On me signale le cas d'une mère qui se plaint que son fils de 21 ans ne sache pas faire cuire des spaghettis et lui demande comment cuire la partie des spaghettis qui se trouve à l'extérieur de la casserole.
On peut bien sûr se mettre du côté de la mère et déplorer qu'un individu de 21 ans en soit encore à poser une telle question, mais je propose plutôt d'identifier que la mère n'a pas fait son travail éducatif correctement si elle a laissé son enfant atteindre l'âge de 21 ans en se posant de telles questions.
On voit bien, derrière cela, le schéma d'une mère qui a cuisiné toute sa vie pour sa famille, excluant en quelque sorte ses enfants de la cuisine au lieu de les faire participer. On voit une mère qui n'a pas pris le temps de permettre à ses enfants de s'émerveiller des mille phénomènes culinaires qui ont lieu lorsqu'on prépare les aliments. On voit une mère qui se met dans une position de victime alors qu'elle est coupable d'avoir confisqué de la culture. On voit une mère qui a conservé son petit pouvoir culinaire au lieu de le partager.
Bref je ne me joindrai pas au concert des déplorations mais surtout, je vais inviter tous les parents à faire participer les enfants aussi rapidement aux tâches domestiques. Mettons les baby relax sur le plan de travail pour que nos enfants voient nos gestes, voient les transformations extraordinaires qui ont lieu quand on cuisine. Parlons de ce qui est en jeu : la technique, l'art, la socialité. Ne confisquons pas le bonheur de la culture technique, artistique, sociale !
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
lundi 13 mai 2024
Parents indignes !
mardi 23 avril 2024
La culture est une chance
Hier,
alors que je faisais partie d'un jury de concours pour une grande école, j'ai mieux mesurer la chance inouïe que j'avais eu d'avoir été le fils de celui qui fut cet extraordinaire Bernard This (https://sites.google.com/view/bernardthis/accueil).
En effet, pour réussir dans une telle école, il
faut se dépenser sans compter pour les matières théoriques qui sont
enseignées. Mais pour se dépenser sans compter, il faut en avoir le goût. C'est un peu ce que je cherchais à savoir en interrogeant les
candidats (puisqu'il s'agissait d'un oral de concours) : avaient-ils le goût des choses théoriques ?
Je leur ai demandé
quel était le dernier livre qu'ils avaient lu, le dernier film qu'ils avaient vu, quel
objet intellectuel leur semblait merveilleux (j'avais donné des exemples
pour ce qui me concerne), et j'espérais qu'ils me diraient de l'admiration
pour des choses intellectuelles.
Pour pour ce qui me concerne je me
souviens parfaitement des éblouissements que j'ai eu alors que j'étais
très enfant : l'eau de chaux qui se trouble quand on souffle dedans, une
bougie qui s'éteint quand elle se trouve privée d'oxygène, les
phénomènes extraordinaires montrés au Palais de la Découverte, le
courant alternatif, le soulèvement considérable d'un fil que l'on met
autour de l'équateur de la Terre et qu'on allonge de 20 cm.
A peine
plus tard, j'ai eu entre les mains des ouvrages merveilleux, le Paradoxe sur le comédien,
l'Herbe rouge, la Dernière harde... Je dois tout cela à mon père
indirectement car quand nous avons déménagé (j'avais un peu moins de 6 ans),
dans le nouvel appartement, il avait construit une bibliothèque où il y
avait aussitôt posé ses livres. Je vois encore la scène : il m'avait conduit devant et m'avait
dit : "Tu vois, tu peux prendre
n'importe quel livre sans me demander la permission".
Quelle ouverture extraordinaire !
Mais il y avait aussi sa curiosité, pour la mythologie et l'étymologier. Cette dernière a été vraiment fondatrice pour moi parce que c'est une clé parfaite pour les sciences : Lavoisier et bien d'autres ont répété à l'envi l'importance des mots en relation avec les concepts.
Pour la mythologie, il s'agissait surtout de comprendre le fonctionnement de nos sociétés humaines et les relations de pouvoir qu'il fallait... démystifier : tel roi disait descendre d'Hercule pour légitimer un pouvoir qu'il avait confisqué indûment.
Surtout, mon
père nous donnait une pièce de monnaie quand nous lui posions une
question à laquelle il ne savait pas répondre. La question de
l'argent était secondaire et la récompense aurait pu être autre, mais
c'est la dynamique du questionnement qui était essentielle, et je ne dois pas m'étonner trop d'avoir été si passionné à la
lecture de Platon quelques années plus tard, quand j'ai eu l'âge de 16
ans.
Dans toutes ce relations, il y avait un goût pour la chose intellectuelle, pour la compréhension du fonctionnement du monde...
J'allais oublier l'essentiel d'ailleurs : il m'a
offert une boîte de chimie alors que je n'avais que 6 ans et m'a laissé
entièrement libre de l'utiliser : quelle confiance ! Mais surtout
quelle chance pour moi : c'est ainsi que j'ai pu commencer mes propres
expérimentations avant d'aller faire plus au Palais de la découverte, à
ce merveilleux Palais de la découverte qui montre aussi bien les
phénomènes ... que nous devons montrer sans faute à tous
les enfants afin de faire briller leurs yeux.
jeudi 20 juillet 2023
J'ai lu pour vous : Trois hommes dans un bâteau, de Jerome K. Jerome.
Il y a peu de livres qui m'ont fait autant rire que Trois hommes dans un bateau ! Plus exactement il n'y en a pas : un jour, alors que je lisais le livre dans le métro, j'ai même fait pipi de rire dans mon pantalon. Je sais, ces choses ne se disent pas, mais c'est pourtant la vérité.
On le voit : le ton de ce billet est un peu léger, voire trivial, mais est-ce répréhensible, même au vu de l'objectif élevé qu'est la recherche scientifique ? Avant de répondre à la question, qui est le cœur de ce billet, ajoutons que le livre de Jerome K. Jerome est plein d'intelligence, de malices, d'humour, et, mieux encore, d'humour anglais. Du meilleur ! Je me garde bien de raconter l'histoire, car cela serait gâcher le plaisir, et je me contente -vous le voyez- de faire des effets de manche, de l'épithétisme...
Que faire d'autre ? S'étonner : s'étonner que nombre d'Anglais (le livre était en anglais mais la traduction que j'ai lue était remarquable) ne connaissent même pas cet ouvrage.
Mais arrivons au fait : la présentation d'un livre d'humour est-elle déplacée dans les discussions d'un scientifique ?
Les Jésuites disent qu'il ne faut pas font vivre en tant que chrétien, mais en chrétien. Transposons : il ne faut pas vivre en tant que physico-chimiste, mais en physico-chimiste ! Cela signifie que si le physico-chimiste est un homme ou une femme, il ne deviendra pas meilleur physico-chimiste s'il se coupe un bras ou une jambe, au contraire ; il ne deviendra pas meilleur s'il limite sa vie à des matières « sérieuses ». Les très bons physico-chimistes que je connais sont des êtres d'une culture immense, culture qui n'est pas strictement scientifique, et qui contribue à leur « créativité ».
Pensons à Léonard de Vinci, par exemple, qui s'intéressa à tout : aux ramifications les arbres, aux tourbillons de l'eau derrière les piles de ponts, au samares qui, préfigurant les hélicoptères, emportent loin de l'arbre qui les libèrent les semences qui assureront la reproduction de ce dernier.
J'ai l'impression que la science est encore plus belle quand elle se nourrit de milles courants, quand elle s'embellit de mille fleurs. Et puis, n'avons-nous pas été créé avec cette capacité de rire... ou de sourire ? Rabelais disait que le rire est le propre de l'homme, ce qui n'est sans doute pas vu les études récente des primatologues... mais le sourire ?
samedi 26 septembre 2020
Le tremplin du covid
1. La relance ? Elle passe aussi par l'économie familiale et par l'instruction.
2. La pandémie de covid a donc bouleversé les économies, mais elle a également bouleversé les modes de vie, et la "cuisine" s'est à nouveau imposée, dans les foyers... au point que les médecins qui pèsent leurs patients ont eu l'occasion d'observer des prises de poids de plusieurs kilogrammes : l'inactivité physique accrue avec le confinement, et un temps de préparation culinaire accru ont déséquilibré l'alimentation de certains.
3. Ce constat ne doit-il pas être l'occasion de tirer des leçons d'autant plus importantes que les personnes en surpoids ou obèses ont été particulièrement atteintes par le virus ?
4. Les leçons sont de plusieurs types. Nutritionnelles, certainement : l'activité culinaire, qui était hier toute de reproduction de recettes traditionnelles, s'est considérablement diversifiée, augmentée de recettes de tous les pays, tout comme les ingrédients qui sont utilisés.
Quand je me souviens avoir été critiqué, après une émission de télévision en 1992, parce que j'avais proposé de faire un sorbet mêlant basilic et citron vert... à l'azote liquide ! Ce qui était en cause, c'était moins l'azote liquide que l'association de deux ingrédients dont la réunion n'était pas "traditionnelle" : cela allait-il nous empoisonner, par je ne sais quelle "réaction chimique" nouvelle et imprévue ?
5. Mais pour en revenir à ce régime alimentaire confiné, les foyers ont dû cuisiner au long cours, sans se reposer au moins la moitié du temps sur la restauration collective, et si du temps a été passé, on a donc vu que l'apport calorique était excessif par rapport aux dépenses (https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2020/confinement-quelles-consequences-sur-les-habitudes-alimentaires).
6. Cela a pour conséquence que nous devons apprendre à cuisiner avec moins de sucre et moins de gras... ce qui est difficile, parce que notre composante animale ne cesse de nous diriger vers la direction inverse.
Oui, nous ne cessons de travestir la graisse et le sucre en chocolat, les graisses et sucres en pâtisserie, nous déguisons l'huile en sauce mayonnaise, le beurre en sauces hollandaises ou béarnaises, nous faisons des fritures que nous préférons quand elles sont chargées d'huile, et d'huile malsaine -parce que chauffée- de surcroît, et ainsi de suite : je n'arriverais pas à faire la liste complète.
7. Et il se trouve que, peut-être, une cuisine moins grasse et moins sucrée est plus coûteuse : la question de l'économie familiale est posée.
Car, après tout, que sont nos aliments, d'un point de vue chimique, pour la masse (le goût, c'est autre chose) : de l'eau, d'abord, puis des protéines (coûteuses), des lipides, des sucres lents (polysaccharides tels que l'amylose et l'amylopectine de l'amidon) ou rapides (le saccharose, ou sucre de table, mais aussi les glucose et fructose des miels et de bien des légumes ou fruits). Or les produits "frais" que sont fruits et légumes sont coûteux.
8. Cette conclusion rejoint une question de culture : la cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique, mais c'est très certainement une question de culture. Or ne pas reproduire des cuisines du passé, c'est déjà faire un saut de culture terrible.
Qui doit être préparé ! Se pose la question d'un enseignement culinaire (dès l'école, surtout dès l'école) qui saurait ne pas se limiter à de la reproduction, mais évoluer vers de la compréhension !
9. Et il faudra apprendre à manger la "nouvelle" cuisine. Ici, des guillemets à "nouvelle", parce que l'expression "nouvelle cuisine" a été utilisée dans les années 1960 par Gault et Millau... qui ne faisaient que reprendre une expression du 17e siècle.
Là, aujourd'hui, c'est une autre nouvelle cuisine qu'il faut introduire, pour cette ère post-covid.
10. Mais surtout, le passage des citoyens par la cuisine n'est-il pas l'occasion de faire évoluer notre modèle alimentaire, avec plus de préparations domestiques ?
11. Je rappelle que, si la cuisine, c'est d'abord de l'amour, ce n'est pas l'industrie alimentaire (très importante : je ne la dénigre certainement pas) qui peut donner cela ? Mettre sur la table une pizza surgelée pour sa famille n'est pas malsain, mais ce n'est pas la question : l'amour, ai-je dit !
12. Et si la cuisine, c'est de l'art, au même titre que l'aquarelle que l'on fait le dimanche, la musique que l'on joue en amateur, ce n'est pas non plus l'industrie alimentaire qui peut pallier nos insuffisances.
13. La technique ? Rien de plus simple si la transmission est bien faite, si l'on cesse de publier des recettes "pourries", infaisables, fausses, tordues... Bref, rien de difficile dans la technique culinaire si elle est bien expliquée.
14. Et finalement, la crise du covid peut être un tremplin pour un nouveau modèle alimentaire, parce que culinaire !
jeudi 20 août 2020
Le paradoxe artistique
2. Là, aujourd'hui, la discussion est différente, mais je retrouve un paradoxe : d'un côté, je m'émerveille que des artistes (même étymologie qu'artisan) puissent créer des choses aussi remarquables, aussi subtiles, aussi fines, aussi merveilleuses que les mélodies de Jean-Sébastien Bach, les peintures de Martin Schongauer, les textes de Gustave Flaubert... ; de l'autre, je vois dans ce qui nous émeut un mouvement animal tel que celui qui fait dire "C'est beau" à des milliards d'humains qui observent un rond rouge (le soleil couchant) dans le ciel.
3. Cela me gêne, non pas d'être comme tous les humains, mais que ce "c'est beau" soit si analogue au "c'est bon" que l'on dit quand on mange du gras et du sucre : je ne peux m'empêcher de voir là un diktat de mon corps, au détriment de mon esprit. Et pourtant, je le répète, quel superbe travail que celui des plus grands artistes !
4. D'ailleurs, je ne suis pas méprisant de la composante animale de l'humain, puisque, de toute façon, elle est constitutive, mais comment ne pas être plus heureux qu'on puisse la maîtriser ! D'ailleurs, c'est bien cela que je reconnais aux grands artistes : cette capacité de recréer de la "beauté", que ceux qui la perçoivent soit manipulés ou non par leur composante animale.
5. Du côté de la réception, j'entends qu'il peut y avoir de la culture, et que, précisément, il ne soit pas inné d'aimer certaines perspectives, certains courants qui, précisément, échappent vers le haut à de l'art "primitif". Et il y a cette discussion à propos de sensiblerie et de sensibilité... mais je propose plutôt que l'on me parle de culture, du travail d'apprentissage de l'appréciation artistique. Aimer l'art ? Et si cela revenait à l'apprendre afin de le connaître ?
6. Dans le doute, je me réfugie dans ma passion pour les sciences, qui, elles, ne me semblent en rien "animales". A propos de mathématiques, par exemple, on parle de l' "honneur de l'esprit humain". A quoi servent-elles ? A quoi servent les sciences de la nature ? A obtenir un peu d'honneur, quand notre animalité nous tire vers l'animal. Et là, je n'y vois pas de paradoxe qui me mettrait en danger. M'aidera-t-on en me réfutant ?
vendredi 24 avril 2020
La logique de la connaissance
1. L'absence d'idée préconçue serait une audace ? C'est l'idée que l'on me tend, et je préfère la regarder avec circonspection, avant de l'adopter. En fin d'analyse, je conclus, au contraire, qu'il n'est pas question d'audace dans cette affaire, mais seulement de conséquences. De quoi nous pousser à lire ou à relire la nouvelle de Voltaire consacrée au portefaix borgne.
2. Nous sommes tous les enfants de la culture que nous avons reçue alors que nous étions précisément des enfants, et cette culture nous maintient dans un état infantile. Cette "culture", ce sont des idées préconçues qui nous tombe dessus comme des chapes de plomb, comme des filets dont nous ne pouvons pas nous dépêtrer.
3. Il y a donc lieu de regarder le monde avec lucidité, de combattre ces filtres qui sont souvent ceux des mots.
4. Mais il y a aussi ceux concepts, des notions. En sciences de la nature, je répète assez que les professeurs distribuent des informations, des méthodes, des valeurs, des anecdotes, mais aussi des notions et des concepts, qui sont autant d'outils intellectuel : la température, l'énergie, la vitesse, l'accélération, et caetera.
5. Ces outils méritent d'être considérés avec attention, car s'ils ne sont pas appropriés, le travail ne sera pas fait. Inversement, s'ils sont bons, ils nous permettront des accomplissements merveilleux.
6. Evidemment, la découverte d'un outil, c'est du travail. Il faut apprendre à connaître l'outil, le tester, faire un apprentissage. En conséquence, l'utilisation de l'outil conduit à des réalisations, à des productions. Et ces productions seront toutes nouvelles puisqu'elles seront au minimum des reproductions.
7. Il n'y a pas d'audace dans la production de ces réalisation ; seulement l'utilisation logique de l'outil.
Si on utilise un marteau, on écrasera ou l'on enfoncera : pas d'audace dans l'écrasement ou dans l'enfoncement, puisqu'il s'agit seulement de l'utilisation du marteau. Avec un tournevis, on tournera une vis, et le fait qu'une vis soit vissée n'est pas de l'audace non plus. Il en va, de même, avec l'utilisation d'outils intellectuels tels que l'entropie, l'énergie, la température... Une fois une notion obtenue, ce qu'elle permet de faire n'est qu'une conséquence logique.
8. Et je vois ainsi ce mouvement : l'étudiant découvre d'abord une connaissance et il la transforme en compétences, qui conduisent à d'autres résultats, logiquement, sans audace.
9. Nommons cela la logique de la connaissance !
vendredi 13 juillet 2018
Y a-t-il assez de science dans les programmes scolaires ?
Les élèves de l'enseignement primaire ou secondaire apprennent-ils assez de "science" ? L'un de mes interlocuteurs voudrait que je milite pour qu'il y en ait plus, et il me fait observer que les élèves intéressés par les sciences sont peu nombreux, en raison d'une culture familiale ou sociale qui ne les pousse pas assez dans cette direction. La culture scientifique se perdrait, elle serait négligée au profit des mathématiques.
Cela me fait penser à une lettre ouverte que l'association des professeurs de physique et de chimie avait adressé au ministre de l'éducation nationale, il y a quelques années, et que j'avais un peu décortiquée... pour m'apercevoir que si j'étais initialement tout à fait de leur bord, j'étais finalement opposé à leurs conclusions.
L'analyse était fondée sur mon observation selon laquelle la science n'est pas la technologie, laquelle n'est pas la technique. On observera que, au cours des études primaires ou secondaires, la technique et la technologie sont réduites à la portion congrue, au profit de ce qui est nommé "science".
Mais on observera aussi qu'il y a lieu de s'interroger d'abord sur la mission de ces enseignements primaires et secondaires. Que doivent-ils donner ? D'abord, les élèves doivent tous apprendre à parler, lire, écrire, compter, et cela non seulement individuellement, mais aussi collectivement, si l'on peut dire. L'école et le collège doivent être des lieux de mixité sociale, des ferments de cohésion, des apprentissage de la tolérance.
Puis, pour en revenir aux diverses matières : dans le Second degré, passé l'apprentissage de la grammaire et de l'orthographe (mais ce n'est pas gagné, si j'en juge les message des étudiants que j'ai le plaisir de fréquenter), il y a des idées sur la littérature, lesquelles sont une ouverture à l'art (littéraire), avec des considérations sur la rhétorique. Il y a des enseignements d'histoire et de géographie, afin de pallier ce "Un homme qui ne connaît que sa génération est un enfant" de Cicéron. Il y a des cours de "physique, chimie, biologie" ou des cours de "mathématiques"... dont je me suis toujours étonné que le nom corresponde si peu au contenu.
Les mathématiques ? Elles ne sont pas réductibles au calcul. La chimie, la physique, la biologie ? Ce sont des "sciences", mais je m'étonne que l 'on ne m'ait jamais dit d'abord cette idée simple :
Les sciences sont des activités qui cherchent les mécanismes des phénomènes par l'usage d'une méthode qui inclut les six étapes :
1. identification d'un phénomène
2. caractérisation quantitative du phénomène
3. réunion des données quantitatives de la caractérisation en "lois" (c'est-à-dire en équations)
4. induction d'une théorie, avec l'introduction de concepts nouveaux, "bordés" par les équations
5. recherche de prévisions théoriques, de conséquences testables quantitativement des concepts introduits
6. tests expérimentaux des prévisions théoriques.
Oui, jamais au cours de mes études, je n'ai reçu ces idées simples. Je ne dis pas que je n'ai pas été content de ce que j'apprenais, mais je ne comprenais pas pourquoi il y avait des "mathématiques" (en réalité, du calcul) dans les cours de chimie, alors que croyais suffisant de voir l'eau de chaux se troubler quand on souffle dedans, ou le sulfate de cuivre précipiter avec de la soude, par exemple.
Et puis, interrogeons-nous un peu : veut-on faire découvrir aux élèves les connaissances actuelles produites par la science ? L'histoire des sciences s'impose alors. Veut-on leur donner la maîtrise de la méthode indiquée ci dessus ? A quoi bon, puisque très peu seront scientifiques. D'ailleurs, les cours de chimie, physique, biologie, sont le plus souvent des apprentissages des notions élémentaires de ces disciplines, et certainement pas de la chimie, de la physique ou de la biologie. Au mieux, on se met dans une peau fantasmée d'un Galilée... et l'on n'atteint pas le niveau d'un Einstein (début du 20e siècle) et encore moins d'un Dirac (il y a un siècle).
On m'objectera que, pour comprendre la mécanique quantique, il faut commencer par le commencement, mais je pose surtout la question de l'objectif : que vise-t-on avec ces cours de "sciences" ? Et pourquoi a-t-on cet objectif ?
Les réponses sont parfois données dans les commentaires des programmes, et c'est par la discussion de cela qu'il faut commencer, n'est-ce pas ?
Mais surtout, pourquoi la confusion entre les sciences et la technologie ? Et pourquoi cette absence de la technologie dans l'enseignement ? Que vise-t-on et pourquoi ? Quand on aura répondu à cette question, on pourra s'interroger sur la place des sciences dans l'enseignement.
PS. Ici, j'ai essayé de ne pas déborder, mais quand même :
1. faut-il parler d'éducation , ou d'instruction ?
2. je rappelle que je ne crois pas à l' "enseignement", mais que je propose de considérer l' "étude"
samedi 16 décembre 2017
Qu'est ce que "manger" ?
Jean-Anthelme Brillat-Savarin (j'ai scrupule à le citer : n'importe quel gourmand le connaît) disait que l'animal se repaît, l'homme mange, et seul l'homme d'esprit sait manger... mais je n'aime guère la citation, qui oublie la femme et qui distingue des hommes et des hommes d'esprit. Nous sommes tous d'esprit, puisque nous sommes humains, et je propose de donner à chacun la possibilité de ne pas tomber dans une catégorie trop définitive. D'ailleurs, les prétendus (ou soi disant) hommes d'esprit en manquent parfois gravement, et, d'autre part, je crois que c'est une grave erreur que de sous-estimer nos semblables.
Ce qui nous conduit, puisque nous parlons de temps anciens, à considérer le fait que nous mangeons de l'histoire. Un cas important est l'association du jambon cru avec le melon, qui est une réminiscence de ce temps où les humeurs étaient la garantie de la santé, où il fallait combattre le « chaud » avec le « froid », le « sec » avec l' « humide ».
Ce n'est qu'un exemple, mais, en réalité, la quasi totalité de nos mets sont historiques !
La choucroute ? Si on la mange en Alsace, c'est parce que c'est en Alsace qu'elle a évolué, notamment avec un climat qui permettait à la fois la culture du chou et la production de choucroute. Ce serait bien trop long d'enchaîner les exemples, mais il suffit de penser que si nous mangeons un plat particulier, alors que d'autres (les Allemands, les Anglais, les Belges, les Chinois, les Indiens...) ne le mangent pas, c'est que ce plat a été sélectionné dans l'histoire.
En réalité, nos aliments ne sont légitimés que par leur consommation ancienne.
Nous mangeons aussi de la socialité, de la religion, de l'art... Bref, nous mangeons de la culture, parce que nous sommes humains... mais je propose de penser, quand même, que cette culture n'est pas une sorte d'étincelle divine, et que, au contraire, elle est un « habillage de la bête ».
Le chocolat ? C'est du gras pour moitié, et du sucre pour la seconde partie. Or il nous faut du gras pour construire les membranes de nos cellules, et du sucre pour l'énergie.
La viande ? Ce sont des protéines, c'est-à-dire des atomes d'azote pour la construction de nos propres protéines.
Les féculents, si universels (riz, blé, maïs...) ? Ce sont des polysaccharides qui vont lentement libérer ce glucose qui est le carburant de notre organisme.
Bref, nous mangeons de la physiologie, de la biologie, et, mieux encore, de la biologie de l'évolution. La culture me semble n'être qu'une façon de ne pas nous résoudre à être des bêtes, qui mangent, se reproduisent, échappent aux prédateurs et trouvent des proies ; une façon de ne pas admettre que nous sommes des sortes de machines qui ont besoin d'énergie pour se perpétuer...
Autrement dit, bien manger, ce serait à la fois faire marcher la machine et lui donner le sentiment qu'elle échappe à sa condition de machine. Mais la machine a inventé une foules d'artifices (au sens littéral du terme) pour se donner le sentiment de ne pas être machine... jusqu'à l'idée de dieu, avec lequel elle entretiendrait des relations privilégiées.
Nous y revenons : bien manger, c'est manger de la religion, laquelle met des limites dont l'arbitraire est souvent merveilleux.
Finalement, manger, c'est donc de la culture... mais nous sommes bien heureux de pouvoir en être là, première génération à ne pas avoir connu de famine dans l'histoire de l'humanité !!!!!!!
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
samedi 2 septembre 2017
Militantisme
D'abord, parce que je ne cesse de militer, donc, mais pour des causes que j'ai décidé d'avoir : la promotion de la connaissance (les sciences, les arts, les lettres, la culture...), la rénovation des études en vue d'aider les jeunes citoyens à devenir compétents, dans le respect de valeurs humanistes... C'est pour cette raison que, pendant vingt ans, j'ai utilisé mon temps à faire la revue Pour la Science, avec autant d'énergie que possible, dans l'hypothèse que la connaissance est le meilleur des remparts contre l'obscurantisme et l'intolérance.
Et c'est pour cette raison que j'utilise une bonne partie de mon temps (que le contribuable se rassure : c'est une litote que de dire que je ne me limite pas à 35 heures et que la recherche n'y perd pas) pour réfléchir (efficacement, surtout efficacement) aux questions de transmission. C'est pour cette raison que j'ai ces blogs trop nombreux, à AgroParisTech, sur Google, dans Scilogs, sur le site national de l'Inra...
Mais il y a aussi le refus d'être un "gourou" ; d'ailleurs, on a souvent lu sous ma plume cette réponse de Frère Jean des Entommeures, à qui l'on proposait de diriger une abbaye : comment dirigerais autruy moi qui ne me gouverne pas moi-même ? Pour diriger, il faut une sagesse particulière, mais comment prétendre l'avoir ?
Surtout, quand une personne est "reconnue", elle l'est pour une compétence particulière. Autrement dit, pour tout champ extérieur à cette compétence, cette personne n'a pas a priori de compétence, et c'est un usage abusif de sa notoriété qu'elle ferait si elle prétendait intervenir dans ce champ extérieur. D'autre part, le nombre de causes (possiblement) justes est immense, et je crois que l'on n'intervient bien que si l'on intervient en connaissance de cause, de façon focalisée.
Signer une pétition ? A condition d'être certain d'être parfaitement d'accord avec tous les faits recouverts par les mots qui figurent dans la pétition : cela impose une connaissance du monde que je n'ai pas... puisque j'ai décidé il y a maintenant presque quarante ans que je ne suivrai aucune actualité, connaissant trop bien les biais des medias, et me doutant évidemment de l'état de ce monde, qui n'a guère changé depuis des siècles (le panem et circenses n'est pas périmé, par exemple). Manifester ? Je n'ai pas l'esprit revanchard, et je veux de l'enthousiasme, de la proposition positive, de l'action !
On aurait tort de croire que je reste confortablement dans ma tour d'ivoire : mon engagement est constant, de chaque seconde, pour des causes que je crois justes et pour lesquelles je milite chaque seconde, comme je l'ai dit. Là, j'essaie d'être vraiment efficace, socialement et politiquement utile.
Oui, militons pour des causes justes, mais militons efficacement : au lieu de se débarrasser d'un problème à l'aide d'une signature vite faite en bas d'une lettre, cherchons des moyens efficaces de résoudre les problèmes que nous avons décidé de nous poser.
Mais je me reprends : là, j'ai des phrases de tribun, moralisatrices. Je sais ce que je fais, moi, et je n'ai pas vocation ni compétence à dire aux autres ce qu'ils doivent faire, eux : chacun ses choix.
Pour moi, c'est clair : il s'agit de promouvoir la Connaissance, bien produite et bien partagée, puisque c'est notre meilleur rempart contre l'obscurantisme et l'intolérance !
dimanche 2 décembre 2012
Question et réponse, à propos de cuisine note à note
D'abord la question :
J'aurais une question à vous poser concernant le développement de la filière cuisine note à note. Vous avez dit qu'elle va de pair avec le développement d'une filière prometteuse qui comporte de nombreux avantages (économique, écologique etc...) et je suis d'accord avec vous sur ce point.
Mais, j'aimerais savoir si justement, développer cette technique, n'est-ce pas aussi mettre en danger les savoir-faire, traditions et pratiques de l'alimentation et de la cuisine? En d'autres termes, n'est-ce pas conduire à la perte d'une identité territoriale et culturelle (ex: fabrication du fromage dans les Pyrénées) en développant la cuisine moléculaire à grande échelle ?
Ensuite ma réponse :
Vous avez absolument raison : l'introduction du métier à tisser par Jacquard (en vue de supprimer le travail des enfants) a fait des catastrophes. Oui, les synthétiseurs ont un peu fait le ménage chez les luthiers... mais il en reste. Chaque nouveauté technique balaye un peu les traditions. Mais les traditions ne sont pas toujours bonnes : l'excision des petites filles dans certaines communautés !
Et puis, enfin, la Grèce reconstruit le Parthénon... mais qu'est-ce que le Parthénon ? Dans l'histoire, ce fut un tout petit temple minable, en bois, puis un petit temple en pierre (qui n'est pas celui du Ve siècle), puis un temps plus gros, disparu, puis le temple du Ve, puis une basilique, puis une mosquée, puis à nouveau une basilique... Tout a été construit à partir du précédent, qui était détruit, et ainsi de suite jusqu'à aujourd'hui... où la Grèce a décidé de reconstruire le Parthénon du Ve siècle : pourquoi celui-là ? Il en va de même des traditions, d'où la phrase merveilleuse de Cicéron : un homme qui ne connaît que sa génération est un enfant.
jeudi 23 février 2012
Des liens amis
https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/
http://hervethis.blogspot.com/
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http://www.pierre-gagnaire.com/#/pg/pierre_et_herve
http://www.agroparistech.fr/-International-Journal-of-Molecular-.html
http://hervethis.blogspot.com/
http://www.inra.fr/
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http://sites.google.com/site/pascalethissantedesfemmes/home
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http://www.thereaction.net/explore/salad-bowl/