Si j'étais une plante, je protégerais mes fruits. Je les protégerais contre tous les agresseurs, je les protégerais jusqu'à ce qu'ils puissent puissent se développer, et je les construirais aussi de façon que leur développement se fasse assez loin de moi pour qu'il ne me fassent pas concurrence.
Au fond, la cerise est bien faite, avec le noyau qui contient la partie qui assure la reproduction, et la pulpe, colorée et sucrée, qui attire les animaux, lesquels iront disperser les noyaux plus loin.
La pulpe est limitée par une peau, comme dans le grain de raisin par exemple : il faut que la baie mûrisse sans être trop attaquée, sans quoi ses sucres seraient perdus, et des animaux ne la consommeraient pas ; elle pourrirait avant que le noyau ne soit prêt, alors même qu'elle contient de l'eau et des sucres, c'est-à-dire tout ce qu'il faut pour que des micro-organismes s'en régalent.
La peau est donc plus dure, épaisse, et là, il n'y a pas véritablement de l'eau, mais un tégument un peu sec, hydrophobe, sur lequel l'eau glisse... ce qui est une condition intéressante, puisque les micro-organismes ont besoin d'eau pour se développer.
Evidemment, il y a des insectes piqueurs qui peuvent percer la peau et aller se régaler du jus de l'intérieur, et les micro-organismes peuvent se développer sur les cires externes.
Mais cela fait nombre de barrière avant d'arriver jusqu'à l'intérieur de la coque, dure et sèche, qui protège bien contre les agressions.
Cette coque dure, il a fallu la constituer et cela ne se fait pas par miracle. La plante a donc déposé des composés successivement : ces composés qui circulent dans la plante sont majoritairement des polysaccharides, des protéines, des oligosaccharides, des acides aminés, des peptides, de l'eau bien sûr, mais aussi des composés phénoliques, par exemple.
Il y a une hypothèse selon les laquelle les composés phénoliques, ce que certains nomment fautivement des "polyphénols", antioxydants certes, sont protecteurs contre les micro-organisme.
Pus généralement, ce qui est sûr, c'est que les parties corticales des végétaux sont chargées de composés qui sont des "pesticides" naturels, synthétisé par la plante, capables de repousser les agresseurs, soit en les tuant, soit par une amertume ou une astringence, par exemple.
Évidemment, le chapitre est immense et on ne saurait évoquer toutes les possibilités, d'autant que les progrès de la biologie ont bien montré que les composés n'ont pas qu'une seule fonction, en général. Par exemple les anthocyanines qui donnent la couleur des fleurs et des fruits sont également antioxydants, comme on l'a vu, mais ils peuvent avoir bien d'autres fonctions : si je n'étais pas chimiste, cette fascination pour la diversité moléculaire des végétaux me capterait, comme elle avait apté le chimiste pharmacien Pierre Potier, qui avait mis au point le taxotère, avec lequel on combat les cancers du sein.
Pierre Potier avait bien compris que si un composé est présent dans une plante, alors ses précurseurs le sont aussi, et c'est en cherchant un précurseur du taxol dans les aiguilles de l'if qu'il l'a trouvé, premièrement, et qu'il l'a ensuite modifié pour faire le principe actif du taxotère.
Dans nos études, il y a lieu de penser à toute cette complexité du vivant et mieux encore de ne pas oublier qu'il y a des questions d'évolution biologique, mais c'est-à-dire aussi des parentés qui rendent certains organismes chimiquement semblables.
La biologie est fascinante parce que précisément elle cherche à comprendre ces regroupements et leurs raisons. On évitera bien sûr des visées simpliste sur les fonctions des molécules du vivant, mais on pensera à des questions d'économie. Par exemple, le même Pierre Potier m'avait fait observer, quand il était question de la découverte des neuromédiateurs, que le vivant ne pouvait pas se comporter comme une voiture où il n'y aurait qu'un accélérateur ; il fallait un débrayage, un frain à main, un accélérateur et un frein. De même, dans une plante, dans un organisme vivant, il ne peut pas y avoir la seule libération des neuromédiateurs et il faut aussi un recaptage qui permet d'éviter une nouvelle synthèse, énergétiquement coûteuse des molécules de neuromédiateur.
Bref il y a lieu de penser que la biologie est une science fascinante quand on fait de la chimie et que les molécules que l'on considère viennent du vivant.