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jeudi 21 novembre 2024

Colloque Vigne et vin demain, le 28 novembre, à l'Académie d'agriculture de France

 

Colloque « Vin et Vigne demain »



28 novembre 2024


Lieu :

Académie d’agriculture de France, rue de Bellechasse, Paris

(salle des séances pour les interventions, puis bibliothèque pour le déjeuner)




Comité d’organisation

Frédérique Pelsy, Nicole Roskam Brunot, Guilhem Bourrié, Yves Brunet, Hervé This




Le thème du colloque répond à une urgence : l’humanité doit aujourd’hui faire face au changement du climat terrestre. À cette fin, les initiatives politiques à l’échelle mondiale doivent être complétées par des actions individuelles, en vue de stopper les évolutions du climat et de pérenniser l’habitabilité de la planète. Des changements infrastructurels, organisationnels et juridiques sont nécessaires pour évoluer vers un mode de vie à faibles émissions de carbone : il faut apprendre à mieux utiliser l’énergie, mieux construire, mieux gérer l’eau et, surtout, maîtriser la démographie mondiale.

L’agriculture, dont on doit rappeler qu’elle produit nos aliments et qu’elle gère une large partie de notre environnement, fait face à des défis nouveaux. Le climat est évidemment décisif dans les productions agricoles, en termes de quantité comme de qualité. Depuis les débuts de l’humanité, l’adéquation entre climat et agriculture a déterminé le développement culturel et économique des régions, créé des cultures locales et influencé les migrations des populations.

La viticulture est particulièrement sensible à la conjonction entre enjeux agronomiques, économiques et culturels. Depuis des centaines d’années, la culture de la vigne a façonné les paysages des régions viticoles, leurs organisations sociales et la typicité de leurs vins qui résulte de l’adéquation entre la culture de cépages particuliers et des pratiques œnologiques spécifiques. La notion de terroir intègre des paramètres environnementaux, notamment pédologiques et géomorphologiques, dans la délimitation des régions viticoles, selon des cadres juridiques anciens, qui ont perduré jusque dans les textes de l’Union européenne.

Certes, l’agriculture en général et la viticulture en particulier contribuent aux émissions de gaz à effet de serre et à la pollution de l’environnement, mais, en stockant le carbone, les plantes et les sols atténuent ces émissions. En France, les pratiques viticoles sont strictement encadrées avec notamment la reconnaissance de conditions mésoclimatiques (régionales), la délimitation des terroirs, la spécification des cépages autorisés, des méthodes culturales et des types de produits conférant des identités régionales et locales.

Dans un tel contexte, les études de l’effet des changements climatiques sur la viticulture prennent une importance particulière. Le changement climatique mondial n’étant pas encore évident pour beaucoup (malgré des signes d’accélération évidents), il est essentiel de convaincre l’ensemble du secteur qu’une réaction immédiate est nécessaire. L’urgence résulte notamment du fait que les plantations d’aujourd’hui préparent la viticulture des prochaines décennies, quand les effets du changement climatique seront bien plus prégnants que ceux observés aujourd’hui.




Le programme du Colloque :



9.00

Introduction Philippe Mauguin, président directeur général d’INRAE


9.30-10.15 (30 min + 15)

Nathalie Ollat (INRAE, ISVV, UMR EGFV, Bordeaux) : La viticulture face au défi du changement climatique

Q/A


10.15-10.45 (20 min +10)

Thierry Simonneau (INRAE, UMR LEPSE, Montpellier) : Maîtriser les besoins en eau de la vigne pour faire face aux contextes de demain.

Q/A


10.45-11.15 (20 min + 10)

Lionel Ranjard (INRAE, UMR Agroécologie, Dijon) : La microbiologie des sols au service d’une viticulture durable

Q/A


Pause


11.25-11.55 (20 min + 10)

Guillaume Arnold (INRAE, UMR SVQV, Colmar) : Les variétés de vigne pour demain

Q/A


11.45-12.15

Marc-André Selosse (MNHN, UMR ISYEB, Paris): Des microbes pour soigner et protéger la vigne

Q/A


12.30-14.00 Buffet sur place (bibliothèque), sur inscription




14.00-14.30

Philippe Darriet (Université de Bordeaux, ISVV, UMR Oenologie) : Quels vins demain ?

Q/A


14.30-15.00

Vin et santé Nutrition 

Q/A


15.00-15.30

Jean-Marie Cardebat (Université de Bordeaux, ISVV, UMR BSE)  : Quelles évolutions à venir pour le marché mondial du vin ?



16.00

Synthèse, Frédérique Pelsy, ancienne présidente du Centre INRAE de Colmar

16.30

Conclusion (le « bouquet du vin »), Hervé This, membre de l’Académie d’agriculture de France





Les intervenants et les interventions, en détail :



Philippe Mauguin : Introduction



Philippe Mauguin est président directeur général d’INRAE et membre de l’Académie d’agriculture de France




Nathalie Ollat (INRAE, ISVV, UMR EGFV, Bordeaux) : La viticulture face au défi du changement climatique


Résumé de l’intervention : Des températures moyennes plus élevées et des précipitations aléatoires, avec des extrêmes toujours plus marqués, des aléas climatiques successifs ou combinés, avec des conséquences secondaires importantes sur la fertilité de sols et l’environnement biotique. Même si le changement climatique a pu avoir, jusqu’à présent et dans certains vignobles, des conséquences positives, la viticulture doit se préparer à des conditions de production plus complexes et plus variables pour les décennies à venir. Certains vignobles, notamment dans le Sud de la France, pourraient voir leur potentiel se réduire alors que d’autres plus septentrionaux pourraient se développer. L’ensemble de ces changements doivent être anticipés. La nature des impacts déjà avérés et à venir doit être décrite finement et sur un large spectre, notamment en ce qui concerne les sols, les interactions biotiques et les combinaisons de stress. Il est également important de rassembler des connaissances sur les leviers potentiels d’adaptation, qu’ils soient techniques, spatiaux, organisationnels ou réglementaires. L’évaluation de ces leviers doit se faire à l’échelle de la culture, de l’environnement et la durabilité de la production à l’échelle d’une exploitation ou à plus grande échelle. Pour toutes ces études, les approches de modélisation s’avèrent déterminantes. Elles le sont également comme outil d’anticipation pour contribuer à l’accompagnement des acteurs à la définition de stratégies d’adaptation.



Agronome de formation, Nathalie Ollat est spécialiste de la physiologie de la vigne. Elle s’est particulièrement intéressée aux porte-greffes et est actuellement responsable du programme d’innovation variétale « porte-greffe » vigne en France. Elle a coordonné de 2012 à 2021 un programme national sur les impacts et les adaptations de la filière Vigne et Vin française au changement climatique. Elle continue à accompagner la filière dans la mise en œuvre de sa stratégie d’adaptation. Depuis 2018, elle dirige l’UMR « Ecophysiologie et Génomique Fonctionnelle de la Vigne » à l’ISVV, Bordeaux.




Thierry Simonneau (INRAE, UMR LEPSE, Montpellier) : Maîtriser les besoins en eau de la vigne pour faire face aux contextes de demain.


Résumé de l’intervention : Avec la hausse des températures, l’évapotranspiration va continuer d’augmenter dans les vignobles jusqu’à dépasser largement le stockage d’eau de pluie dans les sols, notamment l’été. Des périodes de déficit hydrique vont s’ensuivre et le vigneron va devoir adapter ses choix et ses pratiques dans une perspective d’économie d’eau et de production durable.

Le problème n’est pas tout à fait nouveau pour les vignerons qui cultivent depuis longtemps dans des conditions de contrainte hydrique modérée, souvent favorables à la qualité des vins, notamment les rouges. A ceci s’ajoutent les fortes variations climatiques interannuelles passées qui ont déjà exposé les vignobles à des années exceptionnellement sèches et chaudes. Les solutions adoptées par les vignerons pour y faire face méritent donc d’être examinées. Le référentiel bibliographique s’est également enrichi pour préciser les impacts positifs et négatifs d’une contrainte hydrique plus ou moins sévère. L’ensemble permet d’affiner la notion de parcours hydrique idéal, c’est-à-dire l’évolution idéale du contenu en eau du sol qui permet d’atteindre des objectifs de production donnés.

Pour suivre ce parcours hydrique idéal dans un contexte pédoclimatique soumis à imprévus, le vigneron peut revoir ses objectifs de production et adopter des systèmes de conduite économes en eau. Il peut aussi augmenter la disponibilité de l’eau avec une gestion du sol adaptée. Enfin, quand les apports par irrigation sont possibles, il importe là encore de choisir des techniques économes en eau et toujours ajustées à l’objectif de production.

Différents leviers sont donc actionnables pour maîtriser les besoins en eau au vignoble, y compris à la plantation, avec des conséquences plus ou moins immédiates, réversibles ou durables. Les leviers à mobiliser sont à raisonner de manière systémique, sur de longs pas de temps, au sein de paysages complexes et multi-acteurs, où l’usage de l’eau est compétitif, réglementé et évolutif.



Thierry Simonneau a étudié à l’INA Paris-Grignon (devenu AgroParisTech) et est aujourd’hui directeur de recherche INRAE au Laboratoire d’Ecophysiologie des Plantes sous Stress Environnementaux, à Montpellier, où il conduit des recherches sur l’utilisation de l’eau par les plantes. Depuis une dizaine d’années, il anime une équipe composée de cinq autres chercheurs INRAE ou enseignants-chercheurs de l’Institut Agro qui étudient plus particulièrement la vigne dans le but d’adapter les vignobles au changement climatique. A ce jour, Thierry Simonneau a publié près de 70 articles scientifiques qui vont de l’étude de gènes impliqués dans l’économie d’eau par les plantes, jusqu’à la détection d’une contrainte hydrique sur les vignes par imagerie hyperspectrale ou de l’impact de vagues de chaleur par satellite. Ses travaux récents ont montré qu’il était possible d’améliorer l’efficience d’utilisation de l’eau au vignoble en sélectionnant des variétés qui transpirent moins la nuit, ou bien en taillant et en palissant la vigne pour maximiser le pourcentage de feuilles exposées au soleil, ou encore en pilotant l’ombre portée par des panneaux photovoltaïques mobiles pour atténuer les pics de transpiration. Dernièrement, il a coordonné la rédaction d’un chapitre d’ouvrage à paraître sur la gestion de l’eau dans les vignobles (Simonneau T., Van Leeuwen C., Coulouma G., Saurin N., Lajeunesse I. (à paraître) La gestion de l’eau. In : La vigne, le vin et le changement climatique, QUAE Editions).





Lionel Ranjard (INRAE, UMR Agroécologie, Dijon) : La microbiologie des sols au service d’une viticulture durable


Résumé de l’intervention : La viticulture est un secteur d‘activité agricole stratégique pour la France, car elle représente le premier poste exportateur du secteur agroalimentaire pour seulement 3 % de la surface agricole utilisée française. Toutefois elle est aussi une forte consommatrice de produits phytosanitaires avec environ 20 % des pesticides utilisés en France à elle seule, couplé aussi a une forte mécanisation. Tout cela entraîne une dégradation de la qualité des sols, qu’elle soit physique par des processus d’érosion ou biologique par une altération de la biodiversité. Si 80 % du vignoble est en conduite conventionnelle (CV), on note une conversion de 3-4 % par an des surfaces vers des conduites biologique (AB) et biodynamique (BD), non consommatrices de pesticides de synthèse. Toutefois, à ce jour nous manquons encore de connaissances précises sur les impacts de ces conduites sur la qualité des sols viticoles.

Dans ce contexte, le projet EcoVitiSol® est la première étude menée à grande échelle pour évaluer la qualité physico-chimique et microbiologique des sols de vigne cultivés selon différents modes de production (CV, AB et BD). L’originalité de ce projet est d’aborder cette problématique avec des approches participatives en impliquant directement les viticulteurs au sein d’un territoire défini.

A ce jour quatre territoires viticoles ont été investigués : l’Alsace, La Bourgogne du nord (Côte de Nuits, Côte de Beaune), la Bourgogne du sud (Côte Chalonnaise, Mâconnais) et les côtes de Provence. Dans chaque territoire, environ 50-60 viticulteurs ont été impliqués. Chacun a mis à disposition une parcelle sur lesquelles les chercheurs sont venus échantillonner le sol. Les outils modernes utilisés pour évaluer la qualité des sols dans ce projet ont permis de caractériser l’abondance, la diversité et les interactions microbiennes par des approches moléculaires ainsi que la qualité de la matière organique par la technique Rock-Eval® en plus des caractéristiques physico-chimiques classiques (pH, texture, C/N, teneur en Cu…). Cette conférence présentera les résultats obtenus sur l’impact des modes de production sur la qualité physico-chimique et microbiologique des modes de production, et aussi des pratiques de gestion des sols comme le travail du sol, l’enherbement et la fertilisation afin d’identifier les pratiques viticoles les plus durables.




Loïc Ranjard est directeur de recherches à l'INRAE de Dijon dans l'UMR Agroécologie. Il est spécialiste en écologie microbienne du sol et anime des travaux sur la distribution spatiale des microorganismes dans le sol sur de grandes échelles spatiales et sur l'impact des pratiques agricoles sur la qualité microbiologique des sols. Il coordonne différents projets collaboratifs et participatifs dans ce domaine.




Guillaume Arnold (INRAE, UMR SVQV, Colmar) : Les variétés de vigne pour demain


Résumé de l’intervention : La notion de matériel végétal fait référence à l’ensemble des composantes du plant de vignes qui constituent un levier d’adaptation puissant face aux changements climatiques et aux évolutions sociétales.

La vigne cultivée appartient au genre Vitis, ce dernier est composé de plusieurs espèces réparties à l’état spontané en Amérique du Nord et centrale, en Asie et en Europe. La domestication de la vigne à conduit à valoriser la diversité de l’espèce Vitis vinifera par la sélection des variétés les mieux adaptés aux objectifs de productions en fonction des conditions pédologiques et climatiques des vignobles.

L’arrivé du phylloxera marque un tournant dans les stratégies de domestication de la vigne à travers la mobilisation d’autres espèces que Vitis vinifera par la création de porte greffes ou de nouvelles variétés dite hybrides. Progressivement, les avancés scientifiques permettent de mieux comprendre et valoriser la diversité génétique de la vigne. Que ce soit à l’échelle des porte-greffes ou de l’exploitation de la diversité variétale les champs d’investigations sont nombreux. A travers cette présentation nous illustrerons à partir de cas concrets qu’elles sont les possibilités d’adaptations qu’offrent ces différents leviers.



Guillaume Arnold est ingénieur en innovation variétale au sein de l’équipe de génétique et d’amélioration de la vigne d’INRAE Colmar. Il débute ses activités de sélection de la vigne dans les années 2000 auprès du conseil interprofessionnel des vins d’Alsace pour y développer des programmes d’amélioration végétale des principales variétés cultivées en Alsace. Après avoir assuré la responsabilité du service technique, il créé en 2018 sa société de sélection « Synergie Vigne et Terroir » et développe plusieurs projets de collections privées auprès des entreprises des vignobles de France et d’Allemagne, contribuant ainsi à la préservation de plusieurs milliers de génotypes d’intérêts. En 2021 il rejoint INRAE pour poursuivre et développer des programmes de créations variétales avec pour objectif de réduire drastiquement l’usage des produits phytosanitaires tout en maintenant un potentiel qualitatif et une adaptation aux évolutions climatiques. Guillaume Arnold est ingénieur diplômé d’état dans la spécialité « agriculture », à travers ses expériences il propose une vision intégrative de la sélection à travers la valorisation des ressources génétiques de la vigne pour créer les variétés de demain.




Marc-André Selosse (MNHN, UMR ISYEB, Paris): Des microbes pour soigner et protéger la vigne


Résumé de l’intervention : La vision des plantes comme holobiontes, c’est-à-dire avec l’ensemble de leur microbiote  (bactéries, champignons et virus) dans leur physiologie et leur adaptation, s’applique bien sûr à la vigne. Elle inclut les champignons et les bactéries mutualistes associés aux racines, aidant à la nutrition et à la défense contre les agressions du sol. Leur présence a une influence systémique qui se répercute jusque dans les parties aériennes et les baies, par exemple dans la teneur et la composition tannique. Les parties aériennes sont aussi accompagnées de microbes, des feuilles aux baies (mais, bien qu’on crédite ces derniers de contenir les levures « spontanées », celles-ci proviennent plutôt de l’environnement de la cave). Nous devons adapter nos itinéraires techniques, surtout dans un contexte d’usage de pesticides pour lutter contre les maladies de la vigne, à la présence du microbiote. Celui-ci pourra être spontané ou introduit (en particulier pas pulvérisation foliaire) pour capitaliser sur le rôle de la symbiose dans la gestion du vignoble. 



Marc-André Selosse est professeur du Muséum national d’Histoire naturelle à Paris et aux universités de Gdansk (Pologne) et Kunming (Chine), où il dirige des équipes de recherche. Ses travaux portent sur l’écologie et l’évolution des associations à bénéfices mutuels (symbioses). Mycologue et botaniste, il travaille en particulier sur les symbioses mycorhiziennes qui unissent des champignons du sol aux racines des plantes. Président de BioGée, membre de l’Académie d’Agriculture de France et de l’Institut Universitaire de France, il est éditeur de quatre revues scientifiques internationales et de la revue de vulgarisation Espèce.Il a publié plus de 230 articles de recherche et 290 articles de vulgarisation et a publié des ouvrages grand public sur les microbiotes (Jamais seul, 2017), les composés phénoliques (Les goûts et les couleurs du monde, 2019), le sol (L’origine du Monde, 2021) et la place de l’homme dans la nature (Nature et Préjugés, 2024) ainsi que ses chroniques diffusées sur France-Inter (Petites histoires naturelles, 2021), chez Actes Sud. Il est co-auteur d’une bande dessinée sur le sol avec Mathieu Burniat (Sous Terre, 2021, Dargaud). Il a reçu le prix Homme-Nature de la Fondation Sommer 2020.



Philippe Darriet (Université de Bordeaux, ISVV, UMR Oenologie) : Anticiper les évolutions dans la composition et les caractéristiques sensorielles des vins


Résumé de l’intervention : Dans un contexte de changement climatique, l’état physiologique de la vigne est modifié dans un sens pouvant fortement affecter la maturation des raisins et par voie de conséquence les caractéristiques sensorielles des vins. Il ne s’agit pas seulement d’un phénomène lié à l’accroissement de la teneur en sucres des raisins (qui conduira à une teneur accrue en éthanol dans les vins) ou d’une diminution de l’acidité. Les conséquences du changement climatique, en lien avec l’augmentation de la température et du rayonnement, du niveau de contrainte hydrique, ou autre perturbation de l’état physiologique de la vigne… seront susceptibles de modifier la teneur de nombreux composés du métabolisme secondaire des raisins. Au travers des transformations chimiques, biochimiques ou microbiologiques de ces composés (pigments, tanins, précurseurs d’arôme…) pendant les étapes la vinification, de l’élevage et du vieillissement, la perception sensorielle du vin dans ses caractéristiques visuelles, olfactives et gustatives sera modifiée. En effet, la composante organoleptique du vin résulte d’une grande diversité de composés non volatils et volatils (arôme) souvent présents à l’état de traces, qui constituent des stimuli pour notre système sensoriel avant de devenir, selon des phénomènes complexes, des sensations dans le champ de la conscience. Ainsi, la surmaturation des raisins, dans des conditions de température et de rayonnement solaire accrus conduit à un accroissement des teneurs en composés volatils odorants (famille des furanones et lactones), qui renforcent les nuances de fruits cuits et secs. En outre, ces conditions de maturation peuvent modifier les propriétés anti-oxydantes des raisins et des vins, ce qui risque d’accroître la sensibilité oxydative des vins et affecter leur potentiel de vieillissement.

Ce contexte suppose d’ajuster aussi les pratiques œnologiques pour limiter les effets non-intentionnels susceptibles d’affecter l’originalité et la typicité des vins. En fonction des conditions environnementales, il s’agit d’adapter la date, les modalités de la récolte et de la réception des vendanges, en privilégiant des récoltes matinales ou nocturnes, en limitant, par le refroidissement et l’inertage, les phénomènes chimiques et biochimiques au cours des opérations pré-fermentaires. Des travaux mentionnent l’intérêt de partitionner à des dates successives la récolte d’une même parcelle. Une attention particulière est recommandée lors des étapes de la vinification et l’élevage des vins, incluant une extraction maîtrisée des composants pelliculaires, une modulation du niveau d’acidité des moûts et des vins, ou de la révélation du potentiel aromatique, présent dans les raisins sous forme de précurseurs, par l’emploi de levures sélectionnées, selon les typologies de vins recherchées. Une limitation de la teneur en éthanol, pourra aussi être recherchée par la mise en œuvre de procédés conformes aux choix des vinificateurs et à l’attente des consommateurs. La maîtrise de l’élevage et du vieillissement des vins suppose plus encore un ajustement des pratiques, en particulier le niveau d’oxygénation des vins, afin de limiter des phénomènes chimiques favorables à une évolution oxydative prématurée. Par la compréhension des phénomènes en jeu et l’innovation, les activités de recherche conduites dans le domaine de l’œnologie visent à accompagner les choix des vinificateurs à toutes les étapes de l’élaboration des vins.

Cependant, l’anticipation de l’évolution de la composition des vins avec le changement climatique, de leurs caractéristiques sensorielles et typicité, mobilise aussi l’œnologie au travers l’évaluation de dispositifs au vignoble, ayant trait à l’adaptation du mode de conduite de la vigne, à l’alternative variétale de Vitis vinifera, et au développement de nouvelles variétés résistantes aux principales maladies cryptogamiques et adaptées à l’évolution du climat. La dimension interdisciplinaire de ces travaux constitue un enjeu important pour relever les défis inhérents à l’impact du changement climatique.


Références

Darriet Ph., Mouret J.R., Sablayrolles J.M., Samson A. (2024). Les solutions œnologiques : adapter la vinification. Vigne, Vin et Changement Climatique, Ollat N., Touzard J.M. éditeurs, Quae.

Drappier, J., Thibon, C., Rabot, A., & Geny-Denis, L. (2019). Relationship between wine composition and temperature: Impact on Bordeaux wine typicity in the context of global warming. Critical Reviews In Food Science and Nutrition, 59(1), 14-30.

Pons, A., Allamy, L., Schüttler, A., Rauhut, D., Thibon, C., & Darriet, P. (2017). What is the expected impact of climate change on wine aroma compounds and their precursors in grape? ŒNO one, 51(2), 141-146.

Thibon C., Roland A., Darriet Ph., Teissedre P.L., Jourdes M., Pons A. (2024). Les impacts sur la qualité du vin. Vigne, Vin et Changement Climatique, Ollat N., Touzard J.M. éditeurs, Quae.

Van Leeuwen, C., & Darriet, P. (2016). The impact of climate change on viticulture and wine quality. Journal of Wine Economics, 11(1), 150-167.



UMR 1366 Œnologie, Université de Bordeaux, Institut des Sciences de la Vigne et du Vin. 210 Chemin de Leysotte, 33140, Villenave d’Ornon cedex.




Vin et santé (à venir




Jean-Marie Cardebat (Université de Bordeaux, ISVV, UMR BSE)  : Quelles évolutions à venir pour le marché mondial du vin ?


Le marché du vin traverse une crise mondiale sans précédent. Des facteurs conjoncturels et structurels coïncident et conduisent à une baisse combinée de la production et de la demande mondiale. Comment faire face à cette crise ? Les réponses sont multiples. Elles touchent au renouvellement en profondeur des gammes proposées, au changement de logiciel dans la façon de penser le marché ou encore à une remise en cause de l’organisation même de la filière. Les réponses sont aussi sociétales, pour comprendre la déconsommation d’alcool. Elles sont économiques, pour mieux identifier les cycles conjoncturels. Elles sont, enfin, géopolitiques pour appréhender le grand export dans un contexte de fermeture progressive de certains marchés clefs, comme le marché chinois. La filière vin doit mieux appréhender son environnement global tout en luttant contre les effets délétères du changement climatique. On le comprend, la décennie qui s’ouvre sera celle d’une mutation profonde de cette filière.



Jean-Marie Cardebat est professeur d'économie à l'Université de Bordeaux et professeur affilié à l'INSEEC Grande Ecole, où il dirige la Chaire Vin & Spiritueux. Très intégré dans les réseaux de recherche internationaux, il est président de l'Association européenne des économistes du vin et membre de la délégation française à l'OIV (Organisation Internationale de la Vigne et du Vin), de l'ISVV (Institut Scientifique de la Vigne et du Vin), de l'AAWE (American Association of Wine Economists), et du comité éditorial du Journal of Wine Economics (Cambridge). Enfin, il est affilié au Wine Economics Research Centre de l'Université d'Adélaïde (Australie) et au Center for Wine Economics du Robert Mondavi Institute, UC Davis (USA). Il est l’auteur de "Économie du vin", éd. La Découverte, 2017. (Traduit en chinois en 2019) et de "The Palgrave Handbook of Wine Industry Economics", prix 2019 du meilleur livre en économie de l'OIV.




Synthèse, Frédérique Pelsy.



Ancienne présidente du Centre INRAE de Colmar, Frédérique Pelsy est membre de l’Académie d’Alsace.



Conclusion, Hervé This : le « bouquet  du vin »



Hervé This est directeur de lInternational Centre for Molecular and Physical Gastronomy, chimiste INRAE dans lUMR SayFood (Campus Agro Paris Saclay), professeur consultant AgroParisTech, membre de l’Académie d’agriculture de France, de l’Académie royale des sciences, arts et lettres de Belgique, de l’Académie d’Alsace et de l’Académie de Stanislas.



vendredi 22 mars 2013

Remarquable Colloque

Hier, à l'Académie d'agriculture de France, remarquable colloque sur le thème "Réconcilier le public avec son alimentation".

Des intervenants de qualité, qui ne se sont pas contentés de livrer des messages convenus, mais, au contraire, ont vraiment discuté la question !


Leurs résumés sont sur le site académique, où se trouvera bientôt le podcast des interventions.

Voici :

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« RETABLIR LA CONFIANCE DU CITOYEN
DANS SON ALIMENTATION »

Résumé des interventions du colloque du 21 mars (14h00 – 17h30)



  • Introduction de la journée par Hervé THIS, Secrétaire de la section « Filières alimentaires » de l’Académie d’Agriculture de France

Les faits :
  • Il y a des fraudes, mais cela ne signifie pas que tout le monde fraude.
  • Il y a des risques, mais (1) il y a des risques à tout et (2) il faut se demander quantitativement quels risques (relatifs).
  • Une partie du public est craintif, parce qu'il ne comprend pas la science et la technologie.
  • Une partie de la presse vend de la peur (n'est-ce pas cela, le plus grand scandale alimentaire du xxi e siècle?)
Des propositions :
Si la solution était simple, on l'aurait mise en œuvre.
Quand on signale une fraude :
– il faut indiquer combien de pour cent du groupe est représenté
– il faut profiter de chaque affaire pour vérifier que nos systèmes sont bons ; en réalité, peu après chaque « convulsion », il est indispensable de faire un bilan assorti d'une prise éventuelle de décisions (sans tomber dans le resserrement des libertés, hygiénisme..)

Quand on signale des risques :
– il faut l'assortir de valeurs quantitatives
– il faut les distinguer des dangers
– il faut publiquement dire comment on les minimise.
Pour donner au citoyen les moyens de craindre ou de ne pas craindre les diverses composantes de son alimentation, il faut une information qui ne soit pas partisane. Celle de l'industrie n'étant pas crédible, il faut que l'Etat prenne ses responsabilités, et diffuse de l'information de l'Ecole à l'âge adulte, en passant par les canaux « efficaces ».
Ici, proposition de formations des enseignants du Premier et du Second Degré. L'INRA pourrait aller intervenir dans les Rectorats, pour des formations académiques.
Enfin, il faudra sans doute aussi réfléchir aux relations entre science, technologie et technique, fin de bien cibler les « émerveillements proposés ».
Au fond, la presse se répartit en deux groupes : ceux qui vendent de la peur, et les autres. On doit considérer que les sociétés ont la presse qu'ils méritent. Il sera bien difficile de changer les méthodes des marchands de peur, mais on peut réfléchir avec les autres pour trouver des solutions actives.
Quoi qu'il en soit, on ne pourra pas éviter d'être TRES présent dans le grand concert médiatique, et de proposer des sujets.


Première Table ronde - Quelle confiance le consommateur accorde-t-il aujourd’hui à la qualité (sanitaire, nutritionnelle, environnementale…) de son alimentation ? Perception et réalités.

Modérateur – Bertrand HERVIEU, Vice-président du Conseil Général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces Ruraux

Questions Comment expliquer vous la méfiance actuelle des consommateurs dans leur alimentation ? Quelles sont, à votre avis, les principales craintes ? A quoi sont elles dues ? Quelles sont les principales craintes des consommateurs aujourd’hui au regard de leur alimentation ? Pourquoi n’ont-ils pas confiance dans ce qu’ils mangent ? Les informations dont les consommateurs disposent (étiquetage, ou autre) sont-elles suffisantes et adaptées ?

  • Charles PERNIN, Chargé de mission alimentation à CLCV

Il y a une vraie crise de confiance des consommateurs envers l’industrie agroalimentaire. Ce phénomène n’est pas nouveau : de nombreux baromètres d’opinion montrent depuis des années que l’image de ce secteur dans l’opinion est très dégradée.
Il faut rappeler que cette situation n’est pas spécifique à l’agroalimentaire. Nous sommes dans une ère du soupçon : la crise de confiance concerne le politique, le domaine de la santé et de l’expertise en général, du sport (dopage) et des médias.
Pour en revenir à l’alimentation, les consommateurs ont l’impression de ne plus vraiment savoir ce qu’ils mangent et doutent de la qualité des produits issus de l’industrie. N’oublions pas que, pour les consommateurs, la qualité de l’alimentation n’est pas qu’une question sanitaire. L’utilisation d’additifs, l’artificialisation des recettes, le recours à des ingrédients qui s’apparentent à des « erzatz » (analogues de fromages, arômes artificiels), tout cela ne peut que nuire à l’image des produits.
Ces pratiques sont d’ailleurs en totale contradiction avec le marketing qui ne cesse de faire référence à une prétendue naturalité, au terroir ou à l’authenticité des recettes. Ces contradictions manifestes, ainsi que la réticence de l’industrie agroalimentaire à communiquer sur ses pratiques et ses métiers, ne font qu’accroître la méfiance. Cette situation est d’autant plus difficile à gérer qu’aujourd’hui tout finit par se savoir (du fait des nouvelles technologies de l’information et des réseaux sociaux notamment).
Après un scandale comme celui de la viande de cheval, le secteur peut estimer qu’il s’agit d’une crise de plus et continuer comme avant. Cela revient à considérer que de toute façon les consommateurs finiront par acheter ce qu’on leur propose. Mais peut-on construire un modèle économique créateur de valeur sur la base de la méfiance et du doute ? N’y-a-t-il pas un lien entre l’image négative de l’industrie et la baisse continue de la part consacrée à l’alimentation dans le budget des ménages ?


  • Louis ORENGA, Directeur d’APRIFEL et ancien Directeur du Centre d’information des viandes.

Il est paradoxal de constater qu’en ce début de 21ème siècle les interrogations des consommateurs sont de plus en plus grandes alors que l'information est soi-disant de plus en plus accessible. On peut se demander pourquoi plus tout le monde répète qu'il faut s'adapter à la demande des consommateurs ou des citoyens, plus ces derniers ont souvent la perception du contraire.
La mondialisation des échanges, l’élaboration de plus en plus importante des produits, la multiplicité des circuits de distribution ont conduit à l’éloignement de la connaissance naturelle que l'on pouvait avoir des produits par le passé, ce qui a généré des interrogations et des inquiétudes renforcées par la mondialisation de l'information. Parallèlement à ce phénomène, la communication du 20ème siècle a cristallisé les positions, particulièrement à la fin du siècle, en opposant frontalement la publicité émanant des entreprises et des secteurs économiques à l'information qui ne pouvait, par définition, émaner que de la presse ou d'émetteurs en capacité de revendiquer de n'avoir aucun lien avec le domaine économique.
Facteur aggravant en ce début de 21ème siècle, quelle que soit la volonté de donner une information factuelle, la communication est ipso facto qualifiée de publicité si elle est positive et ne dénonce donc pas un risque. On pourrait caricaturer en disant que la mention « train en retard » sur le tableau d'affichage d'une gare est une info, mais celui qui est « à l’heure » relève de la publicité. Encore plus grave est le fait que les mécanismes de communication de notre société moderne ne peuvent que valoriser l'information qui se base sur le désaccord, l'opposition, le conflit. Cela ne serait pas si grave si cela n'était qu’un problème de sémantique. Hélas, la conséquence est que cela met en péril la concertation. En effet, si l'information ne peut pas exister pour démontrer que ceux qui se sont parlés sont arrivés à faire avancer les choses, les personnes et les organisations en présence ne peuvent exister et se valoriser que dans le dissensus. On ne peut donc, par définition, que se retrouver avec un consommateur qui perd le peu de repère qu’il essaye d'acquérir par l'expérience.
La solution ne pourra donc exister que si le duo, rôle de la publicité d'une part émanant du secteur économique et l'information émanant du secteur non économique, évolue.
Cette opposition dans les mécanismes de communication ne peut que conduire à aggraver les conflits dans un monde justement de communication.
La concertation, si souvent demandée par tous, risque aujourd'hui d’exister encore moins qu'il y a vingt ans. En effet, avec l'accroissement de l'information si l'on apprend que deux entités, de domaines de référence différents, se sont vues ou ont juste envisagé de discuter ensemble, alors les mises en cause se déchaînent sur les uns et les autres. Ainsi, tant que ces mécanismes de communication hérités de la fin de notre siècle dernier n'auront pas évolué, les changements étant de plus en plus rapides et générant des peurs réelles ou supposées, issues de vraies problèmes ou de problèmes virtuels, les incompréhensions voire le divorce entre les différents acteurs ne feront que se renforcer, accroissant les interrogations des consommateurs.
La communication doit donc sortir de cette dualité entre publicité et information qui, en fait, organise les oppositions et fait perdre à la communication l’essence même de ce pourquoi elle doit aussi être faite, à savoir permettre à deux entités de se parler et de se comprendre pour construire un projet commun.
Une troisième voie, qui ne relèverait ni de la publicité ni de l'information telle qu'on la connaît aujourd'hui, devrait pouvoir s'installer. Cette communication de type informative devrait permettre justement de mettre en avant les consensus, les accords et avoir auprès de l’opinion une visibilité au moins égale à celle qui est aussi nécessaire lorsque l'on doit dénoncer un risque, un dysfonctionnement ou un désaccord. Sans une réflexion dans ce domaine, qui conduira à s'interroger sur les émetteurs de cette nouvelle communication sur les canaux de diffusion de cette information et sur la transparence de cette dernière, les crises et les incompréhensions ne feront que se développer car, pour terminer sur une notion économique, parler des risques pour certains en matière de communication est toujours plus rentable, plus valorisant pour celui qui alerte et même moins risqué juridiquement que de construire le dialogue et justement prendre le risque de dire que l’on a la volonté de dialoguer et de faire avancer un problème, mais ça c'est de la pub !

  • Bernard CHEVASSUS-AU-LOUIS, Président de l’Observatoire de la qualité de l’alimentation (OQALI)

Trois points importants
  • la défiance vis à vis des experts a conduit à un irréversible retour de l'évaluation profane des risques. Cette évaluation n'est pas quantitative (les citoyens ne disposent pas des informations statistiques) mais qualitative. Il est donc important d'analyser ce que sont les qualités d'un "bon risque" (qui peut être quantitativement fort) et celles d'un "mauvais risque" (qui peut, à l'inverse, être considéré comme faible par les experts).
  • Par rapport à ce retour de l'expertise profane, l'alimentation moderne et les nouveaux risques (listerias, résidus phytosanitaires, OGM, etc.) se caractérise par des risques "imperceptibles", qui défient donc ces capacités d'expertise individuelle et conduisent à une "socialisation" de l'inquiétude.
  • il faut se garder de penser toutes les situations en termes de risques et s'acharner à garantir le risque zéro (ou à clamer qu'il n'existe pas). Les citoyens ne demandent pas le risque zéro mais le "mépris zéro" (voir le cas récent de la viande de cheval), ce qui ouvre peut être de nouvelles pistes pour restaurer la confiance.

  • Gérard PASCAL, Membre de la section VIII de l'Académie d'agriculture de France

Il ne m’appartient pas de m’exprimer sur la perception des consommateurs, d’autres intervenants sont bien plus qualifiés que moi pour le faire. Je souhaite simplement apporter l’éclairage d’un chercheur, nutritionniste et toxicologue, qui a aussi exercé des activités d’expertise pendant 35 ans. C’est donc un témoignage qui va à l’évidence manquer d’objectivité.
Mon premier constat est celui d’un grand succès : dans un premier temps, les nutritionnistes ont parfaitement réussi, à juste titre, à persuader le citoyen de l’importance de son alimentation en matière de préservation d’un bon état de santé et de prévention de l’apparition des pathologies majeures qui nous menacent.
Le second est celui d’une incapacité totale à persuader ce citoyen de la multiplicité des solutions possibles pour atteindre cet objectif de prévention. Le consommateur a été livré à la cacophonie des discours d’une multitude d’acteurs prétendant tous détenir la vérité et recommandant souvent, soit une alimentation sur ordonnance soit des remèdes de gourous. Son anxiété n’a fait que croître face à la multitude des choix qui lui sont proposés. L’éducation à l’alimentation a été délaissée au profit d’une soit disant éducation nutritionnelle déconnectée de la réalité de la production des matières premières agricoles et de leur transformation culinaire ou industrielle. Le développement de nos sociétés urbaines n’y est pas non plus étranger. Nous sommes ainsi passé d’une connotation positive à une méfiance généralisée.
Au cours des 30 dernières années, la méfiance à l’égard des scientifiques, de la science et de la technologie n’a fait que croître. Les scientifiques, les universitaires les plus sérieux et honnêtes sont de plus en plus considérés comme inféodés aux industriels et accusés d’être incapables d’impartialité, ôtant toute valeur à leurs avis. Par contre, les « lanceurs d’alerte », les opérations médiatiques scientifiquement les plus lamentables trouvent un écho de plus en plus large et bienveillant dans les médias et …dans les milieux des décideurs, en particulier politiques (et je ne fais pas de politique politicienne !).
Beaucoup de ces décideurs n’informent pas complètement les citoyens sur les raisons de leurs choix en matière de sécurité sanitaire et se refusent à faire clairement la part entre les avis scientifiques émanant de collectifs mis en place par leurs soins et les multiples raisons sociales, économiques, écologiques, éthiques … qui peuvent justifier leurs décisions de gestion des risques qui s’écartent sensiblement de ces avis. Je ne peux que souligner la position française qui consiste à mélanger les genres : c’est le directeur de l’AFSSA puis de l’ANSES qui signe les avis qui ne sont pas toujours l’exact transcription des avis d’experts ; le HCB est organisé en deux comités, l’un scientifique, l’autre économique et social et l’on ne sait pas qui a exprimé tel ou tel point de vue quand le sujet est brulant. De plus les comités scientifiques des deux instances font double emploi dans le domaine de l’évaluation des risques sanitaires des OGM. N’est-ce pas de nature à troubler le citoyen ? Et puis qu’il est agréable de vouloir donner des leçons au monde entier en adoptant des positions «originales» souvent indéfendables !
Note pays s’est doté, il y aura bientôt 30 ans, d’une structure unique dans le monde à l’époque, le CNA, qui permet à tous les acteurs de la chaîne alimentaire de dialoguer et de rechercher le consensus dans tous les domaines. Plus de 70 avis ont fait l’objet de ce consensus, or qui en a connaissance dans la population ? Un exemple particulièrement éclairant est celui de l’excellent avis à mon sens, émis en décembre 2011 sur les PAT et dont je n’ai pas entendu parler récemment à l’occasion de la décision prise par Bruxelles au sujet de leur utilisation en alimentation des poissons. Pourquoi vouloir à tout prix activer des débats soit disant démocratiques à grand renfort de médias, alors que la démocratie s’exerce dans ce parlement de l’alimentation. Redonnons lui la place qu’il mérite et qui s’impose en cette période de gros temps; sa représentativité, en fait une instance difficilement manipulable par quelque acteur que ce soit.

Même question à tous : quelle est, à votre avis, la principale mesure à mettre en œuvre aujourd’hui pour rétablir la confiance du consommateur dans son alimentation ?


15h45 - Deuxième Table ronde – Quelles sont les actions mises en œuvre par les pouvoirs publics et les acteurs privés pour garantir la sécurité sanitaire des produits alimentaires livrés aux consommateurs, que peut-on mettre en place ?

Modérateur – Bernard CHEVASSUS-AU-LOUIS, Président de l’Observatoire de la Qualité de l’Alimentation

Quelles sont les actions mises en œuvre par les acteurs pour garantir la sécurité sanitaire des produits alimentaires livrés aux consommateurs ? Quelle est la principale mesure à mettre en œuvre aujourd’hui pour rétablir la confiance du consommateur dans son alimentation ?
  • Sandrine BIZE, chef du Département Hygiène, Sécurité, Qualité et Environnement à la CGAD
La Confédération générale de l’alimentation en détail (CGAD) est l’organisation interprofessionnelle représentative des métiers de l'artisanat et du commerce alimentaire de proximité et de l'hôtellerie-restauration.
La CGAD représente plus de 300 000 entreprises, générant un chiffre d'affaires de plus de 95 milliards d'euros chaque année et employant plus de 1,1 million d'actifs dans 18 métiers (Boucher - Charcutier, Boucher chevalin, Boulanger, Charcutier - Traiteur, Chocolatier - Confiseur, Crémier – Fromager, Détaillants en Fruits et Légumes, Epicier, Glacier, Hôtelier – Cafetier – Restaurateur, Pâtissier, Pizzaiolo, Poissonnier, Tripier).
Ce sont des entreprises de proximité implantées aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural qui entretiennent avec leur clientèle un lien social et qui dialoguent avec eux (information en direct…).

Les Métiers de l’Alimentation se sont investis depuis plusieurs années déjà sur le terrain de la maitrise de la qualité sanitaire. En effet, dès la sortie de la directive 93/43 qui a marqué un tournant en matière de règlementation « hygiène » en fixant avant tout des obligations de résultats aux professionnels, la CGAD et ses organisations professionnelles ont décidé de rédiger des guides de bonnes pratiques d’hygiène basés sur une démarche HACCP collective. Ces guides validés par les autorités compétentes sont là pour aider les entreprises à satisfaire leurs obligations réglementaires en matière d’hygiène.
Pour suivre l’évolution des pratiques professionnelles et prendre en compte l’arrivée du Paquet hygiène, non seulement d’autres guides sont en cours de rédaction mais les guides anciennement validés subissent une réactualisation pour intégrer, par exemple, les notions de plan de maitrise sanitaire, de traçabilité, de gestion des non conformités ou pour intégrer des outils d’auto-contrôle (contrôle à réception, contrôle des températures, analyses microbiologiques…). Ces guides expertisés par l’Anses s’accompagnent de formations des chefs d’entreprise et de leurs salariés.

Par ailleurs, la création de l’Observatoire de l’alimentation, dans lequel la CGAD est impliquée en particulier sur le volet sanitaire, doit conduire à une communication par les pouvoirs publics vers les consommateurs sur la qualité sanitaire « réelle » de l’alimentation en France qui reste satisfaisante et a progressé au fil du temps malgré l’impression contraire qu’en ont les consommateurs. Il faut une communication publique rassurante qui montre les efforts réalisés par la filière

  • Catherine CHAPALAIN Directrice générale de l’ANIA
Nous vivons dans un monde de paradoxes :
  • Notre monde est plus sur, et pourtant, il y a une augmentation des peurs, notamment alimentaires, avec une amplification des risques liés à l’alimentation, par rapport à la réalité et une surmédiatisation.
  • Alors qu’il y a quarante ans l’alimentation moderne était valorisée, elle est aujourd’hui synonyme de danger.
  • Alors que les produits alimentaires n’ont jamais été aussi surs, il y a une perte de confiance du consommateur.
  • Alors qu’à l’étranger, notre modèle alimentaire et les produits alimentaires ont une très belle image, en France, ils sont trop souvent critiqués.
  • Dernier paradoxe, celui qui oppose le français consommateur – à la recherche du prix toujours plus bas - au français producteur, qui veut maintenir son emploi et voir sa rémunération augmenter : la qualité a un coût…..
Quel est l’enjeu pour l’ANIA, dans ce contexte compliqué ? Restaurer la confiance du consommateur. Il s’agit clairement d’un enjeu de compétitivité pour les entreprises de l’alimentaire.
Quelles sont les actions que nous mettons en place ?
  • L’alimentation-santé est la première priorité de l’ANIA. Nous travaillons autant sur les aspects de qualité et de sécurité que sur le volet nutritionnel.
  • Dans le domaine de la nutrition, nous avons recensé plus de 300 démarches de progrès, réalisées par les entreprises et les professions, en matière d’optimisation nutritionnelle, d’éducation et d’information du consommateur, de communication responsable et de programmes de recherche. Nous soutenons dans ce cadre le Fonds français pour l’alimentation et la santé.
  • En matière de sécurité sanitaire, nous avons en Europe la réglementation la plus sévère au monde, qui nous impose de mettre sur le marché des denrées saines et sûres, avec des obligations en matière de résultat et de traçabilité…. Et nous accompagnons les entreprises avec des outils d’application pratiques.
  • Pour restaurer la confiance du consommateur, nous avons également adopté une doctrine professionnelle qui encourage la communication positive sur les produits et encadre strictement la communication péjorative. Le « sans » ne doit pas être un argument de vente.
  • Enfin, nous allons lancer une campagne de valorisation autour de 2 idées fortes, la qualité et la sécurité des aliments et la « trame alimentaire », avec un parti-pris de transparence.
Notre objectif est bien de recréer de la valeur autour de l’alimentation, de « ré enchanter l’alimentation ».
  • Marc AUCLAIR, Directeur marketing d’United Biscuits France
(Texte à venir)
  • Jérôme BEDIER, Secrétaire général du groupe Carrefour
  • Gérard LALOI, Président de la Commission « Alimentation » de la Société des agriculteurs de France (SAF)
Baisser les coûts à tous prix… et en payer le prix !

Vivons-nous une nouvelle crise alimentaire sanitaire ? Après les risques pour la santé du prion avec la vache folle, de la dioxine, de la listéria, de la mélamine… connaissons-nous aujourd’hui avec le scandale de la tromperie sur la viande de bœuf un empoisonnement à large échelle potentiellement grave ? Non ! Nous parlons là d’une « simple affaire » de substitution de viande, frauduleuse certes, mais sans conséquence aucune pour la santé… Une innocuité d’ailleurs reconnue par les pouvoirs publics eux-mêmes avec leur autorisation donnée de distribuer les produits incriminés aux organisations caritatives !

→ Et pourtant, notre chaine alimentaire se trouve confrontée à la pire crise jamais endurée par tous les acteurs concernés : la perte de confiance, alors même que les progrès réalisés lors de ces dernières décennies n'ont jamais garanti une telle sécurité en matière d'alimentation (contrôles sanitaires exigeants de fiabilité, traçabilité d'une performance exceptionnelle…). En fait plus, peut-être que la fraude, que le bon sens du consommateur peut comprendre sans l’admettre, c'est l’extraordinaire complexité du circuit agri-agroalimentaire, qui avec de mauvais relents de mondialisation et de finances malsaines, sème un trouble profond chez les citoyens. Le doute naît de la mise en lumière de ce dédale tortueux générateur de toutes les incompréhensions d’abord, de toutes les suspicions ensuite !

→ Voilà le vrai risque, ce climat purulent, qui exige notre examen de conscience et requiert notre réflexion. N’avons-nous pas finalement oublié les principes ? A l’origine, le fameux « triangle d’or », qualité organoleptique, équilibre nutritionnel, garantie sanitaire, se travaillait pour démontrer la validité d’un prix, d’un coût, d’un investissement, matériel pour nos industries, immatérielle pour nos marques. Progressivement, le « socle » s’est retourné : le prix, d’argument à justifier est devenu le cadre de référence incontournable dans lequel doivent s’insérer les critères de qualité. Le fameux principe « d’analyse de la valeur » des années 80 : « à coût égal, comment augmenter la qualité », s’est insidieusement mué en : « à qualité égale comment baisser les coûts »; avec les risques et les tentations qu’une telle démarche peut susciter.

Retrouver la confiance du consommateur exige à tous les stades de la chaîne alimentaire, et en commun : de l’humilité (acceptons le diagnostic), de la détermination (faisons bouger ensemble les lignes du paradigme qualité/prix), de la patience et enfin et surtout la réaffirmation d’une attitude profonde pour remettre le produit au centre de notre vocation : le plaisir de nourrir !

→ Le Haut Comité à la Réputation Alimentaire, recommandé par notre think tank SAF-agriculteurs de France pour rassembler tous les acteurs au service de ce projet, trouve plus que jamais sa nécessaire raison d'être.

→ Dans la même lignée, le futur Colloque « Pourquoi une éthique alimentaire ? » organisé par la SAF et Valeurs Vertes le 18 avril 2013 au Parlement Européen de Strasbourg réunira personnalités politiques et acteurs de la chaîne.

  • Jacques ROUX, Président du Syndicat National de la Restauration Collective (SNRC).
La restauration collective fait face à un double défi quotidien : conserver la confiance de ses clients (donneurs d’ordre) et des convives, à qui nous servons 8 millions de repas par jour.
Elle se différentie des autres formes de restauration par des obligations réglementaires strictes qui sont autant de points de vigilance et de sensibilité utiles :
• L’obligation de fournir des repas équilibrés : le respect du « contrat » est au cœur de la confiance. A l’école, l’hôpital, dans les maisons de retraite ou l’entreprise, ce repas représente souvent le seul repas équilibré de la journée.
• La garantie d’un prix dit « social » : le challenge de la restauration collective c’est de conserver un niveau de vigilance très élevé sur la qualité et la traçabilité tout en pratiquant des prix très modérés pour permettre au plus grand nombre de bénéficier de ses prestations.
• Les exigences fortes en matière de sécurité́ alimentaire et sanitaire : du fait de la fréquence et de la récurrence de la consommation, de la taille de certains services mais aussi parce que de nombreux secteurs de la restauration collective concernent des convives en situation de fragilité.
Face à cela, l’attente des consommateurs est une information loyale, fiable et vérifiable :
• Notre première priorité est de garantir la santé publique, la sécurité de la consommation, avec une politique de transparence sur les contrôles, internes et externes.
• De plus en plus, les consommateurs s’interrogent sur la loyauté des produits que nous leur servons. D’où deux propositions très concrètes :
1- opérer nous-mêmes des contrôles par sondage sur les produits qui nous sont livrés,
2- exiger auprès des distributeurs et des producteurs la garantie que les produits livrés sont bien ceux commandés – et que cette garantie emporte leur responsabilité.