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mardi 12 juillet 2022

Faut-il vraiment accepter les modes hurluberlues ?

Je viens de nouveau de voir des individus (le mot n'est pas suffisamment péjoratif) qui préconisent de manger cru, en invoquant mille raisons aussi bizarres que fausses. Et ces personnes se disent "coach alimentaires"... alors que je les vois très ignorantes des questions chimiques qu'elles osent discuter publiquement : quelle impudence ! quelle malhonnêteté !


Mais, oublions ceux-là, et pensons à nos amis. Au fond, pourquoi préparer des ingrédients alimentaires avant de les cuire ?  La question est très générale,  et il est souvent bon de fixer les idées  par un exemple. 


Considérons des pommes de terre. Sorties de la terre, elles emportent un peu de cette dernière  avec elles, et, pour peu qu'elles aient été stockées pendant quelque temps, elles sont hérissées de petits bourgeons un peu vert. Appartenant à la famille des Solanacées, elles contiennent des alcaloïdes toxiques dans les deux à trois premiers millimètres sous la surface. Vertes ou pas ! Ces alcaloïdes ont évidemment une fonction, qui n'a rien à voir avec notre plaisir de manger des pommes de terre : ils assurant la protecction des tubercules contre les agresseurs du sol. De surcroît, les pommes de terre contiennent des pesticides naturels, ces derniers étant également là pour la protéger. 

Tiens, j'y pense : pour donner à mes amis la possibilité de vérifier ce que je dis, je les invite à consulter une publication toute récente à ce propos : 

Sebastian Baur, Nicole Bellé, Hans Hausladen, Sebastian Wurzer, Laura Brehm, Timo D. Stark, Ralph Hü cklhoven, Thomas Hofmann, and Corinna Dawid. Quantitation of Toxic Steroidal Glycoalkaloids and Newly Identified
Saponins in Post-Harvest Light-Stressed Potato (Solanum tuberosum
L.) Varieties, https://doi.org/10.1021/acs.jafc.2c02578

 

Prenons les choses à rebours : il faut peler la pomme de terre pour éliminer pesticides et alcaloïdes, mais aussi pour éliminer les bourgeons, également riches en tels composés, et, enfin,  pour éliminer la terre, qui porte avec elle des micro-organisems potentiellement pathogènes... sans compter qu'elle crisserait sous la dent de façon désagréable.
Il faut donc commencer par nettoyer et peler la pomme de terre,  mais cela est vrai pour l'ensemble  des ingrédients alimentaires : carottes, oignons, viandes, poissons. Dans certains cas, ce sont des composés de l'intérieur qui sont toxiques, telles les lectines hématoaglutinantes des haricots blancs, ou bien le manioc quand il n'a pas été bien traité, qui contient des glucosides cyanogéniques. Parfois, la toxicité est moindre que celle de l'acide cyanhydrique, tel le raffinose, sucre de la patate responsable de flatulences importantes.
Bref, les métabolites secondaires des plantes sont  bien hasardeux, et l'on se reportera donc avec intérêt à la séance publique, podcastée, que nous avions organisée à l'Académie d'agriculture de France le 9 décembre 2009.

On n'oubliera pas, enfin, que la cuisson tue les micro-organismes pathogènes éventuels, en même temps qu'elle change la texture et qu'elle donne du goût.

lundi 21 mars 2016

3. Êtes-vous cru ou cuit ?



 Je suis certainement cuit, parce que le cru  est dangereux. On doit rappeler que l'humanité a inventé la fermentation et le feu pour se prémunir des micro-organismes pathogènes. Il y en a  partout autour de nous, et la cuisine permet d'abord de tuer les micro-organismes qui nous intoxiqueraient. Les "cuissons douces" ou autres crus, dont certains tentent de faire des modes, sont dangereux. La cuisson basse température est merveilleuse... quand elle est bien conduite : il faut éviter les séjours prolongés des aliments à des températures où les micro-organismes prolifèrent, et ne pas oublier que la toxine botulique, par exemple, est mortelle. La cuisson, c'est comme un couteau : indispensable... mais il faut apprendre à s'en servir pour éviter les risques de cet objet qui est dangereux. Idem pour  la fermentation, qui peut faire le meilleur (fromages, saucissons, vins, etc.) et le pire.

Cela dit, la cuisson a d'autres avantages, et notamment qu'elle change la consistance. Quand nos ancêtres n'avaient plus de dents (on doit se souvenir que, sans dentiste ni dentifrice, nos aïeux avaient des dents dans un état déplorable),  il leur fallait des aliments suffisamment mous pour subsister. Quand on n'a plus de dents, une carotte crue n'est pas mangeable. D'où le fait de râper ou de cuire. Il y a d'ailleurs une parenté, entre les procédés : quand on râpe une carotte, le couteau déclenche des réactions enzymatiques qui s'apparentent à celles de la cuisson.
A noter que la cuisson fut sans doute, aussi, un facteur de développement de l'espèce humaine, parce qu'elle augmente la biodisponibilité des nutriments. Avec moins de temps à mâcher, on a plus de temps pour le reste !

Et puis, il y a le fait que la cuisson fait apparaître des goûts nouveaux ! Et cela est essentiel, pour l'espèce humaine comme pour des espèces animales. Les chats, chiens, singes... préfèrent les aliments cuits aux aliments crus. Ah, l'odeur envoûtante d'une belle cuisson, d'un beau rôtissage, d'un fromage grillé... Décidément, je me vois mal condamné aux crudités, même si, parfois, cela est agréable. Une salade, d'accord, mais... en plus !