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mercredi 31 mai 2023

Ah, la santé ! Cette fameuse santé...


C'est incessant ! Presque 30 fois par jour, samedi et dimanche compris, je reçois des emails tels que (celui qui suit est sans modification, fautes d'orthographe comprises... mais il y en a plutôt moins que dans de nombreux autres messages ;-) ) : 

Bonjour, Monsieur !
Nous sommes trois jeunes filles de 1ère S, et, intéressées par la cuisine moléculaire, nous avons décidé d'en faire notre TPE. Notre porblématique est : " Peut-on dilinuer les risques de santé avec la cuisine moléculaire ?"
Nous avons donc cherché un peu partout, et vu que vous étiez "l'inventeur" de la cuisine moléculaire et que, sur votre site, vous nous encouragiez à vous envoyer un mail pour vous poser des questions.
Nous osons donc vous écrire pour vous poser cette question :
Auriez-vous l'amabilité de nous donner une idée de recette de cuisine traditionnelle qui pourrait être remplacée par la cuisine moléculaire, afin de diminuer les risques de santé ?
Merci encore, et excusez-nous de notre hardiesse !!</em> <em>Isabelle,Marine,  Chloé...

 

Merveilleux message : des jeunes filles intéressées par la cuisine moléculaire, c'est-à-dire cette cuisine qui fait usage d'ustensiles modernes, au lieu d'utiliser encore les casseroles minables du Moyen Age. D'accord, ce groupe de TPE (travaux personnels encadrés) n'est pas encore arrivé à la "cuisine note à note" (une cuisine qui fait usage de composés purs, au lieu d'ingrédients culinaires classiques tels que viandes ou légumes), mais c'est déjà bien. 

Moi, l'inventeur de la cuisine moléculaire ? Disons le co-inventeur, avec mon vieil ami Nicholas Kurti (1908-1998), mais en tout cas celui  qui a donné le nom et la définition (le dictionnaire Robert a publié il y a quelques années une définition fautive, mais l'Encyclopedia Britannica a publié quelque chose de correct). 

J'incite à poser des questions ? C'est pour mieux en poser moi-même, mon enfant. Une recette de cuisine traditionnelle qui pourrait être remplacée par la cuisine moléculaires ? Il y en a mille, et j'ai ainsi décrit le mois dernier comment le "chocolat Chantilly" (ce n'est pas du chocolat avec de la crème chantilly, mais bien plutôt une façon de faire foisonner une émulsion de chocolat) remplace avantageusement les recettes classiques de mousse au chocolat. 

En revanche, la phase se poursuit : "une idée de recette de cuisine traditionnelle qui pourrait être remplacée par la cuisine moléculaire, afin de diminuer les risques de santé ?"Là, il y a les mots "risques" et "santé". Il faut que je m'y arrête. Première observation : cet email est très bien, parce que, pour une fois, je n'ai pas la question "la cuisine moléculaire est-elle dangereuse pour la santé ?", question qui a été instillée dans l'esprit des jeunes par quelques journalistes malhonnêtes intellectuellement. Donc tout va bien : preuve qu'il faut faire confiance aux jeunes contre les vieux ringards. 

D'autre part, il y a le mot "risque" : merci à mes trois interlocutrices de me donner l'occasion de bien redire la différence entre le danger et le risque. Un couteau ouvert est quelque chose de dangereux (on peut tuer avec un couteau). En revanche, le couteau replié dans un tiroir fermé à clé ne présente plus de risque. La vie étant pleine de dangers, il faut apprendre "le maniement du monde" afin d'éviter les risques, de les minimiser. 

Enfin, il y a la "santé". Là, comment résisterais je à la tentation de redire que le tabac, l'alcool, l'environnement professionnel, les agents infectieux, le surpoids et l'obésité, l'exposition aux rayonnements ultraviolets, l'insuffisance de l'exercice physique... sont responsables de plus de 99 pour cent des cancers !

Pourquoi, alors, se préoccuper de santé, en matière alimentaire ? Pourquoi s'en préoccuper, alors que nous faisons des barbecues, qui déposent 2000 fois plus de benzopyrènes cancérogènes qu'il n'en est admis dans les produits fumés de l'industrie alimentaire ? Pourquoi s'en préoccuper quand tout le monde mange du chocolat, qui n'est que matière grasse et sucre ? Pourquoi... pourquoi... 

Notre monde alimentaire est un festin de mauvaise foi. Alors, que répondre aux trois jeunes filles ? D'autant que, cuisine traditionnelle ou cuisine moléculaire, on peut très bien y mettre tous les composés toxiques que l'on veut : ce n'est pas la technique qui déterminera cela, mais le choix des ingrédients. Et voici pourquoi la cuisine note à note est merveilleuse... mais c'est là une autre histoire pour une autre fois.

dimanche 15 novembre 2020

Les conclusions essentielles du rapport de l'Académie d'agriculture de France, à propos de nitrites et nitrates dans les aliments

 

Les conclusions essentielles du rapport de l'Académie d'agriculture de France, à propos de nitrites et nitrates dans les aliments, sont les suivantes :

  • Aucune publication ne vient confirmer qu’il existe une différence entre charcuteries traitées aux nitrites et charcuteries non traitées en matière de risque de cancer colorectal ;

  • Le CIRC se livre à une caractérisation des dangers et non des risques, c’est-à-dire qu’il ne fait pas la part des différents produits de « viandes transformées » (incluant les charcuteries traitées ou pas) et ne prend pas en compte l’exposition aux nitrites, donc ne peut pas faire une analyse de risques de substances qui ne sont pas génotoxiques ;

  • Les études épidémiologiques et surtout les méta-analyses prennent en compte des produits alimentaires différents dans ce qu’ils qualifient de « viandes transformées », qui, selon les pays et les continents, ont des compositions différentes, qui ont subi divers traitements technologiques et culinaires qui peuvent donner naissance à des composés cancérogènes. Les études qui tentent d’évaluer l’exposition aux nitrites n’observent pas de lien entre nitrites et cancer colorectal ;

  • Devant les attaques médiatiques dont ils sont l’objet, les professionnels de la charcuterie, en France, ont entrepris un travail de réduction de la teneur en nitrites de leurs productions, produit par produit, sur la base d’études expérimentales ayant pour objet de déterminer la limite minimale qui ne fait pas courir de risque microbiologique au consommateur. En aucun cas ils n’imaginent d’en supprimer totalement l’usage sans avoir l’assurance que d’autres pratiques accessibles à l’ensemble des opérateurs assureraient cette sécurité.

jeudi 24 octobre 2019

Nous mangeons une alimentation, pas des aliments !


Que penser des évaluations nutritionnelle des aliments ?
Il y a fréquemment des messages de la part des hygiénistes pour dire qu'il faut manger des fruits et des légumes, qu'il ne faut pas trop manger gras, sucré, salé, qu'il faut  faire de l'exercice... Et tout cela n'est pas contestable  : oui, il faut manger des fruits des légumes afin d'obtenir des vitamines, des oligoéléments, des fibres... mais aussi des lipides qui font les membranes de nos cellules, des protéines, etc. Oui, il faut manger des viandes afin de récupérer des protéines, du fer bien assimilable (sans quoi les enfants seront intellectuellement attardés). Oui, il faut éviter de manger des produits frits en excès,  sans quoi nous verserons dans une obésité qui nous vaudra bien des déboires. Oui, il faut manger éviter de manger trop salé, sans quoi l'hypertension artérielle nous guette ;  il faut éviter de manger trop sucré, sans quoi nous aurons des caries, du diabètes... Oui  il faut aussi éviter de manger trop fumé sans quoi, comme les populations du nord de l'Europe, nous seront atteints de cancers du système digestif.

Mais je reviens aux messages diététiques (plutôt que nutritionnels, d'ailleurs, puisque la nutrition est une science, et la diététique son application). A qui s'adressent-ils ? Et sont-ils utiles ?
J'observe tout d'abord que des responsables de la santé humaine ne peuvent manquer de s'effrayer de l'augmentation de l'obésité dans nos sociétés modernes  : nous stockons, avec nos aliments, plus que nous n'en dépensons. Et il reste vrai  qu'il y a lieu d'enseigner à manger, car un régime qui serait focalisé sur un seul type d'aliments conduirait à de graves dysfonctionnements de l'organisme.  C'est par exemple ce qui avait été observé au 19e siècle, quand on a voulu établir l'intérêt des bouillon de viande : on s'est aperçu que les  chiens qui en étaient nourris exclusivement sont morts en assez peu de temps. La leçon a été bien retenue par les bons nutritionnistes :  il faut manger de tout en quantités modérées et faire de l'exercice modérément.
C'est là un vrai message qui doit être donné... mais comment le faire passer efficacement ? Le citoyen veut sans cesse du neuf, d'où les diversifications sur l'exercice, le gras-sucré-salé, les cinq fruits et légumes...
Jusque-là, tout va encore assez bien, mais ce qui me va plus, ce sont ces codes couleurs qui stigmatisent certains aliments. Il faut dire que nous pouvons manger de tout... sans excès. Et éviter des simplifications qui révèlent que l'on est soi-même... simplet.
Par exemple, un député vient de proposer une taxe sur les produits de la charcuterie. Il se fonde notamment sur les évaluations toxicologiques ou épidémiologiques de ces composés particuliers que sont les nitrites ou les nitrates... mais il oublie de reconnaître que ces composés évitent des cas de botulisme mortels!  Et puis, imaginons que les cas de  botulisme apparaissent, par conséquence de la proposition de ce député  : ira-t-on le chercher pour le mettre en prison ? Je propose à mes amis de ne pas oublier que les conseilleurs ne sont pas les payeurs,  et cet  homme ne sera pas poursuivi, et il continuera  son œuvre délétère. Certes  les citoyens ont les représentants qu'ils méritent, mais quand même, il y a des gens douteux dont il faut apprendre à se méfier. Nous avons la responsabilité d'avoir des réactions  énergiques et rapides !
D'ailleurs, je passe sur le cas particuliers des charcuteries pour revenir à   ce code couleur que je déteste pour une raison très simple  : nous ne mangeons pas des aliments mais une alimentation.
Tout ingrédient alimentaire, qu'il s'agisse d'une carotte, d'un navet, d'une terrine, d'un saucisson, d'un éclair au chocolat, d'un poisson, etc. contient des composés qui ont une certaine toxicité, mais cela n'est pas une raison pour l'éviter ! Souvenons-nous de l'exemple des bouillon de viande. Et sachons aussi que les toxicologues évoquent souvent une "courbe en J" que j'explique maintenant ainsi  : certaines vitamines sont absolument indispensables en petite quantité, mais elles deviennent toxiques en quantités supérieures. Ce phénomène est très général.

Soyons positifs : que pouvons-nous dire si nous voulons avoir un message diététique de type national ? Certainement qu'il faut faire de l'exercice modérément,  mais certainement aussi qu'il faut varier notre alimentation et ne pas manger trop. Nous pouvons manger de tout (sauf évidemment de graves poisons), mais en petite quantité. Et nous devons lutter absolument contre les docteur Knock de l'alimentation  : : ceux pour qui tout bien mangeant et un malade qui s'ignore... et qui peut tomber entre leurs griffes.

Mais je vois que mon regard s'attarde sur la frange et je veux relever le nez immédiatement pour regarder le ciel bleu : il y a de la marge pour apprendre à manger, individuellement et collectivement, pour enseigner à nos enfants comment bien manger. Car le message est simple  : nous devons manger de tout en quantités modérées et faire de l'exercice modérément.
Pas de codes couleurs stigmatisant !

vendredi 18 octobre 2019

Les Français auraient-ils peur de manger ? Pas sûr !


Pourquoi les Français ont-ils peur de leur alimentation ?
Avant de poser la question, il faudrait quand même être certain de ce que l'on cherche à expliquer ; il faut d'abord établir les faits, sans quoi nous risquons de trouver une réponse à une question qui ne se pose pas !

Les Français ont-ils peur de leur alimentation ? Il y a là l'éternelle faute de Platon que  combattit Aristote, et que j'expose toujours en rappelant que le goût de la fraise n'existe pas et qu'il y a plutôt les goûts des fraises. Pour ce qui nous concerne ici, il n'y a pas les Français, mais des Français  :  certains ont peur de leur alimentation, mais combien véritablement ? Certains n'ont pas peur de leur alimentation, et certains ne se posent pas la question d'avoir peur ou non.
Or nous ne devons  pas nous-mêmes susciter des craintes, en répétant croire que les Français ont peur de leur alimentation : ce serait de la pyromanie !

Cependant  il y a  ce fait que nous-même arrivons parfois à penser que les Français pourraient avoir peur de leur alimentation, parce que nous sommes exposés à l'activisme de certains, ce que je préfère nommer du fanatisme. Il y  a en effet des personnes qui, pour mille raisons, sont fanatiques, combattent maladivement des moulins...  J'en connais, par exemple, qui, ayant eu une grave maladie, cherchent activement à  épauler  les traitements médicaux qu'on leur donne, et focalisent leur action sur l'alimentation, parce qu'ils supposent que c'est cette alimentation qui est responsable de leur maladie. Ils s'activent alors pour rectifier ce qu'ils croient être des erreurs alimentaires, non seulement pour eux, mais pour l'ensemble de la société, confondant d'ailleurs souvent le danger et le risque.
Mais ne serait-il pas aberrant que des politiques soient tentés de les suivre dans toutes leurs lubies ? Ne serait-il pas aberrant que ces élus (pour autant, ils n'ont pas plus de savoir que leurs électeurs), appliquant bêtement le principe de précaution, en viennent à proposer de tuer tous les crocodiles sous prétexte que ces derniers sont dangereux ? En plein cœur de Paris, le risque d'être mangé par un crocodile est quand même extrêmement faible !

De toute façon, la stratégie qui qui consiste à vouloir répondre à toutes les craintes les unes après les autres est impossible à tenir, car les craintes individuelles sont en nombre infini. Pire, l'expérience montre que la rectification est impossible, de sorte que combattre les peurs est inutile. Je propose donc de ne jamais aller frontalement à l'encontre de ceux qui ont peur, et au contraire, de distribuer des fait justes, de proposer un cadre cohérent, où  ces faits s'insèrent,  de donner des idées principales avant de se perdre dans les détails...

vendredi 30 août 2019

A propos de notre alimentation : l'Ecole doit jouer un rôle essentiel !

Je reviens sur notre Grand livre de notre alimentation récemment paru (Editions Odile Jacob).
 Sur Twitter, j'ai émis un message libellé à peu près ainsi : "A votre avis, pourquoi pensez-vous que 25 membres de l'Académie d'agriculture de France, qui sont des gens très occupés, ont accepté de prendre sur leur temps pour produire un livre assez gros, qui donne des faits à propos de l'alimentation, et tout cela sans toucher un seul centime (puisque les droits d'auteur sont versés à l'Académie) ?".
Ici, j'insiste un peu, car la question n'est pas rhétorique, mais vraiment posée à mes amis : je vous invite à réfléchir à cette question. Car ce que je dis est juste : aucun des auteurs ne touche un centime de cette affaire, malgré le travail important, le temps considérable passé à concevoir, préparer, réaliser l'ouvrage. Car il ne s'agit pas seulement de rédiger des chapitres, mais préalablement de faire une  recherche bibliographique fouillée, experte, afin d'être capable d'écrire les articles. Quant à écrire les articles eux-mêmes, il ne s'agissait pas de redonner le libellé exact des informations trouvées par la bibliographie, mais de donner la teneur exacte sous une forme qui soit efficace du point de vue de la communication, à savoir compréhensible par tous tout en restant parfaitement juste. Bref, il y a donc eu du travail et il faut effectivement se demander pourquoi des personnalités ont accepté de faire cela en plus des tâches qu'ils ont par ailleurs, sachant que nombre des auteurs sont en parfaite activité professionnelle (ce n'est pas une "académie vieillissante", bien au contraire), avec des postes de responsabilité souvent très importants.
Mais on comprend aussi qu'il y avait urgence, face à une situation publique dégradée, les citoyens étant exposés sans cesse à des messages toxiques par des marchands de cauchemars variés, dans la presse ou dans le monde politique : les personnes qui vendent du papier ou de l'idéologie font beaucoup de mal à notre collectivité nationale, ce sont en réalité des fléaux qu'il faut combattre, tout en évitant à notre collectivité nationale de s'engager dans des voies irrationnelles extrêmement coûteuses.
Bref, il y a cette mission indispensable de l'Académie d'Agriculture de France, qui est de donner des bases solides pour un débat public cohérent. Nous n'en pouvons plus des mensonges énoncés publiquement toutes ces dernières années à propos de l'alimentation. Il faut répéter ce message sans relâche  : nous sommes la première génération de l'histoire de l'humanité à ne pas avoir connu de famine et jamais notre alimentation n'a été si encadrée si saine. Ne soyons pas les enfants gâtés de l'alimentation, mais sachons le bonheur d'avoir celle d'aujourd'hui. Je ne dis évidemment pas que l'on ne peut pas faire encore mieux, mais je dis quand même que l'on fera difficilement mieux, et que tout progrès risque de coûter plus que nous ne pouvons dépenser. Bien sûr, on peut imaginer que des réglementations nouvelles, plus contraignante donc, mais si des industriels bien équipés technologiquement peuvent s'adapter à des réglementations très strictes, il n'est pas certain que les artisans puissent le faire, et nous risquons de pénaliser une partie importante de notre économie nationale, voir dégrader la qualité de notre alimentation... alors que les bases scientifiques pour le faire manquent encore.  Surtout, je vois que l'accumulation des lois et des règlements n'est  pas ce que je souhaite, parce que je crois que ce n'est pas efficace, pas intelligent :  je crois plus à l'émulation qu'à la punition ; je crois plus à l'envie de faire qu'à la règle qui tape sur les doigts d'élèves qui ne se corrigeront pas pour autant.
Oui je crois à la force de l'Ecole, de l'éducation nationale, qui devrait d'ailleurs être plus justement nommée instruction nationale, et qui permet de diffuser les informations juste à tous. Il me semble que en ces temps le public craint d'être empoisonné par son alimentation, il y a urgence à mettre à l'école des programmes pour enseigner aux jeunes citoyens à manger.

Oui, nous devons apprendre à manger des aliments sains,  à discuter des étiquetage déloyaux,  à choisir l'origine des ingrédients culinaires que l'on achète pour produire à manger soi-même, avec amour, pour les siens et pour soi-même, à choisir des produits de saison qui contribuent à rendre notre alimentation nationale durable, à  choisir les ingrédients qui nous font une alimentation équilibrée...
Oui, nous avons nous devons apprendre à manger,  et nous devons aider nos enfants à le faire aussi. Sans un effort d'instruction nationale, il n'y aura pas d'alimentation durable, il n'y aura pas d'harmonie nationale.
Le siècle des Lumières n'est pas terminé ;  il commence à peine !

vendredi 24 août 2018

Quelle ambition pour AgroParisTech ?

Alors que l'AgroParisTech s'agite à propos du déménagement de certaines de ses composantes vers Saclay, du regroupement de certains laboratoires, de demandes ministérielles d'accueillir plus d'étudiants, alors que la rentrée des étudiants approche, il n'est pas interdit de penser que les questions de forme ne valent pas les questions de contenu, et, quand je lève le nez de ma paillasse de chimiste (façon de parler : je suis sans cesse en train de calculer ou de rédiger), je me souviens que les deux question essentielles pour une école d'ingénieur sont les suivantes : (1) quel enseignement dispense-t-on ? (2) quelle recherche scientifique et technologique fait-on ? Comment suis-je à ma place ou pas dans cette école ? Ma présence est-elle légitime ? Bien sûr, cette question ne m'est pas réservée : elle se pose à toute personne qui contribue à faire progresser ce superbe "Institut des sciences et industries du vivant et de l'environnement", qui  a résulté de la fusion de plusieurs écoles, avec des objectifs communs et des spécificités.

Pour une école d'ingénieurs telle qu'AgroParisTech, il y a des études (je me refuse, on le sait, à parler d'enseignement) et de la recherche. Et comme nous sommes dans une école d'ingénieur, cette recherche peut légitimement être scientifique ou technologique. Il y a là deux piliers, qui font l'école, et j'ai l'impression que tout le reste est accessoire. Pour mieux faire ma mission, je me propose, jour après jour, de réfléchir publiquement à ces questions, dans l'espoir que mes réflexions susciteront de fructueuses discussions amicales : la construction du savoir, la transmission...  Cela ne fait-il pas un enthousiasmant projet ?

Commençons par la question de l'enseignement. AgroParisTech se nomme en réalité « Institut des sciences et industries du vivant et de l'ennvironnement ». Certes, j'aurais préféré « Institut des sciences et technologies du vivant et de l'environnement », mais c'est un détail, et il y a surtout lieu de s'interroger sur les compétences que les ingénieurs (AgroParisTech est une école d'ingénieurs!) doivent avoir dans ces champs du vivant et de l'environnement, ce qui se dit autrement : alimentation, agronomie, environnement.
Ces compétences que nos élèves doivent obtenir, lors de leur passage dans l'école, doivent être modernes, et  si, effectivement, des connaissances classiques du vivant méritent d'être connues (faunes, flore, micro-organismes…),  par exemple, ce ne sont sans doute pas elles qui conduiront principalement vers l'innovation industrielle, si importante pour notre pays... comme on l'observe à l'envi.
D'autre part, j'ai une fâcheuse tendance à penser que la question de l'alimentation est centrale : s'il y a de l'agriculture, c'est parce que l'on doit produire des ingrédients ; et l'agriculture et l'élevage posent des questions d'environenement. Bien sûr, je n'oublie pas les valorisations non alimentaires de l'agriculture (le bois des forêts, la production de biocarburants, la chimie verte...) ni les questions non alimentaires de l'environnement, mais je vois quand même que, depuis sa création, l'Institut d'agronomie qui est devenu à ce jour AgroParisTech s'est toujours préoccupé d'alimentation, du point de vue de l'enseignement et du point de vue de la recherche.
Plus généralement, je nous vois une mission de former  des ingénieurs bien équipés pour gérer les problèmes de leur temps. Les solutions qui peuvent être apportées, soit en termes de science, soit en termes de technologie, sont toujours des solutions qui reposent sur les avancées les plus récentes des sciences. Or je me souviens d'une conclusion que j'avais publiée il y a plusieurs années : pour former des ingénieurs, j'ai  proposé que nous les rendions capables de  (1) chercher l'information scientifique la plus récente et la plus pertinente, puis (2) de conmprendre à fond ces avancées, (3) avant de les transférer soit dans l'industrie, soit dans la science. Bien sûr nos élèves ingénieurs devront recevoir des notions d'éthique, d'économie, de gestion, d'administration, etc. sans oublier qu'ils devront maîtiriser des langues (anglais, chinois, espagnol…). Mais le fond demeure : il faut des connaissances scientifiques solides, à jour.

Se pose donc une question de méthode : comment rendre nos élèves capables au mieux d'assurer ces trois tâches de recherche de l'information, de sélection de cette information et de transfert scientifique ou technologique ? Et se pose en corollaire une question d'identification des champs scientifiques modernes.
En matière de biologie, il est devenu certain que les avancées sont de nature « moléculaire ». En nutrition, par exemple,  la révolution du microbiote est venue du séquencage génétique. En matière de technologies du vivant, les techniques de découpe précise de l'ADN ont fait une révolution, aussi bien dans le domaine animal que dans le domaine végétal. Dans tous les champs, on observe que la biologie, qui donc est devenue moléculaire, s'est rapprochée de la chimie et de la physique. Mais pas de la chimie ou de la physique du 19e siècle,  non ! De la chimie et de la physique modernes.
Que sont ces dernières ? En physique, la question de la matière molle a été une vague de fond qui n'est pas éteinte. En chimie, la mécanique quantique et le numérique se sont imposés, au point qu'IBM propose depuis quelques jours un site gratuit où chacun peut tester des réactions chimiques in silico : on est loin de cette méthode chimique du « lasso » que j'ai subie au début de mes études et qui  consistait à entourer un atome d'oxygène et deux atomes d'hydrogène  dans des molécules voisines, afin de prévoir (en se trompant généralement) la production d'une molécule d'eau et la condensation des molécules privées de ces atomes partis sous la forme d'eau. Non, l'ordinateur a considérablement modifié les choses, dans tous ces champs. Se sont imposées des modélisations, de la dynamique moléculaire, des calculs orbitalaires...
On observera aussi que, dans  beaucoup de travaux effectués dans les champs qui concernent notre école, l'analyse chimique est prépondérante, ce qui nous fait retrouver une vision proposée par Charles Adolphe Würtz, un des créateurs d'AgroParisTech : ce dernier avait bien compris que la chimie était la question essentielle de l'agronomie, à son époque où les engrais étaient le nerf de la guerre. Aujourd'hui, alors que l'on cherche à réduire les intrants pour des questions de durabilité et d'environnement, il y a lieu de sélectionner des plantes capables de produire des aliments qui consomment le moins d'eau possible, qui supportent le réchauffement climatique, qui ont besoin de peu  d'engrais, qui résistent aux agresseurs sans imposer l'emploi de trop de pesticides… Mais il ne faut pas non plus tomber dans de l'écologisme naïf : il y a également lieu de chercher des méthodes modernes de lutte chimique, par exemple, avec des pesticides aussi sélectifs que possible, sans oublier les méthodes de biocontrôle, par exemple… ce qui impose encore la bonne connaissance des réseaux hormonaux, par exemple.

Bref, il faut des connaissances fondamentales solides, à partir desquelles nos élèves bâtiront leur socle unique… et utile à la collectivité.

dimanche 28 janvier 2018

Dans la familles "fantasmes"...

Ces temps-ci, les activistes anti-technique de tous poils font du bruit... quand on est abonné aux réseaux sociaux, mais on n'oubliera pas que le phénomène est anecdotique... puisqu'il n'est pas nouveau, et j'invite nos politiques à ne pas gober n'importe quelle lubie irrationnelle ou idiosyncratique, en n'oubliant pas que le peuple français s'est déchiré quand on a installé les premiers chemins de fer, qui devaient "faire tourner le lait des vaches", ou encore quand il s'est agi de voler : les familles s'entredéchiraient à propos du "vol du plus lourd que l'air". Risible.

En matière alimentaire, aussi, il y a eu des fantasmes, des craintes... Ainsi l'écrivain Gustave Lerouge avait imaginé une gelée parfumée sur mesure qui aurait nourri, et le chimiste Marcellin Berthelot avait prédit que, en l'an 2000, la chimie aurait résolu le problème de l'alimentation, par des "tablettes nutritives".
Si le premier est excusable, parce que la littérature propose de la fiction, le chimiste ne l'est pas, parce qu'il aurait dû connaître la quantité d'énergie maximale stockable dans une tablettes : bien trop peu pour nourrir, puisqu'il faut au minimum 360 grammes de matière grasse, quotidiennement, pour avoir assez d'énergie... sans compter que nous avons besoin aussi d'eau, de protéines et de saccharides, dont la densité énergétique est inférieure à celle de l'huile. Bref, de très grosses tablettes !
Mais on se souvient que Marcellin Berthelot était un arriviste... qui est arrivé (voir l'excellent Berthelot, ou l'autopsie d'un mythe, par J. Jacques), et qu'il agitait surtout de la philosophie chimique grandiloquente pour asseoir son prestige auprès des non scientifiques, alors même que ses pairs lui contestaient la primauté de nombre de ses prétendues découvertes ou même jugeaient bien légères ses "avancées".

Mais passons rapidement, car il y a tant de belles personnes, en science : Michael Faraday, André Ampère, Henri Poincaré... Et revenons à notre question des fantasmes alimentaires. Les tablettes ou les pillules nutritives ? Un fantasme. La vitalose ? Un fantasme.

Et celui-ci, dû à Anatole France, dans La rôtisserie de la reine Pédauque :

"On se nourrira alors d'extraits de métaux et de minéraux traités convenablement par des physiciens. Ne doutez point que le goût n'en soit exquis et l'absorption salutaire. La cuisine se fera dans des cornues et dans des alambics, et nous aurons des alchimistes pour maîtres-queux. N'êtes- vous point bien pressés, messieurs, de voir ces merveilles ?"

Non, cher Anatole France, on ne se nourrira pas d'extraits de métaux... parce que nous ne sommes pas des "hommes de fer". Notre nourriture est parallèle à notre composition chimique : notre organisme est fait d'environ 70 pour cent d'eau, et le reste, ce sont des molécules "organiques", faites, dans l'ordre d'abondance décroissant, de carbone, d'hydrogène, d'oxygène et d'azote. Très peu de métal dans cette affaire.
Les métaux ? Très peu, même s'ils sont essentiels, tel le fer dans l'hémoglobine, le zinc dans des enzymes, ou le cobalt dans la vitamine B12... Les minéraux ? Nous ne sommes pas faits de silice, et le silicium (la silice, c'est de l'oxyde de cet élément) n'est pas pour grand chose, ce qui fait que le sable, inerte, est rejeté. L'argile, qui entre dans ces autres fantasmes que sont le golem, par exemple ? Des silicates ou des aluminosilicates, avec du calcium, du potassium, etc. qui ne sont pas abondants dans notre organisme... et n'ont donc guère de place dans notre alimentation.

 La cuisine dans des cornues ou des alambics ? Là, en revanche, pourquoi pas, puisque c'est déjà le cas avec les évaporateurs rotatifs qui font de si beaux extraits ! Mais des alchimistes pour maîtres-queux ? Certainement pas, comme on va le voir.
L'alchimie était le nom donné, jusqu'à l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert environ, à cette activité de recherche de la constitution de la matière. Puis se détacha une activité rationnelle, scientifique, qui est la chimie, tandis que des individus restaient collés à des recherches plus ésotériques ou spéculatives, avec la recherche d'un Grand Oeuvre, et autres espoirs que je crois vains.
Autrement dit, les alchimistes n'ont rien à voir avec l'alimentation. En revanche, la chimie ? Puisque c'est une science, ce n'est pas une technique, et il serait faux de dire que la cuisine pourra devenir de la chimie : une technique doublée d'un art (parfois) ne sera jamais une science.

Donc pas de fantasmes, fondés sur l'ignorance des faits ou sur un usage mal approprié des mots !







Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine) 

jeudi 14 septembre 2017

Le public aurait peur de manger : ah bon ?



On me signale que le public aurait peur de manger. De fait, la presse bruit de telles idées (fantasmes?), une partie d'entre elle ne cessant de répéter (litanie, parce que les faits sont trop peu avérés ?) que les aliments seraient contaminés ou que l'on aurait peur des aliments en raison des risques sanitaires qu'ils feraient courir

Progressivement je me suis équipé d'une sorte de petit radar qui me fait dépister rapidement les généralisations abusives. Dire que le public a peur de son alimentation, qu'est-ce à dire vraiment ? Tout le public ? Certainement pas ! Une partie du public ? Combien ? Quelle proportion ?
En réalité, il y a de la malhonnêteté, ou de la naïveté, ou de l'ignorance, ou de la désinvolture, ou de la légèreté, à publier que le public aurait peur de son alimentation. Quant à publier que les aliments seraient contaminés, voilà donc une deuxième généralisation. Quels aliments ? Et puis, que signifie « contaminés » ?

Avec nos outils d'analyse moderne, nous pouvons détecter quelques molécules de n'importe quel composé dans n'importe quel échantillon d'aliment venant de n'importe où sur le Globe. Ces aliments sont-ils « contaminés » pour autant ? Cette question va évidemment avec la question suivante : la teneur en composés toxiques que l'on dépiste est-elle plus ou moins grande que par le passé ? Et puis, tant qu'on y est, il faut quand même savoir que tous les composés sont toxiques à des degrés divers, raison pour laquelle il n'y a pas d'aliments sains, mais des alimentations saines, avec une règle simple qu'il faut manger de tout en quantités modérées et faire de l'exercice modérément. Dans cette règle, il y a le « modéré » qui est tout, parce que c'est un adjectif, qui doit s'assortir immédiatement de la réponse à la question « Combien ? ».
Pour certains composés, telle l'eau, « modéré », cela signifie plusieurs kilogrammes. Pour d'autres composés, cela signifie bien moins, et, en général, on donne une indication de la toxicité avec un paramètre qui est le « DL50 », à savoir la dose à partir de laquelle la moitié d'un groupe de rats est tué. Cette dose s'exprime évidemment en masse par kilogramme de poids corporel, et plus les composés sont toxiques, plus cette valeur est faible. Ce qui est intéressant, c'est que des composés très toxiques, telle l'amanitoïdine des amanites phalloïdes, sont présents dans des aliments que nous jugeons admissibles, telle la girolle pour le composé précédemment nommé.


On voit donc que le « modéré » est quelque chose d'essentiel, mais on voit surtout que ce genre de discussions n'apparaît que très rarement dans les informations publiées. D'ailleurs, une partie (la mauvaise, évidemment) de la presse a souvent un bel aveuglement quand il s'agit de toxicité des aliments. Par exemple, pour la récente affaire des œufs, beaucoup de journalistes ont oublié de signaler qu'il s’agissait d'une question touchant principalement les œufs bio. Pourquoi cet oubli ? Parce que cela n'aurait pas été dans le sens du poil des lecteurs ? Je n'oublie pas que la presse doit vendre ses publications. Dans cette affaire, on a oublié de parler des risques réels, auquel cas on aurait pas dit grand chose, vu qu'on était bien au-dessous des seuils de toxicité, surtout quand les œufs entraient dans des produits transformés.
Mais mes amis auront observé que je ne parle pas de « la presse », mais d'une « partie de la presse » : on n'oubliera pas que s’il y a des journalistes sans vergogne, qui n'hésitent pas à vendre de la peur, au point que les instances professionnelles savent bien que la peur se vend mieux, ce qui est même enseigné dans les écoles de journalisme, il y a aussi des journalistes responsables, droits, intelligents. Ce qui pose la question à la fois de la confiance à accorder à des informations diffusées publiquement, et de la réglementation éventuelle de la diffusion des informations. Il n'y a pas aujourd'hui de permis de publier comme il y a des permis de conduire. N'importe qui peut dire ou écrire n'importe quoi, au nom de la sacro-sainte liberté de la presse. Cette même presse qui voudrait de la régulation sur les aliments refuse évidemment d'en avoir pour elle-même. Deux poids deux mesures.

Faut-il se faire du sang d'encre à propos de tout cela ? Je ne crois pas, car, d'une part, les enquêtes récentes montrent que le politique et la presse ne sont pas crus. Il y a seulement des langues et des plumes qui s'agitent, souvent en vue de gagner du pouvoir dans un cas, de vendre dans l'autre. Mais, d'autre part, il y a aussi le fait que le public, c'est-à-dire nous tous, ne cessons de boire (de l'alcool), de fumer, de manger des viandes (mal) cuites au barbecue, de manger du chocolat (gras plus sucre), de faire des excès, de faire insuffisamment d'exercice…
Le mieux que j'ai vu, de ce point de vue, c'est peut-être des connaissances qui fumaient des cigarettes bio ! Je n'ai jamais réussi à savoir si ces personnes étaient imbéciles, incultes ou malhonnêtes. Oui, malhonnête, car se donner des raisons pour justifier un comportement personnel que l'on sait mauvais est une forme de malhonnêteté. Mais je penche plutôt pour l'inculture, car je sais aujourd'hui que les mots « molécules », « composés », « toxicité », n'ont aucun sens, sauf inventé pour certains, de sorte que le maniement de ces mots par ces personnes est seulement une ignorance, ignorance qui conduit ces personnes à mettre sur le même plan des discours complètement fallacieux et des informations justes. Nos pauvres amis sont bien démunis pour vivre dans ce grand monde.



Mais je m'en voudrais de terminer sur cette note pessimiste, et je veux dire que je vois aussi beaucoup d'enfants qui ont soif d'apprendre, de connaître, d'étudier... C'est à nous de permettre à ces enfants d'être mieux que leurs parents, du point de vue de la connaissance, mais aussi de la morale, du jugement, de la raison, de la culture…

Il y a beaucoup à faire, et c'est là une entreprise merveilleuse qui commence à la naissance et ne s'achève jamais. Nos systèmes culturels doivent sans relâche accompagner nos amis à tous les stades de leur vie.


jeudi 14 avril 2016

Ne laissons pas les fanatiques gâcher notre vie

Suite à une émission de télévision, mon confrère Léon Guéguen a pris une plume salutaire, et je vous livre le résultat de ses réflexions (avec son accord) : 




A propos du documentaire « Manger plus pour se nourrir moins »
(France 5, 3 avril 2016)
L’annonce accrocheuse de cette émission dans la Presse était catégorique et alarmante : « Au cours des 50 dernières années, les aliments ont perdu jusqu’à 75 % de leur valeur nutritive ». Cette affirmation, répétée au début du documentaire, était aussitôt accentuée par d’autres absurdités, à savoir qu’il faut 100 pommes actuelles pour le même apport de vitamine C qu’une seule pomme ancienne et 20 oranges au lieu d’une pour l’apport de vitamine A. Idem pour le calcium et la pro-vitamine A du brocoli et de façon plus générale pour le blé, la viande et le lait…C’est évidemment grossièrement faux !
Les principaux appuis scientifiques utilisés sont les articles d’Anne-Marie Mayer, sympathisante bio, reposant sur des comparaisons des tables anciennes et récentes de composition des aliments, les revues de synthèse de David Davis, interprétant les rares études comparatives publiées et, dans une moindre mesure, les déclarations de chercheurs de l’Inra d’Avignon. Le reproche fait à la sélection végétale est de n’avoir ciblé que le rendement en matière sèche, donc la production de glucides et de protéines, en négligeant les teneurs en micronutriments, à savoir les éléments minéraux majeurs, les oligoéléments et les vitamines. C’est donc le principal objet de ce réquisitoire contre l’agriculture moderne.
Dans ce cas particulier des micronutriments, les comparaisons sont souvent biaisées par le manque de fiabilité de données anciennes produites par des méthodes d’analyse peu sensibles et précises. C’est le cas du fer, du zinc, du cuivre et de la plupart des vitamines.
Il est évident que la composition chimique des végétaux dépend, au sein d’une même espèce, du cultivar. Il est donc possible, voire probable, que des variétés anciennes, d’un format différent, soient plus riches en certains micronutriments. De même, il est indéniable, comme tend à le montrer D. Davis, qu’il se produit un certain « effet de dilution » dans le cas de plantes très productives, à croissance rapide, provenant de cultures irriguées ou/et très fertilisées. Le stade de maturité détermine aussi les teneurs en eau et en vitamines.
Cependant, comme le déclare D. Davis et comme le montre la lecture attentive des graphiques de ses articles, les éventuelles baisses de teneurs ne sont en moyenne que de 10 à 20 %, avec quelques exceptions, comme le cuivre, pouvant résulter de contaminations plus importantes autrefois avec le seul fongicide alors disponible, la bouillie bordelaise. Quoi qu’il en soit, on est bien loin de l’énorme déclin stigmatisé dans le documentaire !
La forte baisse de teneur en calcium relevée pour le brocoli est probablement due au fait qu’il s’agit de deux variétés très différentes. De même, les teneurs inférieures de 20 à 40 % en minéraux du blé pourraient être expliquées par la taille différente du grain et donc par la proportion de son, beaucoup plus riche en matières minérales. Nous n’avons pourtant pas constaté de forte modification de la composition minérale du blé depuis nos premières analyses faites il y a 60 ans…
L’exemple de la tomate est souvent cité pour démontrer les moindres qualités organoleptiques et nutritives des variétés modernes. En l’occurrence, les teneurs en calcium et magnésium auraient baissé de la moitié. En fait, la tomate, quelle qu’elle soit, ne contient pratiquement pas de calcium et de magnésium par rapport aux besoins alimentaires. Une telle différence n’a donc pas de signification nutritionnelle. Il aurait aussi fallu dire que de nouvelles variétés de tomates conventionnelles sont plus riches que les tomates bio en lycopène, puissant antioxydant aux effets bénéfiques.
Un autre exemple emblématique du documentaire est la longue séquence sur l’abricot et la comparaison entre arboriculture intensive (ici raisonnée) et la culture bio dans un jardin broussailleux d’une néo-rurale écolo qui suit les conseils éclairés du couple Bourguignon, avec une scène désopilante de diagnostic (onéreux !) de la qualité du sol destiné à prévoir la bonne qualité nutritive des fruits. Après analyse, il s’avère que les teneurs en glucides, vitamine C et provitamine A ne diffèrent pas entre le bio et le conventionnel mais que les abricots bio sont 3 à 4 fois plus riches en calcium, fer et zinc. Or, comme la tomate, l’abricot est toujours très pauvre en ces éléments minéraux et de tels écarts n’ont pas d’impact nutritionnel. Tripler presque rien ne donnera pas plus que presque rien ! Il est dit aussi dans le documentaire que la production citée d’abricots bio était 10 fois plus faible qu’en arboriculture intensive et que le prix de vente de ces abricots était le double de celui des abricots conventionnels, ce qui a quand même conduit le commentateur à conclure raisonnablement que, pour satisfaire les consommateurs, le bio ne suffirait pas et qu’il fallait aller vers un compromis entre les modes extrêmes de production…
Quant au lait et à la viande, également visés dans l’introduction du documentaire pour avoir une valeur nutritive plus faible qu’il y a 50 ans, il s’agit aussi d’une contre-vérité. Il va de soi que la composition de la viande et du lait peut varier sensiblement, notamment pour les teneurs en lipides, en fonction de la race, de l’âge et du degré d’engraissement. Il est bien connu aussi que l’alimentation à l’herbe (ou avec addition de graine de lin) augmente la teneur du lait en acides gras polyinsaturés oméga-3. Cependant, la sélection et la productivité n’ont pas modifié de façon significative les teneurs en minéraux, oligoéléments et vitamines du lait. Les teneurs en minéraux actuellement relevées dans le lait ne diffèrent pas des moyennes calculées à partir d’une revue bibliographique exhaustive sur la composition minérale du lait de plusieurs espèces utilisant des données publiées il y a un demi-siècle (Guéguen L., 1971, Annales de Nutrition et Alimentation, 25, A335-A381).
En conclusion, encore beaucoup de bruit médiatique pour rien, dans le but d’angoisser le consommateur et de lui faire croire, ce que ne dira plus JP Coffe, que les aliments actuels « c’est de la m…. ».
L. Guéguen
Directeur de recherches honoraire de l’Inra
Membre émérite de l’Académie d’Agriculture de France


vendredi 16 octobre 2015

Cela devient vraiment merveilleux (attention : second degré!).

 Oui, nous vivons une époque merveilleuse, en matière de diététique : ce matin, on m'envoie un lien pour me dire que les produits laitiers sont mauvais pour la santé.
Pourquoi trouver merveilleux une telle "information" (observez les guillemets : j'hésite à nommer information quelque chose de faux) ? Parce qu'elle arrive après mille autres du même type. Un militantisme isolé contre  le lait pourrait être gênant, en ce qu'il serait déplacé et qu'il menacerait, pour des raisons qui restent à comprendre, l'activité de tous les producteurs de produits laitiers. En revanche, le fait que cette nouvelle arrive alors que, la veille, c'était le gluten qui était accusé, amoindrit l'attaque. Et les activités de meunerie, qui étaient menacées, étaient d'ailleurs attaquées par des attaques antérieures contre les produits panifiés en général, sous prétexte que la cuisson produirait de l'acrylamide toxique. Et ainsi de suite : les viandes sont attaquées, aussi, pour des raisons variées, à savoir que leur cuisson les rendrait cancérogènes, ou que l'abattage des animaux serait inhumain, ou bien mille lubies qu'il n'est pas utile d'examiner ici.

Finalement, si nous n'avons ainsi plus de lait, plus de viande, plus de pain, plus de vin, etc. que mangerons-nous ? Rien ? Cela n'est pas possible !

La raison pour laquelle je dis que nous vivons une époque merveilleuse est que, précisément, cette crainte de tout  conduit à ne plus croire à aucune des attaques, ou, du  moins, à  ne pas prendre de décision particulière contre un produit spécifique, car cela deviendrait arbitraire.
On pourrait s'interroger sur ce qu'il reste possible de manger. Des fruits et des légumes ? Non, car ils contiendraient des pesticides. Des fruits et des légumes bio ? Sans doute pas, car ils ont été responsables de la crise du concombre... sans compter qu'il est loin d'être sûr qu'ils soient sains. De l'eau ? Non parce qu'elle serait bourrée de perturbateurs endocriniens ou de résidus de médicaments.
En réalité, nous devons considérer que  notre alimentation repose sur la consommation d'eau, de lipides, qui vont contribuer  à former  les molécules constitutives de nos membranes cellulaires, de polysaccharide, qui vont lentement libérer le glucose que notre organisme utilise comme carburant, les protéines, qui sont la source des acides aminés nous nous faisons nos propres protéines musculaires. Il faut aussi évidemment du calcium, pour nos os, plus toute une  série de composés tels que vitamines et autres, où l'on trouvera même le cuivre, pourtant toxique aux doses un peu élevées,  mais nous avons besoin pour certaines des molécules qui nous  constituent. La suppression d'aliments particuliers conduirait à des carences, c'est-à-dire à des maladies, et l'on aurait intérêt à n'écouter aucune des sirènes qui veulent nous interdire de manger.
Ou, du moins, soyons prudents. On doit savoir qu'il y a des lobbys, tel celui des huiles, celui des farines, celui des boissons alcoolisées, celui des produits laitiers, etc., mais aussi tel certains groupes de "consommateurs", certains groupes écologistes, certains groupes "anti-progrès", et que notre seul recours raisonnable ne peut être ni d'écouter les instances professionnelles, qui ont intérêt à promouvoir des produits qu'elles sont chargées de promouvoir, ni la presse, qui reçoit ses financements de sociétés (la publicité) ou de groupes  politiques (indirectement, bien sûr), ni les groupes « anti »,  qui n'ont aucune véritable connaissance de la complexité des systèmes alimentaires : à trop mettre le nez contre le tronc d'un arbre particulier, on oublie la forêt qu'il y a autour.

A qui se fier finalement ? Aujourd'hui, les études de consommation montrent que le public n'a plus  confiance ni dans le politique, ni dans la presse, ni dans les instances professionnelles, ni dans les ONG… En revanche, les milieux académiques conservent du crédit,  et c'est pour cette raison que nous devons tirer deux conclusions : d'une part, nous devons  prendre le plus grand soin à ne pas entamer ce crédit par des informations médiocres ; d'autre part, nous vous devons utiliser ce crédit pour diffuser des informations mûrement pensées dont les citoyens ont besoin pour faire les inévitables choix, notamment en matière  alimentaire.

dimanche 6 janvier 2013

Réservons la date !

«  COMMENT RETABLIR LA CONFIANCE DU
CONSOMMATEUR DANS SON ALIMENTATION ? »

JEUDI 21 MARS 2013

Colloque organisé par le Ministère de l ‘Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, en collaboration avec l’Académie d’Agriculture de France, le CREDOC et le Centre Edgar Morin

jeudi 23 février 2012

Des liens amis

Juste pour ceux qui veulent s'amuser un peu

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http://www.inra.fr/fondation_science_culture_alimentaire
http://www.agroparistech.fr/-Centre-immateriel-d-assistance-.html
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http://doc.ubuntu-fr.org
http://www.thereaction.net/explore/salad-bowl/