Hier,
alors que je faisais partie d'un jury de concours pour une grande école, j'ai mieux mesurer la chance inouïe que j'avais eu d'avoir été le fils de celui qui fut cet extraordinaire Bernard This (https://sites.google.com/view/bernardthis/accueil).
En effet, pour réussir dans une telle école, il
faut se dépenser sans compter pour les matières théoriques qui sont
enseignées. Mais pour se dépenser sans compter, il faut en avoir le goût. C'est un peu ce que je cherchais à savoir en interrogeant les
candidats (puisqu'il s'agissait d'un oral de concours) : avaient-ils le goût des choses théoriques ?
Je leur ai demandé
quel était le dernier livre qu'ils avaient lu, le dernier film qu'ils avaient vu, quel
objet intellectuel leur semblait merveilleux (j'avais donné des exemples
pour ce qui me concerne), et j'espérais qu'ils me diraient de l'admiration
pour des choses intellectuelles.
Pour pour ce qui me concerne je me
souviens parfaitement des éblouissements que j'ai eu alors que j'étais
très enfant : l'eau de chaux qui se trouble quand on souffle dedans, une
bougie qui s'éteint quand elle se trouve privée d'oxygène, les
phénomènes extraordinaires montrés au Palais de la Découverte, le
courant alternatif, le soulèvement considérable d'un fil que l'on met
autour de l'équateur de la Terre et qu'on allonge de 20 cm.
A peine
plus tard, j'ai eu entre les mains des ouvrages merveilleux, le Paradoxe sur le comédien,
l'Herbe rouge, la Dernière harde... Je dois tout cela à mon père
indirectement car quand nous avons déménagé (j'avais un peu moins de 6 ans),
dans le nouvel appartement, il avait construit une bibliothèque où il y
avait aussitôt posé ses livres. Je vois encore la scène : il m'avait conduit devant et m'avait
dit : "Tu vois, tu peux prendre
n'importe quel livre sans me demander la permission".
Quelle ouverture extraordinaire !
Mais il y avait aussi sa curiosité, pour la mythologie et l'étymologier. Cette dernière a été vraiment fondatrice pour moi parce que c'est une clé parfaite pour les sciences : Lavoisier et bien d'autres ont répété à l'envi l'importance des mots en relation avec les concepts.
Pour la mythologie, il s'agissait surtout de comprendre le fonctionnement de nos sociétés humaines et les relations de pouvoir qu'il fallait... démystifier : tel roi disait descendre d'Hercule pour légitimer un pouvoir qu'il avait confisqué indûment.
Surtout, mon
père nous donnait une pièce de monnaie quand nous lui posions une
question à laquelle il ne savait pas répondre. La question de
l'argent était secondaire et la récompense aurait pu être autre, mais
c'est la dynamique du questionnement qui était essentielle, et je ne dois pas m'étonner trop d'avoir été si passionné à la
lecture de Platon quelques années plus tard, quand j'ai eu l'âge de 16
ans.
Dans toutes ce relations, il y avait un goût pour la chose intellectuelle, pour la compréhension du fonctionnement du monde...
J'allais oublier l'essentiel d'ailleurs : il m'a
offert une boîte de chimie alors que je n'avais que 6 ans et m'a laissé
entièrement libre de l'utiliser : quelle confiance ! Mais surtout
quelle chance pour moi : c'est ainsi que j'ai pu commencer mes propres
expérimentations avant d'aller faire plus au Palais de la découverte, à
ce merveilleux Palais de la découverte qui montre aussi bien les
phénomènes ... que nous devons montrer sans faute à tous
les enfants afin de faire briller leurs yeux.
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