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dimanche 15 novembre 2020

Les conclusions essentielles du rapport de l'Académie d'agriculture de France, à propos de nitrites et nitrates dans les aliments

 

Les conclusions essentielles du rapport de l'Académie d'agriculture de France, à propos de nitrites et nitrates dans les aliments, sont les suivantes :

  • Aucune publication ne vient confirmer qu’il existe une différence entre charcuteries traitées aux nitrites et charcuteries non traitées en matière de risque de cancer colorectal ;

  • Le CIRC se livre à une caractérisation des dangers et non des risques, c’est-à-dire qu’il ne fait pas la part des différents produits de « viandes transformées » (incluant les charcuteries traitées ou pas) et ne prend pas en compte l’exposition aux nitrites, donc ne peut pas faire une analyse de risques de substances qui ne sont pas génotoxiques ;

  • Les études épidémiologiques et surtout les méta-analyses prennent en compte des produits alimentaires différents dans ce qu’ils qualifient de « viandes transformées », qui, selon les pays et les continents, ont des compositions différentes, qui ont subi divers traitements technologiques et culinaires qui peuvent donner naissance à des composés cancérogènes. Les études qui tentent d’évaluer l’exposition aux nitrites n’observent pas de lien entre nitrites et cancer colorectal ;

  • Devant les attaques médiatiques dont ils sont l’objet, les professionnels de la charcuterie, en France, ont entrepris un travail de réduction de la teneur en nitrites de leurs productions, produit par produit, sur la base d’études expérimentales ayant pour objet de déterminer la limite minimale qui ne fait pas courir de risque microbiologique au consommateur. En aucun cas ils n’imaginent d’en supprimer totalement l’usage sans avoir l’assurance que d’autres pratiques accessibles à l’ensemble des opérateurs assureraient cette sécurité.

lundi 7 septembre 2020

A propos de flammes en cuisine

 Un de ces cuisiniers cathodiques qui a plus une belle gueule (semble-t-il) que de compétences (là, je suis certain) vient de montrer des viandes cuites sur des feux : des flammes insensées venaient lécher la viande, et je propose de bien dire que cette pratique est à la fois idiote et malsaine. 

 Chacun fait bien comme il veut, et l'on sait que la télévision ne brille pas par sa rigueur, mais là, quand même, on verse dans le ridicule, l'incohérent, l'incompétent et le dangereux. 

Lorsque j'étais directeur scientifique de l'émission Archimède, sur Arte, j'avais organisé avec mes collègues de l'INRAE de Toulouse une expérience de dosage des benzopyrènes dans des saucisses que nous faisions griller au barbecue.
1. Avec la grille au-dessus des braises (sans flamme parce que chacun sait que ces dernières déposent des composés toxiques), nous avions vu et montré (le dosage était filmé et expliqué par mes collègues) que la pratique déposait des quantités notable de benzopyrène cancérogènes.
2. Puis nous avons montré que ces quantités étaient divisées par 10 quand on montait la grille de 5 cm.
3. Et elles n'étaient plus mesurables quand la viande était cuite devant le feu et non dessus. 


Car  je rappelle que les rayonnements infrarouges se propagent tout aussi bien latéralement que verticalement : la lumière n'est pas sensible à la gravité. D'autre part, on aura raison de signaler que toute flamme conduit à la production de composés cancérogènes, qu'elle vienne d'un barbecue, du gaz d'un chalumeau, etc. 

Non seulement le goût est répugnant, mais, de surcroît, les composés produits sont dangereux. Certes, on peut manger un barbecue de temps en temps, mais on n'oubliera pas que les populations du nord de l'Europe souffrent massivement de cancers digestifs, dus à la fumée. 


Bref, rien ne vaut une viande cuite devant le feu, comme le font bien les rôtisseurs. Ce qui permet de placer sous la viande une lèchefrite qui récupère les jus délicieux.

Combien de fois faudra-t-il répéter tout cela ? Et quand le public réservera-t-il son admiration pour des personnes qui en valent la peine ? Quand le service public audiovisuel sera-t-il enfin d'une qualité qui méritera nos impôts ?

samedi 4 avril 2020

Pour une recherche scientifique de qualité !

Quelle place pour la "santé" dans l'"alimentation" ?

Je n'oublie pas que j'ai fait la promesse de ne plus parler de nutrition ni de toxicologie, mais cela ne doit pas m'empêcher  de dénoncer des absurdités qui engagent nos collectivités, et, mieux, de promouvoir des activités qui le méritent. Ici, je veux dénoncer une certaine morale diététique qui  est infondée, et je veux absolument promouvoir des travaux scientifiques et techniques, sans lesquels nous ne pourrons jamais avoir de bon guide diététique.

A la base, je propose cette  évidence : nous ne devons pas nous empoisonner quand nous mangeons. Simple ? Pas certain, car on peut  s’empoisonner à court terme ou à long terme, et, évidement, la connaissance des effets à long terme sont plus difficiles à obtenir que la connaissance des effets à court terme. Ainsi, il n'y a pas besoin de mille expériences coûteuses pour voir l'effet de l’amanite phalloïde (et l'on évitera absolument de faire cette expériences), mais il a fallu des décennies de travaux pour arriver à identifier les effets cancérogènes de certaines plantes pourtant "recommandées" (on se demande sur la base de quoi !) par Hildegarde de Bingen au Moyen-Âge !
Bref,  il y a une épidémiologie nutritionnelle  ou toxicologique qui travaille bien (à côté d'une épidémiologie qui travaille mal, comme l'a dénoncé mon confrère Philippe Stoop ici : https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/1722020-n3af-2020-1-sante-et-alimentation-attention-aux-faux), et qui rend -lentement mais surement- des services, en vue d'applications ultérieures.
Et bien sûr, les politiques publiques ne peuvent être définies que sur des bases solides, par sur des la base de sentiments, d'intuitions, de prétentions...
Or la sphère politique est pressée de montrer aux électeurs qu'elle est utile. Elle profite souvent de n'importe quel événement pour se montrer, pour prendre des décisions, pour faire penser qu'elle est utile... quand bien même ces décisions sont mauvaises : le temps de la recherche scientifique n'est pas celui de la décision politique ! Et c'est ainsi que l'on nous a interdit le pain, puis qu'on nous l'a de nouveau conseillé. C'est ainsi que l'on nous a proposé dix fruits et légumes par jour, avant d'en conseillé cinq. C'est ainsi que, aujourd'hui, il y a cette dénonciation de certains aliments qui n'ont pas la bonne couleur sur un code idiot que l'Etat a pourtant accepté d'utiliser, oubliant que nous ne mangeons pas des aliments, mais une alimentation !

Bref, le politique prend hélas des décisions idiotes sur la base de données scientifiques insuffisantes. N'oublions pas de dénoncer publiquement les idées simplistes de régime méditerranéen, les concepts foireux d'aliments ultra-transformés, les prétentions... disons prétentieuses de l'action bénéfiques de certains composés, tels les polyphénols... Presque pour chaque cas, les propositons ont été réfutées... alors que nous ignorons toujours l'effet à long terme des petites doses de mycotoxines, par exemple. On prône le "bio" qui n'a pas fait ses preuves scientifiques, alors que nous ignorons encore comment se constitue un simple bouillon de carottes ! Et certains hygiénistes ou  nutritionnistes, ou diététiciens, ou toxicologues de chercher à se donner de l'importance, telles des grenouilles qui veulent devenir plus grosses que des boeufs !
Décidément, il y a lieu de ne pas mettre la charrue avant les bœufs, et il faut commencer par produire des données fiables avant d'intervenir, avant de proposer d'intervenir. Avant de payer des sommes considérables à la communications nutritionnelle, l'Etat ferait mieux de les donner à une recherche scientifique de qualité, pour que nous puissions ensuite bâtir les programmes efficaces qui seront rendus possibles par des données fiables.

Même pour le court terme, la question est difficile, car les composés n'ont pas une action unique sur l'organisme, et n'agissent pas non plus de la même façon sur tous les organismes. Pour prendre un exemple un peu éloigné de l'alimentation (on voit mieux a paille dans l'oeil du voisin que la poutre dans son propre oeil), je propose de considérer la question des médicaments anticancéreux, et, notamment, de ceux que l'on administre contre le cancer du sein.
Il faut d'abord dire que ces médicament s'imposent, car l'alternative est simple : soit le cancer se développe, soit il est tenu en arrêt par le traitement. Bien sûr,  ce dernier a des effets secondaires. Et bien sûr, il faut absosulment chercher à limiter ces effets, mais pour un état donnée de la connaissance scientifque et technique, il faut faire avec ce que nous savons, pragmatiquement, et supporter des effets secondaires qui évitent un plus grand mal.
Sans perdre de temps : la recherche doit évidemment continuer de travailler. Et pour ce cas du cancer du sein, il y a eu un épisode bien triste, il y a queques années : des laboratoires pharmaceutiques ont eu cette merveilleuse idée d'observer que les mêmes  médicaments antitumoraux avaient parfois une action bénéfique sur le sein, mais délétère sur les ovaires, en raisons de récepteurs différents dans les deux tisuss. Est alors apparu le concept de SERM, médicaments d'une sorte nouvelle qui visaient à avoir une action bénéfique sur les deux tissus. Hélas, alors que les effets étaient localement ceux que l'on voulait, il n'y a pas eu les résultats escomptés sur la maladie, en termes statistiques.

On le voit, la question est difficile, parce que les systèmes considérés sont complexes. Et cela devrait suffire à rabattre le caquet des Messieurs et Dames qui savent tout pour notre bien. Pour la maladie comme pour  l'alimentation.
Car là aussi les exemples ne manquent pas : tel polyphénol peut être bénéfique d'un certain point de vue et délétère d'un autre. Tel composé est plus ou moins nocifs qu'on l'imagine. La question de la toxicologie n'est  pas une question simple, et  c'est en raison de cette observation que, en l'état des connaissances, il y a sans doute lieu de considérer que la règle nutritionnelle est de manger de tout, en petites quantités, et de faire de l'exercice. Les panacées, et même les solutions simples (on devrait dire simplistes) sont l'apanage de malhonnêtes ou des ignorants, que l'on ne doit ni suivre ni écouter. Le message est clair pour les pouvoirs publics : sauf à être démagogue, on ne doit pas écouter le chant des sirènes, et l'on doit investir dans la recherche scientifique et technologique.

Tout cela étant dit, nous pouvons revenir à notre question de la place de la santé dans l'alimentation. Bien sûr, on voudrait que l'alimentation contribue à la santé, mais on voit que les temps ne sont pas mûrs. On voit aussi que, en 2050, il faudra nourrir 10 milliards d'invidivus, alors qu'on ne sait le faire que pour 6 milliards. Il y a donc lieu de considiérer le plus urgent, et de se préparer efficacement ; ne perdons pas de temps inutilement avec des questions sanitaires qui ne sont pas prêtes  et posons nous la question principale.

Surtout, promouvons la recherche scientifique de qualité !

jeudi 1 août 2019

Heureux de vous transmettre une lettre importante, à propos de contenu nutritif des aliments

 Je suis heureux de publier ici un texte de Léon Guéguen, qui figure d'ailleurs aussi sur le site de l'Académie d'agriculture de France à :
https://www.academie-agriculture.fr/publications/articles/retour-sur-cash-investigation-fruits-et-legumes-france-2-18-juin-2019


Retour sur Cash Investigation « fruits et légumes »
(France 2, 18 juin 2019)

Avant l’émission


En automne 2016, j’avais été scandalisé par un documentaire diffusé sur France 5 déclarant que « Au cours des 50 dernières années les aliments ont perdu jusqu’à 75 % de leur valeur nutritive…et il faut 100 pommes actuelles pour le même apport de vitamine C qu’une seule pomme ancienne, et 20 oranges au lieu d’une pour l’apport de vitamine A ».D’autres exemples étaient cités montrant que la plupart des aliments s’étaient « vidés de leurs micronutriments ». Largement reprise par les médias, cette déclaration était un véritable cri d’alarme en faveur du  « c’était mieux avant ».

J’ai donc eu l’idée de comparer, pour les aliments les plus courants, les valeurs des tables récentes de composition (Ciqual-Anses, 2016) avec celles des tables anciennes de Randoin et al. L’édition de 1947 existait dans les archives de l’Académie d’agriculture et celle, plus complète et actualisée, de 1981 m’a été vendue (sur Amazon) par une librairie de vieux livres. J’avais donc procédé à cette comparaison qui avait fait l’objet d’une tribune publiée en 2017 dans la Revue de l’Académie d’Agriculture puis, sous un format plus condensé, dans Sciences et pseudo-sciences.

Plus tard (date non mémorisée), j’ai été sollicité par une personne ayant lu mon article et qui, semblant de bonne foi, se déclarait intéressée par des comparaisons sur des espèces ne figurant pas dans mon tableau et me demandant de lui prêter les tables de 1981. J’ai perdu le souvenir de cette transaction (demande téléphonique sans trace écrite), mais je lui ai expédié ce document par courrier postal. J’ignorais totalement que cette personne travaillait pour la société de production de Cash Investigation. L’aurais-je su que, par souci de transparence (ou naïveté ?), j’aurais quand même prêté ces tables (qui ne m’ont toujours pas été restituées). Les ayant déjà exploitées pour mon article, je les avais perdues de vue et je ne me suis pas ensuite inquiété de leur « disparition ».

L’émission

Dès le début du documentaire, trois affirmations sont fausses, mensongères ou déloyales :

1) Dans une courte séquence d’une minute en début d’émission, sur trois heures d’un tournage-prétexte dans la bibliothèque de l’Académie d’agriculture, la réalisatrice faisait semblant de découvrir une « pépite », alors qu’il s’agissait de mon exemplaire de 1981 des tables de composition…qu’elle possédait déjà depuis longtemps et qui lui avait servi à établir son grand tableau comparatif sur 70 espèces de fruits et légumes. La présence des tables de 1947 dans les archives de l’Académie avait été signalée à la fin de ma tribune, mais pas celles de 1981 qui on servi à faire les comparaisons.

2) Il est dit qu’ils auraient eu « l’idée simple » de comparer les tables anciennes et récentes de composition des aliments…alors que j’avais eu cette idée près de 3 ans plus tôt et qu’il s’agissait de l’objet de mon article publié en 2017 et connu de la réalisatrice.

3) Il est déclaré que «En France, nous n’avons trouvé aucun scientifique pour nous parler de cette baisse des teneurs… », alors qu’elle connaissait au moins un ! Il faut surtout comprendre que mes conclusions, plus critiques et nuancées, ne lui convenaient pas…

Pourquoi l’origine de ce prêt de document ancien et ma tribune sur ce sujet n’ont-elles pas été évoquées dans le documentaire ? Selon la réalisatrice, mon article ne portait que sur un nombre limité de fruits et légumes (ce qui est exact), concernait aussi des céréales, le lait et l’œuf et ne visait pas que les minéraux et vitamines, mais aussi les protéines, les lipides et les glucides. Curieux motif de rejet ! De plus, contrairement à leur étude, j’ai présenté des données par espèce végétale, tandis qu’ils ont fait des moyennes de 70 espèces dans le but de montrer des « tendances » d’évolution des teneurs. Pour cette raison, mes conclusions seraient « biaisées », voire « partisanes » (?). En revanche, leur méthode aurait été « validée » par David Davis, de l’université du Texas, auteur d’une revue de synthèse sur ce sujet que j’avais citée dans mon article. A noter que « l’effet de dilution » qu’il constate ne conduit qu’à des diminutions de 10 à 20 % des teneurs en quelques micronutriments, avec d’énormes écarts-types limitant leur signification statistique, ce qui est bien loin du « grave déclin » proclamé ! Ces baisses de teneurs sont bien plus faibles que celles constatées sur les 70 espèces traitées dans le reportage, dont seulement trois sont annoncées à l’antenne : baisses moyennes de 16 % pour le calcium, de 26 % pour la vitamine C et de 48 % pour le fer. Et les autres micro-nutriments ? Pourquoi ne sont-ils pas évoqués !

En fait, dans l’émission, il n’est pas seulement question de moyennes mais aussi d’exemples précis et répétés destinés à frapper l’opinion : perte de 26 % du calcium et de 31 % de la vitamine C du haricot vert, perte de 59 % de la vitamine C de la tomate…mais, évidemment, aucun exemple d’augmentation des teneurs n’a été cité. Et pourtant, en ne considérant que les espèces végétales de mon tableau, si plusieurs diminutions de teneurs ont aussi été constatées (sans que cela soulève un cri d’alarme pour notre nutrition), de nombreux cas de gains de nutriments ont aussi été constatés. En voici des exemples :

Pomme de terre : +27 % de vitamine C
Poireau : +50 % de fer et +70 % de beta-carotène
Chou : +38 % de calcium et +40 % de fer (intéressant car le chou est l’une des principales sources végétales de calcium)
Haricot vert : +67 % de zinc
Carotte : +38 % de beta-carotène
Pomme : +30 % de magnésium et +50 % de zinc

De tels exemples existent certainement aussi dans le grand tableau furtivement présenté dans l’émission (que je n’ai pas pu me procurer malgré ma demande réitérée) et Elise Lucet aurait aussi pu le dire (n’est-ce pas du cherry-picking ?). Quant à la “déconfiture” observée pour le fer dans certains fruits, elle est simplement due au fait qu’ils ne contiennent pratiquement pas de fer et que ces très faibles valeurs, même avec des pertes apparentes pouvant atteindre 75 %, sont sans signification pratique.

Selon la réalisatrice, le plus important n’est pas de constater des variations pour les espèces individuellement, mais de montrer des tendances sur des moyennes de 70 fruits et légumes, tous dans le même panier. Or cette méthode est pour le moins critiquable et trompeuse quand on raisonne, sans aucune pondération en fonction des teneurs absolues, sur des moyennes de pourcentages de diminutions dont certaines sont énormes, peu fiables et sans intérêt nutritionnel lorsque les teneurs absolues sont très faibles (cas du calcium de la pomme, du fer des fruits…). Les pourcentages moyens de variations sont alors artificiellement gonflés, sans que cela présente un quelconque intérêt pour le nutritionniste. En effet, ce qui importe pour la nutrition c’est l’évolution des teneurs dans les aliments qui sont des sources significatives de micronutriments, par exemple le chou pour le calcium ou la pomme de terre pour la vitamine C, mais pas celle du fer dans des fruits qui n’en contiennent pratiquement pas. De même, il importe peu au producteur de chou ou de pomme de terre de savoir que les teneurs moyennes pour les 70 espèces ont baissé de 16 % pour le calcium et de 26 % pour la vitamine C, mais que ces teneurs ont augmenté de 38 % pour le calcium dans le chou et de 27 % pour la vitamine C dans la pomme de terre.
Alors, quelles sont les conclusions « biaisées » ?

Quoi qu’il en soit, et comme j’ai pris la précaution de le préciser dans mon article, ces comparaisons des tables doivent être faites avec un bon sens critique et beaucoup de réserves. Toutes les valeurs fournies sont affectées d’un gros écart-type, même si celui-ci n’est pas indiqué dans les tables anciennes dont les valeurs sont souvent sujettes à caution. Mettre l’accent sur quelques différences qui semblent importantes (surtout quand elles sont exprimées en pourcentages) n’a pas grande signification.

Conclusion


Non, nos fruits et légumes n’ont pas été au fil du temps « vidés d’une bonne partie de leurs nutriments » ! Quelle que soit la méthode utilisée pour évaluer cette évolution depuis 60 ans, la bonne (celle de Cash, bien sûr !) ou la plus mauvaise (la mienne !), on peut constater une tendance moyenne à la baisse des teneurs en quelques micronutriments dans certains fruits ou légumes, probablement due à un certain effet de dilution pour des variétés à plus gros rendement et à plus forte vitesse de croissance, parfois pour des fruits récoltés avant maturité complète. Cependant, non seulement ces baisses moyennes ne sont pas dramatiques mais elles ne traduisent pas le fait que certaines espèces sont maintenant plus riches en certains minéraux, oligoéléments ou vitamines, ce que le reportage se garde bien de signaler.

Une très bonne synthèse des connaissances sur ce sujet, plus complète que la revue de D. Davis, a été rédigée en 2017 dans le mémoire de master de l’université libre de Bruxelles par Emilie de Riollet de Morteuil sous le titre : « Analyse de la réalité du déclin de la valeur micronutritionnelle de nos aliments de base depuis la Révolution Verte et recherche de ses causes». Ce mémoire, qui cite mon article, n’est pas connu de l’équipe de Cash. Ses conclusions sont en bon accord avec les nôtres, ce qui est réconfortant…

Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas d’un « grave déclin » des teneurs en micronutriments des fruits et légumes dont l’impact nutritionnel, dans le cadre d’un régime alimentaire global, serait significatif.

 Et halte à la course à l’audimat par des émissions anxiogènes sur la nutrition, alors que notre alimentation n’a jamais été aussi diversifiée, aussi saine et aussi accessible au plus grand nombre !

Léon Guéguen
Directeur de recherches honoraire INRA et membre émérite de l'Académie d’Agriculture de France



On aura compris que Cash Investigation est pris en flagrant délit de malhonnêteté ! Quelle honte pour le service public.

samedi 11 mai 2019

Méfions-nous de nos ignorances... et de l'information qui nous est donnée !



Il y a des raisons d'être optimiste : alors que des idéologues jouent les marchands de cauchemars, jusque dans une presse qui devrait être de service public, on voit des esprits raisonnables s'élever contre les mensonges délivrés publiquement. Cela fait chaud au coeur d'être dans une communauté rationnelle !
Mais il est encore plus merveilleux de voir des collègues plus jeunes se lancer dans le salutaire combat de la Raison : tout n'est pas perdu, bien au contraire.
Cette introduction générale pour partager avec mes amis un message reçu après une conférence que j'avais eue le plaisir de faire à l'Ecole de chimie de Rennes, par un étudiant de première année, et que je livre (avec son accord) :

Récemment, j'ai pu mener une petite expérience "sociale" sur quelques camarades de promo. Avec deux autres étudiants, nous devions préparer un exposé pour un cours d'anglais. Le hasard faisant que l'exposé allait se passer le 1er avril, j'ai proposé à ceux qui faisaient l'exposé avec moi de parler de science dans les médias.
Nous avons donc présenté à la classe trois sujets controversés dans les médias, en leur expliquant qu'au vu de la date particulière, nous allions leur présenter des arguments volontairement erronés, et qu'ils devraient les trouver pendant la présentation, puis nous les donner à la fin de celle-ci.
Nous avons donc présenté des arguments contre les vaccins, contre les ogm, et contre le glyphosate. Ce que la classe ignorait, c'est que l'intégralité des arguments que nous proposions étaient faux. A la fin, ils ont rebondi sur les vaccins et un peu sur les ogm, pensant avoir trouvé tous les pièges. Nous avons donc confirmé l'absence de risque pour les vaccins et les ogm sur la santé.
Je leur ai ensuite posé la question : "Qui savait, avant l'exposé, que le glyphosate donnait le cancer ?" (j'ai volontairement utilisé le verbe "savoir" pour qu'ils soient moins hésitants sur la réponse, le but étant de les interpeller sur leurs erreurs). Les trois quarts ont levé la main. Puis, j'ai repris et démonté tous les arguments que je leur avait auparavant présenté contre le glyphosate (j'ai simplement repris ceux d'Envoyé Spécial).
Ils furent très réceptifs et personne ne s'est offusqué, bien que quelques approfondissements furent demandés. Notre professeur d'anglais a alors très justement dit : "Si une classe de scientifiques comme celle-ci peut se construire un avis complètement erroné sur un sujet, simplement parce qu'ils ont été influencés par les médias qui se fichent des faits scientifiques, comment une personne normale a-t-elle la moindre chance de détecter des tromperies présentées comme scientifiques ?".
Cette question n'a probablement pas de réponse, mais peut-être qu'il existe des pistes pour résoudre le problème qu'elle soulève : comment rendre les gens moins crédules face à tout ce qui les choque dans les médias, et comment leur (re)donner confiance en la science ?"


Ce message est d'autant plus réconfortant que, lorsque j'étais à l'Ecole de chimie de Rennes, une classe de lycéens de Concarneau avait été récompensée pour un travail montrant qu'il n'existait pas de lien entre vaccination et autisme : merveilleux professeurs que ceux qui avaient encadré les élèves !

vendredi 10 mai 2019

Florilège d'inepties. Je me réserve d'en ajouter

Le bio est bon pour la santé : rien que cette généralisation est idiote, ou ignorante, ou malhonnête, selon les personnes qui la profèrent.. Mais je veux surtout rappeler ici que le bio n'est pas un critère de qualité ; c'est seulement un cahier des charges et que cultiver bio maladroitement peut conduire à faire des fruits et légumes malsains.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai toujours affiché un intérêt pour l'agriculture raisonnée : quand on raisonne, on fait mieux que quand agit comme un automate idiot.


Les vaccins provoquent l'autisme : rien que cette généralisation est idiote, ou ignorante, ou malhonnête, selon les personnes qui la profèrent. On rappellera que la relation prétendue entre vaccination et autisme a été très soigneusement étudiée, et qu'il a été établi qu'elle était fausse. Elle avait été avancée au début des années 1990 par un article frauduleux publié par le Lancet, article qui fut caractérisé comme "sans doute la plus dommageable des fraudes médicales des 100 dernières années". Cet article scandaleux fut publié par le médecin  (il ne mérite pas ce titre), rétracté en 2010... mais il  reste cité par des  anti-vaccinistes.
Terminons en donnant des informations attestées :

Le 28 janvier 2010, un tribunal de 5 membres de l'Ordre anglais des médecins (GMC) prouva la véracité de plus d'une trentaine des inculpations contre Wakefield, parmi lesquelles quatre inculpations pour « malhonnêteté », et douze pour abus contre enfants victimes de troubles du développement. Le tribunal a jugé que Wakefield a « failli à son devoir de consultant responsable », a agi contre l'intérêt de ses patients, « malhonnêtement et de manière non responsable » lors de son étude. The Lancet rétracta immédiatement et complètement la publication de l'étude de 1998 de Wakefield sur la base des résultats de l'enquête du GMC, notant que des éléments du manuscrit furent falsifiés. Wakefield fut radié du registre médical (c'est-à-dire renvoyé de l'Ordre des médecins) en mai 2010 et n'est plus autorisé à exercer la médecine au Royaume-Uni.
En janvier 2011, un article de Brian Deer publié dans le British Medical Journal identifia les travaux de Wakefield comme une « fraude élaborée ». Dans un article faisant suite à ce dernier, Deer affirme que Wakefield prévoyait de lancer une entreprise s'appuyant sur une campagne de propagande anti-vaccins. Un prospectus pour les investisseurs potentiels dans l'entreprise de Wakefield suggérait qu'un test de dépistage pour la maladie que Wakefield voulait appeler « entérocolite autistique » pouvait produire jusqu'à 28 millions de Livres Sterling de revenus (plus de 32 millions d'euros), avec des tests de dépistages effectués dans le cas de litiges entre patients et médecins comme marché initial, aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Cependant, entretemps, l'étude de Wakefield ainsi que les recommandations publiques contre l'utilisation du vaccin combiné ROR furent liées à un fort déclin des taux de vaccinations au Royaume-Uni ainsi qu'à une augmentation des cas de rougeoles y correspondant, le tout résultant en de sérieux troubles de la santé ainsi que plusieurs décès.



Les OGM provoquent des cancers : rien que cette généralisation est idiote, ou ignorante, ou malhonnête, selon les personnes qui la profèrent. D'autre part on rappellera que des milliards d'êtres humains dans le monde mangent depuis des décennies les fruits et légumes OGM, et en souffrent si peu parce que la population mondiale ne cesse d'augmenter !


Les additifs sont mauvais pour la santé : rien que cette généralisation est idiote, ou ignorante, ou malhonnête, selon les personnes qui la profèrent. On voudrait bien laisser des imbéciles ou  ignorants continuer à avoir de telles idées, mais il y a le risque qu'ils influencent des âmes qui ne sont pas gauchies, et que  cela conduise à des décisions collectives coûteuse, et nous pâtirons  nous-mêmes, qui sommes (hélas) dans la même collectivité que ces individus pernicieux. Il y a donc lieu de combattre les idées fausses et irrationnelles.


Il y a des risques à consommer des aliments qui contiennent des additifs : là, c'est particulièrement ineptes... parce que c'est juste, mais, surtout, parce qu'il y a la confusion entre danger et risque.
Par exemple, un couteau est dangereux, à savoir qu'il peut tuer. La vraie question n'est donc pas le danger, mais le risque, à savoir que si l'on veut éviter des accidents, il vaut mieux ranger le couteau dans un tiroir que de se le suspendre au dessus de la tête par un fil de soie !
De même, pour tous les composés de notre alimentation, jusqu'à l'eau. Par exemple, un consommation excessive d'eau peut provoquer de graves troubles. Et chaque composé de notre alimentation est "dangereux" à des degrés divers. Par exemple, le sucre est cariogène... mais il y en a (du "saccharose") dans tous les tissus végétaux, d'où la saveur douce des carottes, oignons, etc. Ou l'acide acétique glacial (cela signfie "pur") est très acide... mais on serait idiot d'en consommer pur, et, en dilution, on peut faire des solutions moins acides que du jus de citron ou que des framboises.
Mais c'est là un gros sujet, et je renvoie à mille billets précédents.


La nature est bonne : ben voyons,  le lion, la peste, le choléra, la foudre sont notoirement connus pour être favorable à la vie humaine.


Vins ou aliments "naturels" : c'est mensonger, car est naturel ce qui n'a pas l'objet d'une transformation par l'être humain. Tout aliment est artificiel, et idem pour le vin. En revanche, on peut parler de yaourt nature, de vin nature, à la limite.


Aliments ultratransformés : notion idiote ou malhonnête, ou idéologique (une idéologie qui conduit à mentir est donc malhonnête), comme nous l'avons montré dans une séance de l'Académie d'agriculture de France. Voir : https://www.academie-agriculture.fr/actualites/academie/seance/academie/des-matieres-premieres-agricoles-aux-aliments-quel-impact-des?020518



dimanche 28 avril 2019

A propos d'acide citrique

Parfois, il n'est pas utile d'ajouter grand chose à Wikipedia :




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Tract de Villejuif
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Une version du « tract de Villejuif »

Le tract de Villejuif est une liste fantaisiste, prétendument publiée par l'« hôpital de Villejuif » en France, et signalant faussement comme cancérigènes un certain nombre d'additifs alimentaires, tout particulièrement E330 (acide citrique). Elle a d'abord circulé sous forme de photocopies dans les années 1970. Bien que l'hôpital de Villejuif (l'Institut Gustave-Roussy, de son vrai nom) ait démenti à plusieurs reprises1 être à l'origine de ce document, cette légende urbaine se remet parfois à circuler épisodiquement, y compris de nos jours par propagation électronique2.
Historique

En juin 1975, les listes de la première nomenclature unifiée des additifs alimentaires pour les pays de la CEE sont publiées au Journal officiel. Les additifs y sont classés à l'aide d'un code « E plus trois chiffres ». En décembre, le magazine français Science et vie publie un tableau résumant et commentant cette codification, et classant 29 additifs comme « suspects » ou « dangereux3 ». L'acide citrique (E330) est présenté comme « suspect ».

En 1975, la CEE interdit aussi l'utilisation de neuf colorants alimentaires, mais suspend cette interdiction pour un an. Plusieurs organisations de consommateurs protestent et, au début de 1976, organisent un boycott de tous les colorants. En avril, le numéro de Que choisir est intitulé « Boycottez les colorants », et le magazine publie une liste de 107 colorants, en présentant 70 comme dangereux ou suspects3. L'acide citrique est à nouveau présenté comme « suspect. »
Une des premières versions, mentionnant Science et vie

Le premier exemplaire connu du tract a été publié en février 1976 en France, sous forme d'une page dactylographiée. Son auteur est inconnu. Il fait référence à l'article de Science et vie, mais pas encore à l'hôpital de Villejuif. Il classe les additifs alimentaires en « cancérigène », « suspect », ou « inoffensif ». Des versions successives indiquent « distribué à l'hôpital de Villejuif », « distribué par l'hôpital de Villejuif » et enfin « L'hôpital de Villejuif informe3... » Des détails fantaisistes sur les effets des additifs apparaissent, ainsi que des noms de marques à éviter. Lors d'un sondage de 150 ménagères, 19 % indiquent qu'elles ont arrêté d'acheter les marques en question, et 69 % envisagent de le faire4.

Des copies circulent à travers l'Europe pendant une décennie, sous la forme d'un tract ou d'un pamphlet, transmis entre amis ou collègues, citant outre l'acide citrique neuf autres additifs et une liste de produits décrits comme toxiques et cancérigènes5,6. La Grande-Bretagne est touchée en 1984, et le Danemark en 1989. En 1990, une version allemande du texte est diffusée parmi le personnel de la Commission européenne à Bruxelles3.

D'après Jean-Noël Kapferer, le tract attire l'attention d'experts lors de sa diffusion, qui le considèrent aussitôt comme suspect, en raison de la description incorrecte de l'E330 comme toxique cancérigène « le plus dangereux6 ». Mais les démentis officiels n'entravent pas sa diffusion7.

Le tract circule toujours en France en 2018 au travers des réseaux sociaux. Le 11 février 2018, le député MoDem du Loiret, Richard Ramos, invité par la chaîne de télévision France 5 à l’émission C Politique, brandissait encore une copie du tract pour étayer son réquisitoire véhément contre la grande distribution, en dénonçant la présence de l’additif E330 dans plusieurs échantillons qu’il avait apportés sur le plateau, sans mentionner et apparemment sans savoir qu’il s’agissait de l’acide citrique, et sans être contredit sur ce point par les invités et journalistes présents sur le plateau8.
Liste des éléments

Plusieurs versions de cette liste ont circulé, et les éléments varient entre le statut de suspect à dangereux selon les versions. La liste actuelle a été incluse dans au moins plusieurs versions9,10 :

    Toxique: E102, E110, E120, E123, E124, E127, E211, E220, E225, E230, E239, E250, E251, E252, E311, E312, E320, E321, E330 (Acide citrique, listé en tant que "très dangereux"), E407, E450
    Suspect: E125, E131, E141 , E142, E150, E153, E171, E172, E173 (Aluminium), E210, E212, E213, E214/E215, E216/E217, E221, E222, E223, E224, E226, E231, E232, E233, E240, E338, E339, E340, E341, E460 (Cellulose), E461, E462, E463, E464, E465, E466

Références

    ↑ Voir communiqué de l'IGR : http://www.igr.fr/?p_id=12 [archive]
    ↑ Florian Gouthière, Santé, science, doit-on tout gober ?, Paris, éditions Belin, novembre 2017 (ISBN 2410009301), chapitre 11.
    ↑ a b c et d Véronique Campion-Vincent et Jean-Bruno Renard, Légendes urbaines - rumeurs d'aujourd'hui, documents Payot, (ISBN 2-228-88604-1), pages 264-267
    ↑ Anthony Pratkanis, Elliot Aronson, Age of propaganda: the everyday use and abuse of persuasion, Mcmillan, 2001, (ISBN 0-8050-7403-1), pages 111-112
    ↑ (en) J. N. Kapferer, « A Mass Poisoning Rumor in Europe », Public Opinion Quarterly, Oxford University Press on behalf of the American Association for Public Opinion Research, vol. 53, no 4,‎ winter, 1989, p. 467–481 (DOI 10.1086/269167, lire en ligne [archive])
    ↑ a et b (en) Jean-Noël Kapferer, Rumors: uses, interpretations, and images, New Brunswick (U, Transaction Publishers, 1990 (ISBN 978-0-88738-325-0, LCCN 89020413, lire en ligne [archive]), p. 35
    ↑ « Le retour du « tract de Villejuif » sur le Web » [archive], sur INC 60 millions de consommateurs, 25 février 2011
    ↑ Un député MoDem relaie en direct une fake news sur un additif «cancérigène» [archive], Le Parisien, 12 février 2018.
    ↑ https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Tract_de_Villejuif_1.jpg
    ↑ http://penserclasser.files.wordpress.com/2011/02/capture-d_c3a9cran-2011-02-21-c3a0-16-26-50.png [archive]

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samedi 8 décembre 2018

A propos de vitamine : méfions-nous quand même

Je ne m'exprime pas, ici, mais je donne à mes amis des idées peut-être plus juste que celles qu'ils avaient peut-être.

C'est un des passages très intéressants d'un article scientifique dont la référence est Mol. Nutr. Food Res. 2005, 49, 131 – 158. DOI 10.1002/mnfr.200400078
Review : Molecular mechanisms of toxicity of important food-borne phytotoxins
Ivonne M. C. M. Rietjens 1 , Martijn J. Martena 2 , Marelle G. Boersma 1 , Wim Spiegelenberg 2 and Gerrit M. Alink 1

Dans le début de l'article, je vois des composés cancérogènes dans des consoudes ou d'autres plantes du même genre, par exemple, ce qui devrait pousser nos amis "cuisiniers herboristes", parfois mal conseillés, et en tout cas pas guidés par la tradition, à beaucoup de prudence.
Puis, je trouve un paragraphe sur le carotène bêta, présent dans les carottes :

"Dans les pays industrialisés, les fruits et les légumes apportent 1,7 à 3 mg/jour de caroténoïdes pro-vitamine A, avec le carotène bêta comme principal constituant  [35]. Les caroténoïdes, le type bêta et les autres, possèdent  des capacités antioxydantes et de capture des radicaux libres [36 – 39]. Toutefois des expérimentation avec le carotène bêta ont mis en évidence le meilleur exemple d'un risque inattendu lié à des quantités excessives de composés bioactifs des plantes. 
Ainsi, des des études d'épidémiologie observationnelles avaient indiqué que les régime riches en fruits et légumes riches en carotenoïdes, ainsi que des taux sériques élevés de carotène bêta sont associés à risque réduit de cancer du poumon [40 – 42]. Sur la base de ces observations, des tests interventionnels ont été effectués sur des volontaires sains, incluant des fumeurs, qui ont donc reçu des compléments alimentaires leur apportant du carotène bêta [43, 44]. On a alors observé non pas une diminution de l'incidence du cancer du poumon, mais une augmentation, chez les groupes de fumeurs. 
Et, de même, cet effet promoteur, plutôt que protecteur, a été observé chez des ouvriers exposés à de l'amiante  [43].
Plus récemment Baron et al. [45] ont observé un risque accru de cancer du colon chez les fumeurs de cigarette qui consommaient beaucoup de carotène  bêta."


Et voilà. Cela se passe de commentaires, n'est-ce pas ?

mercredi 31 octobre 2018

Bio et cancer

Ce jour, j'ai diffusé les commentaires de deux confrères de l'Académie d'agriculture de France à propos d'un article scientifique dont on a dit fautivement qu'il établissait que les aliments bio auraient réduit les risque de cancer.
On verra ici https://www.academie-agriculture.fr/publications/publications-academie/points-de-vue/non-il-nest-pas-etabli-que-les-aliments-bio que l'article scientifique initial n'établit pas cela, et l'on s'interrogera même sur les compétences des auteurs, tant les biais méthodologiques sont importants.
Il faut le redire : il y a beaucoup d'idéologie et de mauvaise science derrière tout cela, et je suis très reconnaissant à mes deux confrères d'avoir pris le soin de relever les erreurs (fautes ?) dans l'article et dans ses interprétations.

dimanche 28 octobre 2018

Bio et cancer ? Certains journalistes sont irresponsables, et certains politiques aussi

On lit dans  The Guardian, sous la plus de Gideon Meyerowitz-Katz  :

Don't believe the hype, organic food doesn't prevent cancer  : ce qui signifie "ne gobez pas n'importe quoi, les aliments bio ne préviennent pas le cancer.

Puis : Alarmist fearmongering over the scary chemicals in your food is all the rage, the reality is far more humdrum, ce qui signifie que les alertes sont les affreux produits chimiques de son aliments font rage, mais la réalité est bien autre.
Pour le reste, l'article que je vous laisse ici en anglais (utiliser la fonction traduction de Google par exemple) dit en substance que l'article publié par quelques nutritionnistes français n'établit certainement pas ce qui a été dit par une certaine presse française :

Pesticide-free, with no genetic modifications, organic food must be better for our health. Photograph: alexialex/Getty Images/iStockphoto
One of the most enduring health fads of the last decades has been the organic movement. Maybe it’s because we are all terrified of chemicals, or perhaps the marketing has just done its job; either way, virtually every wellness pitch these days comes with the same advice:
“Eat organic. It’s better for your health.”
In our modern world, the idea rings so true. Pesticide-free, with no genetic modifications, organic food must be better for our health.
And a new story has popped up across the world that seems to support this idea. Media everywhere is reporting that eating organic is not just good for the planet, it can prevent cancer as well.
But while alarmist fearmongering over the scary chemicals in your food is all the rage, the reality is far more humdrum. It turns out that organics probably don’t prevent cancer after all.
The current noise in the media is over a large epidemiological study that looked at French adults and their eating habits. The researchers asked a group of 70,000 people what they ate, and then followed them up a number of years later. They then grouped people together according to how much organic food they ate, and compared the risk of getting cancer across groups.
They found that people who scored highest on their organic food eating scale, after controlling for potential confounding variables, were also less likely to get cancer. There were also protective effects on some specific cancers — postmenopausal breast and lymphoma — although this was not true for prostate, colorectal, skin, or premenopausal breast cancer.
But overall — organics stopped people getting cancer! Good news for organic eaters, surely?
Sadly, that’s not the end of the story.
At the outset, I should say that this was one of the best epidemiological trials I’ve seen in a while. The analysis was brilliant, the subject very interesting, and while I don’t think it means very much at all, it’s still a well done piece of science.
There were lots of major limitations of this study. For anyone who actually read the paper, they were mostly acknowledged by the authors.
1. The measure of organic food intake wasn’t great, as it was based on a very simplistic questionnaire. This makes it very hard to know if this study accurately represents the intakes of organic foods, particularly as it directly contradicts other research.
2. Residual confounding is a huge issue in studies like this – the authors controlled for the variables they know about, but there’s a good chance that there are additional things that may have influenced the results.
3. People who ate organic foods were much healthier than those who didn’t. The group with the highest organic food intake scored better on every other measure of health (smoking, weight, heart disease etc) than those who ate the least, making residual confounding much more likely.
4. The study is hard to generalize, as the participants were mostly affluent French women, who aren’t really representative of the world in general.
5. The absolute risk difference was very small. While those who ate the most organics were 25% less likely to get cancer, this actually equated to an absolute risk reduction of about 0.5% (cancer is relatively rare, read more about absolute vs relative risk here).
6. The results did not hold true for men, younger adults, less educated people, people who never smoked or smoke currently, or (and this one is important), those with a high overall dietary quality.
Advertisement which brings us to the really interesting question.
What does this study mean (to you)?
It’s always hard to tell what scientific studies actually mean to you, because they aren’t really written with the average person in mind. That being said, there’s a good general rule when it comes to large epidemiological studies that I always advocate:
Don’t worry about epidemiology, it means very little to your life.
This study is a good example. Even if we ignore the many limitations, switching most of your diet to organic, at huge cost, for the rest of your life, to potentially reduce your risk of cancer by less than 1% is a bit of a big ask. You would get much more out of exercising for 30 minutes more a week, or cutting back on the booze, or quitting smoking, than by doubling the cost of your weekly shop.
But taking the limitations into account, it’s hard to take anything out from this study at all. If you are male, well-educated, or don’t smoke, there’s no reason to eat organic based on this study at all. In fact, the main group that eating organics seemed to help was postmenopausal French women, and while that is still an interesting finding it limits the applicability of this study to many people’s lives.
There are also previous studies in this area that have found entirely different results. One study of more than 600,000 people found that eating organic foods conferred no reduction in risk whatsoever, making this new study seem a bit less rosy.
There’s also not much evidence behind the theory that organics are healthier, particularly given that some of the concerns about conventional farming — GMOs are a great example — have been conclusively proven to be safe.
One final thing that is really important: if you looked just at those who had a high score for their dietary quality, organic food did nothing. No difference. It appears that, if you eat a balanced diet with lots of fresh fruit and veg, it doesn’t matter whether you opt for organics or conventionally-farmed foods.
Don’t believe the hype. Organic food doesn’t prevent cancer.
Gideon Meyerowitz-Katz is an epidemiologist working in chronic disease in Sydney’s west, with a particular focus on the social determinants that control our health.
Since you’re here…
… we have a small favour to ask. More people are reading The Guardian’s independent, investigative journalism than ever but advertising revenues across the media are falling fast. And unlike many news organisations, we haven’t put up a paywall – we want to keep our reporting as open as we can. So you can see why we need to ask for your help.
The Guardian is editorially independent, meaning we set our own agenda. Our journalism is free from commercial bias and not influenced by billionaire owners, politicians or shareholders. No one edits our editor. No one steers our opinion. This is important because it enables us to give a voice to the voiceless, challenge the powerful and hold them to account. It’s what makes us different to so many others in the media, at a time when factual, honest reporting is critical.


Tout y est juste, y compris les quelques lignes de préambule sur le fait que c’est une excellente étude sur le plan méthodologique…et y compris le ton qui est factuel, non polémique et très clair, ce qui n’empêche pas une descente en flèche, cruelle dans son efficacité, du message du journal Le Monde, qui, lui a été sans aucune nuance, et donc parfaitement faux !
Comment s’assurer que les  journalistes français qui ont trompé leurs lecteurs  liront cet article du Guardian et prendront enfin les leçons de journalismes dont ils ont besoin ?

samedi 19 août 2017

Inédit

Souvent, la presse est marchande de peur : la pharmacie serait dangereuse, la médecine classique, les pesticides, les plastiques, les ondes, que sais-je ?

Mais là, c'est inédit : je vois une chaîne d'information qui relaye des mises en garde contre les marchands d'orviétan. Le chapeau de l'article est :

ÉTUDE SANTÉ - Les patients qui choisissent de recourir aux seuls remèdes alternatifs pour soigner des cancers fréquents ont jusqu'à cinq fois plus de risque de mourir que ceux qui optent pour des traitements classiques. Explications. 

Et le lien : http://www.lci.fr/sante/cancer-homeopathie-phytotherapie-naturopathie-attention-aux-medecines-alternatives-2061747.html

 Je ne résiste pas au plaisir de vous donner le premier paragraphe :


Le recours aux médecines alternatives, du type homéopathie, phytothérapie ou naturopathie, doit être surveillé. Les malades qui utilisent les seuls remèdes alternatifs pour soigner des cancers fréquents ont jusqu'à cinq fois plus de risque de mourir que ceux qui optent pour des traitements classiques, selon des chercheurs. Cette différence dans le risque de décès cinq ans après le diagnostic "a été la plus élevée pour le cancer du sein et du colon", a déclaré à l'AFP l'auteur principal de l'étude, Skyler Johnson de l'Université de Yale.

Et pour l'étude :

Use of Alternative Medicine for Cancer and Its Impact on Survival

JNCI: Journal of the National Cancer Institute, Volume 110, Issue 1, 1 January 2018, djx145, https://doi.org/10.1093/jnci/djx145



Champagne ! 

jeudi 10 novembre 2016

A propos de viande rouge et de charcuterie


Faut-il s’inquiéter lorsqu’un aliment se trouve soudain classé parmi les cancérogènes par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) ? Oui, mais raisonnablement.

L’annonce du CIRC avait fait grand bruit en octobre 2015. Comment la charcuterie pouvait-elle se retrouver au même niveau que l’ennemi numéro 1 de la santé publique qu’est le tabac ? Incompréhensible pour qui ne connaît pas les méthodes d’évaluation du
CIRC.

Trois jours après cette annonce controversée, l’OMS précisait dans un communiqué de presse que le classement du CIRC ne signifiait pas qu’il ne fallait plus manger de viande, mais simplement «que réduire la consommation de ces produits pouvait réduire le risque de cancer colorectal».
Pourtant, le mal était fait : un sondage Odoxa effectué pour Le Figaro quatre jours après l’annonce du CIRC révélait que 86% des Français en avaient entendu parler et que 13% envisageaient même de réduire leur consommation.

«Nos classements (groupe 1, 2a, 2b, 3...) n’indiquent pas le niveau de risque associé à un agent carcinogène, mais le niveau de preuve scientifique montrant qu’il est carcinogène»,
s’est défendu le Pr Dana Loomis, l’un des auteurs de la fameuse évaluation.
Le fait que le tabac ou la viande rouge se retrouvent tout en haut de l’échelle du CIRC (groupe 1) signifie simplement que le lien de causalité entre ces produits et le risque de cancer est scientifiquement des plus robustes.
En revanche, si l’on aborde la question par le nombre de morts, ce sont 34.000 décès par an dans le monde qui seraient imputables à une alimentation riche en viandes transformées et 50 000 à la viande rouge, alors qu’un million sont dus au tabac.

L’OMS précise que l’augmentation du risque de cancer colorectal (le principal cancer incriminé avec la viande) est de 18 % pour chaque portion quotidienne de 50 g de charcuterie et de 17 % pour chaque portion quotidienne de 100 g de viande rouge.
Le groupe de travail du CIRC qui s’est penché sur la viande, épluchant près de 2300 articles scientifiques publiés sur le sujet, a décortiqué les données chez l’homme, chez l’animal et, plus fondamentalement, sur les mécanismes de cancérisation. Il apparaît que les données chez l’homme sont jugées «limitées» pour la viande rouge, «ce qui signifie que le lien de causalité est crédible, mais que des biais statistiques ne sont pas complètement exclus». Les preuves sont néanmoins «suffisantes» pour établir un lien de causalité s’agissant de la charcuterie. À l’inverse, les mécanismes de cancérisation sont solidement établis pour la viande rouge, moins clairement pour la charcuterie. Les données des études animales ne permettent pas de trancher.

Conclusion: on peut continuer à manger de la viande rouge et de la charcuterie, mais avec modération… comme pour tous les autres aliments (c'est moi qui ajoute ce qui figure derrière les points de suspension)

jeudi 2 juin 2016

A méditer...

Si les gouvernements ne sont pas certains que le glyphosate est sans danger, les Européens ne devraient pas y être exposés, dit Bert Wander, directeur de campagne d'un collectif qui a recueilli 1,4 million de signatures contre l'utilisation du glyphosate. 





Ah bon ? Rappelons d'abord les  classifications du CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer)


Groupe 1 (cancérogène certain pour au moins une localisation)
118 substances
Groupe 2A (cancérogène probable)
75 substances
Groupe 2B (cancérogène possible)
288 substances
Groupe 3 (inclassable)
503 substances
Groupe 4 (probablement non cancérogène)
1 substance (caprolactame)
 
La catégorie « non cancérogène » n’existe pas… et les gouvernements ne sont donc pas près d’être « certains ».

Pour mémoire :
- la viande transformée et les boissons alcoolisées sont en groupe 1
- la viande rouge est en 2A
- le café en 2B. 


Alors ? 

vendredi 25 mars 2016

5. Êtes-vous brunch ou barbecue ?


Brunch :  je ne sais pas très bien ce que ça veut dire. Et puis, dois-je utiliser un mot anglais à la mode ? Contraction de breakfast, petit déjeuner, et lunch, déjeuner. Un petit déjeuner que l'on prendrait à midi ? Un déjeuner, donc. D'ailleurs, pourquoi le petit déjeuner  serait-il obligatoirement fait de café, jus d'orange, croissant ou tartines ? Pourquoi pas des mets plus engageants ?
Pour le barbecue,  je comprend mieux :  il s'agit de grillades. Et là, il peut y avoir  le meilleur comme le pire. Mettre la viande au-dessus du feu, c'est la charger de benzopyrènes  cancérogènes en grande quantité !

Oui, quand on fait un feu, même si l'on attend qu'il n'y ait plus que des braises, et pas de flammes, la viande se charge de benzopyrènes. Environ deux mille fois plus qu'il n'en est autorisé par la loi dans les produits fumés de l'industrie alimentaire. N'est pas inconséquent de critiquer les pesticides ou les additifs (sans bien connaître le dossier, en général) et, en même temps, de se bourrer des produits cancérogènes ?
D'ailleurs, il faut ajouter que même s'il n'y a que des braises, les benzopyrènes sont présents. Et, le pire, c'est que, généralement, quand on met la viande au-dessus des braises, la graisse qui fond tombe sur les braises, rallume le feu, et des flammes viennent lécher la viande, tandis que  des flammèches noires se déposent. Et l'on prétend manger sainement ? Au  Japon, où l'on entend uun discours hygiéniste au moins égal à celui des Français, j'ai  éclaté de rire en voyant, dans un restaurant de grillades, que l'on plaçait la viande wagyu sur  des briques incandescentes... et immédiatement, quand la graisse à fondu, des flammes d'un mètre de hauteur au beau milieu desquelles la viande grillait ! Ce n'est pas une critique du Japon : nous faisons de même en France tous les étés !
Surtout cela est le signe d'une grande ignorance  : les bons rôtisseurs ne mettent pas la viande sur le feu, mais devant le feu, ce qui évite des benzopyrènes et conduit à une viande bien grillée, croustillante. La cuisson se fait tout aussi bien : les rayonnements infrarouges se propagent dans toutes les directions.

C'est à dire partout : on devrait peut-être interdire les barbecues  les plus communs, ceux  où la viande est au-dessus du feu, et qui conduisent le public à s'empoisonner. Il y a un effort de santé publique à faire : on ne peut pas à la fois lutter contre les pesticides et s'intoxiquer avec les benzopyrènes cancérogènes.

dimanche 19 décembre 2010

Une publication à lire ou à relire

On ne saurait trop recommander la lecture de :
Dietary pesticides (99.99 all natural), par Bruce Ames, Margie Profet, Lois Swirksy Gold, Proc Natl Acad Sci USA, vol 87, pp. 7777-7781, October 1990

Je traduis le résumé :
L'importance toxicologique de l'exposition aux composés de synthèse est exploré dans le contexte des expositions aux composés naturels. Nous avons calculé que 99.99 % (en masse) des pesticides présents dans l'alimentation des Américains sont des composés produits par les plantes pour se défendre. Seuls 52 pesticides naturels ont été testés avec des modèles animaux, et environ la moitié (27) sont des carcinogènes des rongeurs ; ces 27 composés sont présents dans de nombreux aliments. Nous concluons que les composés naturels et synthétiques ont la même probabilité d'être cancérogènes, selon les tests. Nous conluons aussi que, aux faibles doses où ils se rencontrent chez l'homme, les risques des résidus de pesticides de synthèse sont insignifiants par rapport aux risques engendrés par les pesticides naturels.