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mardi 22 mars 2022

Loyauté

 
Quand on veut aider les amis à bien comprendre, il s'agit d'être clair et d'utiliser des mots loyaux, sans ambiguïté.

Dans un tweet récent, j'avais signalé que la terminologie "levure chimique" me semblait déloyale ou fautive, et je proposais de l'interdire, mais mon message a suscité une discussion avec des correspondants qui disaient en substance que, au fond ce n'était pas si grave.

Je n'ai pas dit que c'était très grave, mais j'ai observé que
1. cela n'aidait pas mieux comprendre
2. quand il y a des possibilités de confusion, nos amis confondent et rencontrent des difficultés
3. les commerçants sans scrupule utilisent les confusions pour leurs agissements répréhensibles.

D'aillerus,  je vois dans le milieu culinaire des confusions d'un genre tout à fait analogue à propos de gélatine et d'agents gélifiants.
La gélatine, c'est un agent gélifiant parmi d'autres, d'origine animale exclusivement. Il y a d'autres agents gélifiants extraits des plantes ou des algue,s mais ce ne sont pas des gélatine  : ce sont des agents gélifiants.

J'insiste :  chaque fois qu'il y a une confusion, il y a des malhonnêtes qui s'en empare pour tromper ceux à qui ils vendent leurs produits, et voilà pourquoi je crois tout à fait importante la loi de 1905 qui revendique que les produits soient loyaux   : si c'est du bœuf, ce n'est pas du cheval.

Les confusions précédentes, entre levures, levure de boulanger et poudre levante,  ou entre gélatine et agents gélifiants sont en réalité tout à fait analogues à la confusion entre boeuf et cheval  :  il s'agit de viande dans les deux cas, mais le prix n'est pas le même !

Bref,  on n'aura  jamais raison de supporter des confusions quand on est capable de pas les faire, et nous avons un devoir, si nous comprenons bien, d'éclairer nos amis.

lundi 21 mars 2022

A propos de pizza

 

Un des problèmes des professeurs,  c'est que, quand on a bien compris quelque chose,  éventuellement grâce à des enseignements qu'on a dispensé, alors on devient moins capable de bien se souvenir des raisons pour lesquelles il a pu sembler difficile d'avoir soi-même l'information qu'on a transmise.

Et je crois qu'on a tout intérêt à ne jamais hésiter à dire des choses simples, car on peut toujours espérer rendre service à certains.

En outre, en disant des choses que l'on sait déjà, on a la possibilité de bien s'arrêter sur chaque élément d'information que l'on transmet pour s'assurer que l'on est soi-même au clair avec toutes les notions.
Aujourd'hui, pour une chaîne de télévision, je dois expliquer la fermentation des pizzas, et je vais donc faire l'expérience qui consiste tout simplement à mettre de la levure dans de l'eau additionnée de farine, éventuellement avec du sel et du sucre, afin de montrer le dégagement gazeux qui correspondra à la production de dioxyde de carbone par les levures.

Il faudra que je prenne soin de bien distinguer la levure de la poudre levante.
Il faudra que je prenne soin de bien dire que la  "poudre levante" n'est pas de la levure, mais  un agent levant, qui  n'aurait jamais dû être autorisé à être nommé "levure chimique".

Il faudra expliquer que les levure sont des êtres vivants, unicellulaires, c'est-à-dire réduit à une seule cellule, et qui, pour vivre, consomment du sucre et produisent ce gaz qu'est le dioxyde de carbone et que l'on voit former des bulles.

Tout cela, il va falloir le dire lentement, car je sais que même dans des milieux professionnels, il y a des confusions, par exemple entre poudre levante, levure chimique ou levure.

Il y a là une question de concepts, de mots, et il faudra s'arrêter à ces derniers, lentement, tranquillement.
Et c'est ainsi que l'on aura rendu service.


samedi 2 février 2019

Le bon goût du kougelhopf est dû notamment à un composé "chimique" : le sotolon

Comment faire  un merveilleux kougelhopf ?

 Mais d'abord, un kougelhopf, c'est quoi ? Ne disons pas que c'est une brioche avec des raisins, mais bien plutôt qu'une brioche est comme un kougelhopf privé de ses raisins et cuite dans un moule simplet.



Très de plaisanterie : la question, c'est d'abord le goût, et le goût de la brioche ou du kougelhopf est un goût "fermenté", très caractéristique. Bien sûr, il y a dedans le goût de l'oeuf ou du beurre, mais quand même, la fermentation fait apparaître un goût caractéristique...  que l'on retrouve dans le champagne !
Faut-il s'étonner de cette parenté ? Pas sûr : le champagne, pour devenir effervescent, est additionné de levures, dont on se débarrasse finalement, quand elles sont mortes, en tournant les bouteilles jour après jour, le col en bas, avant de congeler et de "dégorger".
Or les levures qui meurent libèrent un petit "furanone" (pour ceux qui sont intéressés, voir ci dessous), un composé qui a un fort goût de noix, curry, fenugrec, vin jaune... et qui a pour nom "sotolon". D'ailleurs, dans les tonneaux de vin jaune, les micro-organismes qui forment un épais voile à la surface du vin tombent au fond du tonneau, et libèrent ce sotolon. Et ce sotolon, à faible concentration, a un goût de brioche.

D'où une idée pour faire apparaître ce goût merveilleux : favoriser la mort des levures, et leur multiplication.

Ordinairement, la recette est la suivante : dans 500 g de farine, ajouter 200 g de beurre, 100 g de sucre, 2 œufs, ¼ de litre de lait où l'on a mis un sachet de levure, du sel.
On commence par bien mélanger tout cela, et l'on couvre d'un torchon (propre) avant de mettre sur un radiateur en hiver ou au soleil en été.
La masse fermente, gonfle. A ce stade, les recettes classiques préconisent de mettre dans le moule avec les raisins secs, d'attendre une second fermentation, et de cuire.
Mais ainsi, on n'aurait que peu de sotolon, et peu de goût. Je préfère donc, après le premier gonflement, rabattre la pâte et la remettre à fermenter.
Pendant ce temps, je mets 50  à  100 g de raisins sec à gonflé dans du kirché, en faisant bouillir une fois (à couvert), puis en laissant reposer. Puis, après la deuxième fermentation, je rabats à nouveau, et ainsi de suite quatre fois, cinq fois, six fois...
Bon, viendra bien le moment où il faut ajouter les raisins à la pâte, à mettre le tout dans le moule à kougelhopf beurré et sucré, à attendre la dernière fermentation, puis à cuire à 180 degrés pendant 50 minutes.
Moi, j'attends que le kougelhopf refroidisse à la sortie du four, je démoule et j'arrose avec un sirop que je fais à partir du liquide où j'ai fait gonfler les raisins.
Sans oublier, bien sûr, de saupoudrer au dernier moment avec du sucre de glace.


NB. Bien sûr, au vingt-et-unième siècle, pourquoi ne pas mettre directement du sotolon dans la pâte sans attendre tant de fermentations ?


PS. La formule chimique du sotolon : les atomes de carbone sont notés C, les atomes d'hydrogène H, les atomes d'oxygène O ;  tous les atomes de carbone ne sont pas indiqués : là où une barre noire s'achève, il y en a un.