Affichage des articles dont le libellé est fermentation. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est fermentation. Afficher tous les articles

mardi 26 septembre 2023

La merveilleuse histoire du sotolon.

Sotolon, qu'est que cet animal étrange ? 

Ce n'est pas un animal mais un composé, une lactone, c'est-à-dire un composé dont les molécules comprennent des atomes groupés en cycle pentagonal, avec quatre atomes de carbone et un atome d'oxygène ; sur ce cycle, s'attachent des groupes moléculaires variés. 

Le sotolon a une odeur puissante, qui dépend de sa concentration. Selon les cas, on sent (dans le désordre) la noix, la levure, le curry, le vin jaune, le porto, la brioche, le champagne, le fenugrec... 

De fait, il est présent dans tous ces produits, notamment, et il fut découvert il y a quelque années qu'il est également présent dans le vin jaune : ce composé semble produit par l'autolyse des levures, la dégradation de ces dernières qui survient quand elles meurent. 

Pas étonnant, alors, qu'on le trouve dans le pain, la brioche, le champagne, etc., puisque des levures meurent dans tous ces aliments et boissons. 

Cette observation est une clé pour le praticien : plus il mettra en œuvre de levures qui mourront, plus il favorisera la production de ce goût merveilleux qui est celui du sotolon. Une brioche ? Faisons la fermenter, puis, quand la fermentation s'arrête, rabattons la pâte, c'est-à-dire travaillons la afin que les levures restantes se retrouvent au contact de nutriments frais, et que le gonflement se produise une deuxième fois. J'ai dit deuxième et non seconde, parce que l'on aura compris qu'il n'est pas inutile de battre à nouveau afin de favoriser une troisième fermentation, une quatrième, etc. Et c'est ainsi que les pâtes fermentées prendront un goût merveilleux, pas réductible au sotolon, mais où celui-ci jouera une partie essentielle.

lundi 17 octobre 2022

Brioches, et autres produits de fermentation


C'est amusant de voir que des choses que l'on a déjà expliqué par le passé mérite de l'être encore. Amusant mais pas surprenant car il serait insensé de penser que l'on a déjà parlé à tous.

Et c'est ainsi que de jeunes cuisiniers m'ont interrogé hier à propos de fermentation et de confection de brioche.

Dans une pâte à brioche, il y a de la farine, de l'eau, du beurre et éventuellement du sucre. Mais il y a aussi des levures, qui ont été apportées soit à partir de levure fraîche de boulanger, soit à partir de levure lyophilisée.
Je m'arrête pour observer que le mot "levure", ici au singulier, est mal employé, car le bloc mou du boulanger, comme les particules sèches du produit d'épicerie, sont faits de très nombreuses "levures", micro-organismes bien évidemment invisibles à l'oeil nu.

Quand ces levures sont en présence d'eau et de nutriments, à une température "confortable" (les mêmes que celles que nous apprécions), alors elles se développent,  car on oublie pas que ce sont des organismes vivants.
Mieux, ces organismes vivants là ont la particularité, quand ils se développent, de rejeter un gaz qui est le dioxyde de carbone.
Et quand ces bulles de gaz sont engendrées à l'intérieur de la pâte à brioche, alors cette pâte se met à gonfler.

Et c'est ainsi que, traditionnellement, on produit la brioche :  on ensemence de la pâte avec des levures, on laisse gonfler, puis on rabat, ce qui signifie que l'on retravaille la pâte ; on laisse à nouveau gonfler, et l'on cuit,  ce qui fige la brioche dans son état gonflé. D'ailleurs il faut ajouter que, pendant la cuisson, de la vapeur d'eau peut  être évaporée, venant augmenter encore le volume de la brioche.

Évidemment, aux températures élevées qui sont atteintes dans une brioche, les levure sont tués, laissant divers composés qui donnent du goût à la préparation, tel le sotolon, un composé que l'on trouve également dans le champagne... où il y a également des levures qui meurent.

Les levures ? Des usines à dioxyde de carbone, pour faire gonfler les aliments.

mardi 14 janvier 2020

La pizza : avec une pâte fermentée ou non ?


La pâte à pizza, c'est véritablement très simple, puisqu'il s'agit seulement de faire une pâte en malaxant de la farine et de l'eau, éventuellement avec un peu d'huile d'olive et du sel ; puis on étale  en couche mince avant de déposer par-dessus une garniture. On cuit et l'on obtient un résultat qui est déjà assez satisfaisant.




Mais il y a un grand débat à propos de cette pâte :  faut-il la fermenter avant la cuisson ? La fermentation n'est pas une opération très difficile à conduire aujourd'hui, puisqu'il suffit  de mettre, dans l'eau que l'on mêle à la farine, un peu de levure, c'est-à-dire des cellules vivantes qui ont la capacité de se multiplier, ce qui signifie qu'une cellule en fait deux, puis que chaque nouvelle cellule en fait à nouveau deux, et ainsi de suite... tout en produisant  un gaz qui a pour nom dioxyde de carbone. Ce gaz forme des bulles et c'est son accumulation qui fait gonfler la pâte.

Avec cette image, il semblerait qu'il n'y ait qu'une question de volume, de consistance, et c'est la raison pour laquelle beaucoup pensent que la fermentation est inutile : les nans indiens ou les  pains arabes ne gonflent-ils pas à la cuisson sans qu'il soit nécessaire d'opérer une fermentation ?

Oui mais

Oui mais toute personne qui aura déjà testé une fermentation et  aura mis son nez au-dessus de la masse qui fermente  aura  facilement  perçu une odeur merveilleuse, alcoolisée, complexe :  c'est que la fermentation ne se limite pas à la production de dioxyde de carbone, mais s'accompagne également de la libération d'une foule de composés organiques qui ont possiblement de l'odeur et de la saveur.

Et c'est ainsi qu'une pizza dont la pâte a été fermentée a  un goût extrêmement différent d'une pizza où l'on s'est contenté d'aplatir de la pâte et  de cuire !

lundi 11 novembre 2019

Je vous présente l'éthanol

Je viens de comprendre que je n'explique parfois pas suffisamment. Considérons l'exemple de l'éthanol, dont je me suis souvent limité à dire que c'était l'alcool des eaux-de-vie ou du vin. Je ne suis pas sûr que cette indication suffise à bien faire comprendre, et  je me demande s'il n'est pas préférable de créer un faisceau d'informations qui constitue progressivement le dossier dont on a besoin.

L'expérience fondatrice, pour ce qui concerne l'éthanol, c'est la distillation, et, mieux, la distillation d'une solution sucrée qui aurait fermenté.  Mais il y a pour l'instant trop de syllabes pour que ce soit compréhensible, et le recours à l'expérience, réelle ou décrite, s'impose.

Commençons donc par prendre de l'eau, et dissolvons-y du sucre.
Regardons au microscope : nous ne voyons rien, le sucre étant dissous, et la solution formée étant transparente.
Puis ajoutons un peu de levure, ce que l'on achète chez le boulanger sous forme d'une espèce de pâte très friable. On agite un peu pour disperser la pâte dans  la solution sucrée... et cette fois, si l'on regarde au microscope, on voit de  petites formes rondes, qui flottent dans l'eau. Si nous sommes patients, nous les voyons libérer des bulles de gaz, grossir et se diviser en deux. En effet,  les levures sont des organismes vivants, unicellulaires puisque réduit à une sorte de sac vivant. Laissons-les  s'activer un moment, en protégeant   le récipient des courants d'air ;  puis, à titre expérimental, posons une allumette enflammée juste au-dessus du liquide  : l'allumette s'éteint, alors qu'elle resterait allumée si on la mettait au-dessus d'une solution d'eau et de sucre. C'est l'indication que le gaz formé par les levure me permet pas la combustion et, de fait, ce gaz est du dioxyde de carbone.
Si nous goûtons la solution, nous constatons  qu'elle est alcoolisés. Filtrons pour éliminer les levures... et nous récupérons une solution parfaitement transparente au microscope : les molécules qui donnent ce goût alcoolisé, comme les molécules qui donnaient la saveur sucrée, sont bien  trop petites pour être visibles avec un microscope.

Faisons donc différemment : distillons.


En pratique, c'est tout simple, puisqu'il suffit de chauffer et de conduire ensuite les vapeurs dans un système qui les refroidit, les recondense en un  liquide. Si nous laissons refroidir ce liquide distillé et que nous le goûtons, nous n'avons plus aucune saveur sucrée, mais, en revanche, il y a un goût brûlant, alcoolisé, comme pour une vodka très forte.
Cette fois, la solution est quasi exclusivement composée de molécules d'eau et de molécules d'éthanol, de l' "alcool" qui a été formé par la fermentation du sucre  par les levures.
Distillons à nouveau le distillat, et sa teneur en alcool augment. Bien sûr, il reste un peu d'eau, mais qu'importe :  le produit que nous avons obtenu,  c'est ce qui fut nommé de l'alcool.
Pourquoi avons-nous évoqué l'éthanol, et parler maintenant d'alcool ? Parce que d'autres procédé conduisent à des composés très voisins de celui que nous venons de préparer. Par exemple, quand on chauffe du bois à sec, on obtient un autre alcool qui a pour nom méthanol, ce que l'on nommait naguère esprit de bois, alors que l'alcool obtenu par fermentation était nommé esprit de vin.
Quand la chimie progressa et qu'elle découvrit l'existence des atomes et des molécules, vers la fin du 19e siècle, les chimistes arrivèrent progressivement à comprendre que l'eau est faite de molécules d'eau, des objets résultant de l'assemblage d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogène. Ils comprirent  aussi que les molécule d'éthanol était faites d'un premier atome de carbone liés à trois atomes d'hydrogène et lié à un autre atome de carbone, qui est  lui-même lié à deux atomes d'hydrogène et a un atome d'oxygène lié un atome d'hydrogène. Le méthanol, lui, est d'un seul atome de carbone lié à trois atomes d'hydrogène et à un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène. Progressivement, les chimistes comprirent que la liaison d'un atome de carbone à un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène donnait des propriétés chimiques particulières, et les composés ayant ces propriétés (et cette constitution chimique) furent nommés "alcools".

Mais pour revenir à nos vins ou eaux-de-vie, ce sont des solutions aqueuses qui contiennent des teneurs différentes en cet alcool particulier qu'est l'éthanol : il y en a un peu plus de 10 pour cent dans les vins, et environ 40 à 50 pour cent dans les eaux-de-vie (je donne des ordres de grandeur). A noter que l'on dose de l'éthanol dans les fruits ou légumes... mais en très petite quantité.

samedi 2 février 2019

Le bon goût du kougelhopf est dû notamment à un composé "chimique" : le sotolon

Comment faire  un merveilleux kougelhopf ?

 Mais d'abord, un kougelhopf, c'est quoi ? Ne disons pas que c'est une brioche avec des raisins, mais bien plutôt qu'une brioche est comme un kougelhopf privé de ses raisins et cuite dans un moule simplet.



Très de plaisanterie : la question, c'est d'abord le goût, et le goût de la brioche ou du kougelhopf est un goût "fermenté", très caractéristique. Bien sûr, il y a dedans le goût de l'oeuf ou du beurre, mais quand même, la fermentation fait apparaître un goût caractéristique...  que l'on retrouve dans le champagne !
Faut-il s'étonner de cette parenté ? Pas sûr : le champagne, pour devenir effervescent, est additionné de levures, dont on se débarrasse finalement, quand elles sont mortes, en tournant les bouteilles jour après jour, le col en bas, avant de congeler et de "dégorger".
Or les levures qui meurent libèrent un petit "furanone" (pour ceux qui sont intéressés, voir ci dessous), un composé qui a un fort goût de noix, curry, fenugrec, vin jaune... et qui a pour nom "sotolon". D'ailleurs, dans les tonneaux de vin jaune, les micro-organismes qui forment un épais voile à la surface du vin tombent au fond du tonneau, et libèrent ce sotolon. Et ce sotolon, à faible concentration, a un goût de brioche.

D'où une idée pour faire apparaître ce goût merveilleux : favoriser la mort des levures, et leur multiplication.

Ordinairement, la recette est la suivante : dans 500 g de farine, ajouter 200 g de beurre, 100 g de sucre, 2 œufs, ¼ de litre de lait où l'on a mis un sachet de levure, du sel.
On commence par bien mélanger tout cela, et l'on couvre d'un torchon (propre) avant de mettre sur un radiateur en hiver ou au soleil en été.
La masse fermente, gonfle. A ce stade, les recettes classiques préconisent de mettre dans le moule avec les raisins secs, d'attendre une second fermentation, et de cuire.
Mais ainsi, on n'aurait que peu de sotolon, et peu de goût. Je préfère donc, après le premier gonflement, rabattre la pâte et la remettre à fermenter.
Pendant ce temps, je mets 50  à  100 g de raisins sec à gonflé dans du kirché, en faisant bouillir une fois (à couvert), puis en laissant reposer. Puis, après la deuxième fermentation, je rabats à nouveau, et ainsi de suite quatre fois, cinq fois, six fois...
Bon, viendra bien le moment où il faut ajouter les raisins à la pâte, à mettre le tout dans le moule à kougelhopf beurré et sucré, à attendre la dernière fermentation, puis à cuire à 180 degrés pendant 50 minutes.
Moi, j'attends que le kougelhopf refroidisse à la sortie du four, je démoule et j'arrose avec un sirop que je fais à partir du liquide où j'ai fait gonfler les raisins.
Sans oublier, bien sûr, de saupoudrer au dernier moment avec du sucre de glace.


NB. Bien sûr, au vingt-et-unième siècle, pourquoi ne pas mettre directement du sotolon dans la pâte sans attendre tant de fermentations ?


PS. La formule chimique du sotolon : les atomes de carbone sont notés C, les atomes d'hydrogène H, les atomes d'oxygène O ;  tous les atomes de carbone ne sont pas indiqués : là où une barre noire s'achève, il y en a un.

dimanche 14 janvier 2018

Fermentation, cuisson, coction

Ce matin, une question :

"En tant que dénaturation des fibres et/ou protéines, la fermentation, à l'instar de la choucroute, est-elle une coction ?"

D'abord un point sur le mot "coction", que nous avons proposé à l'Académie française au tout début de ce séminaire, dans les années 2000. Il s'agissait de nommer des techniques culinaires analogues à la cuisson, mais où l'apport n'est pas thermique, comme dans les poissons à la tahitienne, où la chair de poisson est placée dans du jus de citron.

Cela concernait les tissus animaux, mais sur les tissus végétaux ? La cuisson, dans ce cas, a pour principal effet de dégrader les pectines par une réaction d' "élimination bêta", qui est en réalité une "hydrolyse" : les pectines sont des polysaccharides, c'est-à-dire de longs enchaînements de petits "sucres", et l'élimination bêta correspond au fait de détacher progressivement ces sucres de la chaîne. Comme les pectines sont comme des cables entre les "piliers" que sont les molécules de cellulose, entre des cellules voisines, l'élimination bêta a pour effet de d'affaiblir le "ciment" entre les cellules, de sorte qu'elles peuvent se séparer. D'où la possibilité d'écraser à la fourchette un légume cuit, pour faire une purée.




De ce fait, la question posée par mon correspondant peut s'interpréter comme suit : peut-on trouver des procédés qui vont faire la même action que la cuisson ?
Clairement des enzymes qui couperaient les pectines (des pectinases) pourraient avoir un effet. L'acidité ? L'exemple des cornichons au vinaigre montre que ce n'est pas le cas, puisque les cornichons longuement conservés ainsi ne s'amollissent guère.
La fermentation ? Il y en a de très nombreuses, et l'on connaît ces attaques par des moisissures où des carottes (par exemple) finissent quasi liquéfiées... mais ce n'est guère appétissant.

 Un mot, enfin, à propos de protéines et de "fibres". Les protéines, ce sont des polymères, des sortes de chaînes microscopiques avec de nombreux maillons, ces derniers étant des résidus d'acides aminés.
Dans les viandes et dans les poissons, le tissu musculaire est composé d'eau et de protéines, ces dernières étant dans des sacs allongés nommés "fibres musculaires". L'enveloppe de ces sacs (j'aurais pu écrire "tuyaux" ou "tubes") est ce que l'on nomme le tissu collagénique, et il est fait de protéines particulière de la famille des collagènes.
D'autre part, les molécules de cellulose évoquées précédemment sont aussi nommées des "fibres", mais elles n'ont rien à voir avec les premières. Ce sont des molécules très résistantes, intouchées par la chaleur, comme le prouve le lavage d'une chemise en coton (le coton est fait quasi exclusivement de cellulose), même quand on fait bouillir : la chemise n'est pas dégradée. Dans les aliments, il y a des "fibres", comme le montre l'expérience qui consiste à faire un jus de carottes à l'extracteur de jus : le résidu solide est de la cellulose. Et cette dernière n'est pas digestible, sauf à fermenter... ce qui engendre des flatulences.


Bref, la question de notre ami a été discutée, et je suis prêt à repartir sur des bases saines, s'il le souhaite.











Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

jeudi 23 février 2017

Jeudi 23 février 2017

Aujourd'hui, deux billets, déjà

- sur le blog "note à note", le menu servi hier à 1000 personnes par les équipes du traiteur Lenôtre


- un billet qui discute les questions de fermentation, de coction et de cuisson http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2017/02/fermentation-coction-cuisson.html