Revenant de Copenhague, je reste étonné que les personnes que j'ai rencontrées engagées dans des travaux de fermentation, quand je les interrogeais sur des toxicités éventuelles de leurs productions, étaient incapables de me répondre... parce qu'en réalité ces personnes ne s'était pas interrogées et n'avaient pas fait de bibliographie.
Les questions essentielles que je posais étaient :
Quand on fait une fermentation, quels composés nutritionnels initialement présents ont-ils disparus ? Et en quels composés ont-ils été transformés (avec éventuellement des valeurs nutritionnelles ou antinutritionnelles) ?
Quels composés nutritionnels sont-ils apparus ?
Quand on fait une fermentation, quels composés toxiques initialement présent sont-ils détruits ?
S'ils sont détruits, en quels composés sont-ils transformés (sous entendu : avec quelle toxicité éventuelle pour les nouveaux composés) ?
Quels composés toxiques sont-ils formés ?
Dans de nombreux cas, j'ai vu des fermentations qui n'étaient pas traditionnelles, de sorte que les produits formés devraient être considérés comme nouveaux, selon la réglementation des novel food, qui impose notamment un examen des toxicités.
Avec tout cela, je ne parle pas de la naïveté de celles et ceux qui croient aux bienfaits de la fermentation, dans une vague un peu New Age qui se gargarise de kombucha et de kéfir.
Je sais que l'État français a récemment lancé un grand plan de recherche "ferments du futur", avec un financement considérable, et je vois là l'influence des biologistes mais aussi une forme de démagogie qui veut croire aux "méthodes douces", naturelles, oubliant que la ciguë est parfaitement naturelles, par exemple.
Il y a une immense naïveté à ignorer que l'acide acétylsalicylique est bien plus efficace que l'acide acide salicylique, dans l'aspirine, et que l'éthilvanilline à un goût de vanille bien plus puissant que la vanille.
Je ne suis d'ailleurs pas de ceux qui opposent
biologie et chimie, et, pragmatiquement, je me dis qu'il vaut mieux faire de la
biosynthèse quand elle est efficace, et de la synthèse moléculaire quand
elle l'est avantage. D'ailleurs, parfois, c'est
une simple extraction qui s'impose comme par exemple par simple pressage
des peaux d'agrumes pour la production du limonène.
Mais je reviens aux questions de toxicité : mes interlocuteurs, avec beaucoup de prétention, croient pouvoir répondre résoudre des problèmes alimentaires très difficiles.
Et c'est ainsi que j'ai mangé des raviolis fait de peaux de pommes de terre, et pleins de glycoalcaloïdes toxiques puisque ces derniers résistent à des températures de 285 degrés. Le cuisinier-américain qui a servi cela l'avait nommé bolognaise, mais croyez-moi, je ne change pas sa préparation contre des spaghettis à la bolognaise classiques. D'autant que je tiens à la vie !
Ce n'est pas la première fois que je vois des cuisiniers faire des choses dangereuses : par le passé, j'ai vu de la lavande, qui est pourtant à perturbateur endocrinien, dans du chocolat ; j'ai vu des haricots crus, qui contiennent pourtant des lectines hématoagglutinantes, j'ai vu des infusions de tomates grappes, j'ai vu des concentrations de méthylchavicol...
Cela est d'une naïveté navrante, un manque de professionnalisme terrible et en réalité, il faut s'étonner qu'il n'y ait pas plus d'accidents.
M'interrogeant sur cette question, je crois comprendre que, heureusement, nos concitoyens, selon des réflexes humains biologiquement bien ancrés, mangent plus ou moins de tout. Certes, ils doivent davantage diversifier leur la alimentation, mais le fait que ne nous lassions de manger tout toujours la même chose nous permet d'éviter de le faire et si nous sommes en quelque sorte empoisonnés par un cuisinier un jour, nous ne nous exposerons pas de nouveau le lendemain au même composé toxique.
Reste quand même qu'il vaut mieux éviter les composés plus dangereux, n'est-ce pas ?