacophonie régner dans les conférences scientifiques, tout comme dans les articles scientifiques. C'est honteux !

4. Inversement, rien de contradictoire, ailleurs : à propos de température, d'entropie, d'énergie... De quoi est-ce l'indication ? Que les définitions, en sciences de la nature, doivent toujours être formelles, quantitatives, sous peine de n'être que du discours verbeux ?
Oui, chacun peut avoir sa définition, mais ce n'est pas ainsi que l'on construit des monuments. Il y a lieu de faire quelque chose.

5. Et évidemment, que peut penser le public plus large du sens de ces mots, s'ils ne sont pas bien définis par ceux qui devraient le faire ? Le flou règne, l'incohérence, l'incompréhension, la discorde.
Les poètes les plus faibles s'emparent de ces mots, pour donner un son, ou couleur, faire vibrer des cordes sensibles. Fort bien, mais finalement, de quoi parle-t-on ?

6. Oui, dans les années 1950, certains ont voulu imposer le mot "flaveur" pour le mot français "goût"... mais nous avions déjà ce mot "goût", que chacun comprend parfaitement : quand nous mangeons une fraise, nous percevons le goût de fraise. Faut-il en dire plus ?

7. Certes, si nous le voulons, nous pouvons décomposer le goût, sensation synthétique, en saveur, odeur, consistance, température, piquant ou frais... Mais où irait alors se nicher le mot "flaveur" ? Il est inutile.

8. Donc gênant  !

9. Et dire cela, c'est bien sûr critiquer ceux qui ont voulu introduire le mot "flaveur", avec toutes sortes de mauvaises raisons.
Mais c'est surtout débarrasser notre langue commune de scories.


Ne parlons plus de flaveur, mais parlons de goût !


mardi 21 janvier 2020

Un souvenir amusant.



 Interviewé par une télévision coréenne, je me souviens soudain d'un épisode cocasse, lors d'un tournage pour la télévision française, vers Noël, il y a environ 30 ans : il s'agissait de faire un sorbet à l'azote liquide, ce qui était neuf pour l'époque, mais ce n'est pas là la question qui m'intéresse aujourd'hui. Ce qui m'intéresse, c'est que ce sorbet était au  jus de citron vert et au basilic.
Quoi, basilic et citron vert ? Et alors ? Aujourd'hui, cette association paraît parfaitement naturelle,  mais à l'époque, c'était véritablement révolutionnaire   : je me souviens d'ailleurs d'amis  cuisiniers qui m'avaient interpellé en me demandant si, avec une telle préparation, je n'allais pas empoisonner tout le monde.
Empoisonner tout le monde avec du basilic et du citron vert ? Oui, ajoutait-il : ce mélange n'avait jamais été fait, et on avait aucune certitude qu'il n'empoisonnerait pas, contrairement aux mélanges traditionnels, éprouvés.
Avec le recul, on a bien vu que je n'ai empoisonné personne, mais je continue de m'étonner d'une telle crainte :  pourquoi  du basilic et du citron vert auraient-ils empoisonné ? La question ne vaut pas pour ces deux ingrédients en particulier, mais pour toutes les combinaisons qui n'ont jamais été testées. D'ailleurs, si l'on avait été vraiment prudent, après la découverte de l'Amérique, nous n'aurions ni tomates, ni pomme de terre, ni aubergine... D'ailleurs, la question des pommes de terre est intéressante, car précisément leur peau contient des composés toxiques, et Parmentier avait bien vu que des bouillons de peau de pomme de terre avaient un goût brûlant,   dû précisément à la toxicité de ces composés de la peau. On a bien appris à peler les pommes de terre, surtout quand elles sont vertes mais pas seulement.
On a appris progressivement à identifier nombre de produits qui ont des toxicités comme certains composés de la muscade, et d'autres.
Mais je vois une vraie différence entre le danger et sa perception. Au fond, la nouveauté fait peur à beaucoup, et il faut leur reconnaître qu'ils ont raison d'être prudents... mais il ne faut pas tomber dans l'excès d'être timoré.
Et, rétrospectivement, il est quand même amusant que l'on ait eu peur d'un mélange de basilic et citron vert, alors que nos amis boivent de l'alcool (l'éthanol est un poison), fument, utilisent de la noix muscade, ne pèlent plus les pommes de terre... et vont, pour certains,  jusqu'à macérer des grappes de tomates grappes dans de l'huile pour en faire une huile qui a qui a beaucoup de goût... et de toxicité.

Décidément, les incohérences de l'être humain n'ont pas fini de m'étonner !