Faut-il
s’inquiéter lorsqu’un aliment se trouve soudain classé parmi
les cancérogènes par le Centre international de recherche sur le
cancer (CIRC) ? Oui, mais raisonnablement.
L’annonce
du CIRC avait fait grand bruit en octobre 2015. Comment la
charcuterie pouvait-elle se retrouver au même niveau que l’ennemi
numéro 1 de la santé publique qu’est le tabac ? Incompréhensible
pour qui ne connaît pas les méthodes d’évaluation du
CIRC.
Trois
jours après cette annonce controversée, l’OMS précisait dans un
communiqué de presse que le classement du CIRC ne signifiait pas
qu’il ne fallait plus manger de viande, mais simplement «que
réduire la consommation de ces produits pouvait réduire le risque
de cancer colorectal».
Pourtant,
le mal était fait : un sondage Odoxa effectué pour Le Figaro
quatre jours après l’annonce du CIRC révélait que 86% des
Français en avaient entendu parler et que 13% envisageaient même de
réduire leur consommation.
«Nos
classements (groupe 1, 2a, 2b, 3...) n’indiquent pas le niveau de
risque associé à un agent carcinogène, mais le niveau de preuve
scientifique montrant qu’il est carcinogène»,
s’est
défendu le Pr Dana Loomis, l’un des auteurs de la fameuse
évaluation.
Le
fait que le tabac ou la viande rouge se retrouvent tout en haut de
l’échelle du CIRC (groupe 1) signifie simplement que le lien de
causalité entre ces produits et le risque de cancer est
scientifiquement des plus robustes.
En
revanche, si l’on aborde la question par le nombre de
morts, ce sont 34.000 décès par an dans le monde qui seraient
imputables à une alimentation riche en viandes transformées et 50
000 à la viande rouge, alors qu’un million sont dus au tabac.
L’OMS
précise que l’augmentation du risque de cancer colorectal (le
principal cancer incriminé avec la viande) est de 18 % pour chaque
portion quotidienne de 50 g de charcuterie et de 17 % pour
chaque portion quotidienne de 100 g de viande rouge.
Le
groupe de travail du CIRC qui s’est penché sur la viande,
épluchant près de 2300 articles scientifiques publiés sur le
sujet, a décortiqué les données chez l’homme, chez l’animal
et, plus fondamentalement, sur les mécanismes de cancérisation. Il
apparaît que les données chez l’homme sont jugées «limitées»
pour la viande rouge, «ce qui signifie que le lien de causalité
est crédible, mais que des biais statistiques ne sont pas
complètement exclus». Les preuves sont néanmoins «suffisantes»
pour établir un lien de causalité s’agissant de la charcuterie. À
l’inverse, les mécanismes de cancérisation sont solidement
établis pour la viande rouge, moins clairement pour la charcuterie.
Les données des études animales ne permettent pas de trancher.
Conclusion:
on peut continuer à manger de la viande rouge et de la charcuterie,
mais avec modération… comme pour tous les autres aliments (c'est
moi qui ajoute ce qui figure derrière les points de suspension)